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23/05/2024 | FRANCE | N°23/01059

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 23 mai 2024, 23/01059


ARRÊT N° /2024

PH



DU 23 MAI 2024



N° RG 23/01059 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FFRD







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT DIE DES VOSGES

21/00025

11 avril 2023











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANTE :



S.N.C. COTRAL LAB pris en la

personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 7]

[Localité 1]

Représentée par Me Elyane POLESE-PERSON, avocat au barreau de NANCY

substitué par Me Philippe SALMON , avocat au barreau de CAEN







INTIMÉE :



Madame [W] [A]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Denis J...

ARRÊT N° /2024

PH

DU 23 MAI 2024

N° RG 23/01059 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FFRD

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT DIE DES VOSGES

21/00025

11 avril 2023

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

S.N.C. COTRAL LAB pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 7]

[Localité 1]

Représentée par Me Elyane POLESE-PERSON, avocat au barreau de NANCY

substitué par Me Philippe SALMON , avocat au barreau de CAEN

INTIMÉE :

Madame [W] [A]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Denis JEANNEL de la SELARL ALINEA LEX, avocat au barreau d'EPINAL

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : BRUNEAU Dominique,

STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats : RIVORY Laurène

DÉBATS :

En audience publique du 01 Février 2024 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 18 Avril 2024 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 23 Mai 2024;

Le 23 Mai 2024, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Madame [W] [A] a été engagée sous contrat de professionnalisation, par la société COTRAL LAB à compter du 18 novembre 2013 au 17 mai 2014. A l'issue de celui-ci, la relation contractuelle s'est poursuivie sous contrat à durée indéterminée, en qualité de technicien de prévention confirmé.

Par courrier du 31 mars 2021, Madame [W] [A] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 07 avril 2021.

Par courrier du 09 avril 2021, elle a été convoquée à un nouvel entretien préalable au licenciement fixé au 19 avril 2021, suite à la demande de report de la salariée.

Par courrier du 23 avril 2021, Madame [W] [A] a été licenciée pour absences récurrentes et prolongées perturbant le fonctionnement de l'entreprise.

Par requête du 19 octobre 2021, Madame [W] [A] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Dié-des-Vosges, aux fins :

- de dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- de condamner la société SNC COTRAL LAB à lui verser les sommes suivantes :

- 32 000,00 à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 20 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- 3 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens de l'instance.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Saint-Dié-des-Vosges rendu le 11 avril 2023, lequel a :

- dit et jugé que le licenciement de Madame [W] [A] est requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- en conséquence, condamné la société COTRAL LAB à verser à Madame [W] [A] les sommes suivantes :

- 32 000,00 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 10 000,00 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- 1 750,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société COTRAL LAB de sa demande,

- condamné la société COTRAL LAB aux entiers dépens d'instance et d'exécution éventuels.

Vu l'appel formé par la société COTRAL LAB le 15 mai 2023,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de la société COTRAL LAB déposées sur le RPVA le 29 novembre 2023, et celles de Madame [W] [A] déposées sur le RPVA le 04 septembre 2023,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 10 janvier 2024,

La société COTRAL LAB demande :

A titre principal :

- de réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Saint-Dié-des-Vosges du 11 avril 2023 dont appel en toutes ses dispositions,

- de débouter Madame [W] [A] de l'ensemble de ses demandes,

- de condamner Madame [W] [A] à lui payer la somme de 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

À titre subsidiaire :

- de réduire dans les plus amples proportions les demandes présentées par Madame [W] [A],

- de dire que les éventuels dommages et intérêts seront exprimés en brut.

Madame [W] [A] demande :

- de dire et juger la société COTRAL LAB mal fondée en son appel,

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- requalifié son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société COTRAL LAB à lui verser la somme de 32 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société COTRAL LAB à lui verser la somme de 1 750,00 euros au titre de 1'article 700 du code de procédure civile,

- de la recevoir en son appel incident et y faisant droit,

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société COTRAL LAB à lui payer une somme à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral mais l'infirmer sur le quantum de la somme allouée,

- de condamner la société COTRAL LAB à lui verser la somme de 20 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- de condamner la société COTRAL LAB à lui verser la somme de 3 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société COTRAL LAB aux entiers dépens d'instance et d'appel.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de l'employeur le 29 novembre 2023, et en ce qui concerne la salariée le 04 septembre 2023.

Sur le licenciement

Aux termes des dispositions de l'article L1232-1 du Code du travail, le licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 23 avril 2021 (pièce 7 de la salariée) indique :

«  (') Nous vous informons, par la présente, de notre décision de vous licencier pour le motif suivant : Désorganisation du service du fait de votre absence prolongée et de la nécessité de vous remplacer définitivement. (').

Vos absences récurrentes et votre absence prolongée perturbent le bon fonctionnement de notre entreprise et engendrent un impact financier important. Nous vous avons donc convoqué le 19/04/2021 à 14h00 pour le motif suivant :

Désorganisation du service du fait de votre absence prolongée et de la nécessité de vous remplacer définitivement.

Comme vous le savez, il est impératif afin d'assurer le fonctionnement, la pérennité de l'entreprise, d'avoir la présence d'un Technicien de Prévention sur la zone de façon constante et régulière afin d'assurer la satisfaction de nos clients, le chiffre d'affaires et le développement commercial.

1. Votre absence désorganise le fonctionnement de l'entreprise et rend nécessaire votre remplacement définitif

Pour rappel, vous avez été en arrêt maladie sur les périodes suivantes :

23/02/2018 au 24/03/2018 (29 jours d'arrêt maladie)

21/08/2018 au 24/08/2018 (3 jours d'arrêt maladie)

26/03/2019 au 19/04/2019 (24 jours d'arrêt maladie)

19/08/2019 au 30/08/2019 (11 jours d'arrêt maladie)

25/11/2019 au 08/02/2020 (75 jours d'arrêt maladie)

04/01/2021 au 11/05/2021 (127 jours d'arrêt maladie)

A ce jour (23 avril 2021), vous avez cumulé 251 jours (soit 8 mois et 8 jours) d'arrêt de travail avec des arrêts successifs rendant difficile l'organisation sur le terrain et auprès des clients.

Le 26 mars 2021 vous avez eu un échange par Teams avec Monsieur [G] [H], Directeur des Ventes France dans le but de faire un point de situation. Lors de cet échange, vous avez précisé à Monsieur [H] que vous aviez rendez-vous avec un spécialiste le lundi 29 mars 2021, que ce spécialiste vous donnerait des éléments importants pour la suite. Vous avez dit à Monsieur [H] que vous le tiendriez informé, mais à ce jour il n'a pas eu de retour de votre part. Nous n'avons donc aucune visibilité et certitude sur votre date de reprise ll vous a demandé de le tenir informé de votre situation, or à ce jour il n'a pas eu de retour de votre part.

Nous n'avons aucune visibilité et certitude sur votre possible date de reprise.

Votre absence prolongée a pour conséquence de perturber le fonctionnement de l'entreprise

1. En termes de chiffre d'affaires et de nouveaux clients :

Concernant le chiffre d'affaires :

o En 2018 : 334 773 euros soit + 9% de l'objectif

o En 2019 : 301 095 euros soit + 0.36% de l'objectif

o En 2020: 274 514 euros soit + 22% de l'objectif revus à la baisse en raison du Covid et des absences

. o En 2021 sur la période janvier et février : 11 430 euros de CA réalisé pour un objectif à 28 000 euros .

De janvier à février 2021, alors que la France est à +7.97% des objectifs et que votre région est à +1.44%, vous êtes à -59.18% de votre objectif. L'ensemble des Techniciens de préventions de votre région (or deux personnes arrivées en début d'année) sont à l'objectif, avec une moyenne de +25%.

Nous constatons une dégradation très forte du chiffre d'affaires de votre zone du fait des absences, plus importante que la moyenne de la région et de la France. Nous sommes dans une année 2021 ou les moyens commerciaux et les résultats doivent être concentrés sur l'obtention de résultats afin d'assurer la pérennité de notre activité et de l'entreprise. Nous sommes très fortement pénalisés pour vos absences.

Concernant les nouveaux clients :

o En 2018 : 26 nouveaux clients (-40 clients par rapport à l'objectif) soit 11.5 % alors que la région est à 15.8% et que la France est à 21.3%.

o En 2019 : 24 nouveaux clients (-42 clients par rapport à l'objectif) soit 15.9 % alors que la région est à 19.7% et que la France est à 21.9 %.

o Le meilleur technicien de prévention de votre région fait 41 nouveaux clients sur l'année.

o En 2020 : 30 nouveaux clients (-36 clients par rapport à l'objectif) soit 16.39 % alors que la région est à 19,76% et que la France est à 20.83%.

o Le meilleur technicien de prévention de votre région fait 40 nouveaux clients sur l'année.

o En 2021 : 1 nouveau client (-65 clients par rapport à l'objectif).

Pour rappel l'objectif annuel est de 66 nouveaux clients. Or depuis votre prise de poste cet objectif n'a jamais été atteint. En 2021, durant votre absence, le secteur a été réparti entre Techniciens de prévention de proximité ne pouvant qu'assurer un minimum de services auprès de nos clients existants, notamment en SAV et par conséquent aucun développement n'a pu être fait.

De plus, l'entreprise ne pouvant pas mobiliser l'intervention d'un ou une chargé(e) de relations commerciales, depuis votre absence du fait de l'éloignement géographique de votre secteur, cela impacte fortement le bon développement du secteur ainsi que la relation client.

Le secteur possède un fort potentiel de développement et de croissance qui à ce jour n'est pas exploité du fait de vos arrêts maladies successifs et surtout depuis le début d'année 2021 sur une période où tous les moyens commerciaux doivent s'intensifier afin de rester présent auprès de nos clients et prospecter de manière systématique et importante.

2. En termes de satisfaction clients :

En l'absence de Technicien de prévention ou de remplacements successifs sur le secteur, les clients se retrouvent pénalisés. Ainsi, vos absences avec des arrêts de travail successifs désorganisent le fonctionnement de l'entreprise sur la zone qui vous est confiée. En effet :

o La zone dont vous avez la charge est éloignée du siège social et nécessite deux jours de déplacements par semaine, ce qui génère des difficultés pour pourvoir à votre remplacement par des personnes du siège.

o Les commerciaux qui peuvent être affectés à des remplacements ponctuels essentiellement pour les urgences et SAV ont également d'autres missions à assumer et ne peuvent, sur le long terme, pourvoir cette zone nécessitant des déplacements incessants et éloignés.

o Cela engendre des coûts supplémentaires et importants pour l'entreprise (frais de déplacements, repas et hôtels).

o Les Techniciens de préventions à proximité de votre zone, sont déjà fortement mobilisés sur leur propre secteur et ne peuvent assurer le remplacement sur la totalité de la zone.

O Il nous est impossible d'avoir recours à un contrat à durée déterminée ou au travail intérimaire, du fait des spécificités de vos missions qui induisent un long apprentissage, avec une formation initiale de cinq semaines et des formations continues régulières.

o Il nous est difficile de procéder, à chaque fois, à votre remplacement temporaire dans des conditions permettant de garantir le fonctionnement satisfaisant de la relation commerciale et du suivi client.

L'entreprise a fait face avec difficulté à vos arrêts maladie. Tous les mois, malgré notre organisation, nous perdons du chiffre d'affaires. De plus, nous ne gagnons pas de nouveaux clients faisant ainsi reculer notre présence sur le territoire. Nous ne pouvons pas assurer l'avenir de la zone, car aucun travail de prospection n'est mené.

Du fait de la spécificité du métier de Technicien de prévention engendrant une formation spécifique de 5 semaines, nous devons ainsi pourvoir définitivement à votre remplacement. Il ne nous est plus possible d'attendre plus longtemps votre retour au sein de l'entreprise compte tenu des impératifs de bon fonctionnement de celle-ci.

Nous vous informons donc de notre décision de procéder à votre licenciement en raison de votre absence de longue durée qui rend nécessaire votre remplacement définitif pour assurer un fonctionnement normal de l'entreprise. (...) ».

La société COTRAL LAB explique disposer d'un réseau de techniciens de prévention, dont fait partie l'intimée, ayant une fonction double commerciale et technique ; leur mission est de commercialiser les produits de l'entreprise et de prendre des empreintes de conduits auditifs permettant de produire ensuite des protections auditives sur mesure.

Elle précise que Mme [W] [A] est la seule intervenante sur le secteur qui lui est confié : [Localité 5], [Localité 6], [Localité 4], [Localité 8], et qu'assurer son remplacement par un salarié du siège, qui se trouve en Normandie, implique une perte de temps de 40 % en temps de trajets.

L'employeur fait valoir que le remplacement de Mme [W] [A] par un technicien d'un secteur contigüe ne peut être qu'une solution provisoire, car ils doivent gérer leur propres secteurs.

La société COTRAL LAB présente en pages 11 et 12 de ses conclusions les baisses de chiffres d'affaires enregistrées dans le secteur de Mme [W] [A] entre 2018 et 2020.

Elle ajoute que du fait de son absence sur son secteur, les clients existants et les nouveaux clients ne sont pas prospectés.

L'employeur explique que le remplacement de Mme [W] [A] était nécessaire, et qu'il ne pouvait pas intervenir par le biais d'un recrutement en CDD, compte tenu de la formation de plusieurs semaines à cette fonction. La société COTRAL LAB souligne que le recrutement a été lancé dès le 28 avril 2021, soit à peine 5 jours après la notification de licenciement.

L'appelante précise ne pas avoir eu d'information de la part de Mme [W] [A] sur son arrêt maladie, ni sur quelconques perspectives de retour.

Elle estime que le délai pour le recrutement de Mme [F], qui a remplacé Mme [W] [A], n'est pas excessif, compte tenu des deux mois d'été pendant lesquels tout recrutement est difficile, et compte tenu également des difficultés de recrutement des commerciaux.

Mme [W] [A] fait valoir que la lettre de licenciement comptabilise ses jours d'arrêts de travail sur une période de plus de trois années, d'avril 2018 à mai 2021, que ces arrêts ne sont pas successifs, et que le dernier est distant de quasiment une année avec le précédent.

Elle estime donc que ce n'est pas une succession d'arrêts qui désorganiserait le service, mais uniquement le dernier en date, c'est-à-dire celui qui débute le 04 janvier 2021.

L'intimée fait remarquer que la lettre de licenciement évoque la désorganisation du service, alors que seule la désorganisation de l'entreprise pourrait fonder le licenciement.

Elle indique que la lettre de rupture énonce des chiffres d'affaires en les comparant aux objectifs, et que les objectifs de 2018, 2019 et 2020 sont atteints ; qu'il lui est ainsi en réalité reproché de ne pas avoir atteint ses objectifs sur les seuls mois de janvier et février 2021.

La salariée indique par ailleurs qu'il lui est également reproché de ne pas avoir atteint les objectifs fixés en termes de nouveaux clients depuis sa prise de poste.

Elle souligne que la fiche de l'entreprise « Focus sur le service commercial » relate l'existence d'une équipe de 13 chargés de relations commerciales, qui ont pour fonction d'intervenir sur les secteurs vacants, et qu'outre les chargés de relations commerciales, certains collègues ont assuré la gestion de son secteur durant son absence.

Mme [W] [A] estime que la société COTRAL LAB ne lui a pas laissé le temps de lui faire un retour de sa consultation du 29 mars 2021 auprès d'un neurochirurgien, pour évoquer une date de retour possible.

L'intimée conteste l'impact de ses absences sur le chiffre d'affaires de son secteur, alors que les objectifs en 2018, 2019 et 2020 ont été dépassés.

Elle précise que pour 2021, aucun objectif ne lui a été communiqué.

Mme [W] [A] fait observer que l'annonce de recrutement sur son poste indiquait une intégration souhaitée au mois de septembre 2021. Elle s'interroge sur les diligences accomplies par la société COTRAL LAB pour recruter puisque le poste est resté vacant durant 7 mois. Elle ajoute qu'à la date de prise de poste, après formation du nouveau salarié, elle était physiquement apte à reprendre son poste au mois de janvier 2022.

Motivation

Aux termes des dispositions de l'article L1232-1 du Code du travail, le licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Le licenciement d'un salarié peut être fondé sur ses absences prolongées et/ou répétées, lorsqu'elle désorganise l'entreprise, à condition notamment que le remplacement définitif du salarié absent, qu'il précède ou suive le licenciement, intervienne dans un délai raisonnable, délai apprécié en tenant compte des spécificités de l'entreprise et de l'emploi concerné, ainsi que des démarches faites par l'employeur en vue d'un recrutement.

En l'espèce, la société COTRAL LAB renvoie à ses pièces 7 et 11, pour justifier des démarches de recrutement d'un nouveau salarié en remplacement de Mme [W] [A].

La pièce 7 est un mail de M. [G] [H], directeur des ventes, en date du 28 avril 2021, adressé à Mme [R] [M] et M. [L] [Z] (salariés de la société mais dont les fonctions ne sont pas précisées), avec pour objet « Demande de recrutement M [A] » : « (') Peut-on lancer le recrutement sur ce secteur ' [W] s'est vu prononcer son licenciement par courrier (...) ».

La pièce 11, intitulée dans le bordereau de communication de pièces « fiche remplacement interne » est l'impression d'un écran, au logo COTRAL, dont la date n'est pas indiquée, débutant par « 138 candidats pour commercial [Localité 4] » ; sur cet écran est affiché le curriculum vitae dématérialisé de Mme [I] [F], qu'elle a vraisemblablement adressé avec sa candidature.

Au regard de ce CV figurent des mentions : « entretien téléphonique planifié le 21/10/2021 à 13:00 » « mail de confirmation de candidature envoyé » ; aucune date n'apparaît.

Ces éléments produits par l'appelante ne justifient pas de la date à laquelle les démarches de recherches de candidats ont été entreprises, alors que Mme [W] [A] produit en pièce 13 une annonce de la société COTRAL LAB pour son poste de technico-commercial, sur son secteur d'[Localité 4] - [Localité 8] ' [Localité 5] ' [Localité 6], dans laquelle il est indiqué « intégration souhaitée : Septembre 2021 ».

Il convient dès lors de constater que le recrutement n'était souhaité que pour le mois de septembre 2021, soit 4 mois après le licenciement de Mme [W] [A].

Dès lors l'argumentaire de la société COTRAL LAB, soutenant que l'embauche de Mme [F] en remplacement de Mme [W] [A] n'a pu être effective qu'en novembre 2021 en raison de difficultés à recruter sur ce type de poste, et en raison également de la période estivale, ne peut convaincre, alors qu'il n'est pas justifié de prospection de sa part pour recrutement avant le mois de septembre 2021.

Dans ces conditions, faute de démarches de recrutement effectuées dans un délai raisonnable après la rupture du contrat de travail, la société COTRAL LAB échoue à établir que le licenciement de Mme [W] [A] était rendu nécessaire par la désorganisation de l'entreprise en raison de ses absences.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières du licenciement

- sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

La société COTRAL LAB estime que la durée des arrêts maladie doit être déduit de l'ancienneté de Mme [W] [A], et que la moyenne la plus favorable à la salariée est la moyenne de ses trois derniers mois.

La société COTRAL LAB souligne que la salariée n'a été prise en charge par Pôle Emploi qu'à compter du 04 janvier 2022.

Elle estime que l'intimée pourra voir sa rémunération augmenter chez son nouvel employeur, qui intervient dans le même domaine qu'elle, Mme [W] [A] ayant la possibilité de prospecter ses anciens clients.

Mme [W] [A] indique avoir été embauchée par la société ELACIN à compter du 02 janvier 2023, et qu'elle a subi une baisse de plus de 40 % de son salaire.

Motivation

Aucune des parties ne produit les bulletins de paie de Mme [W] [A] antérieurs à la rupture du contrat de travail.

Mme [W] [A] renvoie à l'attestation Pôle Emploi en pièce 14 pour le calcul de son salaire de référence, sur la base des trois derniers mois.

La moyenne de ces salaires (octobre, novembre et décembre 2020) est de 5 789,28 euros, soit le montant que propose la société COTRAL LAB en référence.

L'ancienneté de Mme [W] [A] à prendre en compte est celle allant de son embauche à son licenciement, les périodes d'arrêt maladie n'ayant pas à être soustraites.

Mme [W] [A] produit en pièce 21 ses bulletins de paie de février à juillet 2023, dont il ressort que son salaire moyen brut est de 3144 euros.

Dans ces conditions, en application des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, le jugement sera confirmé quant aux dommages et intérêts.

- sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral

Mme [W] [A] fait valoir que la lettre de convocation à l'entretien préalable faisait mention d'une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement, et qu'elle n'a pas reçu d'explication sur les motifs de cet entretien.

Elle fait également valoir que, bien que ne pouvant se déplacer en raison de son état de santé, le lieu de l'entretien préalable a été maintenu au siège de l'entreprise, soit à 700 kilomètres de son domicile, et que l'employeur a refusé qu'elle se fasse représenter.

Elle indique également que son état de santé s'est dégradé des suites de son licenciement.

La société COTRAL LAB fait valoir que la procédure de licenciement a été respectée, et que le licenciement n'a été entouré d'aucune circonstance vexatoire.

Motivation

Ainsi que le fait observer Mme [W] [A], la lettre de convocation à l'entretien préalable (pièce 4 de l'intimée) indique « nous sommes amenés à envisager à votre égard une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement », alors qu'il ressort des conclusions des parties que le motif qui a toujours été envisagé par l'employeur est celui de l'absence prolongée ou répétée pour maladie désorganisant l'entreprise, et non un motif disciplinaire.

La société COTRAL LAB ne conteste pas que Mme [W] [A] n'a pas été informée du motif de la rupture avant le licenciement, de sorte que, comme elle le soutient, la salariée a été amenée à penser que l'employeur lui reprochait une faute.

En cela la société COTRAL LAB est fautive.

La représentation du salarié lors de l'entretien préalable n'étant pas possible, Mme [W] [A] ne peut utilement reprocher à l'employeur de ne pas avoir fait droit à cette demande.

Mme [W] [A] justifie par sa pièce 22, certificat médical du Docteur [V] [J] du 28 août 2023, de ce qu'elle a subi une décompensation de sa maladie intestinale à la suite de son licenciement.

Il convient de rappeler qu'il résulte de ce qui précède que le licenciement de Mme [W] [A] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, et de constater que ce licenciement a provoqué, au terme du certificat médical précité, une décompensation chez Mme [W] [A].

Dans ces conditions, le jugement sera confirmé quant à la condamnation prononcée au titre du préjudice moral subi.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant à l'instance, la société COTRAL LAB sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à Mme [W] [A] 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Saint Dié des Vosges le 11 avril 2023 ;

Y ajoutant,

Condamne la société COTRAL LAB à payer à Mme [W] [A] 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société COTRAL LAB aux dépens.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en onze pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 23/01059
Date de la décision : 23/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-23;23.01059 ?
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