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22/05/2024 | FRANCE | N°23/02122

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-1ère sect, 22 mai 2024, 23/02122


ARRÊT N° /2024

SS



DU 22 MAI 2024



N° RG 23/02122 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FH6A







Pole social du TJ de BAR-LE-DUC

22/65

15 septembre 2023











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

SECTION 1









APPELANTE :



S.A.S. [5] prise en la personne de son représentant légal pour ce domic

ilié au siège social

Espace Jardin Fontaine

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Olivia COLMET DAAGE de la SELEURL OLIVIA COLMET DAAGE AVOCAT substituée par Me WILBERT, avocats au barreau de PARIS









INTIMÉE :



Caisse CPAM DE LA MEUSE prise en la personne de son représentant légal pou...

ARRÊT N° /2024

SS

DU 22 MAI 2024

N° RG 23/02122 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FH6A

Pole social du TJ de BAR-LE-DUC

22/65

15 septembre 2023

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

SECTION 1

APPELANTE :

S.A.S. [5] prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

Espace Jardin Fontaine

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Olivia COLMET DAAGE de la SELEURL OLIVIA COLMET DAAGE AVOCAT substituée par Me WILBERT, avocats au barreau de PARIS

INTIMÉE :

Caisse CPAM DE LA MEUSE prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Madame [K] [S], régulièrement munie d'un pouvoir de représentation

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président : Mme BUCHSER-MARTIN

Siégeant en conseiller rapporteur

Greffier : Mme FOURNIER (lors des débats)

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 10 Avril 2024 tenue par Mme BUCHSER-MARTIN, magistrat chargé d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Guerric HENON, président, Dominique BRUNEAU et Catherine BUCHSER-MARTIN, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 22 Mai 2024 ;

Le 22 Mai 2024, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [X] [I] était salarié de la SAS [5] depuis le 18 juin 1979 en qualité de chauffeur poids lourd.

Le 6 août 2019, il a adressé à la caisse primaire d'assurance maladie de la Meuse (ci-après dénommée la caisse) une déclaration de maladie professionnelle accompagnée d'un certificat médical initial du docteur [J] [L] du 9 juillet 2019 mentionnant une lombosciatique droite hyperalgique.

La caisse a pris en charge cette maladie au titre de la législation professionnelle à compter du 26 mars 2019, date de première constatation médicale.

Par courrier du 17 janvier 2020, la décision de prise en charge a été notifiée à la SAS [5].

Le 31 mai 2021, monsieur [X] [I] a été licencié pour inaptitude.

Le 1er octobre 2021, il a pris sa retraite.

Le 1er décembre 2021, son état de santé a été déclaré consolidé.

Par courrier du 21 janvier 2022, la caisse a notifié à la société [5] le taux d'incapacité permanente partielle accordé à monsieur [X] [I] à 10 %, dont 1 % au titre du taux professionnel, pour une « gêne fonctionnelle discrète du rachis lombaire dans les suites d'une hernie discale L5-S1 opérée ».

Par courrier du 10 mars 2022, la SAS [5] a saisi la commission médicale de recours amiable de la caisse d'une contestation de ce taux.

Par avis du 18 mai 2022, ladite commission a rejeté son recours

Le 14 juin 2022, la SAS [5] a contesté cette décision devant le pôle social du tribunal judiciaire de Bar-le-Duc.

Par jugement RG 22/65 du 21 novembre 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Bar-le-Duc a :

- déclaré le recours de la société [5] recevable,

- sursis à statuer sur l'ensemble des demandes,

- ordonné une mesure d'expertise médicale sur pièces de monsieur [X] [I] et désigné le docteur [U] [Y] pour y procéder, avec mission et dans les formes habituelles en la matière.

Selon rapport d'expertise médicale du 14 avril 2023, le docteur [Y] a conclu à un taux d'IPP de 9 % à la date de consolidation.

Par jugement RG 22/65 du 15 septembre 2023, le pôle social du tribunal judiciaire de Bar-le-Duc a :

- confirmé la fixation du taux d'incapacité permanente partielle attribué à monsieur [X] [I] à 10 %, dont 1 % pour le taux professionnel à compter du 2 décembre 2021, en réparation de la maladie professionnelle du 26 mars 2019, dans les rapports caisse/employeur

- en conséquence, débouté la société [5] de sa demande de réévaluation du taux

- condamné la société [5] aux dépens de l'instance, à l'exception des frais d'expertise, lesquels resteront à la charge de la Caisse nationale d'assurance maladie

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.

Par acte du 25 septembre 2023, la caisse a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 10 avril 2024.

PRETENTIONS DES PARTIES

La SAS [5], représentée par son avocat, a repris ses conclusions déposées en vue de l'audience et a sollicité ce qui suit :

- recevoir la société [5] en ses demandes,

Y faisant droit,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bar-le-Duc maintenant un taux d'IPP de 10% dont 1% au titre du coefficient socio-professionnel pour la maladie déclarée par monsieur [X] [I]

Statuant à nouveau,

A titre principal,

Vu les arrêts de la cour de cassation des 20 janvier 2023 et 28 septembre 2023,

- juger que la caisse primaire d'assurance maladie n'est pas en mesure de prouver les pertes de gains professionnels ou l'incidence professionnelle de l'incapacité permanente partielle de monsieur [I],

En conséquence,

- juger que le taux d'IPP de monsieur [I] de 10% dont 1% au titre du coefficient socio-professionnel, est inopposable à l'endroit de l'employeur ou doit être ramené à 0%

A titre subsidiaire,

- entériner le rapport d'expertise médicale sur pièces établi par le docteur [Y] en date du 14 avril 2023

- juger que le taux d'IPP médical de monsieur [I] à la date de consolidation est de 9%

- juger qu'aucun coefficient socioprofessionnel ne saurait se justifier, monsieur [I] ayant été jugé apte et étant parti à la retraite avant la date de consolidation

En conséquence,

- juger que le taux d'incapacité permanente partielle de monsieur [X] [I] fixé dans les suites de sa maladie professionnelle du 26 mars 2019 doit être ramené, toutes causes confondues dans les rapports caisse primaire /employeur à un taux d'incapacité partielle permanente de 9%

- condamner la caisse primaire de la Meuse à supporter les éventuels dépens de l'instance.

La caisse primaire d'assurance maladie de la Meuse, dument représentée, a repris ses conclusions n° 1 reçues au greffe par voie électronique le 9 avril 2024 et a sollicité ce qui suit :

- accueillir les présentes conclusions

- rejeter la demande d'inopposabilité de la décision attributive de rentes de l'employeur

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bar-le-Duc, pôle social, le 15 septembre 2023

- entériner le taux médical de 9 % retenu par le docteur [Y] [U], expert du tribunal

- confirmer l'attribution en sus d'un taux professionnel de 1 %

- confirmer, par conséquent, la décision prise par la commission médicale de recours amiable le 18 mai 2022 de fixer à 10 % dont 1 % pour le taux professionnel, le taux d'incapacité permanente alloué à monsieur [I] [X], en réparation de la maladie professionnelle du 26 mars 2019, dans les rapports caisse-employeur

- débouter la société [5] de sa demande de réévaluation dudit taux

- débouter la société [5] de l'ensemble de ses demandes.

Pour l'exposé des moyens des parties, il convient de faire référence aux conclusions sus mentionnées, reprises oralement à l'audience.

L'affaire a été mise en délibéré au 22 mai 2024 par mise à disposition au greffe par application des dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur la détermination du taux d'incapacité

Aux termes de l'article L434-2 alinéas 1 et 2 du code de la sécurité sociale, le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité. Lorsque l'incapacité permanente est égale ou supérieure à un taux minimum, la victime a droit à une rente égale au salaire annuel multiplié par le taux d'incapacité qui peut être réduit ou augmenté en fonction de la gravité de celle-ci.

Aux termes de l'article R434-32 alinéas 1 et 2 du même code, au vu de tous les renseignements recueillis, la caisse primaire se prononce sur l'existence d'une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants droit. Les barèmes indicatifs d'invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d'incapacité permanente d'une part en matière d'accidents du travail et d'autre part en matière de maladies professionnelles sont annexés au livre IV de la partie réglementaire du code de la sécurité sociale (annexes 1 et 2 du code). Lorsque ce dernier barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d'invalidité en matière d'accidents du travail.

Le taux d'incapacité permanente partielle doit être fixé en fonction de l'état séquellaire au jour de la consolidation de l'état de la victime sans que puissent être pris en considération des éléments postérieurs à ladite consolidation (Cass. civ.2e 15 mars 2018 pourvoi n° 17-15.400) et relève de l'appréciation souveraine et motivée des juges du fond (Cass.civ.2e 16 septembre 2010 pourvoi n° 09-15.935, 4 avril 2018 pourvoi n° 17-15.786).

Une majoration du taux dénommée coefficient professionnel, tenant compte des conséquences de l'accident ou de la maladie sur la carrière professionnelle de la victime, peut lui être attribué, notamment au regard du risque de licenciement consécutif à l'impossibilité de reclasser la victime, de difficultés de reclassement, de déclassement professionnel, de retard à l'avancement, ou de perte de gain (soc. 3 novembre 1988 pourvoi n°86-13911, soc. 21 juin 1990 POURVOI n°88-13605, civ.2e 4 avril 2019 pourvoi n° 18-12766).

-oo0oo-

En l'espèce, la SAS [5] fait valoir que la rente a pour objet exclusif de réparer les préjudices professionnels subis par le salarié à la suite d'un accident du travail ou une maladie professionnelle, à savoir la perte de gains professionnels et l'incidence professionnelle, et non le déficit fonctionnel permanent. Elle ajoute que lorsqu'elle octroie une rente à un assuré, la caisse doit être en mesure de prouver les préjudices d'ordre professionnel sur lesquels elle a fondé sa décision.

Elle fait également valoir que l'expert conclu à un taux médical de 9%, et qu'elle s'en remet à sagesse de la cour à cet égard. Elle ajoute que monsieur [I] était en aptitude à se reclasser ou réapprendre un métier compatible avec son état de santé. Elle précise qu'il est parti en retraite avant même le jour de consolidation, de telle sorte que plus aucun taux professionnel ne peut lui être attribué.

La caisse fait valoir que la rente accident du travail a un caractère plus forfaitaire qu'indemnitaire et l'employeur est mal fondé à exiger de la caisse qu'elle démontre pour chaque dossier la perte de gains ou l'incidence professionnelle. Elle ajoute que le droit à rente n'est pas remis en cause si la victime ne subit pas de perte de gains ou d'incidence professionnelle. Elle précise que si la rente n'indemnise pas les conséquences physiques de la lésion mais les préjudices d'ordre professionnels, les modalités forfaitaires d'évaluation des conséquences professionnelles sont adossées aux conséquences physiques de la lésion, l'évaluation du taux d'IP par le médecin conseil intégrant pleinement une dimension médicale.

Elle fait également valoir que le taux professionnel n'est qu'une composante du taux d'IPP qui permet d'ajuster au plus près le retentissement professionnel subi par la victime, et indemnise les conséquences d'un licenciement, d'un déclassement, d'une mutation ou de retards à l'avancement. Elle ajoute que l'attribution d'un taux professionnel n'est pas automatique et n'est pas de la compétence du service médical ni de l'expert, mais des services administratifs de la caisse. Elle indique que l'attribution d'un taux professionnel, à la date de la consolidation, est justifié par l'avis d'inaptitude émis par le médecin du travail le 12 avril 2021, rappelant que monsieur [I] a perçu des indemnités temporaires d'inaptitude du 13 avril au 12 mai 2021, laissant présager son licenciement intervenu le 31 mai 2021. Elle précise que le taux professionnel est modulé en fonction du taux médical et de l'âge de l'assuré et qu'un barème a été établi pour permettre une égalité de traitement envers tous les assurés. Elle ajoute que le fait que l'assuré ait été retraité postérieurement à son licenciement n'affecte pas la pris en compte d'un taux professionnel.

-oo0oo-

La rente versée à la victime d'une maladie professionnelle en application des articles L434-1 et L434-2 du code de la sécurité sociale est une prestation de sécurité sociale dont le montant est égal au salaire annuel multiplié par le taux d'incapacité, et ce quelle que soit par ailleurs la situation de la victime.

Le taux d'incapacité est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle et peut inclure à la fois un taux médical, évalué au regard des conséquences physiques de la maladie, et un taux professionnel évalué au regard du risque de licenciement consécutif à l'impossibilité de reclasser la victime, de difficultés de reclassement, de déclassement professionnel, de retard à l'avancement, ou de perte de gain.

La rente ainsi déterminée a un caractère forfaitaire. Elle n'indemnise pas le déficit fonctionnel permanent, mais les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle (Ass.pl. 20 janvier 2023 pourvoi n°21-23.947) et son caractère forfaitaire exclut toute nécessité pour la caisse de justifier d'une perte effective de gains professionnels ou d'une incidence professionnelle effective.

La SAS [5] ne conteste pas le taux médical de 9% fixé par le médecin conseil de la caisse et confirmé par l'expert judiciaire.

Par ailleurs, le taux professionnel doit être fixé, comme le taux médical, à la date de la consolidation, soit en l'espèce au 1er décembre 2021.

Si monsieur [I] a été licencié le 31 mai 2021 pour une inaptitude en lien avec sa maladie professionnelle, la caisse n'indique pas en quoi il aurait subi une perte de gains professionnels.

En outre, il a pris sa retraite le 1er octobre 2021 de telle sorte qu'à compter de cette date, sa maladie professionnelle n'aura plus aucun impact sur sa carrière professionnelle.

Dès lors, il n'y a pas lieu de lui accorder un taux professionnel.

Au vu de ce qui précède, le jugement sera infirmé et le taux d'incapacité permanente partielle de monsieur [X] [I] sera fixé à 9% au 1er décembre 2021 dans les rapports entre la SAS [5] et la caisse.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La caisse succombant, elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME le jugement RG 22/65 du 15 Septembre 2023 du pôle social du tribunal judiciaire de Bar-le-Duc,

Statuant à nouveau,

FIXE le taux d'incapacité de monsieur [X] [I], au titre de sa maladie professionnelle du 26 mars 2019, à 9% au 1er décembre 2021 dans les rapports entre la SAS [5] et la caisse primaire d'assurance maladie de la Meuse,

Y ajoutant,

CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie de la Meuse aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Guerric HENON, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en sept pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-1ère sect
Numéro d'arrêt : 23/02122
Date de la décision : 22/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-22;23.02122 ?
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