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22/05/2024 | FRANCE | N°23/01733

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-1ère sect, 22 mai 2024, 23/01733


ARRÊT N° /2024

SS



DU 22 MAI 2024



N° RG 23/01733 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FHBK







Pole social du TJ d'EPINAL

22/172

30 juin 2023











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

SECTION 1







APPELANTE :



Société [8] prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au sièg

e social

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Cédric PUTANIER de la SELARL CEDRIC PUTANIER AVOCATS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Nicolas PATARIDZE, avocat au barreau de PARIS









INTIMÉE :



Caisse CPAM DES VOSGES prise en la personne de son représentant légal pour ce dom...

ARRÊT N° /2024

SS

DU 22 MAI 2024

N° RG 23/01733 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FHBK

Pole social du TJ d'EPINAL

22/172

30 juin 2023

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

SECTION 1

APPELANTE :

Société [8] prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Cédric PUTANIER de la SELARL CEDRIC PUTANIER AVOCATS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Nicolas PATARIDZE, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

Caisse CPAM DES VOSGES prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Madame [C] [V], régulièrement munie d'un pouvoir de représentation

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président : Mme BUCHSER-MARTIN

Siégeant en conseiller rapporteur

Greffier : Mme CLABAUX-DUWIQUET (lors des débats)

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 27 Mars 2024 tenue par Mme BUCHSER-MARTIN, magistrat chargé d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Guerric HENON, président, Dominique BRUNEAU et Catherine BUCHSER-MARTIN, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 22 Mai 2024 ;

Le 22 Mai 2024, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [B] [L] est salarié de la SNC [8] depuis le 25 janvier 1999 en qualité de chef d'équipe conditionnement.

Le 7 décembre 2021, la SNC [8] a transmis à la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges (ci-après dénommée la caisse) une déclaration d'accident du travail dont aurait été victime monsieur [B] [L] le 26 novembre 2021 à 15h30, décrit comme suit : « activité de la victime lors de l'accident : selon les déclarations du salarié, il retirait des cartons coincés dans le portique palettiseur; nature de l'accident: selon les dires du salarié, il aurait ressenti une douleur au dos; siège des lésions : dos; nature des lésions : douleur », l'accident étant connu par l'employeur le même jour à 15h45 et étant inscrit sur le registre des accidents bénins.

L'employeur a joint un courrier de réserves.

Le certificat médical initial délivré le 6 décembre 2021 par le docteur [H] mentionne « lombosciatique L5 SA G ».

Par courrier du 21 décembre 2021, la caisse a informé la SNC [8] de la réception du dossier complet le 7 décembre 2021, de la nécessité de recourir à des investigations, lui a demandé de compléter un questionnaire en ligne sous 20 jours et lui a indiqué qu'elle aurait la possibilité de consulter les pièces du dossier et de formuler ses observations du 16 février 2022 au 28 février 2022, directement en ligne et qu'au-delà de cette date, le dossier restera consultable jusqu'à sa décision qui lui sera transmise au plus tard le 8 mars 2022.

Par courrier du 4 mars 2022, la caisse a informé la SNC [8] de la prise en charge de l'accident de monsieur [B] [L] au titre de la législation sur les risques professionnels.

Le 6 mars 2022, la SNC [8] a contesté l'opposabilité de cette décision par-devant la commission de recours amiable.

Par décision du 13 juin 2022, la commission de recours amiable a rejeté son recours.

Le 12 août 2022, la SNC [8] a saisi le tribunal judiciaire d'Epinal d'un recours à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable.

Par jugement RG 22/172 du 30 juin 2023, le pôle social du tribunal judiciaire d'Epinal a :

- déclaré la société [8] recevable en son recours

- débouté la société [8] de ses demandes

- confirmé la décision du 4 mars 2022 de la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges

- déclaré opposable à la société [8] la décision du 4 mars 2022 de la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges de prise en charge de l'accident du travail de monsieur [B] [L] en date du 26 novembre 2021 au titre de la législation au titre des risques professionnels

- débouté la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné la société [8] aux dépens.

Par acte du 1er août 2023, la SNC [8] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement. L'affaire a été enrôlée sous le n° RG 23/1733.

Par ailleurs, le 6 mai 2022, la SNC [8] a contesté par-devant la commission médicale de recours amiable de la caisse l'imputabilité au sinistre des arrêts de travail prescrits sur la période du 6 décembre 2021 au 31 juillet 2022.

Le 9 août 2022, ladite commission a rejeté sa contestation.

Le 27 octobre 2022, la SNC [8] a saisi le tribunal judiciaire d'Epinal d'un recours à l'encontre de cette décision.

Par jugement RG 22/222 du 30 juin 2023, le pôle social du tribunal judiciaire d'Epinal a :

- déclaré la société [8] recevable en son recours

- débouté la société [8] de ses demandes

- confirmé la décision du 4 mars 2022 de la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges

- déclaré opposable à la société [8] la décision du 4 mars 2021 de la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges de prise en charge de l'accident du travail de monsieur [B] [L] en date du 26 novembre 2021 au titre de la législation au titre des risques professionnels

- débouter la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné la société [8] aux dépens.

Par acte du 1er août 2023, la SA [8] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement. L'affaire a été enrôlée sous le n° RG 23/1744.

Les deux instances ont été jointes par mention au dossier et se sont poursuivies sous le n°RG 23/1733.

L'affaire a été appelée à l'audience du 7 février 2024 et renvoyée au 27 mars 2024 à la demande des parties. Elle a été plaidée à cette dernière audience.

PRETENTIONS DES PARTIES

La SNC [8], représentée par son avocat, a repris ses conclusions reçues au greffe le 6 février 2024 et a sollicité ce qui suit :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Epinal le 30 juin 2023 (RG TJ 22/00172), ainsi que le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Epinal le 30 juin 2023 (RG TJ 22/00222)

Statuant de nouveau,

A titre principal,

- infirmer la décision implicite de rejet intervenue en l'absence de réponse de la commission de recours amiable du recours dont elle était saisie

- juger, dans les rapports entre la société [8] et la CPAM, que la décision de prise en charge par la CPAM des faits déclarés par monsieur [L] comme accident du travail est inopposable à l'employeur

A titre subsidiaire,

- infirmer la décision implicite de rejet intervenue en l'absence de réponse de la commission médicale de recours amiable du GRAND-EST au recours dont elle était saisie

- juger que l'employeur rapporte un commencement de preuve de l'existence d'une cause totalement étrangère au travail

- juger qu'il existe un différend d'ordre médico-légal

En conséquence,

- ordonner une expertise médicale judiciaire sur pièces, et commettre à cet effet tel expert qu'il plaira à la cour de désigner, avec pour mission de :

- prendre connaissance des documents détenus par la CPAM concernant le dossier accident du travail de monsieur [L]

- dire si les soins et arrêts de travail sont en lien direct et exclusifs et imputables à la lésion initiale ou s'ils trouvent leur origine dans une cause totalement étrangère au travail du salarie, ou encore dans un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte.

La caisse primaire d'assurance maladie des Vosges, dument représentée, a repris ses conclusions reçues au greffe le 15 mars 2024 et a sollicité ce qui suit :

- recevoir les écritures de la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges et les déclarer bien fondées

- débouter la société [8] de son recours et de ses demandes

- confirmer les jugements du 30 juin 2023 rendus par le tribunal judiciaire d'Epinal (RG 22/00172 + RG 22/00222)

- déclarer opposable à la société [8], l'accident du travail de 26 novembre 2021 de monsieur [L] [B] ainsi que l'ensemble des soins et arrêts de travail qui lui ont été prescrits en lien avec cet accident du travail

- condamner la société [8] aux dépens

- condamner la société [8] au paiement de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour l'exposé des moyens des parties, il convient de faire référence aux conclusions sus mentionnées, reprises oralement à l'audience.

L'affaire a été mise en délibéré au 22 mai 2024 par mise à disposition au greffe par application des dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur l'opposabilité à l'employeur de la décision de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident

Aux termes de l'article R441-7 du code de la sécurité sociale, la caisse dispose d'un délai de trente jours francs à compter de la date à laquelle elle dispose de la déclaration d'accident et du certificat médical initial prévu à l'article L441-6 pour soit statuer sur le caractère professionnel de l'accident, soit engager des investigations lorsqu'elle l'estime nécessaire ou lorsqu'elle a reçu des réserves motivées émises par l'employeur.

Aux termes de l'article R441-8 du même code, I.- Lorsque la caisse engage des investigations, elle dispose d'un délai de quatre-vingt-dix jours francs à compter de la date à laquelle elle dispose de la déclaration d'accident et du certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident.

Dans ce cas, la caisse adresse un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident à l'employeur ainsi qu'à la victime ou ses représentants, dans le délai de trente jours francs mentionné à l'article R. 441-7 et par tout moyen conférant date certaine à sa réception. Ce questionnaire est retourné dans un délai de vingt jours francs à compter de sa date de réception. La caisse peut en outre recourir à une enquête complémentaire. En cas de décès de la victime, la caisse procède obligatoirement à une enquête, sans adresser de questionnaire préalable.

La caisse informe la victime ou ses représentants ainsi que l'employeur de la date d'expiration du délai prévu au premier alinéa lors de l'envoi du questionnaire ou, le cas échéant, lors de l'ouverture de l'enquête.

II.-A l'issue de ses investigations et au plus tard soixante-dix jours francs à compter de la date à laquelle elle dispose de la déclaration d'accident et du certificat médical initial, la caisse met le dossier mentionné à l'article R. 441-14 à la disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu'à celle de l'employeur. Ceux-ci disposent d'un délai de dix jours francs pour le consulter et faire connaître leurs observations, qui sont annexées au dossier. Au terme de ce délai, la victime ou ses représentants et l'employeur peuvent consulter le dossier sans formuler d'observations.

Par ailleurs, aux termes de l'article R461-9 III du code de la sécurité sociale, à l'issue de ses investigations et au plus tard cent jours francs à compter de la date de déclaration de maladie professionnelle et le cas échéant des examens complémentaires prévus par le tableau, la caisse met le dossier prévu à l'article R441-14 à disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu'à celle de l'employeur auquel la décision est susceptible de faire grief.

Aux termes de l'article R441-14 du même code, le dossier mentionné aux articles R 441-8 et R461-9 constitué par la caisse primaire comprend la déclaration d'accident du travail ou de maladie professionnelle, les divers certificats médicaux détenus par la caisse, les constats faits par la caisse primaire, les informations communiquées à la caisse par la victime ou ses représentants ainsi que par l'employeur et les éléments communiqués par la caisse régionale ou, le cas échéant, tout autre organisme.

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En l'espèce, la SNC [8] fait valoir que le dossier constitué par la caisse et consulté par elle était incomplet puisque le questionnaire complété par monsieur [L] et les certificats médicaux de prolongation ne figurent pas au dossier mis à disposition sur la plate-forme QRP, de telle sorte qu'elle n'a pu formuler utilement ses observations. Elle ajoute que si la commission de recours amiable indique que le questionnaire salarié lui est parvenu après la clôture de l'instruction et n'a pas été pris en compte, cela est douteux puisque les éléments transmis par l'employeur et la première personne avisée ne permettaient pas de confirmer les déclarations du salarié.

Elle fait également valoir que les certificats médicaux de prolongation ne figuraient pas au dossier mis à disposition, alors que les lésions mentionnées sur les premiers certificats de prolongation ne figuraient pas sur le certificat médical initial.

La caisse primaire d'assurance maladie des Vosges fait valoir que le questionnaire salarié a été complété après l'instruction du dossier, de telle sorte qu'il n'a pas été pris en compte. Elle ajoute qu'elle disposait d'éléments suffisants pour déterminer la matérialité de l'accident et son lien avec le travail, l'accident s'étant produit sur le lieu et pendant ses heures de travail, l'employeur en ayant eu connaissance le jour même et l'accident ayant été inscrit au registre des accidents bénins.

Elle fait également valoir que le dossier mis à disposition n'a pas à comprendre les éléments non contributifs à la décision de prise en charge. Elle ajoute que les avis de prolongation d'arrêts de travail ne constituent pas des pièces sur lesquelles la caisse fonde sa décision. Elle précise que depuis le 7 mai 2022, il n'existe plus de certificat médical AT/MP de prolongation d'arrêt de travail ou de soins (mais des avis d'arrêt de travail) et que ce certificat médical AT/MP est désormais dédié à la description des éléments médicaux en rapport avec l'accident du travail ou la maladie professionnelle, et réservé aux demandes d'imputabilité des lésions.

-oo0oo-

La SNC [8] a consulté le dossier d'instruction de la maladie professionnelle via le site internet QRPRO et la caisse ne conteste pas le fait que ni le questionnaire salarié ni les certificats médicaux de prolongation ne figuraient dans le dossier ouvert à la consultation de l'employeur.

Cependant, aucun élément du dossier ne permet de contester les affirmations de la caisse selon lesquelles elle ne disposait pas du questionnaire salarié avant la clôture de l'instruction et n'en a dès lors pas tenu compte.

Par ailleurs, les seuls éléments du dossier faisant grief à l'employeur sont les éléments permettant de prendre en charge, ou de refuser la prise en charge, de l'accident déclaré.

Si l'article R441-14 susvisé ne distingue pas entre les différents types de certificats médicaux devant figurer au dossier, seul le certificat médical initial participe de l'objectivation des lésions dues à l'accident, les certificats médicaux de prolongation n'étant pas de nature à influer sur la caractérisation de l'accident.

Au vu de ce qui précède, le dossier mis à disposition de l'employeur comportait tous les éléments pris en compte par la caisse pour reconnaître le caractère professionnel de l'accident, et la caisse a respecté l'obligation d'information mise à sa charge dans le cadre de la procédure d'instruction.

Dès lors, le jugement RG 22/172 du 30 juin 2023 sera confirmé.

Sur l'imputabilité à l'accident des soins et arrêts de travail

Aux termes de l'article L433-1 du code de la sécurité sociale, une indemnité journalière est payée à la victime par la caisse primaire, à partir du premier jour qui suit l'arrêt du travail consécutif à l'accident pendant toute la période d'incapacité de travail qui précède soit la guérison complète, soit la consolidation de la blessure ou le décès ainsi que dans le cas de rechute ou d'aggravation.

La présomption d'imputabilité au travail des soins et arrêts s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime (civ. 2e 17 février 2011 pourvoi n°10-14981, 16 février 2012 pourvoi n° 10-27172, 15 février 2018 pourvoi n° 16-27903, 4 mai 2016 pourvoi n° 15-16895), peu important la continuité des soins et symptômes et arrêts qui n'est pas de nature à remettre en cause les conditions de cette présomption dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail (civ.2e 9 juillet 2020 pourvoi n° 19-17626 PBI, 18 février 2021 pourvoi n° 19-21.940, 12 mai 2022 pourvoi n° 20-20.655).

Cette présomption d'imputabilité au travail n'est cependant pas irréfragable et il appartient à l'employeur qui la conteste d'apporter la preuve contraire (civ. 2e 9 juillet 2020 pourvoi n° 19-17626, 18 février 2021 pourvoi n° 19-21940).

Par ailleurs, l'arrêt de travail doit avoir un lien direct et certain avec la pathologie prise en charge (civ.2e 7 mai 2015 n° 14-14064), ce lien disparaissant lorsqu'un état pathologique antérieur, même révélé par l'accident du travail ou la maladie professionnelle, n'évolue plus que pour son propre compte (civ. 2e 1er décembre 2011 n°10-23032). Dès lors, ce n'est que si l'évolution ou l'aggravation d'une pathologie antérieure sont sans lien avec le travail que les soins et arrêts de travail sont inopposables à l'employeur (civ .2e 28 avril 2011 n° 10-15835 D).

S'il appartient au juge du fond de rechercher si la présomption d'imputabilité est ou non utilement combattue par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve produits devant lui (cass. civ. 2e 20 décembre 2012 n° 11- 20.173) et peut à cet égard ordonner une mesure d'expertise (cass. civ. 2e 16 juin 2011 n° 10-27.172), il n'en demeure pas moins que la faculté d'ordonner une telle mesure relève de son pouvoir souverain d'appréciation (cass. civ. 2e 18 novembre 2010 n° 09-16673, 16 février 2012 n° 10-27172, 28 novembre 2013 n° 12-27209).

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En l'espèce, la SNC [8] fait valoir que le salarié a consulté un médecin près de 10 jours après la survenance de la douleur alléguée. Elle ajoute que cette douleur s'inscrit dans un contexte pathologique antérieur aux faits du 26 novembre 2021, au vu des éléments communiqués à son médecin conseil dans le cadre du recours CMRA. Elle se prévaut de l'avis de son médecin conseil, le docteur [F], qui précise qu'une lombosciatique gauche a été diagnostiquée, mais que dès le 20 décembre 2021, deux autres pathologies sont évoquées (tendinite calcifiée du moyen fessier gauche et début de coxarthrose gauche), sans lien avec le fait accidentel, alors même que plusieurs diagnostics ont été évoqués au fil des certificats médicaux de prolongation (gonalgie gauche, douleur MIG sur coxopathie+tendinite moyen fessier G, sacroiléite) sans lien avec le fait accidentel et la pathologie décrite dans le certificat médical initial. Le médecin conseil fixe à 35 jours l'arrêt de travail en lien avec l'accident du travail.

La caisse primaire d'assurance maladie des Vosges fait valoir que monsieur [L] a bénéficié de soins et arrêts de travail du 6 décembre 2021 au 31 mai 2022 avec une date de guérison au 28 février 2023 et une reprise du travail en temps partiel thérapeutique à compter du 1er mars 2023. Elle ajoute que le médecin conseil et la CMRA ont confirmé l'imputabilité des soins et arrêts de travail à l'accident et que l'employeur ne prouve pas que les soins et arrêts de travail prescrits ont une cause totalement étrangère au travail. Elle se prévaut des observations en réponse de son médecin conseil, qui indique que monsieur [L] souffrait bien d'un état antérieur d'emblée identifié, mais que cet état antérieur était indépendant de l'accident et n'a joué aucun rôle dans la symptomatologie de l'assuré.

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Le certificat médical initial délivré le 6 décembre 2021 à monsieur [B] [L] suite à l'accident du travail du 26 novembre 2021 mentionne « lombosciatique L5-S1 gauche » et prescrit un arrêt de travail.

Dès lors, il y a présomption d'imputabilité de l'ensemble des soins et arrêts de travail à l'accident du travail jusqu'à la date de guérison fixée au 28 février 2023

Pour tenter de renverser cette présomption, et d'apporter la preuve, qui lui incombe, de l'absence d'imputabilité des soins et arrêts de travail, la SNC [8] verse aux débats le mémoire médical du docteur [F], qui évoque un état pathologique antérieur (discopathies révélées par un examen d'imagerie deux mois avant l'accident du travail), expressément admis par le médecin conseil de la caisse.

Les deux médecins s'opposant quant à l'analyse des conséquences de cet état pathologique antérieur et leur lien avec l'accident du travail, il convient d'ordonner avant dire-droit une expertise médicale, qui ne pourra avoir lieu que sur pièces, le salarié n'étant pas partie à l'instance.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Au vu de l'expertise ordonnée, les dépens seront réservés.

PAR CES MOTIFS

La cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement RG 22/172 du 30 juin 2023 du pôle social du tribunal judiciaire d'Epinal en toutes ses dispositions,

SURSOIT A STATUER sur le surplus des demandes,

ORDONNE avant dire droit une expertise médicale judiciaire sur pièces et COMMET pour y procéder le docteur [T] [A] ([Adresse 3] : [XXXXXXXX01]- [Courriel 7]), laquelle a pour mission de :

- prendre connaissance du dossier médical de monsieur [B] [L]

- convoquer les parties à une réunion contradictoire et le cas échéant leurs avocats

- décrire les lésions de monsieur [B] [L] suite à l'accident du travail du 26 novembre 2021 et leur évolution

- dire si l'ensemble des lésions à l'origine de l'ensemble des arrêts de travail pris en charge peuvent résulter directement et uniquement de l'accident du travail survenu le 26 novembre 2021

- déterminer quels sont les arrêts de travail et soins directement et uniquement imputables à l'accident du travail du 26 novembre 2021, y compris ceux qui seraient en lien avec un éventuel état pathologique préexistant mais dont l'accident aurait aggravé ou déstabilisé ou révélé celui-ci,

- déterminer si monsieur [B] [L] a souffert d'une pathologie évoluant pour son propre compte et indépendante de l'accident du travail et le cas échéant déterminer quels sont les arrêts de travail et soins qui trouvent leur origine dans une cause totalement étrangère à l'accident du travail du 26 novembre 2021

- faire toutes observations utiles

DIT que l'expert judiciaire pourra se faire communiquer tous documents nécessaires à sa mission, même détenus par des tiers,

DIT que l'expert devra, avant le dépôt de son rapport, donner connaissance de ses premières conclusions aux médecins assistant ou représentant les parties au moment de l'examen de l'intéressée, pour leur permettre de formuler leurs observations, et devra déposer son rapport dans les quatre mois de sa saisine au greffe de cette cour,

DIT que les opérations d'expertise se dérouleront sous la surveillance du président de chambre soussigné,

FIXE à 600 euros la consignation des frais à valoir sur la rémunération de l'expert,

SURSOIT A STATUER sur le surplus des demandes,

RENVOIE l'affaire à l'audience du 4 décembre 2024 à 13h30 heures et DIT que la notification du présent arrêt vaut convocation des parties à ladite audience,

RESERVE les dépens.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Guerric HENON, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en neuf pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-1ère sect
Numéro d'arrêt : 23/01733
Date de la décision : 22/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-22;23.01733 ?
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