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22/05/2024 | FRANCE | N°23/01666

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-1ère sect, 22 mai 2024, 23/01666


ARRÊT N° /2024

SS



DU 22 MAI 2024



N° RG 23/01666 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FG4S







Pole social du TJ de NANCY

22/265

30 juin 2023











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

SECTION 1









APPELANTE :



Caisse CPAM DE MEURTHE ET MOSELLE prise en la personne de son représentant légal

pour ce domicilié au siège social

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Madame [C] [W], régulièrement munie d'un pouvoir de représentation







INTIMÉE :



S.A.S.U. [5] prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée pa...

ARRÊT N° /2024

SS

DU 22 MAI 2024

N° RG 23/01666 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FG4S

Pole social du TJ de NANCY

22/265

30 juin 2023

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

SECTION 1

APPELANTE :

Caisse CPAM DE MEURTHE ET MOSELLE prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Madame [C] [W], régulièrement munie d'un pouvoir de représentation

INTIMÉE :

S.A.S.U. [5] prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Anne-sophie DISPANS, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président : Mme BUCHSER-MARTIN

Siégeant en conseiller rapporteur

Greffier : Mme CLABAUX-DUWIQUET (lors des débats)

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 27 Mars 2024 tenue par Mme BUCHSER-MARTIN, magistrat chargé d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Guerric HENON, président, Dominique BRUNEAU et Catherine BUCHSER-MARTIN, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 22 Mai 2024 ;

Le 22 Mai 2024, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [T] [M] a effectué l'ensemble de sa carrière dans la métallurgie, de 1968 à 1979 aux Hauts Fourneaux de la Chiers, puis de 1979 à 2006 pour le compte de la SAS [5] (ci-après dénommée SAS [5]) en qualité successivement de man'uvre, graisseur, machiniste, puis de fondeur dégraisseur, puis chargé du nettoyage des machines à la soufflette au train à fil.

Le 6 septembre 2021, il a transmis à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle (ci-après dénommée la caisse) une déclaration de maladie professionnelle, accompagnée d'un certificat médical initial établi le 6 septembre 2021 par le docteur [B] faisant état d'« asbestose- tableau 30A MP- pneumopathie interstitielle » constatée pour la première fois le 1er juillet 2020.

Par courrier du 18 février 2022, la caisse a transmis à la SAS [5] la copie de la déclaration de maladie professionnelle de monsieur [T] [M] qui lui est parvenue le 23 novembre 2021, lui a demandé de compléter un questionnaire en ligne sous 30 jours, l'a informée de la possibilité de consulter les pièces du dossier et de formuler des observations en ligne du 4 mars 2022 au 15 mars 2022, et de consulter le dossier au-delà de cette date et jusqu'à la décision qui sera transmise au plus tard le 24 mars 2022.

La caisse a instruit la demande dans le cadre du tableau n° 30 des maladies professionnelles.

Par courrier du 16 mars 2022, elle a indiqué à la SAS [5] que la maladie déclarée ne remplissait pas les conditions lui permettant de la prendre en charge directement et que le dossier était transmis au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP). Elle l'informait de la possibilité de transmettre au CRRMP des éléments complémentaires et de consulter et compléter le dossier en ligne jusqu'au 15 avril 2022, puis formuler des observations jusqu'au 26 avril 2022 sans joindre de nouvelles pièces, la décision finale devant lui être transmise au plus tard le 15 juillet 2022.

Par avis du 13 juin 2022, ledit comité a émis un avis favorable à la prise en charge de la pathologie au titre de la législation sur les risques professionnels.  

Par courrier du 11 juillet 2022, la caisse a informé la SAS [5] de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de monsieur [T] [M].

Le 3 août 2022, la SAS [5] a saisi la commission de recours amiable de la caisse d'une demande d'inopposabilité de cette décision.

Le 27 octobre 2022, elle a saisi le tribunal judiciaire de Nancy d'un recours à l'encontre de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.

Par décision du 17 novembre 2022, la commission de recours amiable a rejeté son recours.

Par jugement RG 22/265 du 30 juin 2023, le pôle social du tribunal judiciaire de Nancy a :

- déclaré le recours de la SAS [5] recevable,

- l'a déclaré bien-fondé,

- déclaré inopposable à la SAS [5] la décision de prise en charge par la CPAM de Meurthe-et-Moselle de la maladie professionnelle du 1er juillet 2020 de monsieur [T] [M],

- condamné la CPAM de Meurthe-et-Moselle aux entiers frais et dépens de la procédure.

Par acte du 27 juillet 2023, la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe et Moselle a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 27 mars 2024.

PRETENTIONS DES PARTIES

La caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle, dument représentée a repris ses conclusions responsives et récapitulatives reçues au greffe le 26 mars 2024, et a sollicité ce qui suit :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 30 juin 2023 par le pôle social du tribunal judiciaire de Nancy

- déclarer régulier l'avis du CRRMP du Grand-Est en date du 13 juin 2022

- déclarer contradictoire la procédure diligentée par la CPAM en vue de la transmission du dossier de monsieur [T] [M] au CRRMP du Grand-Est

Par conséquent,

- déclarer opposable à la société [5] la décision de la CPAM en date du 11 juillet 2022 de prendre en charge, au titre des risques professionnels, l'asbestose dont est atteint monsieur [T] [M],

Et en tout état de cause,

- débouter la société [5] de l'ensemble de ses demandes.

La SAS [5], représentée par son avocat, a repris ses conclusions reçues au greffe le 25 mars 2024 et a sollicité ce qui suit :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy du 30 juin 2023 en ce qu'il a prononcé l'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie de monsieur [M] du 1er juillet 2020

- constater que la CPAM n'a pas respecté le principe du contradictoire

- constater que la CPAM n'a pas respecté le délai pour recueillir les observations de la société [5] avant la transmission au CRRMP

En conséquence

- prononcer l'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie de monsieur [M] du 1er juillet 2020.

Pour l'exposé des moyens des parties, il convient de faire référence aux conclusions sus mentionnées, reprises oralement à l'audience.

L'affaire a été mise en délibéré au 22 mai 2024 par mise à disposition au greffe par application des dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur l'opposabilité à l'employeur de la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie

Aux termes de l'article R461-9 du code de la sécurité sociale, la caisse dispose d'un délai de cent-vingt jours francs pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie ou saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles mentionné à l'article L461-1.

Aux termes de l'article R461-10 du même code, lorsque la caisse saisit le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, elle dispose d'un nouveau délai de cent-vingt jours francs à compter de cette saisine pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie. Elle en informe la victime ou ses représentants ainsi que l'employeur auquel la décision est susceptible de faire grief par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information.

La caisse met le dossier mentionné à l'article R441-14, complété d'éléments définis par décret, à la disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu'à celle de l'employeur pendant quarante jours francs. Au cours des trente premiers jours, ceux-ci peuvent le consulter, le compléter par tout élément qu'ils jugent utile et faire connaître leurs observations, qui y sont annexées. La caisse et le service du contrôle médical disposent du même délai pour compléter ce dossier. Au cours des dix jours suivants, seules la consultation et la formulation d'observations restent ouvertes à la victime ou ses représentants et l'employeur.

La caisse informe la victime ou ses représentants et l'employeur des dates d'échéance de ces différentes phases lorsqu'elle saisit le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information.

A l'issue de cette procédure, le comité régional examine le dossier. Il rend son avis motivé à la caisse dans un délai de cent-dix jours francs à compter de sa saisine.

-oo0oo-

En l'espèce, la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe et Moselle fait valoir que l'absence d'avis du médecin du travail n'est pas sanctionnée par l'inopposabilité de la décision, alors même qu'elle a demandé à la société [5] de transmettre au médecin du travail un exemplaire de la déclaration de maladie professionnelle. Elle précise que le tribunal s'est fondé sur cet absence d'avis du médecin du travail pour déclarer la décision de prise en charge de la maladie inopposable à l'employeur, en se fondant sur une jurisprudence obsolète, alors même que l'employeur ne conteste pas ce point.

Elle fait également valoir que la société [5] a sollicité des pièces complémentaires par courrier posté le 28 mars 2022, alors qu'elle l'avait avisée qu'une décision interviendrait au plus tard le 24 mars 2022, de telle sorte que sa demande est tardive. Elle précise qu'elle a néanmoins sollicité et obtenu du salarié l'autorisation nécessaire pour communiquer ces pièces et désigner un médecin pour cette transmission. Elle ajoute qu'elle a avisé l'employeur de la transmission du dossier au CRRMP par courrier du 16 mars 2022, date à laquelle le CRRMP a réceptionné le dossier, et que cette transmission concomitante n'a pas privé l'employeur d'ajouter des éléments au dossier, les délais lui ayant été notifiés.

Elle fait enfin valoir que pour la première fois dans ses dernières conclusions, l'employeur indique qu'il n'aurait reçu le courrier du 16 mars 2022 que le 22 mars 2022 et que les délais de 30 et 40 jours n'auraient pas été respectés. Elle ajoute que la société [5] a créé un compte en ligne pour participer à l'instruction du dossier de telle sorte que le dossier a été mis à sa disposition instantanément, et qu'elle a effectivement consulté le dossier le 17 mars 2022 et le 28 mars 2022, de telle sorte qu'elle n'a subi aucun grief. Elle précise que le décompte des délais en jours francs n'est prévu que pour la caisse et le CRRMP, et non pour les délais alloués à l'employeur. Elle ajoute que les délais ne peuvent commencer à courir à compter du lendemain de la notification puisqu'il est impossible d'anticiper cette date et que le délai doit être identique pour toutes les parties. Elle précise que la société [5] n'a jamais prétendu qu'elle aurait été empêchée de produire des pièces au CRRMP.

La SAS [5] fait valoir que le courrier de la caisse du 16 mars 2022 lui est parvenu le 22 mars 2022 de telle sorte que les délais de 40 jours et 30 jours de mise à disposition du dossier et le délai de 10 jours pour recueillir ses observations avant transmission au CRRMP n'ont pas été respectés.

Elle fait également valoir que le principe du contradictoire n'a pas été respecté puisqu'elle n'a été destinataire ni du rapport du salarié ni des conclusions administratives du médecin du travail ni celles des services de contrôle médical.

-oo0oo-

L'article R461-10 prévoit expressément que la caisse dispose d'un délai de 120 jours à compter de la saisine du CRRMP pour prendre sa décision, et qu'au cours de ce délai, le dossier doit être mis à disposition de l'employeur pendant 40 jours francs.

S'il prévoit également que la caisse doit informer l'employeur des dates d'échéance des différentes phases, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information, il ne précise pas le point de départ du délai de 40 jours.

Afin de garantir l'effectivité de ce délai de 40 jours, il ne peut courir qu'à compter de l'information qui en est donnée à l'employeur.

Dès lors, son point de départ doit être fixé au lendemain (le délai étant stipulé franc) de la date de réception par l'employeur du courrier de notification. A défaut, ce délai serait réduit d'une durée égale au délai nécessaire de l'acheminement de la notification par les services postaux ou au délai de transmission électronique de la notification et de son accusé de réception par le destinataire, et ce en violation des droits de l'employeur.

Par ailleurs, la fixation d'un tel point de départ n'est pas en contradiction avec l'obligation faite à la caisse de notifier à l'employeur les dates d'échéance des différentes phases de l'instruction d'un dossier transmis au CRRMP, et non des délais, puisque la caisse peut fixer les dates d'échéance du délai de 40 jours francs, subdivisé en deux délais de 30 et 10 jours, en tenant compte des délais d'acheminement susvisés.

Par courrier du 16 mars 2022 reçu par l'employeur le 22 mars 2022, la caisse l'a informé qu'il pouvait :

- compléter son dossier jusqu'au 15 avril 2022

- formuler des observations jusqu'au 26 avril 2022, sans joindre de nouvelles pièces.

Le délai de 40 jours, expressément stipulé en jours francs, étant un délai de 40 jours de 0 heures à 24 heures, il débute le lendemain de la réception du courrier du 16 mars 2022 reçu le 22 mars 2022, soit le 23 mars 2022, il s'achevait le lendemain du dimanche 1er mai 2022 prorogé au lundi 2 mai 2022, soit le 3 mai 2022, de telle sorte que le délai notifié par la caisse est inexact.

Par ailleurs, ce délai de 40 jours est divisé en un premier délai de 30 jours et un second délai de 10 jours.

Le délai de 30 jours, pendant lequel l'employeur peut compléter le dossier, n'est pas stipulé franc. Il débutait en l'espèce le 23 mars 2022 et expirait le jeudi 21 avril 2022, alors que la caisse a fixé ce délai au 15 avril 2022.

Les délais alloués à l'employeur ne sont dès lors pas conforme aux dispositions légales, de telle sorte que la caisse n'a pas respecté le principe du contradictoire et que la procédure d'instruction est irrégulière.

En conséquence, la décision de prise en charge de la maladie de monsieur [T] [M] est inopposable à la SAS [5] et le jugement sera confirmé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe et Moselle succombant, elle sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement RG 22/265 du 30 juin 2023 du pôle social du tribunal judiciaire de Nancy,

Y ajoutant,

CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe et Moselle aux entiers dépens d'appel.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Guerric HENON, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en sept pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-1ère sect
Numéro d'arrêt : 23/01666
Date de la décision : 22/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-22;23.01666 ?
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