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22/05/2024 | FRANCE | N°23/01198

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-1ère sect, 22 mai 2024, 23/01198


ARRÊT N° /2024

SS



DU 22 MAI 2024



N° RG 23/01198 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FF3F







Pole social du TJ d'EPINAL

22/264

03 mai 2023











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

SECTION 1









APPELANTE :



Société [7] prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié a

u siège social

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Gabriel RIGAL de la SELARL ONELAW, avocat au barreau de LYON substitué par Me Nicolas BERETTI avocat au barreau de Paris





INTIMÉE :



CPAM DE L'AIN prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse...

ARRÊT N° /2024

SS

DU 22 MAI 2024

N° RG 23/01198 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FF3F

Pole social du TJ d'EPINAL

22/264

03 mai 2023

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

SECTION 1

APPELANTE :

Société [7] prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Gabriel RIGAL de la SELARL ONELAW, avocat au barreau de LYON substitué par Me Nicolas BERETTI avocat au barreau de Paris

INTIMÉE :

CPAM DE L'AIN prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Madame [L] [M], régulièrement munie d'un pouvoir de représentation

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président : Monsieur BRUNEAU

Siégeant en conseiller rapporteur

Greffier : Monsieur ADJAL (lors des débats)

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 26 Mars 2024 tenue par Monsieur BRUNEAU, magistrat chargé d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Guerric HENON, président, Dominique BRUNEAU et Catherine BUCHSER-MARTIN, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 22 Mai 2024 ;

Le 22 Mai 2024, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

Faits, procédure, prétentions et moyens

Selon formulaire du 10 novembre 2021, la société [7] (la société) a souscrit une déclaration d'accident du travail, assortie de réserves formulées par courrier séparé du 16 novembre 2021, concernant M. [C] [J], conducteur d'engins lourds depuis le 15 septembre 2014 qui, après s'être plaint après sa journée de travail de problème de vue (horaires de travail au jour de l'accident : 5h à 8h40), s'est rendu aux urgences du centre hospitalier de [9] à [Localité 1] en date du 23 octobre 2021.

Le bulletin de situation du 15 novembre 2021 du centre hospitalier fait état d'une entrée aux urgences le 23 octobre 2021 à 10h57 et d'une sortie au 10 novembre 2021 à 15h25.

Le certificat médical de prolongation du 10 novembre 2021 du docteur [D] du service neurologique fait état d'un « AVC avec troubles visuels consécutifs ».

Par décision du 8 février 2022, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain (la caisse) a informé son employeur de la prise en charge, après enquête, de cet accident au titre de la législation sur les risques professionnels.

Le 8 avril 2022, son employeur a sollicité l'inopposabilité de cette décision par la voie amiable, devant la commission de recours amiable de la caisse et devant sa commission médicale de recours amiable.

Par décision du 26 octobre 2022, la commission de recours amiable a rejeté sa demande et lui a déclaré opposable la décision de prise en charge de l'accident du travail au titre de la législation professionnelle.

Le 28 décembre 2022, la société a sollicité l'inopposabilité cette décision devant le tribunal judiciaire d'Epinal.

Par jugement du 3 mai 2023, le tribunal a :

- déclaré la société [7] recevable en son recours,

- débouté la société [7] de ses demandes,

- confirmé la décision du 8 février 2022 de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain,

- déclaré opposable à la société [7] la décision du 8 février 2022 de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain de prise en charge au titre de la législation au titre des risques professionnels relatifs à la maladie professionnelle déclarée par M. [J] [C] « AVC » le 10 novembre 2021,

- condamné le société [10] à lui verser la somme de 500 euros ;

- condamné la société [7] aux dépens.

Par acte du 1er juin 2023, la société [7] a interjeté appel de ce jugement.

Suivant conclusions n° 2 reçues au greffe le 25 mars 2024, la société [7] demande à la cour de :

- déclarer son appel recevable et bien fondé en toutes ses demandes, fins et prétentions,

A titre principal,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Epinal, le 3 mai 2023 en ce qu'il a :

- débouté la société [7] de ses demandes,

- confirmé la décision du 8 février 2022 de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain,

- déclaré opposable à la société [7] la décision du 8 février 2022 de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain de prise en charge au titre de la législation au titre des risques professionnels relatifs à la maladie professionnelle déclarée par M. [J] [C] « AVC » le 10 novembre 2021,

- condamné la société [7] aux dépens

Statuant à nouveau,

- lui déclarer la décision de prise charge, au litre de la législation professionnelle, de l'accident dont M. [C] [J] a déclaré avoir été victime le 23 octobre 2021, inopposable, ainsi que toutes les conséquences financières y afférentes,

En tout état de cause,

- débouter la caisse de toutes de ses demandes, fins el prétentions,

- condamner la caisse aux entiers dépens.

Suivant conclusions reçues au greffe le 15 janvier 2024, la caisse demande à la cour de confirmer le jugement rendu le 3 mai 2023 par le pôle social du tribunal judiciaire d'Epinal en ce qu'il déclare opposable à la société [7] la décision de prise en charge de l'accident du travail du 23 octobre 2021 de M. [C] [J] et rejeté les demandes de l'employeur.

Pour l'exposé des moyens des parties, il convient de faire référence aux conclusions sus mentionnées, reprises oralement à l'audience ou invoquées par les parties dispensées de comparution.

Motifs

1/ Sur l'opposabilité de la décision prise par la caisse à l'égard de l'employeur :

Il résulte des dispositions de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci (Soc., 2 avril 2003, no 00-21.768, Bull. no132). Les juges du fond apprécient souverainement si un accident est survenu par le fait ou à l'occasion du travail (Soc., 20 décembre 2001, Bulletin civil 2001, V, n° 397).

Le salarié, respectivement la caisse en contentieux d'inopposabilité, doit ainsi « établir autrement que par ses propres affirmations les circonstances exactes de l'accident et son caractère professionnel » (Soc., 26 mai 1994, Bull. n° 181), il importe qu'elles soient corroborées par d'autres éléments (Soc., 11 mars 1999, no 97-17.149, civ.2e 28 mai 2014, no 13-16.968).

En revanche, dès lors qu'il est établi la survenance d'un évènement dont il est résulté une lésion aux temps et lieu de travail, celui-ci est présumé imputable au travail, sauf pour celui qui entend le contester de rapporter la preuve qu'il provient d'une cause totalement étrangère au travail. La caisse n'a pas permis d'établir de façon sérieuse et objective le lien entre le travail du salarié et l'AVC dont il a été victime.

*-*-*

L'employeur fait valoir que l'instruction superficielle réalisée par la CPAM n'a pas permis de mettre en exergue la survenue d'un fait accidentel, ou à tout le moins l'apparition soudaine d'une lésion au temps et au lieu du travail. Le salarié une fois sa semaine de travail terminée, avait l'autorisation de garer son camion à proximité de son domicile le week-end, une fois sa semaine de travail terminée. C'est dans ce cadre que Monsieur [J] a travaillé toute la semaine du lundi 18 au vendredi 22 octobre 2021. Toutefois en raison de son obligation de respecter ses temps de pause, celui-ci a dormi vendredi soir 22 octobre 2021 à hauteur de [Localité 5]. Et finalement, Monsieur [J] est rentré chez lui, à [Localité 6], le samedi 23 octobre 2021 et a ainsi garé son véhicule devant son domicile puisqu'il commençait alors son week-end. II n'était donc pIus sous sa responsabilité à compter de 8h38 le 23 octobre 2021. Selon Monsieur [J], son épouse l'aurait ensuite accompagné à l'hôpital, semble t'il en raison de troubles de la vue. Il est ainsi entré à l'hôpital à 10h57, soit plus de 3 heures après avoir terminé le travail. En réalité, selon ses dires, il serait venu consulter pour une baisse de la vue persistante. Il n'est donc pas possible de considérer qu'il est ainsi établi que Monsieur [J] a été victime de l'apparition soudaine d'une lésion à une heure précise avant 8h40 le 23 octobre 2021 puisque d'une part, la dégradation de la vue semble se manifester de façon diffuse et que d'autre part, ni initialement, ni à l'issue de l'instruction, rien ne vient objectivement confirmer sa manifestation avant la fin de poste à 8h40. La constatation d'une telle lésion dans un certificat de prolongation ne saurait constituer la preuve objective de l'apparition soudaine de cette lésion avant 8h40 le 23 octobre 2021 , alors que celui-ci a été établi par un médecin qui n'était pas présent au travail le jour dudit accident, et prescrit 18 jours après ledit jour de l'accident. Surtout, que ce soit dans sa déclaration ou dans son courrier de réserves, l'employeur ne fait que reprendre les dires de son salarié, qui, en outre, sont contradictoires. Dès lors, il est clairement établi qu'en dehors des dires de l'assuré, la CPAM ne dispose d'aucun élément objectif confirmant que celui-ci a été victime d'un évènement soudain et précis survenu au temps et lieu du travail, et à tous de moins qu'une lésion est soudainement apparue à une heure donnée au temps et lieu du travail. Par ailleurs, les symptômes décrits par ce salarié n'ont jamais été objectivés et reposent sur ses seuls dires, qui plus est, tardifs.

*

La caisse fait valoir qu'il n'est ni contestable ni contesté que le salarié a été victime d'un AVC aux temps et lieu de travail, en sorte que la présomption d'imputabilité s'applique. En effet, il ressort de la déclaration d'accident du travail que les faits seraient survenus à 9h. Toutefois, dans le cadre de son questionnaire, l'assuré a déclaré que son accident est survenu « le 23 octobre 2021 à 6h00 sur I'aire de repos A36 à proximité de [Localité 8] ». Ses horaires de travail ce jour-là étaient de 5h00 à 8h40. Dès lors, l'accident est bien survenu au temps et au lieu du travail. A la suite de cet accident, Monsieur [J] a d'ailleurs été hospitalisé le jour même jusqu'au 10 novembre 2021. De plus, dans le cadre des investigations menées par la Caisse, l'employeur ne remet nullement en cause la réalité du malaise de Monsieur [J]. Au contraire, dans le cadre de sa lettre de réserves, l'employeur avait indiqué que « I 'AVC [ ] se serait potentiellement produit le 19 octobre 2021, soit pendant sa semaine de travail ». Ainsi, l'employeur ne remettait absolument pas en cause la survenance de l'AVC aux temps et lieu du travail. Il se contentait seulement de reprendre les circonstances de l'accident et d'invoquer une information tardive le jour même à 20h. A aucun moment, il n'est établi que l'AVC avec troubles visuels a une cause totalement étrangère au travail.

*-*-*

Au cas présent, il convient de constater que selon la déclaration d'accident du travail, reprise en ce sens par la réponse de l'employeur au questionnaire adressé par la caisse, le salarié finissait sa journée et a appelé sa femme pour qu'elle vienne le chercher afin qu'elle l'emmène aux urgences, celui-ci se plaignait d'un problème de vue. La déclaration d'accident du travail fait mention d'un accident survenu le 23 octobre 2021 à [Localité 6] à 9h alors que dans le questionnaire de l'employeur, il est fait mention de 9h30.

Le témoin visé par la déclaration d'accident du travail en tant que première personne avisée, a exposé dans sa réponse au questionnaire de la caisse qu'il n'avait pas eu de de contact physique avec le salarié concerné, seulement téléphonique, sans qu'il n'ait été fait mention de problème de santé.

Selon les réponses du salarié au questionnaire adressé par la caisse, il a été atteint de troubles visuels au réveil aux environs de 6h00 sur une aire de repos proche de [Localité 8], qu'il attribuait à un surmenage mental, stress lié aux temps d'attente et nature des produits transportés. Il faisait mention d'un témoin en la personne de [J] [S], dont il convient de relever qu'elle n'a pas été interrogée par la caisse alors que le salarié avait précisé ses coordonnées téléphoniques.

Selon le bulletin de situation du centre hospitalier de [Localité 1] qui ne comprend aucune constatation médicale, l'intéressé est entré dans cet établissement le 23 octobre 2021 à 10h57.

Selon un certificat médical de prolongation du 10 novembre 2021, il est fait mention d'un AVC avec troubles visuels consécutifs, sans pour autant que ce document ne fasse mention d'une date de première constatation

L'employeur a produit une copie de d'enregistrement chronotachygraphe, faisant état d'une journée du 23 octobre commencée à [Localité 5] à 5h11 pour finir à [Localité 6] le même jour à 8h38.

Il résulte de ce qui précède que s'il est certain que le salarié a été victime d'un AVC qui s'est également traduit par des troubles visuels, il convient cependant de relever que la preuve de leur survenance en particulier au travers de troubles visuels pendant le temps de travail ne procède que des explications du salarié, et ce alors même que la caractérisation de ceux-ci ne procède que de l'association de la justification de l'admission du salarié au centre hospitalier avec les énonciations figurant sur le certificat médical de prolongation, qui ne contient aucune indication de date de première constatation. Il ne saurait également être tiré de conséquences des explications de l'employeur dès lors qu'il résulte des éléments précités que celles-ci procèdent des propres explications du salarié en particulier quant aux circonstances de survenances des troubles et de leur moment, et la circonstance de l'évocation par l'employeur de troubles qui seraient apparus dans la semaine précédent le 23 octobre 2021 est inopérante dès que le salarié lui-même n'en fait pas mention.

S'il est certain que ces éléments sont de nature à voir considérer la survenance de troubles visuels au cours de la journée du 23 octobre 2021, en revanche la survenance de ceux-ci pendant le temps de travail qui s'est achevé à 8h38 ne procède que des seules affirmations du salarié, en l'absence d'élément permettant de les corroborer, en particulier par l'épouse du salarié que la caisse n'a pas interrogé.

Il s'ensuit que la caisse ne saurait se prévaloir de la présomption d'imputabilité qui a été rappelée, en sorte qu'en l'absence d'élément permettant d'établir de façon certaine l'origine professionnelle des troubles dont a été atteint le salarié, il convient de déclarer inopposable à l'employeur la décision prise par la caisse.

2/ Sur les mesures accessoires

La caisse qui succombe sera condamnée aux dépens sans qu'il ne soit nécessaire de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant contradictoirement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Réforme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire d'Epinal du 3 mai 2023 ;

Statuant à nouveau,

Déclare inopposable à la société [7] la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain du 8 février 2022 de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident de M. [C] [J] déclaré le 10 novembre 2021,

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain aux dépens

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Guerric HENON, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en sept pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-1ère sect
Numéro d'arrêt : 23/01198
Date de la décision : 22/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-22;23.01198 ?
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