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22/05/2024 | FRANCE | N°23/00925

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-1ère sect, 22 mai 2024, 23/00925


ARRÊT N° /2024

SS



DU 22 MAI 2024



N° RG 23/00925 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FFHS







Pole social du TJ de TROYES

22/39

14 avril 2023











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

SECTION 1









APPELANTE :



S.A.S. [6] dont le siège social se situe [Adresse 3]

[Adresse 2]

[

Localité 1]

Représentée par Me Patricia LIME-JACQUES substitué par Me ADAM, avocats au barreau de NANCY









INTIMÉE :



Caisse CPAM DE L'AUBE prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Madame [K] [P], régulièremen...

ARRÊT N° /2024

SS

DU 22 MAI 2024

N° RG 23/00925 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FFHS

Pole social du TJ de TROYES

22/39

14 avril 2023

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

SECTION 1

APPELANTE :

S.A.S. [6] dont le siège social se situe [Adresse 3]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Patricia LIME-JACQUES substitué par Me ADAM, avocats au barreau de NANCY

INTIMÉE :

Caisse CPAM DE L'AUBE prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Madame [K] [P], régulièrement munie d'un pouvoir de représentation

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président : Mme BUCHSER-MARTIN

Siégeant en conseiller rapporteur

Greffier : Mme FOURNIER (lors des débats)

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 10 Avril 2024 tenue par Mme BUCHSER-MARTIN, magistrat chargé d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Guerric HENON, président, Dominique BRUNEAU et Catherine BUCHSER-MARTIN, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 22 Mai 2024 ;

Le 22 Mai 2024, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [T] [Y] était salariée intérimaire de la SAS [6], entreprise de travail temporaire, depuis le 2 mars 2020 et mise à disposition de la société [4], en qualité d'agent de réception-expédition.

Le 20 juillet 2020, la SAS [6] a transmis à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube (ci-après dénommée la caisse) une déclaration d'accident du travail sans réserves dont a été victime madame [T] [Y] le même jour, décrit comme suit : « activité de la victime lors de l'accident : madame [Y] tirait les colis sur le quai ; nature de l'accident : En déposant un colis d'un roll à un autre, elle s'est pris le poignet gauche entre le colis et le roll », les lésions étant une entorse du poignet gauche.

Le certificat médical initial établi le 20 juillet 2020 par le docteur [M] mentionne une « tendinite de poignet gauche et kyste synoviale suite à réception d'un colis lourd ».

Par courrier du 3 août 2020, la caisse a informé la SAS [6] de la prise en charge de l'accident de madame [T] [Y] au titre de la législation sur les risques professionnels.

Madame [T] [Y] a bénéficié d'arrêts de travail, au titre de l'accident du travail, du 20 juillet 2020 au 3 août 2020, du 5 août 2020 au 28 septembre 2020 et du 6 octobre 2020 au 18 décembre 2020, puis d'un arrêt de travail pour maladie du 19 décembre 2020 au 11 janvier 2021.

Le 23 septembre 2021, la SAS [6] a saisi la commission médicale de recours amiable de la caisse d'une contestation de l'imputabilité des arrêts de travail (144 jours) à l'accident du travail.

Par décision du 28 décembre 2021, ladite commission a confirmé l'imputabilité de l'ensemble des arrêts de travail à l'accident du travail du 20 juillet 2020.

Le 18 février 2022, la SAS [6] a saisi le tribunal judiciaire de Troyes d'un recours à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable.

Par jugement RG 21/39 du 14 avril 2023, le pôle social du tribunal judiciaire de Troyes:

- s'est déclaré compétent pour connaître de la présente affaire

- a débouté la SAS [6] de son recours

- a déclaré opposable à la SAS [6] l'ensemble des arrêts de travail prescrits à madame [T] [Y] relatif à l'accident du travail du 20 juillet 2020, soit entre le 21 juillet 2020 et le 18 décembre 2020

- a débouté la SAS [6] de sa demande d'expertise

- a condamné SAS [6] à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- a condamné SAS [6] aux dépens.

Par acte du 24 avril 2023, la SAS [6] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par arrêt avant dire droit du 16 janvier 2024, la cour de céans, a :
- sursis à statuer sur l'ensemble des demandes,
- ordonné la réouverture des débats,

- invité la SAS [6] à produire aux débats et communiquer à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube son annexe n° 6 « avis médico-légal du docteur [H] [D] » en intégralité,
- renvoyé l'affaire à l'audience du 10 avril 2024 à 13h30 heures et dit que la notification du présent arrêt vaut convocation des parties à ladite audience,
- réservé les dépens.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 10 avril 2024.

PRETENTIONS DES PARTIES

La SAS [6], représentée par son avocat, a repris ses conclusions reçues au greffe le 3 octobre 2023 et a sollicité ce qui suit :

- infirmer le jugement du 14 avril 2023 rendu par le tribunal judiciaire de Troyes

Juger à nouveau

- juger l'absence de présomption d'imputabilité en présence d'une discontinuité des arrêts

- juger qu'il existe un doute médical suffisant quant à l'imputabilité des arrêts afin que soit nécessaire l'organisation d'une expertise médicale judiciaire

- solliciter l'inopposabilité des arrêts de travail délivrés à madame [T] [Y] et qui ne sont pas en relation directe et unique avec l'accident du travail du 20 juillet 2020 et pour ce faire, avant dire droit

- juger qu'une mesure d'expertise médicale judiciaire sur pièces est nécessaire et nommer un expert qui aura pour mission de :

' Se faire remettre le dossier médical de madame [T] [Y] par la caisse primaire d'assurance maladie, dossier couvrant toute la période des arrêts de travail indemnisés au titre de la législation professionnelle jusqu'à la date de guérison ou de consolidation

' Informer les parties de la date de réalisation de l'expertise

' Retracer l'évolution des lésions de madame [T] [Y]

' Dire si les arrêts de travail de madame [T] [Y] ont pour origine exclusive l'accident du travail déclaré le 20 juillet 2020

' Dans la négative, fixer une date de consolidation des seules lésions directement et uniquement imputable au fait accidentel du 20 juillet 2020

' Communiquer aux parties un pré-rapport et solliciter de ces dernières la communication d'éventuels dires, préalablement à la rédaction du rapport définitif

' Juger que la caisse primaire d'assurance maladie fera l'avance des frais d'expertise.

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube, dument représentée, a repris ses conclusions reçues au greffe le 27 novembre 2023 et a sollicité ce qui suit :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 14 avril 2023 par le pôle social du tribunal judiciaire de Troyes

- juger que la prise en charge de l'ensemble des soins et arrêts de travail est opposable à la société [6]

- juger que la caisse primaire justifie de la continuité des soins et arrêts de travail

- condamner la société [6] à payer à la caisse primaire la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner la société [6] aux entiers dépens de l'instance.

Pour l'exposé des moyens des parties, il convient de faire référence aux conclusions sus mentionnées reprises oralement à l'audience.

L'affaire a été mise en délibéré au 22 mai 2024 par mise à disposition au greffe par application des dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur l'imputabilité des soins et arrêts de travail

Aux termes de l'article L433-1 du même code, une indemnité journalière est payée à la victime par la caisse primaire, à partir du premier jour qui suit l'arrêt du travail consécutif à l'accident pendant toute la période d'incapacité de travail qui précède soit la guérison complète, soit la consolidation de la blessure ou le décès ainsi que dans le cas de rechute ou d'aggravation.

La présomption d'imputabilité au travail des soins et arrêts s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime (civ. 2e 17 février 2011 pourvoi n°10-14981, 16 février 2012 pourvoi n° 10-27172, 15 février 2018 pourvoi n° 16-27903, 4 mai 2016 pourvoi n° 15-16895), peu important la continuité des soins et symptômes et arrêts, qui n'est pas de nature à remettre en cause les conditions de cette présomption dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail (civ.2e 9 juillet 2020 pourvoi n° 19-17626 PBI, 18 février 2021 pourvoi n° 19-21.940, 12 mai 2022 pourvoi n° 20-20.655).

Cette présomption d'imputabilité au travail n'est cependant pas irréfragable et il appartient à l'employeur qui la conteste d'apporter la preuve contraire.

Par ailleurs, l'arrêt de travail doit avoir un lien direct et certain avec la pathologie prise en charge (civ.2e 7 mai 2015 pourvoi n° 14-14064), ce lien disparaissant lorsqu'un état pathologique antérieur, même révélé par l'accident du travail ou la maladie professionnelle, n'évolue plus que pour son propre compte (civ. 2e 1er décembre 2011 pourvoi n°10-23032). Dès lors, ce n'est que si l'évolution ou l'aggravation d'une pathologie antérieure est sans lien avec le travail que les soins et arrêts de travail sont inopposables à l'employeur (civ .2e 28 avril 2011 pourvoi n° 10-15835 D).

S'il appartient au juge du fond de rechercher si la présomption d'imputabilité est ou non utilement combattue par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve produits devant eux (civ. 2e 20 décembre 2012 pourvoi n° 11- 20.173) et peut à cet égard ordonner une mesure d'expertise (civ. 2e 16 juin 2011 pourvoi n° 10-27.172), il n'en demeure pas moins que la faculté d'ordonner une telle mesure relève de son pouvoir souverain d'appréciation (civ. 2e 18 novembre 2010 pourvoi n° 09-16673, 16 février 2012 pourvoi n° 10-27172, 28 novembre 2013 pourvoi n° 12-27209).

-oo0oo-

En l'espèce, la SAS [6] fait valoir que madame [Y] a souffert d'une contusion au poignet alors qu'elle manipulait un colis. Elle ajoute qu'il a été constaté initialement une tendinite du poignet gauche et kyste synovial, que cette tendinite a disparu et que seule une douleur au poignet gauche avec kyste synovial ont persisté.

Elle se prévaut de l'avis du docteur [D] qui conclut à une durée d'arrêt de travail qui ne peut pas être imputée en totalité à l'accident de la salariée au motif qu'un kyste arthrosynovial provient d'une dégénérescence de la capsule articulaire du poignet, peut entraîner une gêne fonctionnelle et peut être mis en évidence à l'occasion d'un traumatisme, mais ne justifie pas à lui seul la poursuite des arrêts de travail.

Elle fait également valoir que le relevé d'indemnités journalières mentionne des interruptions. Elle ajoute qu'à l'issue de son arrêt de travail, la salariée a été prolongée pour maladie simple, ce qui confirme l'existence d'un état intercurrent. Elle indique que le service médical de la caisse n'a pas contesté l'avis du médecin expert.

La caisse fait valoir que l'employeur ne produit aucun élément permettant de présumer un état pathologique préexistant ou indépendant évoluant pour son propre compte. Elle ajoute qu'elle apporte la preuve de la continuité des soins de telle sorte que la présomption d'imputabilité joue pleinement. Elle précise que le docteur [D] n'apporte aucun élément de nature à laisser supposer qu'à compter du 3 août 2020, cet état antérieur aurait continué à évoluer pour son propre compte sans lien avec l'accident initial.

-ooOoo-

Le certificat médical initial délivré le 20 juillet 2020 à madame [T] [Y] suite à l'accident du travail mentionne « D# tendinite de poignet gauche et kyste synovial suite à réception d'un colis lourd » et prescrit un arrêt de travail jusqu'au 3 août 2020.

En outre, la caisse produit le relevé d'indemnités journalières du 20 juillet 2020 au 11 janvier 2021, dont il résulte que l'arrêt de travail a été délivré au titre de l'accident du travail jusqu'au 18 décembre 2020.

Au vu de l'arrêt de travail délivré, la présomption d'imputabilité au travail des soins et arrêts s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime.

Pour renverser cette présomption, l'employeur produit un avis du docteur [D] aux termes duquel il liste l'ensemble des certificats médicaux de prolongation, qui font tous état de « douleur poignet gauche avec kyste synovial » ou « kyste synovial gauche » ou « kyste fluctuant de poignet gauche », à l'exception du certificat du 21 août 2020 prescrivant un arrêt de travail jusqu'au 28 septembre 2020 et mentionnant « tendinite poignet droit », qui correspondant manifestement à une retranscription erronée puisqu'il n'en tire aucune conséquence.

Il relève qu'aucun diagnostic concernant une lésion traumatique aiguë n'a été posé, qu'aucun diagnostic n'a été posé, que le dossier transmis ne comporte aucune fiche de liaison médico-administrative et que le service médical n'a pas été interrogé sur la justification de la poursuite de l'arrêt de travail dans le cadre de la législation sur les risques professionnels. Ces éléments ne sont cependant pas de nature à renverser la présomption d'imputabilité.

Enfin, le docteur [D] indique que « le fait que des symptômes ou plusieurs pathologies intéressent la même structure anatomique n'implique pas qu'il existe un enchaînement clinique cohérent sur le plan physiopathologique. Il est nécessaire de pouvoir précisément identifier une ou des lésion(s) initiale(s), d'en connaître l'évolution clinique pour pouvoir se prononcer sur la justification de la poursuite d'un arrêt de travail dans le cadre de la législation sur les risques professionnels ». Là encore, ces réflexions purement théoriques ne sont, là encore, pas de nature à démontrer qu'il existerait des éléments laissant supposer que les soins et arrêts de travail dont a bénéficié madame [T] [Y] ne seraient pas en lien avec son accident du travail mais avec un état antérieur ou une pathologie distincte.

En conséquence, il n'y a pas lieu à expertise, la SAS [6] sera déboutée de l'ensemble de ses demandes et le jugement sera confirmé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La SAS [6] succombant, elle sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel.

Par ailleurs, il serait inéquitable de laisser à la charge de la caisse l'intégralité des frais irrépétibles exposés et la SAS [6] sera condamnée à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement RG 22/39 du 14 avril 2023 du pôle social du tribunal judiciaire de Troyes en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS [6] à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SAS [6] aux entiers dépens d'appel.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Guerric HENON, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en six pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-1ère sect
Numéro d'arrêt : 23/00925
Date de la décision : 22/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-22;23.00925 ?
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