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17/05/2024 | FRANCE | N°23/01433

France | France, Cour d'appel de Nancy, 3ème chambre - section 1, 17 mai 2024, 23/01433


ARRET N°

DU 17 MAI 2024



N° RG 23/01433 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FGMP



LA COUR D'APPEL DE NANCY, troisième chambre civile section 1, a rendu l'arrêt suivant :



Saisie d'un appel d'une décision rendue le 08 juin 2023 par le juge aux affaires familiales, du tribunal judiciaire de VAL DE BRIEY (21/00091)



APPELANTE :

Madame [O] [U]

née le [Date naissance 2] 1996 à [Localité 9]

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représentée par Me Damien L'HOTE, avocat au barreau de NANCY



INTIME :



Monsieur [W] [P]

né le [Date naissance 1] 1992 à [Localité 8]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me Barbara VASSEUR de la SCP VASSEUR PETIT, avo...

ARRET N°

DU 17 MAI 2024

N° RG 23/01433 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FGMP

LA COUR D'APPEL DE NANCY, troisième chambre civile section 1, a rendu l'arrêt suivant :

Saisie d'un appel d'une décision rendue le 08 juin 2023 par le juge aux affaires familiales, du tribunal judiciaire de VAL DE BRIEY (21/00091)

APPELANTE :

Madame [O] [U]

née le [Date naissance 2] 1996 à [Localité 9]

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représentée par Me Damien L'HOTE, avocat au barreau de NANCY

INTIME :

Monsieur [W] [P]

né le [Date naissance 1] 1992 à [Localité 8]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me Barbara VASSEUR de la SCP VASSEUR PETIT, avocat postulant du barreau de NANCY et Me Thomas KREMSER, avocat plaidant du barreau de BRIEY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des conseils des parties, en application de l'article 805 du Code de Procédure Civile,

Madame BOUC, Présidente de Chambre, siégeant en rapporteur,

Madame FOURNIER, greffière,

Lors du délibéré :

Présidente de Chambre : Madame BOUC, qui a rendu compte à la Cour, conformément à l'article 805 du Code de Procédure Civile,

Conseillères : Madame LEFEBVRE,

Madame WELTER ;

DEBATS :

En audience publique du 26 Février 2024 ;

Conformément à l'article 804 du Code de Procédure Civile, un rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience de ce jour ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être mis publiquement à disposition au greffe le 17 Mai 2024 ;

Le 17 Mai 2024, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

Copie exécutoire le

Copie le

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [W] [P] et Mme [O] [U] ont vécu en concubinage jusqu'au 5 novembre 2018.

Pendant la vie commune, les concubins ont acquis ensemble un immeuble à usage d'habitation sis [Adresse 4] dans lequel M. [P] est resté à la suite de la séparation.

Par exploit d'huissier en date du 18 janvier 2021, Mme [U] a fait assigner M. [P] devant le juge aux affaires familiales aux fins d'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage judiciaire de l'indivision existant entre les parties et de voir ordonner la vente sur licitation de l'immeuble indivis.

Par jugement contradictoire en date du 8 juin 2023, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Val de Briey a :

déclaré irrecevable la demande en partage de Mme [U],

débouté les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné Mme [U] aux dépens.

Par déclaration au greffe en date du 4 juillet 2023, Mme [U] a interjeté appel de ce jugement dans ses dispositions relatives à la recevabilité de la demande en partage judiciaire et aux fins de désignation d'un notaire et de fixation d'une indemnité d'occupation, aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 09 janvier 2024, Mme [U] demande à la cour de :

Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté M. [P] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau :

Déclarer irrecevable, et subsidiairement mal fondée, la fin de non-recevoir invoquée par M. [P] et tirée des dispositions de l'article 1376 du code de procédure civile,

Déclarer irrecevable, et subsidiairement mal fondée, la fin de non-recevoir invoquée pour la première fois à hauteur d'appel par M. [P] et tirée des dispositions de l'article 2052 du code de procédure civile,

Ordonner l'ouverture des opérations de comptes, de liquidation et de partage de l'indivision conventionnelle portant sur le prix de vente de l'immeuble situé [Adresse 4], par suite de l'acte de vente intervenu le 8 juin 2022,

Désigner un notaire pour y procéder, à l'exception de Maître [B] [Y] [C], et un juge commis pour surveiller les opérations,

Dire que le notaire commis sera autorisé à demander le transfert en son étude des fonds indivis détenus par Maître [B] [Y] [C],

Dire que M. [P] est débiteur envers l'indivision conventionnelle d'une indemnité d'occupation d'un montant total de 28 380 € pour la période du 5 novembre 2018 au 8 juin 2022,

Dire qu'il sera tenu compte des autres créances d'indivision, sur la production auprès de notaire des justificatifs de dépenses d'entretien ou conservation afférentes à l'immeuble et/ou de remboursement de l'emprunt immobilier,

Condamner M. [P] à verser à Mme [U] une somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Débouter M. [P] de ses propres demandes de ce chef, ainsi que de tout appel incident ou demandes complémentaires à hauteur d'appel,

Ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 11 janvier 2024, M. [P] demande à la cour de :

Déclarer l'appel interjeté par Mme [U] mal fondé,

Confirmer le jugement,

Dire et juger irrecevable en application de l'article 74 du code de procédure civile l'exception d'incompétence soulevée en application de l'article 789 du code de procédure civile,

Dire et jugée l'action irrecevable comme se heurtant à l'autorité de la transaction en application de l'article 2052 du code civil,

Subsidiairement,

débouter Mme [U] de ses demandes,

En tout état de cause,

Condamner Mme [U] à régler à M. [P] la somme de 800 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamner Mme [U] en tous les dépens de Première Instance et d'Appel dont distraction, pour ceux d'Appel, au profit de la S.C.P. Barbara VASSEUR- Renaud PETIT, Avocats Associés, en application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

En application des disposition de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour renvoie aux conclusions des parties pour l'exposé des moyens.

L'ordonnance de clôture est en date du 18 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'irrégularité de l'assignation en partage

1- Sur la recevabilité du moyen soulevée par Mme [U]

Il convient de distinguer entre compétence et pouvoir d'un juge, le défaut de compétence donnant lieu à une exception de procédure (article 75 du code de procédure civile) alors que le défaut de pouvoir du juge saisi est sanctionné par une fin de non-recevoir (article 122 du code de procédure civile).

En vertu de l'article 789 du code de procédure civile, le juge de la mise en état est seul compétent pour statuer sur les exceptions de procédure, les incidents d'instance et sur les fins de non-recevoir, à compter de sa désignation et jusqu'à son dessaisissement.

Le juge du fond retrouve sa compétence en ces domaines, dès lors, que les exceptions, incidents ou fins de non-recevoir apparaissent postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.

Il s'agit donc d'une question de répartition des pouvoirs entre le juge de la mise en état et le juge du fond, pour statuer sur les exceptions de procédure, les incidents d'instance et les fins de non recevoir, sur une période déterminée. Il ne s'agit pas d'un problème de compétence au sens de l'article 75 du code de procédure civile.

Le moyen soulevé par l'appelant sur l'irrecevabilité de la fin de non-recevoir tirée de l'irrégularité de l'acte d'assignation en partage devant le juge du fond en première instance, est donc une fin de non-recevoir prévue aux articles 122 et suivants du code de procédure civile.

En application de l'article 123 du code de procédure civile, les fins de non-recevoir peuvent être proposées à tout moment, même pour la première fois à hauteur d'appel.

Dès lors, Mme [U] est recevable en sa fin de non-recevoir soulevée devant la cour.

2- Sur la recevabilité de la fin de non-recevoir soulevée par M. [P]

En application de l'article 1360 du code civil, le moyen qui tend à faire déclarer irrecevable une assignation en partage, faute de comporter un descriptif sommaire du patrimoine à partager, de préciser les intentions du demandeur quant à la répartition des biens et d'indiquer les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable, constitue une fin de non-recevoir.

Dès lors, M. [P] aurait dû saisir du défaut de régularité de l'assignation en partage le juge de la mise en état désigné dans le cadre de la procédure et non le juge aux affaires familiales statuant au fond.

Dans ces conditions, le jugement querellé sera infirmé en toutes ses dispositions et M. [P] sera déclaré irrecevable en son moyen tiré de l'irrégularité de l'assignation en partage.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la transaction

1- sur la recevabilité de la fin de non-recevoir

S'agissant d'une fin de non-recevoir, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, M. [P] peut soulever pour la première fois à hauteur de cour d'appel la fin de non-recevoir tirée de la transaction prévue à l'article 2052 du code civil.

En application de l'article 907 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état, dont les attributions ne concernent que les exceptions de procédure, les incidents d'instance et les fins de non-recevoir relatifs à l'instance d'appel, n'est pas compétent pour statuer sur une exception de procédure, un incident d'instance ou une fin de non-recevoir relative à la première instance.

Dès lors, M. [P] est recevable à soulever devant la cour la fin de non-recevoir tirée de la transaction.

2- sur l'existence d'une transaction

Selon l'article 2044 du code civil, la transaction est un contrat, destiné à terminer une contestation ou à prévenir une contestation à naître, par le biais de concessions réciproques.

En l'espèce, aux termes du document sous seing privé intitulé 'PROPOSITION CHIFFRÉE', signé par les 2 parties, le 11 mai 2020, il résulte que :

- la date de jouissance divise est fixée au 5 novembre 2018, l'immeuble ayant été acquis le 21 octobre 2017, au prix de 127.000 euros dont 6.000 euros au titre du mobilier,

- l'occupation commune a duré 12 mois, M. [P] l'occupant seul depuis le 5 novembre 2018,

- au titre des comptes d'indivision, il est fait état de deux créances de M. [P] envers l'indivision : le paiement des échéances du prêt à hauteur de 8 852,94 euros et le financement de travaux dont la créance est évaluée à 20 992 euros, soit un total de 29 844,44 au titre des deux créances,

- l'actif de l'indivision est évalué à 127 000 euros pour l'immeuble et à 6 000 euros pour le mobilier, soit un total de 133 000 euros,

- le passif de l'indivision est évalué à 127 760 euros au titre du prêt immobilier arrêté au 11/2018, à 29 845 euros au titre des créances de M. [P] à l'égard de l'indivision et à 6 300 euros au titre de frais d'acte de partage, soit un total de 163 905 euros,

- le solde à partager est donc négatif de 15 452,50 euros pour chacun des indivisaires,

- les droits théoriques de M. [P] sont de : - 15 452 (moitié du mali d'indivision) + 29 845 (les créances envers l'indivision) = 14 392,50 euros,

- les droits théoriques de Mme [U] sont de : - 15 452 (moitié du mali d'indivision),

- il est attribué à M. [P] l'immeuble pour 127 000 euros, le mobilier pour 6 000 euros et la soulte due par Mme [U] d'un montant de 9 152,50 euros, à charge pour lui de reprendre le prêt immobilier au 11/2018, soit un lot d'une valeur de 14 392,50 euros,

- il est attribué à Mme [U] la soulte due à M. [P] et les frais d'acte de partage, soit un lot d'une valeur de - 15 452,50 euros.

À la suite de quoi, il est mentionné :

PARTAGE INÉGALITAIRE, FORFAITAIRE ET TRANSACTIONNEL

Abandon de soulte par Monsieur [P].

Le partage inégalitaire, forfaitaire et transactionnel aboutirait à la situation suivante :

* Monsieur [P] devient propriétaire de la totalité en pleine propriété de la maison et reprend à sa charge les prêts en cours,

* Madame [U] laisse sa moitié indivise à Monsieur [P], paye les frais d'acte et ne verse aucune soulte.

Les deux parties ont signé le document avec la mention manuscrite suivante : 'Bon pour accord pour partage inégalitaire, forfaitaire et transactionnel'.

Il s'agit donc d'un partage amiable transactionnel, portant sur un partage inégalitaire et donc susceptible de contestation à naître, avec des obligations réciproques.

3- Sur l'opposabilité de la fin de non-recevoir tirée de l'existence d'une transaction

En application des articles 2052 et 1219 du code civil, l'effet extinctif de la transaction est subordonné à sa bonne exécution. Une transaction ne peut être opposée par l'un des contractants à l'autre que s'il en a respecté les termes.

En l'espèce, M. [P] n'a pas effectué les démarches nécessaires pour désolidariser le prêt immobilier et il ne justifie pas avoir continué à rembourser le prêt immobilier postérieurement à la séparation. En effet, il se contente de verser aux débats l'échéancier du prêt en soulignant en vert ce qu'il aurait remboursé jusqu'au 5 septembre 2021. Il produit juste les relevés bancaires du paiement jusqu'au 22 novembre 2018, soit antérieurement à l'acte transactionnel de partage amiable.

Dans ces conditions, la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la transaction sera rejetée.

Sur la demande de partage judiciaire

En application des articles 816 et 840 du code civil, le partage judiciaire ne peut être demandé que s'il n'y a pas eu de partage amiable.

Il résulte des articles 835 à 839 du code civil que le partage convenu entre les indivisaires n'est assujetti à aucune règle de forme de sorte qu'il peut être conclu par acte sous seing privé et que, s'il porte sur des biens soumis à publicité foncière, il doit être passé par acte notarié. Cette formalité n'ayant pour but que d'assurer l'effectivité de la publicité obligatoire, le défaut d'authenticité de l'acte n'affecte pas sa validité.

En l'espèce, ainsi qu'il ressort des développements précédents, l'acte sous seing privé signé le 11 mai 2020 constitue un acte de partage amiable, avec calcul des droits de chacun, constitution des lots et date de la jouissance divise.

Dès lors, Mme [U] sera déboutée de sa demande de partage judiciaire et de ses demandes subséquentes.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Eu égard à la nature du litige, les dépens de première instance et d'appel seront pris en compte comme frais privilégiés de partage.

Dès lors, M. [P] sera débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, par arrêt contradictoire, publiquement et par mise à disposition au greffe,

Déclare Mme [O] [U] recevable à soulever l'irrecevabilité de la fin de non-recevoir tirée de l'irrégularité de l'acte d'assignation en partage,

Infirme, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 8 juin 2023 par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Val de Briey,

Statuant à nouveau,

Déclare M. [W] [P] irrecevable à soulever la fin de non-recevoir tirée de l'irrégularité de l'acte d'assignation en partage devant le juge du fond,

Déclare M. [W] [P] recevable à soulever la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la transaction,

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par M. [W] [P] tirée de l'autorité de la transaction,

Déboute Mme [O] [U] de sa demande de partage judiciaire et de celles subséquentes,

Dit que les dépens de première instance seront employés en frais privilégiés de partage,

Y ajoutant,

Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de partage,

Déboute M. [W] [P] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au Greffe de la Cour le dix sept Mai deux mille vingt quatre, par Madame FOURNIER, greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Et Madame la Présidente a signé le présent arrêt ainsi que le Greffier.

Signé : I. FOURNIER.- Signé : C. BOUC.-

Minute en huit pages.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - section 1
Numéro d'arrêt : 23/01433
Date de la décision : 17/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-17;23.01433 ?
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