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16/05/2024 | FRANCE | N°23/01096

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 16 mai 2024, 23/01096


ARRÊT N° /2024

PH



DU 16 MAI 2024



N° RG 23/01096 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FFT5







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

21/00476

12 mai 2023











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANTE :



S.A.S. SAVEURS D'ORIENT pris en la personne d

e ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Fabrice GOSSIN de la SCP FABRICE GOSSIN ET ERIC HORBER, substitué par Me FORT , avocats au barreau de NANCY









INTIMÉ :



Monsieur [I] [A]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Anne GRANDIDIER, a...

ARRÊT N° /2024

PH

DU 16 MAI 2024

N° RG 23/01096 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FFT5

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

21/00476

12 mai 2023

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

S.A.S. SAVEURS D'ORIENT pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Fabrice GOSSIN de la SCP FABRICE GOSSIN ET ERIC HORBER, substitué par Me FORT , avocats au barreau de NANCY

INTIMÉ :

Monsieur [I] [A]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Anne GRANDIDIER, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : BRUNEAU Dominique,

STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats : RIVORY Laurène

DÉBATS :

En audience publique du 08 Février 2024 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 16 Mai 2024 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

Le 16 Mai 2024, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Monsieur [I] [A] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par la SAS SAVEURS D'ORIENT à compter du 20 novembre 2017, en qualité de vendeur en boucherie.

Le contrat de travail faisait suite à des missions intérimaires sur la période du 24 mars au 18 novembre 2017.

Le salarié était affecté au magasin de [Localité 4], puis à celui de [Localité 5].

Par courrier du 26 mai 2021, Monsieur [I] [A] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement économique fixé au 02 juin 2021, avec proposition d'un contrat de sécurisation professionnelle.

Par courrier du 11 juin 2021, Monsieur [I] [A] a été licencié pour motif économique, avec adhésion au contrat de sécurisation professionnelle le 14 juin 2021, et fin de son contrat de travail le 23 juin 2021.

Par requête du 30 septembre 2021, Monsieur [I] [A] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy, aux fins :

- à titre principal, de dire et juger son licenciement nul au regard de la violation par la société SAVEURS D'ORIENT des règles applicables aux salariés bénéficiant d'un statut protecteur,

- de condamner la société SAVEURS D'ORIENT à lui verser les sommes suivantes :

- 4 143,64 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur,

- 20 158,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul sur le fondement de l'article L.1235-3-1 du code de travail,

-à titre subsidiaire, de dire et juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse au regard de l'absence de motif économique,

- de condamner la société SAVEURS D'ORIENT à lui verser la somme de 13 439,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L.1235-3 du code de travail,

- en tout état de cause, de dire et juger caractérisée la violation de la priorité de réembauchage et de condamner en conséquence la société SAVEURS D'ORIENT à lui verser la somme de 3 359,71 euros au titre de l'indemnité prévue par l'article L.1235-13 du code du travail,

- de condamner la société SAVEURS D'ORIENT à lui verser les sommes suivantes :

- 10 000,00 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des circonstances dans lesquelles est intervenue la rupture de son contrat de travail,

- 2 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 12 mai 2023, lequel a :

- dit et jugé que le licenciement de Monsieur [I] [A] est nul,

- condamné la société SAVEURS D'ORIENT à payer à Monsieur [I] [A] les sommes suivantes :

- 4 143,64 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur,

- 20 158,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- dit et jugé caractérisée la violation de la priorité de réembauchage,

- condamné la société SAVEURS D'ORIENT à payer à Monsieur [I] [A] la somme de 3 359,71 euros nets au titre de l'indemnité prévue par l'article L.1235-13 du code du travail,

-condamné la société SAVEURS D'ORIENT à payer à Monsieur [I] [A] la somme de 5 000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

- condamné la société SAVEURS D'ORIENT à payer à Monsieur [I] [A] la somme de 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société SAVEURS D'ORIENT aux entiers dépens de la procédure dont ceux liés à l'exécution du jugement,

- débouté la société SAVEURS D'ORIENT de toutes ses demandes.

Vu l'appel formé par la société SAS SAVEURS D'ORIENT le 22 mai 2023,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de la société SAVEURS D'ORIENT déposées sur le RPVA le 08 août 2023, et celles de Monsieur [I] [A] déposées sur le RPVA le 18 janvier 2024,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 24 janvier 2024,

La société SAVEURS D'ORIENT demande :

- de dire et juger son appel recevable et bien fondé,

- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- de dire et juger Monsieur [I] [A] mal fondé en ses demandes, fins et conclusions,

- de l'en débouter,

- de condamner Monsieur [I] aux entiers dépens,

- de condamner Monsieur [I] au paiement de la somme de 2 000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [I] [A] demande :

- de dire et juger l'appel formé par la société SAVEURS D'ORIENT recevable mais mal fondé,

- en conséquence, de débouter la société SAVEURS D'ORIENT de l'intégralité de ses demandes,

A titre principal :

- de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nancy le 12 mai 2023 en ce qu'il a :

- jugé nul son licenciement,

- condamné la société SAVEURS D'ORIENT à lui payer les sommes suivantes :

- 4 143,64 euros nets au titre de l'indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur,

- 20 158,00 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

A titre subsidiaire :

- de dire et juger sans cause réelle et sérieuse son licenciement ,

- en conséquence, de condamner la société SAVEURS D'ORIENT à lui payer la somme de 13 439,00 euros nets à titre de dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail,

En tout état de cause :

- de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nancy le 12 mai 2023 en ce qu'il a :

- jugé caractérisée la violation de la priorité de réembauchage,

- condamné la société SAS SAVEURS D'ORIENT à lui payer la somme de 3 359,71 euros nets au titre de l'indemnité prévue par l'article L.1235-13 du code du travail,

- jugé caractérisé le préjudice moral subi du fait des circonstances abusives et vexatoires dans lesquelles est intervenu son licenciement,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a limité la somme allouée à titre de dommages et intérêts sur ce fondement à 5 000,00 euros,

Statuant à nouveau sur ce point :

- de fixer à la somme de 10 000,00 euros nets les dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait des circonstances abusives et vexatoires dans lesquelles est intervenue la rupture de son contrat de travail,

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société SAVEURS D'ORIENT à lui payer la somme de 1 500,00 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant :

- de condamner la société SAVEURS D'ORIENT à lui payer la somme de 2 500,00 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société SAVEURS D'ORIENT aux entiers dépens de la procédure.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de l'employeur le 08 août 2023, et en ce qui concerne le salarié le 18 janvier 2024.

Sur la nullité du licenciement

Il ressort de la pièce 1 de Monsieur [I] [A] (copie d'une note de la société SAVEURS D'ORIENT en date du 04 janvier 2021 intitulée « Elections des membres de conseil économique et social ») que :

- « En l'absence d'organisations syndicales pour la négociation du protocole d'accord préélectoral, il a été établi la présente note de service »

- le premier tour des élections était fixé au 15 janvier 2020 et le second tour, en cas de nécessité, au 29 janvier 2020

- « En raison des contingences matérielles, les dates limites de dépôt des candidatures sont fixées :

pour le 1er tour : 11 janvier 2021 à 12h au siège de la Société

pour le 2nd tour : 25 janvier 2021 au siège de la Société

Les listes de candidats devront distinguer titulaire et suppléant.

Un récépissé sera remis par le service du personnel et les listes seront affichées immédiatement. (...) »

M. [I] [A] explique avoir déclaré verbalement à M. [N], dirigeant de l'entreprise, être candidat en vue du second tour des élections au comité social et économique, et que la veille de ce second tour le dirigeant lui a indiqué que sa candidature ne serait pas prise en compte car présentée oralement.

Il précise avoir, avec sa collègue Mme [Z] également candidate, formalisé par mail sa candidature le 28 janvier 2021 ; il ajoute l'avoir fait après la date limite des candidatures car c'est ce même 28 janvier que M. [N] leur a indiqué ne pas prendre en compte leurs candidatures orales.

M. [I] [A] fait également valoir qu'en tout état de cause l'employeur ne peut être juge de la recevabilité d'une candidature, et qu'il lui appartient de saisir le Tribunal judiciaire de toute contestation en ce sens, et qu'à défaut il n'est pas recevable à alléguer du caractère frauduleux ou irrecevable de la candidature pour écarter la procédure spécifique de licenciement.

La société SAVEURS D'ORIENT soutient que le salarié ne démontre pas qu'elle était informée de sa candidature au CSE ; elle estime que la seule production d'un mail non reçu ne saurait suffire.

Elle considère qu'il ne peut bénéficier de la protection qu'il revendique, et que le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il l'a condamnée à une indemnité pour violation du statut protecteur et à des dommages et intérêts pour licenciement nul.

Motivation

Aux termes des dispositions de l'article L. 2411-7 du code du travail, l'autorisation de licenciement est requise pendant six mois pour le candidat, au premier ou au deuxième tour, aux fonctions de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique, à partir de la publication des candidatures. La durée de six mois court à partir de l'envoi par lettre recommandée de la candidature à l'employeur.

Cette autorisation est également requise lorsque la lettre du syndicat notifiant à l'employeur la candidature aux fonctions de membre élu à la délégation du personnel du comité social et économique a été reçue par l'employeur ou lorsque le salarié a fait la preuve que l'employeur a eu connaissance de l'imminence de sa candidature avant que le candidat ait été convoqué à l'entretien préalable au licenciement.

En l'espèce, M. [I] [A] renvoie à ses pièces 1 à 3, 43, 36 et 44 pour justifier de l'information de sa candidature à l'employeur.

La pièce 1 est la copie de la note de service de la société SAVEURS D'ORIENT fixant l'organisation des élections, dont un extrait est repris supra.

La pièce 2 est un mail de Mme [B] [Z], en date du 28 janvier 2021 : « Bonjour Me ou Mme le président du SASU,

Nous nous sommes présentés en candidat libre M. [I] [A] et Mme [Z] [B] aux élections (second tour) du Conseil Social et Economique.

Vous nous avez fait savoir qu'il était impossible de recevoir notre candidature, car nous ne l'avions pas faite par écrit, mais à l'oral. Nous l'avons bien pris en compte. (...) »

La pièce 3 est l'attestation de M.[K] [U], qui indique être secrétaire général de la CFDT 54/55, et explique avoir été contacté par M. [I] [A] le 28 janvier 2021 car celui-ci voulait se présenter aux élections, et que son employeur lui avait dit ne pas pouvoir recevoir sa candidature car elle n'avait pas été faite par écrit ; M. [U] indique avoir conseillé à M. [I] [A] « de le faire par écrit ce qu'il a fait peu après ».

Le mail en pièce 2 est adressé à l'adresse suivante : [Courriel 6].

M. [I] [A] explique que la société H2O, dont le président est M. [N], assure la fonction de président de la société SAVEURS D'ORIENT. Il renvoie à ses pièces 30 et 31 (extraits du site Pappers.fr) qui indiquent que les dirigeants de la société SAVEURS D'ORIENT sont H2O, NEXIOM AUDIT et NEXIOM AUDIT & ASSOCIES, et que M. [M] [N] est le PDG de H2O.

L'intimé indique encore que c'est à cette société H2O que s'adressent systématiquement les salariés de la société SAVEURS D'ORIENT pour tout sujet d'ordre administratif. Il renvoie à ses pièces 32 à 35, qui sont des impressions de sms dont les réponses émanent de [N] [X] responsable RH, à l'enseigne H2O dont l'adresse est Rh@groupeh2o.fr.

M. [I] [A] mentionne sur sa pièce 34 que M. [J] [S], destinataire d'un sms de rh@groupeh2o.fr le 28 janvier 2021 est un salarié de la société SAVEURS D'ORIENT. La pièce 35 est un échange de sms des 15 et 19 janvier 2021 entre M. [J] [S] et RH Groupe h2o.

La société SAVEURS D'ORIENT ne répond pas sur ces éléments, qui ne sont donc pas contestés.

Au regard des éléments qui précèdent, il est établi par M. [I] [A] que la société SAVEURS D'ORIENT a eu connaissance, le 28 janvier 2021 par le mail en pièce 2 de M. [I] [A], de la candidature de ce dernier au deuxième tour des élections au CSE.

L'intimé n'établit pas une connaissance antérieure à cette date du 28 janvier 2021.

Les pièces 43 (attestation de Mme [B] [Z]), et 36 (attestation de M. [R] [W]) ne donnent aucune date sur la manifestation de candidature de M. [I] [A].

Dans son attestation en pièce 44, M. [J] [S] indique : « J'atteste que Mr [A] avait l'intention bien avant mon départ de se présenter aux syndicats. C'est le 28/01/21 que Mr [A] m'a recontacté pour me demander l'adresse mail de RH de SAS saveurs d'orient car la direction ne voulait pas prendre en considération sa candidature ».

Si cette attestation indique des dates, elle n'établit pas la date à laquelle M. [I] [A] aurait manifesté auprès de l'employeur son intention de se porter candidat.

Au terme de ce qui précède, M. [I] [A] ne justifie pas d'une information de l'employeur sur sa candidature avant le 28 janvier 2021.

Il résulte des conclusions des parties et de la pièce 1 de M. [I] [A] qu'aucun accord pré-électoral n'est intervenu pour organiser les élections litigieuses, et que c'est par note de service que la société SAVEURS D'ORIENT a fixé les règles d'opérations de vote, et préalablement de dépôt des candidatures.

Aucune disposition légale ne fixant un délai devant s'écouler entre le dépôt des candidatures et la date du scrutin, l'employeur, en l'absence d'accord préélectoral prévoyant une date limite de dépôt des candidatures, ne peut refuser une candidature déposée après la date qu'il a lui-même fixée qu'en justifiant sa décision au regard des nécessités d'organisation du vote.

La société SAVEURS D'ORIENT ne conclut pas sur ce point d'un éventuel motif d'organisation du vote pour justifier que la candidature de M. [I] [A] pouvait être écartée.

La note de service en pièce 1 précitée, organisant les élections, ne contient pas de dispositions imposant une déclaration de candidature écrite.

Dans ces conditions, et en application de l'article L2411-7 précité, M. [I] [A] bénéficiait à compter du 28 janvier 2021 de la protection des candidats aux élections professionnelles, pour une durée de 6 mois.

La société SAVEURS D'ORIENT ne justifie d'aucune autorisation donnée ni même sollicitée au licenciement de M. [I] [A], qui à la date de ce dernier le 11 juin 2021 bénéficiait encore de la protection.

Le licenciement, ainsi prononcé en violation de l'article L1235-3-1 du code du travail, est nul.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les conséquences financières du licenciement

M. [I] [A] demande la confirmation du jugement sur la condamnation à une indemnité pour violation du statut protecteur et à des dommages et intérêts pour licenciement nul.

La société SAVEURS D'ORIENT ne conclut qu'au débouté au motif de ce que M. [I] [A] ne pouvait se prévaloir du statut protecteur ; elle ne conclut pas à titre subsidiaire sur le quantum des condamnations.

Motivation

Aux termes de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, le licenciement est nul lorsqu'il est prononcé en violation de la protection prévue aux articles L2411-1 et L2412-1.

Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Par ailleurs, le salarié dont le contrat de travail est rompu en violation du statut protecteur peut demander la condamnation de l'employeur au paiement de la rémunération brute qu'il aurait dû percevoir entre la date de la rupture et la date d'expiration de la période de protection.

Cette indemnisation se cumule avec l'indemnité pour nullité du licenciement.

En l'espèce, le principe des violations, et des condamnations en découlant, est acquis.

En l'absence de contestation subsidiaire des quantums alloués en première instance, le jugement sera confirmé sur ces points.

Sur la priorité de réembauche

M. [I] [A] expose avoir manifesté son souhait, par mail du 22 juillet 2021, de bénéficier de la priorité de réembauche ; il souligne que les termes de son message étaient larges.

Il affirme qu'immédiatement après son départ, la société SAVEURS D'ORIENT a diffusé plusieurs offres d'emploi sur des postes de vendeurs en boucherie, dont aucun ne lui a été proposé.

La société SAVEURS D'ORIENT fait valoir que dans son mail du 22 juillet 2021 M. [I] [A] n'a fait valoir la priorité que sur le poste qu'il occupait avant son licenciement.

Elle ajoute qu'elle n'a jamais recruté sur le poste occupé par ce dernier.

Elle indique également avoir contacté M. [I] [A] pour lui préciser que les postes ouverts étaient sans rapport avec sa qualification et sa rémunération.

Motivation

Aux termes de l'article L. 1233-45 du code du travail, le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il en fait la demande au cours de ce même délai.

Dans ce cas, l'employeur informe le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification. En outre, l'employeur informe les représentants du personnel des postes disponibles.

Le salarié ayant acquis une nouvelle qualification bénéficie également de la priorité de réembauche au titre de celle-ci, s'il en informe l'employeur.

L'article L. 1235-13 du même code dispose qu'en cas de non-respect de la priorité de réembauche prévue à l'article L. 1233-45, le juge accorde au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

En l'espèce, M. [I] [A] a manifesté par mail du 22 juillet 2021 (pièce 11 du salarié) son souhait de pouvoir bénéficier de la priorité de réembauche en ces termes : « (') Je vous envoie ce mail pour vous rappeler que je suis toujours intéressé pour travailler au sein de votre équipe et que je reste prioritaire si vous avez besoin de moi pour le poste. (...) »

Contrairement à ce que soutient la société SAVEURS D'ORIENT, les termes de ce mail ne sont pas restrictifs quant à l'exercice de cette priorité : « intéressé pour travailler au sein de votre équipe », même si M. [I] [A] fait ensuite référence au « poste », « le poste » pouvant tout à fait être interprété comme étant le poste qui se trouverait disponible ou créé, et non exclusivement comme étant le poste dont il vient d'être licencié.

La société SAVEURS D'ORIENT ne conteste pas, aux termes de ses écritures, que des postes notamment de magasinier fruit et légumes, vendeurs en boucherie, bouchers désosseurs ont été ouverts pour des recrutements, dans le délai d'exercice de la priorité, sans être proposés à M. [I] [A].

L'argument de la société SAVEURS D'ORIENT, selon lequel il s'agissait de postes moins qualifiés et moins bien payés que l'ancien poste de M. [I] [A], est inopérant, l'intimé étant par définition apte à exercer des emplois pour lesquels ses qualifications étaient supérieures, étant rappelé que l'employeur indique lui-même que M. [I] [A] avait été embauché en qualité de préparateur-vendeur en boucherie, et qu'il a évolué pour occuper le poste de gestionnaire du rayon boucherie, ce qui le qualifiait pour les postes précités de vendeurs en boucherie ou bouchers désosseurs.

Il est ainsi établi que la société SAVEURS D'ORIENT n'a pas respecté la priorité de réembauche qui pesait sur elle.

La société SAVEURS D'ORIENT ne contestant pas à titre subsidiaire le montant accordé en première instance à M. [I] [A], dont celui-ci demande la confirmation, le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral

M. [I] [A] estime avoir subi un préjudice moral du fait des circonstances vexatoires du licenciement.

Citant la motivation du jugement entrepris, il indique avoir été écarté de l'entreprise dès l'entretien préalable sans exercer ses fonctions jusqu'au terme de son contrat qui prenait fin le 23 juin, et a été traité comme un salarié licencié pour faute grave.

Il fait également valoir que le motif économique de son licenciement n'a été qu'un subterfuge pour l'évincer.

L'intimé explique également avoir été licencié après s'être investi dans ses fonctions pendant plus de 3 ans et demi.

Il relève avoir été immédiatement remplacé à son poste.

Il rappelle avoir été écarté des élections au CSE .

La société SAVEURS D'ORIENT fait valoir que M. [I] [A] a été dispensé de travailler pendant toute la durée de la procédure, en étant rémunéré.

Motivation

M. [I] [A] ne soutient pas avoir été évincé de l'entreprise après l'entretien préalable sans avoir été rémunéré ; il ne conteste pas avoir été dispensé d'exécuter son préavis ; il n'invoque pas de circonstances vexatoires à la dispense de travailler dès le jour de l'entretien préalable.

Les autres éléments qu'il invoque ne sont pas constitutifs de circonstances vexatoires, ou font l'objet d'indemnisation au terme des développements qui précèdent.

En l'absence de démonstration de circonstances vexatoires accompagnant le licenciement, M. [I] [A] sera débouté de sa demande à ce titre, et le jugement sera réformé sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant à l'instance, la société SAVEURS D'ORIENT sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à M. [I] [A] 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante sera déboutée de ses demandes à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nancy le 12 mai 2023, en ce qu'il a condamné la société SAVEURS D'ORIENT à payer à Monsieur [I] [A] 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice moral ;

Le confirme pour le surplus, dans les limites de l'appel ;

Statuant à nouveau dans ces limites,

Déboute M. [I] [A] de sa demande de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires du licenciement ;

Y ajoutant,

Condamne la société SAVEURS D'ORIENT à payer à M. [I] [A] 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société SAVEURS D'ORIENT de ses demandes à ce titre ;

Condamne la société SAVEURS D'ORIENT aux dépens.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en onze pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 23/01096
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;23.01096 ?
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