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16/05/2024 | FRANCE | N°23/00121

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 16 mai 2024, 23/00121


ARRÊT N° /2024

PH



DU 16 MAI 2024



N° RG 23/00121 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FDPU







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY



14 décembre 2022











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANTE :



G.I.E. SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES ASSO

CIEES agissant poursuites et diligences de son administrateur en exercice

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY substituée par Me Bouya DIALLO , avocat au barreau de PARIS









INTIMÉ :



Monsieur [I] ...

ARRÊT N° /2024

PH

DU 16 MAI 2024

N° RG 23/00121 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FDPU

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

14 décembre 2022

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

G.I.E. SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES ASSOCIEES agissant poursuites et diligences de son administrateur en exercice

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY substituée par Me Bouya DIALLO , avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ :

Monsieur [I] [C]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Adrien PERROT de la SCP PERROT AVOCAT, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : BRUNEAU Dominique,

STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats : RIVORY Laurène

DÉBATS :

En audience publique du 25 Janvier 2024 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 11 Avril 2024 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 18 Avril 2024 ; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 16 Mai 2024;

Le 16 Mai 2024, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Monsieur [I] [C] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par le Groupement d'Intérêt Economique (ci-après GIE) SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES ASSOCIEES à compter du 15 mai 2018, en qualité de développeur web senior affecté au site de [Localité 2].

Le salarié bénéficie de la qualité de travailleur handicapé (Autisme ASPERGER).

La convention collective nationale de la mutualité s'applique au contrat de travail.

A compter du 06 novembre 2020, le salarié a été placé en arrêt de travail, renouvelé jusqu'au 04 janvier 2021.

Par décision du 22 octobre 2020 de la médecine du travail, des aménagements de son poste de travail ont été préconisés.

Par décision du 19 janvier 2021 de la médecine du travail dans le cadre d'une visite de reprise, une étude de son poste de travail a été ordonnée et le salarié a été déclaré apte à la reprise à l'essai en télétravail strict, avec réexamen le 19 janvier 2021.

Par décision du 19 janvier 2021 de la médecine du travail, Monsieur [I] [C] a été déclaré inapte à son poste de travail dans les conditions actuelles, avec la précision qu'un reclassement était possible sur les mêmes tâches dans une autre structure, sur un autre site ou en télétravail avec des conditions adaptées avec un projet et des tâches prédéfinies avec lui, avec un accompagnement pour lui et sa hiérarchie et ses collègues dans le cadre de la RQTH.

Par courrier du 29 janvier 2021, le salarié s'est vu proposer trois offres de reclassement, dont une pour laquelle il a donné son accord en date du 03 février 2021, consistant en la poursuite de son contrat de travail sur le site de [Localité 2] en télétravail trois jours sur cinq avec une présence sur site deux jours par semaine.

Le 09 février 2021, Monsieur [I] [C] a repris son poste de travail.

Par décision du 18 mars 2021 de la médecine du travail sur demande du salarié, il a été déclaré inapte à son poste de travail dans les mêmes termes que le précédent avis.

Par courrier du 29 mars 2021, le salarié s'est vu proposer 3 offres de reclassement identiques aux précédentes, auxquelles il n'a pas donné suite.

Par courrier du 07 avril 2021, Monsieur [I] [C] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 13 avril 2021.

Par courrier du 20 avril 2021, Monsieur [I] [C] a été licencié pour inaptitude avec impossibilité de reclassement.

Par requête du 20 octobre 2021, Monsieur [I] [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy, aux fins :

- de dire et juger que son aptitude est d'origine professionnelle,

- de juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- de condamner le GIE SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES ASSOCIEES à lui verser les sommes suivantes :

- 5 000,00 euros au titre des dommages et intérêts pour harcèlement moral et mise en danger,

- 8 081,64 euros au titre du paiement du préavis,

- 885,37 euros au titre du paiement du complément de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 5 387,88 euros au titre du rappel de salaires du 20 février 2021 au 20 avril 2021,

- 2 500,00 euros au titre des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 2 500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier distinct,

- 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner le GIE SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES ASSOCIEES à la remise des bulletins de paie et document sociaux rectifiés,

- de rappeler que les sommes dues au titre des créances contractuelles porteront intérêts au taux légal à compter de la réception de la lettre de convocation à la séance de conciliation conformément à l'article 1231-6 du code civil,

- de rappeler que les sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement à intervenir, conformément à l'article 1231-7 du code civil,

- d'ordonner l'exécution provisoire au titre de l'article 515 du code de procédure civile.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 14 décembre 2022, lequel a :

- dit et jugé que Monsieur [I] [C] a été victime de harcèlement moral et de mise en danger,

- condamné le GIE SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES ASSOCIEES à verser à Monsieur [I] [C] la somme de 4 000,00 euros au titre des dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- dit que l'inaptitude de Monsieur [I] [C] devra être considérée comme ayant une origine professionnelle,

- condamné le GIE SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES ASSOCIEES à verser à Monsieur [I] [C] les sommes suivantes :

- 8 081,64 euros au titre du paiement du préavis,

- 885,37 euros au titre du paiement du complément de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 5 387,88 euros au titre du rappel de salaires du 20 février 2021 au 20 avril 2021,

- 2 500,00 euros au titre des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 2 500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier distinct,

- 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné le GIE SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES ASSOCIEES à la remise des bulletins de paie et document sociaux rectifiés,

- rappelé que les sommes dues au titre des créances contractuelles porteront intérêts au taux légal à compter de la réception de la lettre de convocation à la séance de conciliation conformément à l'article 1231- 6 du code civil,

- rappelé que les sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement à intervenir, conformément à l'article 1231-7 du code civil,

- débouté Monsieur [I] [C] de sa demande au titre de l'exécution provisoire,

- débouté le GIE SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES ASSOCIEES de ses demandes,

- condamné le GIE SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES ASSOCIEES aux entiers frais et dépens de l'instance y compris ceux liés à l'exécution de la décision à venir.

Vu l'appel formé par le GIE SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES ASSOCIEES le 16 janvier 2023,

Vu l'appel incident formé par Monsieur [I] [C] le 13 juillet 2023,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de le GIE SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES déposées sur le RPVA le 23 novembre 2023, et celles de Monsieur [I] [C] déposées sur le RPVA le 19 décembre 2023,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 10 janvier 2024,

Le GIE SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES demande :

- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 14 décembre 2022, en ce qu'il a :

- dit et jugé que Monsieur [I] [C] a été victime de harcèlement moral et de mise en danger,

- condamné le GIE SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES ASSOCIEES à verser à Monsieur [I] [C] la somme de 4 000,00 euros au titre des dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- dit que l'inaptitude de Monsieur [I] [C] devra être considérée comme ayant une origine professionnelle,

- condamné le GIE SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES ASSOCIEES à verser à Monsieur [I] [C] les sommes suivantes :

- 8 081,64 euros au titre du paiement du préavis,

- 885,37 euros au titre du paiement du complément de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 5 387,88 euros au titre du rappel de salaires du 20 février 2021 au 20 avril 2021,

- 2 500,00 euros au titre des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 2 500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier distinct,

- 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné le GIE SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES ASSOCIEES à la remise des bulletins de paie et document sociaux rectifiés,

- débouté le GIE SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES ASSOCIEES de ses demandes,

- rappelé que les sommes dues au titre des créances contractuelles porteront intérêts au taux légal à compter de la réception de la lettre de convocation à la séance de conciliation conformément à l'article 1231- 6 du code civil,

- rappelé que les sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement à intervenir, conformément à l'article 1231-7 du code civil,

- débouté le GIE SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES ASSOCIEES de ses demandes,

- condamné le GIE SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES ASSOCIEES aux entiers frais et dépens de l'instance y compris ceux liés à l'exécution de la décision à venir,

*

Statuant à nouveau :

- de débouter Monsieur [I] [C] de toutes ses demandes,

- de condamner Monsieur [I] [C] au paiement d'une somme de 2 500,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Monsieur [I] [C] aux dépens.

Monsieur [I] [C] demande :

- de juger que les demandes de Monsieur [I] [C] sont recevables et bien fondées,

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné le GIE SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES ASSOCIEES à verser à Monsieur [I] [C] les sommes suivantes :

- 4 000,00 euros au titre des dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 885,37 euros au titre du paiement du complément de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- de confirmer le jugement entrepris pour le surplus,

*

Statuant à nouveau :

- de condamner le GIE SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES ASSOCIEES au versement des sommes suivantes :

- 5 000,00 euros net à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral à titre principal,

- 889,86 euros net à titre de reliquat sur indemnité spéciale de licenciement,

Y ajoutant :

- de condamner le GIE SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES ASSOCIEES au versement de la somme de 5 000,00 euros net à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et de loyauté à titre subsidiaire,

- de juger que le licenciement de Monsieur [I] [C] est nul à titre principal et sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire,

- en conséquence, de condamner le GIE SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES ASSOCIEES au versement des sommes suivantes :

**A titre principal :

- 16 163,28 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 8 081,64 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 808,16 euros brut pour les congés payés afférents,

**A titre subsidiaire :

- 9 428,58 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 8 081,64 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 808,16 euros brut pour les congés payés afférents,

- de condamner le GIE SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES ASSOCIEES au versement de la somme de 2 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner le GIE SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES ASSOCIEES aux entiers frais et dépens de l'instance y compris ceux afférents à une éventuelle exécution,

- de débouter le GIE SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES ASSOCIEES de l'intégralité de ses demandes.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières conclusions de le GIE SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES déposées sur le RPVA le 23 novembre 2023 et de Monsieur [I] [C] déposées sur le RPVA le 19 décembre 2023.

Sur les faits de harcèlement moral :

Monsieur [I] [C] expose qu'il a été mis à l'écart et rétrogradé à partir de mai 2020 ; qu'il s'est vu affecter à des tâches « extrêmement imprécises et vagues », telle que la « mise à jour du système DRUPAL » ; que la plupart du temps, aucune mission ne lui étant confié, il était sans travail ; que son employeur a refusé d'aménagé son poste conformément à son handicap ; que des propos discriminatoires ont été tenus à son égard sans que l'employeur ne réagisse ; que l'employeur n'a pas respecté son obligation formation de son entourage professionnel à son handicap ; qu'il n'a pas non plus respecté les préconisations du médecin du travail à la suite de sa visite de reprise ; que ses données ayant un caractère personnel ont été diffusées sans son accord.

L'employeur fait valoir qu'il n'a commis aucun fait de harcèlement et qu'il a veillé à la protection de la sécurité et de la santé de Monsieur [I] [C] ; qu'en tout état de cause, Monsieur [I] [C] ne produit aucun élément de nature à laisser présumer un harcèlement moral.

Motivation :

Aux termes des articles L1152-1 et L1154-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments présentés par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

Sur la matérialité des faits dénoncés :

- sur la mise à l'écart de Monsieur [I] [C] :

Monsieur [I] [C] fait valoir que son nouveau manager, [G] [R], arrivé en mai 2020, l'a « placardisé ». Il produit un courriel du 6 novembre 2020, adressé à son employeur, indiquant qu'il n'avait pas été convié à une réunion de travail et « officialise » sa « sensation de harcèlement moral » (pièce n° 30).

L'employeur conteste que Monsieur [I] [C] ait été mis à l'écart et, s'agissant de la réunion mentionnée dans le courriel de ce dernier, il produit la réponse qu'il lui a fait, le 13 novembre suivant, expliquant que l'objet de la réunion ne le concernait pas (pièce n° 10).

Monsieur [I] [C] ne produisant pas d'autre pièce, la matérialité de sa « placardisation » n'est pas établie.

- sur les propos discriminatoires tenus à l'encontre de Monsieur [I] [C] et l'absence de réaction de son employeur :

Monsieur [I] [C] produit un SMS adressé à son employeur le 11 février 2021, dans lequel il rapporte qu'un salarié de l'entreprise, Monsieur [B], lui aurait dit : « Ton pseudo handicap ne t'accorde aucun droit mais que des devoirs » (pièce n° 33).

L'employeur ne conteste pas dans ses conclusions que ces propos aient été tenus. Il n'indique pas non plus qu'il ait pris une quelconque initiative à cet égard.

Ces deux faits sont donc matériellement établis.

- Sur le non-respect des préconisations de L'Association Lorraine de Santé en Milieu de Travail (ALMST) :

Monsieur [I] [C] expose que le 22 octobre 2020, l'ALSMT a proposé qu'un rappel de formation de son entourage professionnel à son handicap soit effectué (pièce n° 4), et que cette proposition n'a pas été prise en compte par son employeur.

L'employeur, s'il indique qu'une formation avait été dispensée aux salariés de l'entreprise en 2018, au moment de l'embauche de Monsieur [I] [C] ne conteste pas l'absence de formation ultérieure ; ce fait est donc matériellement établi.

- Sur la diffusion de données à caractère professionnel :

Monsieur [I] [C] produit un courriel du 28 janvier 2019, dans lequel il indique que sa date d'anniversaire a été publiée sur Internet sans son consentement, violant ainsi le RGPD (pièce n° 31).

L'employeur ne conteste pas ce fait, qui est donc établi.

- Sur le non-respect des préconisations du médecin du travail :

Monsieur [I] [C] expose qu'après sa visite de reprise du 19 janvier 2021, le médecin du travail a conclu qu'il « Pourrait éventuellement travailler sur un autre site ou en télétravail avec des conditions adaptées (matériel adapté à la configuration du domicile) avec un projet et des tâches prédéfinies avec lui ; pour ce faire un accompagnement (pour lui et sa hiérarchie et ses collègues) pourrait être utile dans le cadre de la RQTH ».

Il fait valoir qu'aucune des propositions de reclassement qui lui ont été proposées ne respectait ces préconisations, notamment en ce qui concerne la nécessité de prévoir « projet et des tâches prédéfinies » (pièce n° 10), son handicap le rendant particulièrement vulnérable à toute incertitude dans l'organisation de son travail.

L'employeur fait valoir qu'il a proposé à Monsieur [I] [C] des postes de reclassement compatibles avec les indications du médecin du travail. Cependant, la pièce relative à ces propositions ne font pas état de la détermination, à l'avance, des tâches qui seraient confiées à Monsieur [I] [C] (pièce n° 11 de l'appelante).

Le grief est dès lors établi.

Monsieur [I] [C] fait en outre valoir que le harcèlement subi a entraîné la dégradation de sa santé à compter d'octobre 2018, entraînant plus de trente arrêts de travail.

Il produit le relevé de ses indemnités journalières (pièce n° 2), une attestation de suivi par l'ALSMT datée du 22 octobre 2020 (pièce n° 3), une ordonnance du 18 février 2020 lui prescrivant un anti-dépresseur et un anxiolitique (pièce n° 6).

Les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, ainsi que les éléments médicaux produits par Monsieur [I] [C] permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Il revient dès lors à l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

S'agissant de l'absence d'information et de sensibilisation des salariés travaillant avec Monsieur [I] [C] à son handicap, l'employeur fait valoir que la formation initiale de 2018 était suffisante. Cependant, dès lors qu'un « rappel » avait été conseillé par le médecin du travail en 2020, l'employeur ne pouvait ignorer l'importance du renouvellement d'une telle formation, étant relevé en outre qu'il ne soutient pas qu'aucun nouveau salarié n'ait été embauché depuis 2018.

S'agissant de la remarque discriminatoire faite à l'endroit de Monsieur [I] [C], l'employeur se contente d'insister sur son caractère unique.

S'agissant en fin de l'absence de proposition de poste de reclassement incluant la définition précise des tâches qu'aurait eu à accomplir Monsieur [I] [C], préconisée par le médecin du travail pour la reprise du travail, l'employeur ne donne aucune explication.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments, que la société Groupement d'Intérêt Economique SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES ASSOCIEES ne justifie pas que les faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral y sont étrangers.

En conséquence, elle devra verser à Monsieur [I] [C] la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts, le jugement du conseil de prud'hommes étant infirmé sur ce point.

Sur la nullité du licenciement :

Monsieur [I] [C] fait valoir que le harcèlement moral qu'il a subi est la cause de son inaptitude et qu'en conséquence son licenciement est nul.

La société Groupement d'Intérêt Economique SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES ASSOCIEES fait valoir qu'en l'absence de harcèlement moral, le licenciement ne peut être annulé.

Motivation :

Il ressort, d'une part des pièces médicales produites par Monsieur [I] [C] que ce dernier souffrait en 2020 d'une dépression (pièce n° 6 de l'intimé) et a été arrêté à de multiple reprises, et d'autre part de l'avis d'inaptitude du médecin du travail, que s'il était apte à son emploi, il ne pouvait continuer à l'exercer dans l'établissement au sein duquel il était affecté, ce qui démontre l'existence d'un lien entre son inaptitude et son environnement de travail (pièce n° 10 de l'intimé).

Il résulte de ces éléments que son inaptitude est, au moins partiellement, en relation directe avec le harcèlement qu'il a subi sur son lieu de travail. En conséquence, le licenciement doit être annulé.

Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement nul :

Monsieur [I] [C] fait valoir qu'en application de l'article L.1235-3-1 du code du travail, il prétendre à une indemnité minimale correspondant à 6 mois de salaire.

Il réclame en conséquence la somme de 16 163,28 euros, sur la base d'un salaire de référence de 2693,88 euros.

La société Groupement d'Intérêt Economique SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES ASSOCIEES, qui ne conteste pas à titre subsidiaire le quantum de la somme demandée, devra verser à Monsieur [I] [C] la somme de 16 163,28 euros.

Sur la demande d'indemnité compensatrice de préavis :

Monsieur [I] [C] fait valoir que son licenciement étant nul en raison du harcèlement moral qu'il a subi, il peut prétendre à l'octroi d'une indemnité compensatrice conventionnelle de préavis de de trois mois.

Il réclame en conséquence la somme de 8081,64 euros, outre la somme de 808,16 euros au titre des congés payés afférant.

L'employeur fait valoir que le licenciement de Monsieur [I] [C] étant légal, ce dernier ne peut réclamer d'indemnité compensatrice de préavis.

Motivation :

L'inaptitude de Monsieur [I] [C] trouvant sa cause directe dans le harcèlement moral qu'il a subi, et son licenciement étant en conséquence annulé, il peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis.

L'employeur, ne contestant pas par ailleurs le quantum de la somme demandée, devra verser à Monsieur [I] [C] la somme de 8081,64 euros, outre la somme de 808,16 euros au titre des congés payés afférant.

Sur la demande de paiement du reliquat de l'indemnité spéciale de licenciement :

Monsieur [I] [C] fait valoir que son inaptitude ayant une origine professionnelle, il est en droit de percevoir l'indemnité spéciale de licenciement prévue à l'article L. 1226-14.

Compte-tenu de la somme qui lui a déjà été versée au titre de l'indemnité de licenciement, il demande le paiement d'un reliquat de 889,86 euros.

La société Groupement d'Intérêt Economique SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES ASSOCIEES s'oppose à cette demande, faisant valoir que l'origine de l'inaptitude de Monsieur [I] [C] n'est pas professionnelle et qu'en tout état de cause il n'en n'avait pas connaissance au moment du prononcé du licenciement.

Motivation :

Ainsi qu'il a été vu ci-dessus, l'inaptitude de Monsieur [I] [C] a une origine professionnelle, à savoir le harcèlement moral qu'il a subi.

L'employeur ne pouvant prétendre avoir harcelé Monsieur [I] [C] à son insu, il avait eu nécessairement connaissance du caractère professionnel de l'inaptitude du salarié lorsqu'il l'a licencié. Il devra donc verser au salarié la somme de 889,86 euros.

Sur la demande de rappel de salaires pour la période allant du 19 février 2021 au 20 avril 2021 :

Monsieur [I] [C] expose qu'en application de l'article L.1226-4 du code du travail, « lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail ».

Il fait valoir qu'il a été déclaré inapte avec propositions de reclassement le 19 janvier 2021 ; qu'il a été licencié pour inaptitude le 20 avril 2021, sans avoir été reclassé, ni licencié dans le délai d'un mois prévu par la loi ; qu'en conséquence son employeur aurait dû reprendre le versement de son salaire à compter du 20 février et ce, jusqu'à son licenciement.

Il réclame ainsi le paiement d'un arriéré de salaire de 5387,88 euros.

L'employeur expose qu'il a présenté trois propositions de reclassement à Monsieur [I] [C], qui a accepté l'une d'entre elle le 29 janvier 2021, en ces termes, suivis de sa signature :

« Bon pour accord concernant la seconde proposition, à savoir le télétravail 3 jours sur 5 avec présence sur le site de [Localité 2] 2 jours par semaine.

Fait à NANCY le 3 février 2021.

[I] [C] » (pièce n° 5).

La société fait valoir que Monsieur [I] [C] ne pouvait unilatéralement renoncer à cette acceptation, qui valait engagement contractuel des deux parties ; qu'en décidant de ne pas se présenter sur son lieu de travail il a refusé d'exécuter son contrat de travail et ne pouvait donc pas percevoir un salaire pour un travail non effectué.

Motivation :

Ainsi que l'a exposé la société Groupement d'Intérêt Economique SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES ASSOCIEES dans ses conclusions, le contrat de travail de Monsieur [I] [C] n'a pas été formellement modifié par un avenant, actant juridiquement son reclassement ; le document produit en pièce n° 5 par l'employeur ne saurait tenir lieu d'avenant. Il en résulte que le contrat de travail initial continuait à produire ses effets lorsque Monsieur [I] [C] a été finalement licencié.

En conséquence, Monsieur [I] [C] n'ayant été ni licencié, ni reclassé dans le délai d'un mois suivant sa déclaration d'inaptitude, l'employeur aurait dû reprendre le paiement de sa rémunération à compter du 20 février 2021, jusqu'au jour de son licenciement, le 20 avril 2021.

La société Groupement d'Intérêt Economique SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES ASSOCIEES devra ainsi verser à Monsieur [I] [C] la somme de 5387,88 à titre de rappels de salaire.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

Monsieur [I] [C] fait valoir que l'employeur n'a pas loyalement exécuté le contrat de travail, en ne respectant pas des préconisations du médecin du travail, en menaçant de le licencier pour faute, en ne reprenant pas le versement de son salaire au terme du délai d'un mois après la déclaration d'inaptitude et en le mettant en danger en raison de son inaction face aux signalements de harcèlement moral.

Il réclame la somme de 2500 euros à titre de dommages et intérêts.

L'employeur s'oppose à cette demande, faisant valoir que Monsieur [I] [C] ne démontre en aucune manière un quelconque manquement de sa part à ses obligations contractuelles.

Motivation :

La circonstance que l'employeur n'ait pas versé à Monsieur [I] [C] la rémunération à laquelle il avait droit en application de l'article L.1226-4 du code du travail constitue un comportement déloyal de sa part.

En conséquence, il devra verser à Monsieur [I] [C] la somme de 2500 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur la demande de « dommages et intérêts pour préjudice moral et financier » :

Monsieur [I] [C] fait valoir qu'il a dû « sacrifier une partie de ses économies pour pallier le défaut de salaire des mois de février à mars 2021 » ; que le montant de sa prise en charge au titre de l'allocation de retour à l'emploi était inférieur à son salaire ; qu'il a « été profondément blessé et affecté dans sa santé par les agissements de l'employeur ».

Il réclame la somme de 2500 euros de dommages et intérêts.

L'employeur s'oppose à cette demande.

Motivation :

Monsieur [I] [C] ne démontre pas avoir subi de préjudices qui n'eussent été réparés par les diverses sommes auxquelles l'employeur est condamné à lui verser en application de l'arrêt à venir.

Il sera en conséquence débouté de sa demande.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens :

La société Groupement d'Intérêt Economique SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES ASSOCIEES devra verser à Monsieur [I] [C] la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel et sera déboutée de sa propre demande.

La société Groupement d'Intérêt Economique SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES ASSOCIEES sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant contradictoirement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes, en ses dispositions soumises à la cour, en ce qu'il a condamné la société Groupement d'Intérêt Economique SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES ASSOCIEES à verser à Monsieur [I] [C] les sommes de 4000 euros au titre des dommages et intérêts pour harcèlement moral, de 885,37 euros au titre du paiement du complément de l'indemnité conventionnelle de licenciement et de 2500 euros au titre de dommages et intérêts pour « préjudice moral et financier distinct »,

CONFIRME pour le surplus le jugement du conseil de prud'hommes en ses dispositions soumises à la cour ;

STATUANT A NOUVEAU

Condamne la société Groupement d'Intérêt Economique SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES ASSOCIEES à verser à Monsieur [I] [C] les sommes de :

- 5000 euros au titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 889,86 euros net à titre de reliquat sur indemnité spéciale de licenciement,

Déboute Monsieur [I] [C] de sa demande de dommages et intérêts pour « préjudice moral et financier distinct » ;

Y AJOUTANT

Condamne la société Groupement d'Intérêt Economique SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES ASSOCIEES à verser à Monsieur [I] [C] les sommes de :

- 16 163,28 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 8081,64 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 808,16 euros pour les congés payés y afférant,

- 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société Groupement d'Intérêt Economique SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES ASSOCIEES de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Groupement d'Intérêt Economique SYSTEME D'INFORMATION DES MUTUELLES ASSOCIEES aux dépens.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en treize pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 23/00121
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;23.00121 ?
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