La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/05/2024 | FRANCE | N°23/00097

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 16 mai 2024, 23/00097


ARRÊT N° /2024

PH



DU 16 MAI 2024



N° RG 23/00097 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FDNV







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EPINAL

20/00165

05 décembre 2022











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANTE :



Association AFTC LORRAINE Prise en la p

ersonne de sa Présidente, Madame [K] [E]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Hélène JUPILLE de la SELARL JURI'ACT, avocat au barreau de NANCY









INTIMÉE :



Madame [W] [O] épouse [G]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Julien FOURAY substitué par Me PIERSON de la SELARL KNITTEL - ...

ARRÊT N° /2024

PH

DU 16 MAI 2024

N° RG 23/00097 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FDNV

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EPINAL

20/00165

05 décembre 2022

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

Association AFTC LORRAINE Prise en la personne de sa Présidente, Madame [K] [E]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Hélène JUPILLE de la SELARL JURI'ACT, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :

Madame [W] [O] épouse [G]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Julien FOURAY substitué par Me PIERSON de la SELARL KNITTEL - FOURAY ET ASSOCIES, avocats au barreau d'EPINAL

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : BRUNEAU Dominique,

STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats : RIVORY Laurène

DÉBATS :

En audience publique du 25 Janvier 2024 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 11 Avril 2024 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 16 Mai 2024;

Le 16 Mai 2024, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Madame [W] [O] a été engagée sous contrat de travail à durée indéterminée, par l'association des Familles de Traumatisés Crâniens et Cérébrolésés de Lorraine (ci-après l'association AFTC LORRAINE ou AFTC) à compter du 12 mars 2018, en qualité de coordinatrice GEM-IMAGEM, antenne nouvellement créée de l'association, dans les Vosges (GEM : groupes d'entraides mutuelles).

A compter du 25 février 2019, la salariée a été placée en arrêt de travail pour maladie, renouvelé de façon continue.

Par décision du 08 octobre 2019 de la médecine du travail dans le cadre d'une visite de reprise, elle a été déclarée inapte à son poste de travail, avec la précision que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Par courrier du 14 octobre 2019, Madame [W] [O] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement auquel elle ne s'est pas présentée.

Par courrier du 04 novembre 2019, Madame [W] [O] a été licenciée pour inaptitude avec impossibilité de reclassement.

Par requête du 29 octobre 2020, Madame [W] [O] a saisi le conseil de prud'hommes d'Epinal, aux fins :

- de dire et Juger la rupture de son contrat de travail comme s'analysant en un licenciement nul et, en tout état de cause, sans cause réelle et sérieuse,

- en conséquence, de condamner l'association AFTC LORRAINE à lui verser les sommes suivantes :

- 12 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et en tout état de cause, sans cause réelle et sérieuse,

- 3 896,00 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 389,60 euros au titre des congés payés afférents,

- 10 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail et de la situation de harcèlement moral subi,

- de dire et juger que le délit de travail dissimulé est caractérisé,

- en conséquence, de condamner l'association AFTC LORRAINE à lui verser les sommes suivantes :

- 11 688,00 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de travail dissimulé,

- 1 610,00 euros au titre de l'indemnité de bureau et des frais afférents,

- 1 131,86 euros au titre du maintien de salaire maladie outre 113,18 euros au titre des congés payés afférents,

2.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens

- d'ordonner à l'association AFTC LORRAINE de lui délivrer, sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la notification du jugement à intervenir, des documents de rupture dûment régularisés, à savoir :

- les bulletins de salaire faisant apparaître la rémunération qui aurait dû lui être versée,

- l'attestation pôle emploi faisant apparaître que la rupture s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et nulle, et en faisant apparaître l'ensemble des sommes qui auraient dû lui être versées et correspondant aux condamnations et créances fixées par la juridiction saisie.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes d'Epinal rendu le 05 décembre 2022, lequel a :

- dit et jugé que les demandes de Madame [W] [O] sont recevables,

- dit et jugé que le licenciement de Madame [W] [O] est nul et sans cause réelle et sérieuse,

- condamné l'association AFTC LORRAINE à verser à Madame [W] [O] les sommes suivantes :

- 11 688,00 euros au titre des dommages et intérêts pour nullité du licenciement,

- 1 948,00 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 194,80 euros au titre des congés payés afférents,

- 2 000,00 euros au titre de l'indemnité pour harcèlement moral,

- 11 688,00 euros au titre de l'indemnité compensatrice de travail dissimulé,

- 450,00 euros au titre de l'indemnité compensatrice de frais de bureaux et frais afférents,

- 1 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné, en application de l'article L.1235-4 du code du travail le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement, au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnité de chômage, en l'espèce 3 mois,

- ordonné à l'association AFTC LORRAINE la remise des documents, bulletins de paie, attestation pôle emploi rectifiés à Madame [W] [O],

- débouté Madame [W] [O] de sa demande d'astreinte de 50,00 euros sur la transmission des documents de fin de contrats,

- débouté Madame [W] [O] du surplus de ses demandes,

- débouté l'association AFTC LORRAINE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé qu'en application des dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail, la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire dans la limite maximum de neuf mois de salaires pour les sommes visées à l'article R.1454-14 du code du travail, calculés sur la moyenne des trois derniers mois fixés à 1 948,00 euros brut,

- condamné l'Association AFTC LORRAINE aux dépens.

Vu l'appel formé par l'association AFTC LORRAINE le 12 janvier 2023,

Vu l'appel incident formé par Madame [W] [O] le 17 octobre 2023,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de l'association AFTC LORRAINE déposées sur le RPVA le 23 octobre 2023, et celles de Madame [W] [O] déposées sur le RPVA le 17 octobre 2023,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 10 janvier 2024,

L'association AFTC LORRAINE demande :

- d'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Epinal sauf en ce que Madame [W] [O] a été déboutée de sa demande de maintien de salaire,

Statuant à nouveau,

- de débouter Madame [W] [O] de l'ensemble de ses demandes,

- de débouter Madame [W] [O] de ses demandes présentées dans son appel incident,

- de condamner Madame [W] [O] à verser à l'association AFTC LORRAINE la somme de 2 000,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de Cour,

- de condamner Madame [W] [O] aux entiers frais et dépens.

Madame [W] [O] demande :

- d'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Epinal en date du 05 décembre 2022 en qu'il a :

- débouté l'intimée de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées pour un montant de 3 451,73 euros brut outre 345,17 euros au titre des congés payés afférents sur la période du 12 mars 2018 au 28 février 2019,

- débouté l'intimée de sa demande d'astreinte au titre de la délivrance des documents de fin de contrat,

- débouté l'intimée de sa demande de rappel de salaire d'un montant de 1 131,86 euros au titre du maintien de salaire maladie outre 113,18 euros au titre des congés payés afférents,

- limité à 1 948,00 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis allouée outre 194,80 euros au titre des congés payés afférents,

- limité à 450,00 euros l'indemnité compensatrice de frais de bureau et frais afférents,

- limité à 2 000,00 euros le quantum des dommages et intérêts alloués au titre du préjudice subi du fait de l'exécution de mauvaise foi du contrat et du harcèlement moral subi,

- limité à 1 000,00 euros la somme allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- pour le surplus, de confirmer la décision entreprise,

Statuant à nouveau :

- de condamner l'association AFTC LORRAINE à lui payer les sommes suivantes :

- 3 896,00 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 389,60 euros au titre des congés payés afférents,

- 10 000,00 à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait de l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail et de la situation de harcèlement moral subie,

- 1 610,00 euros au titre de l'indemnité de bureau et des frais afférents,

- 1 131,86 euros au titre du maintien de salaire maladie,

- 113,18 euros au titre des congés payés afférents,

- d'ordonner à l'association AFTC LORRAINE de délivrer à la requérante, sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la notification de l'arrêt à intervenir, des documents de rupture dûment régularisés, à savoir :

- les bulletins de salaire faisant apparaître la rémunération qui aurait dû lui être versée,

- l'attestation Pôle Emploi faisant apparaître que la rupture s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et nul, et en faisant apparaître l'ensemble des sommes qui auraient dû lui être versées et correspondant aux condamnations et créances fixées par la juridiction saisie,

- de condamner l'association AFTC LORRAINE à lui payer la somme de 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance,

En tout état de cause :

- de condamner l'association AFTC LORRAINE à lui payer la somme de 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de l'employeur le 23 octobre 2023, et en ce qui concerne le salarié le 17 octobre 2023.

Sur le harcèlement moral

Aux termes des dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3, le salarié présente des faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [W] [O] explique avoir subi des conditions de travail indécentes et dégradées, et avoir vécu une surcharge de travail.

Elle indique avoir été pendant plusieurs mois sans locaux de travail pour exercer ses fonctions et accueillir les adhérents de l'association.

L'intimée précise avoir dû ainsi travailler dans des bars, gérer des appels téléphoniques dans les toilettes de ces mêmes bars par souci de confidentialité, et avoir effectué des réunions entre collègues dans les véhicules de fonction.

Mme [W] [O] ajoute qu'elle devait stocker à son domicile l'ensemble de la documentation et du matériel professionnels.

Elle expose que tardivement des locaux ont été mis à sa disposition, mais inexploitables car insalubres.

Mme [W] [O] ajoute avoir subi une surcharge de travail, et avoir dû gérer des problèmes ne relevant pas de ses fonctions, comme le litige entre propriétaire et locataire sortant de ces nouveaux locaux.

Elle explique être tombée en dépression du fait de ces conditions de travail.

Mme [W] [O] indique que pendant son arrêt de travail, l'AFTC va la dénigrer devant les adhérents, et va indiquer son numéro de téléphone personnel dans les correspondances adressées aux bénévoles et adhérents.

Mme [W] [O] renvoie à ses pièces 2 à 11, ainsi que 31 et 32.

La pièce 2 est l'attestation de Mme [B] [V], qui explique avoir été bénévole dans l'association et avoir travaillé avec Mme [W] [O] ; qu'il n'y avait pas de local pour accueillir les adhérents, et que [W] [O] transportait sans cesse des sacs remplis de matériels professionnels qu'elle chargeait et déchargeait de son appartement à la voiture de fonction ; qu'un local a été finalement affecté à son activité, mais dans un état « désastreux », rempli de moisissures, seule une pièce étant utilisable ; « il faisait froid, nous gardions en général les manteaux ».

La pièce 3 est l'attestation de Mme [R] [F], qui indique avoir travaillé au sein de l'AFTC avec Mme [W] [O] ; elle explique qu'il n'y avait pas de local affecté, que le travail administratif se faisait souvent dans les bars, que Mme [W] [O] passait ses appels téléphoniques dans les toilettes par souci de confidentialité ; que des réunions de service se faisaient parfois dans le véhicule de fonctions ; que Mme [W] [O] a effectué l'état des lieux du nouveau local et a fait « l'intermédiaire entre l'ancien locataire, le propriétaire et les artisans » sans aide de la direction de l'association ; que Mme [W] [O] stockait chez elle son matériel professionnel (ordinateur, caisse, matériel pour les activités ') ; que faute d'adresse du GEM, l'intimée recevait chez elle les documents administratifs.

La pièce 4 est l'attestation de M. [U] [H], conjoint de Mme [W] [O], qui explique que leur appartement s'est rempli des documents et matériels destiné au GEM ; il indique que Mme [W] [O] a dû s'occuper des travaux de réhabilitation du local trouvé.

La pièce 5 est l'attestation de Mme [P] [H], bénévole au sein du GEM d'Epinal, confirme les attestations précitées sur l'absence de local, le stockage du matériel professionnel de Mme [W] [O] dans son logement, et l'état du local finalement attribué au GEM dont Mme [W] [O] avait la charge.

La pièce 6 est l'attestation de M. [N] [S], stagiaire en service civique auprès du GEM confié à Mme [W] [O], qui explique avoir effectué sa prise de poste dans un bar ; qu'ils ont dû accueillir les adhérents dans un local remplis de moisissures et dont les fenêtres étaient cassées ; qu'ils ne pouvaient y rester longtemps à cause du froid ; que des réunions de service se tenaient dans le véhicule de fonction de Mme [W] [O] ; qu'en réunion de l'AFTC devant les adhérents, la Présidente a reproché à Mme [W] [O], publiquement devant les adhérents, qu' elle ne donne pas de nouvelles pendant son arrêt.

La pièce 7 est l'attestation de Mme [X] [Z], gérante du bar de l'Est à [Localité 6], qui explique que Mme [W] [O] l'a sollicité pour effectuer du travail administratif dans son établissement, faute de local ; qu'elle y a tenu également des activités pour les adhérents ; qu'elle passait ses appels téléphoniques confidentiels dans les toilettes du bar.

La pièce 8 est l'attestation de Mme [J] [T], qui explique que Mme [W] [O] travaillait dans des bars ou restaurants, ou sur le lieu de travail de sa mère, qu'elle transportait partout ses affaires professionnelles ; que les locaux qui lui ont été attribués étaient remplis de salpêtre, que les vitres étaient cassées, que dans l'espace cuisine il y avait de la moisissure autour du point d'eau, et qu'il y faisait froid.

Les attestations 2 à 5, 7 et 8 précitées font également état de la fatigue physique et psychologique de Mme [W] [O].

Les pièces 31 sont des échanges de mails du 13 mars 2018 au 08 février 2019, entre Mme [W] [O] et des responsables de l'AFTC ou des services extérieurs (essentiellement des mairies), pour l'occupation de salles au coup par coup, sur différentes localités des Vosges.

Les pièces 32 sont des échanges de mails entre Mme [W] [O] et la direction de l'AFTC au sujet du local, du 12 octobre 2018 au 21 février 2019, dont il ressort qu'elle s'est occupée des réparations et de l'équipement du local.

Mme [W] [O] produit en pièces 10 ses arrêts de travail, à compter du 25 février 2019, mentionnant un « burn out », et en pièce 11 un certificat médical du Docteur [L], du 29 avril 2019, qui indique qu'elle lui a délivré ses arrêts de travail, et que Mme [W] [O] présente des symptômes d'anxiété et de dépression que l'intimée relie à ses conditions de travail.

L'ensemble de ces éléments, qui établissent la matérialité des griefs adressés à l'employeur relatifs aux conditions de travail indécentes et dégradées, ainsi que les éléments médicaux, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral du fait de l'organisation et des conditions de travail.

L'AFTC explique que, s'agissant des locaux, il a été indiqué à Mme [W] [O] qu'elle ne pourrait pas bénéficier d'un local immédiatement puisque le GEM était en cours de création et que les locaux n'avaient pas encore été loués.

Elle précise que les activités étaient donc gérées dans différentes salles mises à disposition et il avait été annoncé que cette organisation durerait au moins jusqu'au début de l'année 2019.

L'appelante indique qu'il avait été proposé à Mme [W] [O] d'entreposer son matériel dans une armoire qui aurait été installée dans une des salles mise à disposition, mais que celle-ci l'a refusé. L'AFTC ajoute que les documents administratifs n'étaient pas si nombreux et devaient être conservés au siège ; que les plannings établis par Mme [W] [O] montrent que pour de nombreuses sorties, aucun matériel n'était nécessaire.

L'AFTC estime que Mme [W] [O] aurait pu effectuer les tâches administratives et ses appels téléphoniques depuis chez elle.

Elle précise qu'elle a bénéficié de l'encadrement de M. [A] [Y] jusqu'au mois d'août 2018, et qu'à partir de novembre 2018 de nouveaux locaux ont été loués.

S'agissant de ces locaux, l'appelante indique que si lors de l'arrivée dans les lieux des difficultés ont pu exister, « Mme [W] [O] a toujours bénéficié du soutien nécessaire et il ne lui a jamais été demandé de solutionner ces difficultés en un rien de temps ». Elle ajoute qu'en ce qui concerne l'humidité, le GEM pouvait utiliser les deux salles du local dans lesquelles il n'y avait pas de trace d'humidité. Elle souligne que le 06 novembre Mme [W] [O] indiquait par mail qu'elle se sentait bien dans les locaux.

L'AFTC considère que ce que dénonce Mme [W] [O] correspond aux difficultés liées à la nouvelle installation, difficultés surmontables et qui ont été surmontées par la nouvelle coordinatrice.

Elle fait valoir que le certificat médical produit par l'intimée n'évoque un lien entre son état de santé et son activité professionnelle qu'au travers de ses déclarations, et qu'elle n'a pas présenté de déclaration de maladie professionnelle.

L'AFTC ne renvoie à aucune pièce à l'appui de ses explications, à l'exception de deux mails 6 et 20 de la pièce 17 (échanges de mails des 06 et 16 juillet 2018 pour l'achat d'un appareil photo ou caméra), des plannings de GEM 88 (pièces 18) et le mail 91 (de la pièce 17) de Mme [W] [O] du 06 novembre 2018 dans lequel Mme [W] [O] indique « Les 3 adhérents présents se sont déjà sentis chez eux dans le local. Ils ont déjà fait les plans pour le jour de l'emménagement. Donc super ».

Ces éléments n'établissent pas que les conditions de travail de Mme [W] [O] sont étrangères à tout harcèlement managérial et organisationnel.

Il convient de constater que Mme [W] [O] a subi un harcèlement moral de la part de l'AFTC.

Sur le licenciement

Mme [W] [O] soutient que son inaptitude, qui fonde son licenciement, a pour origine l'exécution déloyale du contrat de travail et les agissements constitutifs de harcèlement.

Elle demande de déclarer en conséquence son licenciement nul.

L'AFTC estime que le lien entre le harcèlement ou le comportement fautif invoqués, et l'inaptitude n'est pas établi par les pièces produites par l'AFTC, et souligne qu'aucune demande de reconnaissance professionnelle n'a été formulée.

Motivation

Il résulte du développement qui précède que Mme [W] [O] a subi un harcèlement moral par son employeur.

Le certificat médical en pièce 11 précitée, ses arrêts de travail en pièces 10 mentionnant un « burn out », les attestations 2 à 5, 7 et 8 faisant état de la fatigue physique et psychologique progressive de Mme [W] [O] durant l'exécution du contrat de travail, et l'avis d'inaptitude du 08 octobre 2019 (pièce 12 de Mme [W] [O]) indiquant : « inaptitude définitive à son poste de coordinatrice ainsi qu'à tous les postes de l'entreprise » établissent de manière suffisante le lien entre le harcèlement moral subi et l'inaptitude prononcée.

L'inaptitude étant le motif du licenciement, ce dernier est en conséquence nul.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit le licenciement nul.

Sur les conséquences financières du licenciement

Mme [W] [O] indique avoir subi un préjudice financier et un préjudice psychologique, et demande la confirmation du jugement quant aux dommages et intérêts pour licenciement nul.

Elle demande également la condamnation de l'employeur à une indemnité compensatrice de 3 896 euros, correspondant à deux mois de salaire, outre 389,60 euros au titre des congés payés afférents. Elle demande sur ce point l'infirmation du jugement quant au quantum alloué.

L'AFTC ne conclut pas sur le quantum des dommages et intérêts pour licenciement nul.

Elle fait valoir qu'en application de l'article L1235-3 du code du travail, elle ne peut prétendre à une indemnité supérieure à un mois de salaire, compte tenu de son ancienneté.

L'appelante indique que l'intimée n'explique pas sa demande de valorisation de son indemnité compensatrice de préavis à hauteur de deux mois.

Motivation

L'article L1235-3 du code du travail, applicable au licenciement sans cause réelle et sérieuse, ne l'est pas au licenciement nul, comme en l'espèce.

En application des dispositions de l'article L1234-1 du code du travail, lorsque le salarié a une ancienneté comprise entre six mois et moins de deux ans, le préavis est d'une durée d'un mois.

Mme [W] [O] avait une ancienneté de moins de deux ans.

Le jugement sera donc confirmé quant aux quantums des dommages et intérêts pour licenciement nul et quant à l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail et harcèlement moral

Mme [W] [O] sollicite à ce titre 10 000 euros de dommages et intérêts.

Sa demande se fonde sur les faits dénoncés par elle au titre du harcèlement moral, et examinés supra.

L'AFTC qui conclut sur le harcèlement moral, pour le contester, ne conclut pas sur le quantum des dommages et intérêts sollicités.

Motivation

Mme [W] [O] ne motive pas en quoi les dommages et intérêts alloués par le conseil des prud'hommes auraient été mal évalués.

Elle sera donc déboutée de sa demande, le jugement étant confirmé sur ce point.

Sur la demande au titre des heures supplémentaires

L'article L. 3171-4 du code du travail dispose qu' en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction.

La preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties mais le salarié doit appuyer sa demande en paiement d'heures supplémentaires par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Mme [W] [O] explique qu'elle travaillait en moyenne 40 heures par semaine.

Elle renvoie à ses pièces 2 à 9, 31 et 32 précitées (attestations relatives à ses conditions de travail et mails relatifs à la réservation de salles pour les réunions du GEM et aux travaux du local fixe), ainsi qu'à sa pièce 33 (entretien d'évaluation du 20 décembre 2018).

Ces éléments ne sont pas suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre.

En conséquence, Mme [W] [O] sera déboutée de sa demande au titre d'heures supplémentaires.

Sur la demande au titre du travail dissimulé

Mme [W] [O] explique avoir débuté ses fonctions une semaine avant son embauche du 12 mars 2018, sans contrat de travail, ni rémunération.

L'AFTC explique que les échanges qui ont eu lieu avec la salariée avant la date de signature du contrat de travail avaient pour objet des informations sur la prise de poste.

Sur les échanges de mails produits par Mme [W] [O], l'AFTC soutient qu'il s'agit de démarches initiées par Mme [W] [O] seule, et que « Monsieur [Y] lui répond sans en référer à sa direction et suit le mouvement initié par [W] [O] ».

Elle estime qu'il n'y a en tout état de cause pas d'élément intentionnel.

Motivation

L'article L. 8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur:

1o Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche;

2o Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures» de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie;

3o Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Au soutien de sa demande, Mme [W] [O] renvoie à ses pièces 16 à 29 ; il s'agit d'échanges de mails entre elle et M. [A] [Y], coordinateur régional d'activité de l'AFTC, ou avec des extérieurs, comme des mairies, entre le 05 mars 2018 et le 11 mars 2018.

Il en ressort notamment que le 06 mars 2018, M.[A] [Y], coordinateur régional d'activité, demande à Mme [W] [O] si il peut avoir une ébauche d'emploi du temps pour le lendemain midi ; le 07 mars il lui demande d'apporter des modifications au planning qu'elle lui a envoyé ; le 08 mars 2018 elle rend compte à M. [A] [Y] de ses démarches et contacts, notamment pour la réservation de salles ; le 08 mars 2018 à 11h27, M. [A] [Y] lui donne des consignes quant au nombre de personnes concernées par la visite au musée de [Localité 5].

C'est donc par une juste analyse des pièces, et par une motivation que la cour adopte pour le surplus, que le Conseil des prud'hommes a jugé que le travail dissimulé était établi, l'élément intentionnel découlant des pièces précitées, notamment en ce que le supérieur hiérarchique de Mme [W] [O] sollicite de sa part du travail.

Le quantum de la condamnation n'étant pas discuté à titre subsidiaire, le jugement sera également confirmé sur le montant de l'indemnité.

Sur l'indemnité de bureau

Mme [W] [O] indique ne pas avoir bénéficié de local avant novembre 2018, avoir stocké documents et matériels nécessaires à l'exécution de ses fonctions dans son appartement, et avoir réalisé le travail administratif nécessaire à ses fonctions à son domicile.

Mme [W] [O] sollicite 1610 euros à ce titre, soit 230 euros par mois.

L'AFTC indique qu'il avait été proposé à Mme [W] [O] la mise à disposition d'une armoire pour y stocker son matériel, ce qu'elle a refusé.

Elle ajoute que Mme [W] [O] ne présente aucune justification à sa demande.

L'appelante demande que le jugement soit réformé.

Motivation

Le salarié qui utilise son logement notamment pour entreposer du matériel professionnel doit bénéficier en retour d'une indemnité.

En l'espèce, il résulte des attestations en pièces 2 à 8 précitées que Mme [W] [O] entreposait matériels et documents administratif nécessaires à son activité salariée, dans son logement.

L'AFTC ne justifie par aucune pièce de la proposition, dont elle se prévaut, de la mise à disposition d'une armoire pour y stocker ces matériels et documents.

Mme [W] [O] ne justifie par aucune pièce de sa demande de réformation du quantum de l'indemnité arrêté par le conseil des prud'hommes.

Dans ces conditions, le jugement sera confirmé sur ce point, quant au principe de la condamnation et quant à son quantum.

Sur la demande au titre du maintien de salaire pendant l'arrêt maladie

Mme [W] [O] affirme ne pas avoir bénéficié du maintien de son salaire pendant son arrêt de travail.

Elle demande en outre que l'appelante lui communique le contrat de prévoyance conclu par l'association.

L'AFTC fait valoir que Mme [W] [O] ne peut prétendre au maintien de son salaire, n'ayant pas un an d'ancienneté au premier jour de son absence.

Elle indique que Mme [W] [O] ne bénéficiait pas d'un contrat de prévoyance, réservé aux cadres.

Motivation

Aux termes des dispositions de l'article L1226-1 du code du travail, bénéficie du maintien du salaire en cas d'arrêt maladie le salarié ayant au moins un an d'ancienneté.

En l'espèce Mme [W] [O] n'avait pas un an d'ancienneté lorsque son arrêt de travail a commencé le 25 février 2019, arrêt de travail renouvelé jusqu'au licenciement.

Dans ces conditions elle sera déboutée de sa demande de maintien du salaire, ainsi que de sa demande de communication d'un éventuel contrat de prévoyance, de ce fait sans objet.

Le jugement sera confirmé sur ces points.

Sur la demande relative aux documents de fin de contrat

Le jugement sera donc confirmé, la demande d'astreinte n'apparaissant pas justifiée à ce stade.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Pour la première instance, le jugement sera confirmé sur ces points.

Succombant à l'instance, l'AFTC sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à Mme [W] [O] 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Confirme, dans les limites de l'appel, le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Epinal le 05 décembre 2022 ;

Y ajoutant,

Déboute Mme [W] [O] de sa demande de paiement d'heures supplémentaires ;

Condamne l'AFTC Lorraine à payer à Mme [W] [O] 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l'AFTC Lorraine aux dépens.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en quatorze pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 23/00097
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;23.00097 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award