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16/05/2024 | FRANCE | N°22/02585

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 16 mai 2024, 22/02585


ARRÊT N° /2024

PH



DU 16 MAI 2024



N° RG 22/02585 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FCN3







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGWY

21/00097

24 octobre 2022











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANTE :



S.A.S. AUCHAN HYPERMARCHE, pour son éta

blissement secondaire sis [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Bertrand FOLTZ de la SELARL FILOR AVOCATS, avocat au barreau de NANCY









INTIMÉE :



Madame [B] [E]

[Adresse 3]

[Localité 4]

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ARRÊT N° /2024

PH

DU 16 MAI 2024

N° RG 22/02585 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FCN3

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGWY

21/00097

24 octobre 2022

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

S.A.S. AUCHAN HYPERMARCHE, pour son établissement secondaire sis [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Bertrand FOLTZ de la SELARL FILOR AVOCATS, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :

Madame [B] [E]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Gérard CHEMLA de la SCP SCP ACG & ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : BRUNEAU Dominique,

STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats : PERRIN Céline

DÉBATS :

En audience publique du 11 Janvier 2024 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 28 Mars 2024 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 11 Avril 2024 puis au 16 Mai 2024;

Le 16 Mai 2024, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Madame [B] [E] a été engagée sous contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, par la société SAS AUCHAN HYPERMARCHE (ci-après société AUCHAN) à compter du 05 octobre 2000, en qualité d'hôtesse de caisse.

Le temps de travail de la salariée est fixé à 25 heures hebdomadaires.

A compter du 2012, Madame [B] [E] a été désignée déléguée syndicale CGT et représentante syndicale du CHSCT.

Par courrier du 24 octobre 2012, Madame [B] [E] a notifié à son employeur l'exercice de son droit d'alerte et de retrait.

Par courrier du 08 octobre 2019, la salariée s'est vue notifier la levée de son droit de retrait, avec la convocation à un entretien de reprise de son poste de travail.

A compter du 22 octobre 2019, Madame [B] [E] a repris le travail.

A compter du 24 octobre 2019, la salariée a été placée en arrêt de travail pour maladie.

Par requête du 23 novembre 2021, Madame [B] [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Longwy, aux fins :

- de condamner la société AUCHAN à lui verser les sommes suivantes :

- 35 000,00 euros de dommages et intérêts à titre de réparation du préjudice moral et financier lié à la situation de harcèlement et de discrimination,

- 8 000,00 euros de dommages et intérêts à titre de réparation de son préjudice lié à l'absence de prévention des risques professionnels et l'obligation de sécurité de résultat,

- 4 000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

- d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Longwy rendu le 24 octobre 2022, lequel a :

- déclaré Madame [B] [E] recevable et bien fondée en ses demandes,

- condamné la société AUCHAN à verser à Madame [B] [E], les sommes suivantes :

- 30 000,00 euros de dommages et intérêts à titre de réparation du préjudice moral et financier lié à la situation de harcèlement et de discrimination,

- 8 000,00 euros de dommages et intérêts à titre de réparation de son préjudice lié à l'absence de prévention des risques professionnels et l'obligation de sécurité de résultat,

- 1 500,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que ces sommes porteront intérêts de droit au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement conformément aux dispositions de l'article 515 du code de procédure civile,

- débouté la société AUCHAN de sa demande reconventionnelle et l'a condamné en tous les frais et dépens d'instance.

Vu l'appel formé par la société AUCHAN le 14 novembre 2022,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de la société AUCHAN déposées sur le RPVA le 04 septembre 2023, et celles de Madame [B] [E] déposées sur le RPVA le 05 octobre 2023

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 22 novembre 2023,

La société AUCHAN demande :

- d'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Longwy le 24 octobre 2022 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

- de déclarer irrecevables les demandes de Madame [B] [E] comme étant prescrites,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour devait considérer les demandes comme étant recevables :

- de débouter Madame [B] [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Y ajoutant :

- de condamner Madame [B] [E] à lui verser la somme de 3 000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- de laisser les entiers frais et dépens à la charge de Madame [B] [E].

Madame [B] [E] demande :

- de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes dans toutes ses dispositions, excepté sur le quantum de la somme allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Y faisant droit :

- de condamner la société AUCHAN à lui verser les sommes suivantes :

- 30 000,00 euros de dommages et intérêts à titre de réparation du préjudice moral et financier lié à la situation de harcèlement et de discrimination,

- 8 000,00 euros de dommages et intérêts à titre de réparation de son préjudice lié à l'absence de prévention des risques professionnels et l'obligation de sécurité de résultat,

- 5 000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société AUCHAN aux entiers dépens.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de l'employeur le 04 septembre 2023, et en ce qui concerne la salariée le 05 octobre 2023.

Sur le harcèlement moral

- sur la prescription

La société AUCHAN fait valoir que Mme [B] [E] est prescrite en sa demande, les faits dont elle se plaint étant connus d'elle depuis le 24 octobre 2012.

Elle indique que, à supposer que l'on retienne la date du 27 novembre 2014 comme point de départ de la prescription, date indiquée par la salariée pour une nouvelle situation dénoncée de dénigrement et de harcèlement, son action serait également prescrite.

Mme [B] [E] fait valoir avoir été « placardisée » par l'employeur jusqu'en 2019. Elle précise ensuite que la discrimination qu'elle a subie était continue, et n'avait cessé de produire ses effets au jour de la saisine du conseil des prud'hommes.

Elle indique enfin que ce n'est que le 16 décembre 2016 que le CHSCT a été consulté par l'employeur, pour établir un diagnostic relatif aux circonstances dénoncées du droit d'alerte et de retrait.

Motivation

Aux termes des dispositions de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En l'espèce, au titre d'un harcèlement moral et d'une discrimination, Mme [B] [E] invoque :

- des « propos discriminatoires, racistes et calomnieux » qui l'auraient visée le 16 octobre 2012

- des insultes qu'elle aurait subies le 06 novembre 2014

- l'absence de décision de l'employeur quant à sa situation et son retour dans son poste.

Il résulte des conclusions des parties que Mme [B] [E] a repris le travail le 22 octobre 2019, ce qui implique que la situation de « placardisation » que dénonce Mme [B] [E] a pris fin à cette date.

Ayant saisi le conseil des prud'hommes dans le délai de 5 ans qui a commencé à courir après cette date, son action n'est pas prescrite.

- sur le harcèlement et la discrimination

Aux termes des dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3, le salarié présente des faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination» ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi no 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d'horaires de travail, d'évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes , de son exercice d'un mandat électif local, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de sa qualité de lanceur d'alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d'alerte, au sens, respectivement, du I de l'article 6 et des 1o et 2o de l'article 6-1 de la loi no 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

En l'espèce, Mme [B] [E] explique avoir été victime d'injures à caractère racial le 16 octobre 2012, dont elle a informé l'employeur le 24 octobre 2012, en exerçant son droit de retrait, avoir été victime d'injures le 06 novembre 2014, dont elle a informé l'employeur le 27 novembre 2014, et que l'employeur n'a pas procédé à la levée de son droit de retrait.

Elle explique « avoir été placardisée », estimant qu'à partir de décembre 2016, date à laquelle le CHSCT a donné son avis sur le droit de retrait, il appartenait à l'employeur soit de lui notifier un droit de retrait injustifié, soit en prenant toutes les mesures pour mettre fin à ce droit de retrait.

Mme [B] [E] indique ne pas avoir bénéficié, de ce fait, pendant toute cette période, de visite médicale périodique, ni d'entretien individuel, les entretiens individuels permettant d'obtenir soit des primes, soit des augmentations de rémunération.

Elle renvoie à ses pièces 2 , 8, et 10 à 14, ainsi qu'aux attestations de M. [I], Mme [G], M. [P] et Mme [A] (pièces 23 à 26 selon le bordereau de communication de pièces).

La pièce 2 est constituée par l'impression de messages sur un site Facebook ; certains échanges sont surlignés par l'intimée.

Le message qu'elle cite dans ses conclusions apparaît à la date du 18 août : « (') ça c'est pour faire croire qu'elle récupère ces heures de deleg comme elle faisais avt !!!!! m'enfin c une arabe quest ce que tu veu et aux arabes ont leurs diras jamais rien de peur d'avoir toutes la smala aux cul !!!!! (...) »

Cette pièce établit la matérialité de ce que l'intimée dénonce en 2012.

La pièce 8 est un courrier de Mme [B] [E] adressé à l'employeur, en date 27 novembre 2014, dans lequel elle dénonce des propos injurieux colportés sur sa personne, et cite ce que lui a rapporté une collègue de travail : « fais attention, y a la [B] qui traîne par là, je ne sais pas ce qu'elle magouille cette sorcière ».

Cette pièce n'établit pas la matérialité des propos dénoncés, ceux-ci étant rapportés par Mme [B] [E] elle-même.

La pièce 10 est une attestation de M. [V] [P], qui explique avoir participé à la réunion du CHSCT de décembre 2016 en sa qualité d'élu, qui a émis un avis sur le droit de retrait de Mme [B] [E].

Il indique qu'aucune solution n'a été donnée par la direction et qu'à sa connaissance il n'y en a pas eu par la suite.

La pièce 11 (et 12) est une attestation de Mme [X] [A], qui explique que « après une réunion du comité d'entreprise (Auchan Mont Saint Martin) nous avions Madame [E] et moi demandé un entretien à Melle [R] [T]. Comme celle-ci venait de prendre ses fonctions au sein de l'établissement, nous voulions la tenir au courant de différents problèmes en cours dans le magasin. A la fin de cet entretien Madame [E] a évoqué son problème de droit de retrait posé en 2012et toujours pas résolu. Melle [T] n'était pas au courant de ce dossier. Bien qu'elle trouvait cette situation complètement aberrante, elle ne pouvait apporter aucune solution car elle n'était pas présente lors de ce conflit. L'entretien s'est terminé. Aucune solution ne nous était présentée. (...) »

La pièce 13 est une suite d'échanges de mails entre Mme [B] [E] et Mme [D] [T], responsable ressources humaines, en octobre 2019.

Il en ressort que la responsable ressources humaines propose à Mme [B] [E] un entretien en vue de sa reprise de poste.

La pièce 14 est un courrier de Mme [D] [T], responsable RH, à Mme [B] [E], en date du 11 octobre 2019, par lequel l'employeur confirme à la salariée que son droit de retrait a été levé en juillet 2017, et lui adresse en copie ses horaires de la semaine du 21 octobre 2019 à son poste d'hôtesse de caisse.

En pièce 23, M. [S] [I] explique qu'il « n'a jamais entendu aucune des directions demander à madame [E] de reprendre son poste de travail et encore moins de vouloir discuter avec elle de sa situation aberrante suite à son droit de retrait » et qu'il a assisté à « l'effondrement émotionnel » de cette dernière après sa reprise le 21 octobre 2019.

En pièce 24, Mme [F] [G], élue au comité d'entreprise entre 2014 et 2019, indique que la direction n'a jamais évoqué le droit de retrait de Mme [B] [E].

En pièce 25, M. [V] [P] indique la même chose.

En pièce 26 Mme [X] [A] explique avoir aidé Mme [B] [E] pour la « levée de son droit de retrait » et pour la réintégration de son poste, en expliquant avec elle la situation à chaque changement de direction ou de responsable RH, sans succès.

Le procès-verbal du CHSCT du 16 décembre 2016 (pièce 9 de l'intimée) indique en point 2 « Information des membres du CHSCT sur le droit d'alerte exercé par Mme [B] [E] » : « Mme [E] donne sa version de la situation actuelle, notamment sur le fait de ne plus pouvoir venir travailler sur la ligne de caisses. Les membres du CHSCT sont interrogés sur l'existence d'un danger grave et imminent par Mme [E] : Avis des membres du CHSCT : NON à l'unanimité, il n'existe pas de danger grave et imminent »

La société AUCHAN explique que Mme [B] [E] a refusé tout dialogue en vue de sa reprise.

Elle renvoie à ses pièces 1 et 3.

La pièce 1 est l'attestation de M. [H] [L], ancien directeur du magasin Auchan de Mont Saint Martin, entre le 18 décembre 2017 et le 23 mai 2020 ; il explique avoir été mis au courant de la situation de Mme [B] [E] quand il a pris son poste, avoir tenté plusieurs fois d'avoir un échange avec elle sur ce sujet mais qu'elle a toujours évité toute discussion, et qu'il a plusieurs fois proposé en vain un rendez-vous pour en discuter.

La pièce 3 est l'attestation de Mme [C] [K], qui explique avoir été l'assistante RH du magasin Auchan Pôle Europe du 1er septembre 2015 à mars 2018 ; elle indique que M. [H] [J], alors directeur, et Mme [D] [T], RRH, ont proposé à Mme [B] [E] de réintégrer son poste, et qu'à chaque fois celle-ci a refusé d'échanger en tête à tête.

Au vu des pièces de Mme [B] [E] et de la société AUCHAN, la matérialité du fait dénoncé par la salariée, à savoir l'inertie de l'employeur quant à sa réintégration à son poste de travail, n'est pas établie.

En effet, les attestations produites par Mme [B] [E], faisant état d'une absence de réaction de l'entreprise, sont contredites par les attestations produites par l'employeur, qui font au contraire état de propositions de réintégration de la salariée dans son poste, propositions refusées.

Il convient par ailleurs de souligner que, si M. [V] [P] (pièce 10 précitée de l'intimée) indique « à chaque fois qu'a pu être abordé son droit de retrait en sa présence et la mienne elle était très affectée et en grande détresse émotionnelle car sa situation est restée inchangée pendant toutes ces années (...) », M. [W] (pièce 23 précitée) n'en fait état qu'en 2019 en ces termes : «De plus le 21/10/2019 le jour de la reprise de madame [E] j'ai assisté à l'effondrement émotionnel de cette dernière», et que la seule pièce médicale produite par l'intimée est son arrêt de travail du 24 octobre 2019 (pièce 18).

Aucune pièce médicale n'est produite par Mme [B] [E] attestant d'une conséquence, sur sa santé, de l'inertie alléguée de l'employeur.

Au terme de ce qui précède, le seul élément matériellement établi, à savoir les injures à caractère racial découvertes sur un poste informatique du local syndical, ne laisse pas présumer un harcèlement moral, à défaut de réitération des faits et à défaut de dégradation établie des conditions de travail ou de santé de Mme [B] [E].

En conséquence, le jugement sera réformé en ce qu'il a condamné la société AUCHAN à des dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Mme [B] [E] ne fait par ailleurs valoir aucun argument au soutien d'un « harcèlement discriminatoire ».

Sur l'obligation de sécurité

Mme [B] [E] fait valoir qu'elle n'a bénéficié d'aucune visite médicale périodique entre 2012 et 2019, ni lors de sa reprise en octobre 2019.

Elle fait également valoir la situation de harcèlement moral qu'elle dit avoir subie, sans que l'employeur n'y apporte de solution.

La société AUCHAN fait valoir que pendant la suspension du contrat de travail il ne peut y avoir de visite médicale, et qu'à sa reprise, Mme [B] [E] a été convoquée pour une visite médicale le 30 octobre 2019, à la demande de l'employeur.

La société AUCHAN indique ensuite avoir tenté de dialoguer avec la salariée pour tenter de trouver une solution.

Motivation

Il résulte des développements qui précèdent que le harcèlement invoqué n'est pas établi.

S'agissant de l'absence invoquée de visite médicale, Mme [B] [E] ne démontre ni n'invoque de préjudice.

Dans ces conditions, Mme [B] [E] sera déboutée de sa demande, et le jugement sera réformé sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera réformé en ce qu'il a condamné la société AUCHAN aux dépens, ainsi qu'au paiement de la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les parties seront déboutées de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, et conserveront la charge de leurs propres dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Longwy le 24 octobre 2022 ;

Statuant à nouveau,

Déboute Mme [B] [E] de l'ensemble de ses demandes ;

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens, de première instance et d'appel.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en neuf pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 22/02585
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;22.02585 ?
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