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14/05/2024 | FRANCE | N°23/01212

France | France, Cour d'appel de Nancy, Première présidence, 14 mai 2024, 23/01212


COUR D'APPEL DE NANCY

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Requête en indemnisation à raison

d'une détention provisoire

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N° RG 23/01212 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FF4P

du 14 Mai 2024



Minute : 7/2024

du 14 mai 2024







REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



A l'audience du 26 Mars 2024, présidée par Monsieur Marc JEAN-TALON, Premier Président de la Cour d'appel de NANCY, assisté de Madame Céline PAPEGAY, greffier et statuant sur

la requête enregistrée au secrétariat de la Première Présidence le 5 Juin 2023 sous le numéro N° RG 23/01212 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FF4P, conformément...

COUR D'APPEL DE NANCY

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Requête en indemnisation à raison

d'une détention provisoire

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N° RG 23/01212 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FF4P

du 14 Mai 2024

Minute : 7/2024

du 14 mai 2024

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

A l'audience du 26 Mars 2024, présidée par Monsieur Marc JEAN-TALON, Premier Président de la Cour d'appel de NANCY, assisté de Madame Céline PAPEGAY, greffier et statuant sur la requête enregistrée au secrétariat de la Première Présidence le 5 Juin 2023 sous le numéro N° RG 23/01212 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FF4P, conformément aux dispositions de l'article 149-2 du Code de Procédure Pénale et formée par :

Monsieur [B] [L]

né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 2]

demeurant [Adresse 3]

[Localité 2]

élisant domicile au sein du cabinet de Maître Julien MARGUET

[Adresse 4]

Représenté par Maître Julien MARGUET, avocat au barreau de NANCY

L'Agent Judiciaire de l'Etat étant représenté par Maître François JAQUET, membre de la SCP TERTIO AVOCATS, avocat au barreau de NANCY, substitué par Maître Virginie ROYER, avocat au barreau de NANCY ;

Le ministère public étant représenté par Monsieur Hugues BERBAIN, Procureur général près la Cour d'Appel de Nancy

Vu la requête déposée le 5 juin 2023 par Maître [S] [C] au nom de M. [B] [L] et ses conclusions ultérieures notifiées par lettres recommandées avec avis de réception le 5 février 2024 ;

Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire de l'Etat notifiées par lettre recommandée avec avis de réception le 14 novembre 2023 ;

Vu les conclusions du procureur général près la cour d'appel de Nancy, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception le 12 janvier 2024 ;

Vu l'avis de fixation à l'audience du 26 mars 2024 ;

Vu les articles 149 à 150, R. 26 à R. 40-22 du code de procédure pénale ;

EXPOSE DU LITIGE

M. [B] [L] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel de Nancy suivant la procédure de comparution immédiate pour avoir commis des infractions à la législation sur les stupéfiants en état de récidive légale.

Le juge des libertés et de la détention l'a placé en détention provisoire par ordonnance du 29 septembre 2022.

Par jugement rendu le 7 décembre 2022, non frappé d'appel, le tribunal correctionnel de Nancy a renvoyé M. [B] [L] des fins de la poursuite.

M. [B] [L] a ainsi été placé en détention provisoire durant 70 jours.

*****

Suivant requête parvenue au secrétariat de la première présidence le 5 juin 2023, M. [B] [L] a sollicité l'indemnisation de sa détention provisoire à hauteur des sommes de :

- 10.000 euros en réparation de son préjudice moral,

- 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'agent judiciaire de l'État a offert de réparer le préjudice moral de M. [L] à hauteur de la somme de 3.900 euros et a sollicité la réduction à de plus justes proportions des demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il a fait valoir que la seule attestation de Mme [U] est irrégulière en la forme, que M. [L] n'a pas reconnu les enfants dont il dit être le père, qu'il a exposé au cours de la procédure n'avoir aucun enfant à charge et qu'il a déjà subi des périodes de détention.

Le procureur général près cette cour a proposé à la juridiction de fixer la réparation du préjudice moral à un montant de 4.000 euros au regard des circonstances de l'espèce et a conclu à la réduction à de plus justes proportions de la demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Lors des débats, tenus à l'audience du 26 mars 2024, les parties ont été représentées et ont maintenu, chacune, la position développée dans leurs écritures, auxquelles il sera expressément fait référence.

Le demandeur a eu la parole en dernier.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de la requête

En application de l'article 149 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et matériel direct et certain que lui a causé cette détention.

En l'espèce, M. [B] [L] a bénéficié d'une décision de relaxe rendue par le tribunal correctionnel de Nancy, devenue définitive en l'absence de recours diligenté dans le délai légal, a présenté sa requête dans le délai de six mois fixé par l'article 149-2 du code de procédure pénale et n'apparaît pas se trouver dans l'un des cas d'exclusion prévus par l'article 149 précité.

Sa requête est donc recevable.

Sur le bien-fondé de la requête

S'agissant du préjudice moral

Pour déterminer l'existence et l'étendue du préjudice moral, il doit être tenu compte de l'âge de la personne détenue, de sa situation familiale et des répercussions que la détention a pu avoir sur sa santé physique ou mentale.

En l'espèce, M. [B] [L], alors âgé de 41 ans, a nécessairement subi un préjudice moral résultant du choc carcéral et de la souffrance psychologique ressentis par toute personne brutalement, injustement et durablement privée de liberté durant plus de 2 mois.

La circonstance que le requérant a déjà été incarcéré antérieurement à son placement en détention provisoire doit tout d'abord être analysée comme un facteur justifiant une minoration du choc carcéral subi. M. [L], déjà condamné 9 fois et incarcéré à 3 reprises avant son placement en détention provisoire le 29 septembre 2022, ne peut donc prétendre qu'à un choc carcéral modéré.

Seul le préjudice moral résultant directement de la détention peut être indemnisé. Les dénégations de l'intéressé au cours de la procédure pénale, les infractions reprochées, les peines encourues et le sentiment qu'il a pu éprouver de n'avoir pu se faire entendre des juges, malgré ses protestations d'innocence, sont des circonstances qui ne découlent pas directement de la détention et qui ne peuvent être prises en considération dans l'appréciation du préjudice moral résultant de celle-ci.

Par ailleurs, il n'est évoqué par aucune pièce l'existence de conditions particulièrement difficiles de détention ni le retentissement psychologique allégué

Afin de justifier un préjudice particulier lié à la suspension de liens familiaux, M. [L] produit une photocopie d'un écrit qui serait rédigé par Mme [X] [U], attestant avoir eu deux enfants avec M. [L], et une copie du livret de famille relatif à ces deux enfants. Il y a toutefois lieu de relever qu'en l'absence d'un original et, à tout le moins, d'une copie du document d'identité de Mme [U], et à défaut de tout autre élément venant le corroborer, l'écrit communiqué ne présente pas de valeur probante. Par ailleurs M. [L] n'a pas reconnu ces enfants comme étant les siens et s'est déclaré sans enfant à charge au cours de son audition en garde à vue. Enfin, à le supposer exact, le seul lien de filiation biologique ne vient pas prouver l'existence de relations suffisamment établies pour que leur suspension durant la détention provisoire génère un préjudice spécial.

En définitive, l'allocation de la somme de 6.000 euros réparera intégralement le préjudice moral subi par M. [B] [L] du fait de la détention provisoire injustifiée dont il a fait l'objet.

S'agissant des frais non compris dans les dépens

Il serait inéquitable que M. [B] [L] conserve la charge intégrale des frais non compris dans les dépens qu'il a déboursés du fait de la présente instance. En l'absence de justification d'une dépense plus ample, la somme de 1.500 euros lui sera en conséquence accordée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Aucune distraction ne peut être autorisée concernant les sommes dues en application de l'article 700 du code de procédure civile, qui plus est dans une matière sans représentation obligatoire.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

Déclarons recevable en la forme la requête de M. [B] [L] ;

Lui allouons, en indemnisation de la détention provisoire injustifiée dont il a fait l'objet, la somme de 6.000 euros en réparation de son préjudice moral ;

Lui allouons en outre la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejetons le surplus de la demande ;

Rappelons qu'en application de l'article R. 40 du code de procédure pénale, la présente décision est assortie de plein droit de l'exécution provisoire.

Laissons les frais à la charge de l'État.

Ainsi fait, jugé et prononcé par le premier président, conformément aux dispositions de l'article 149-1 du code de procédure pénale, le 14 mai 2024.

Le greffier Le premier président

Céline PAPEGAY Marc JEAN-TALON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 23/01212
Date de la décision : 14/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-14;23.01212 ?
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