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14/05/2024 | FRANCE | N°22/02613

France | France, Cour d'appel de Nancy, Première présidence, 14 mai 2024, 22/02613


COUR D'APPEL DE NANCY

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Requête en indemnisation à raison

d'une détention provisoire

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N° RG 22/02613 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FCPS

du 14 Mai 2024



Minute : 4/2024

du 14 mai 2024







REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



A l'audience du 26 Mars 2024, présidée par Monsieur Marc JEAN-TALON, Premier Président de la Cour d'appel de NANCY, assisté de Madame Céline PAPEGAY, greffier et statuant sur

la requête enregistrée au secrétariat de la Première Présidence le 18 Novembre 2022 sous le numéro N° RG 22/02613 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FCPS, conform...

COUR D'APPEL DE NANCY

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Requête en indemnisation à raison

d'une détention provisoire

--------------------------------------

N° RG 22/02613 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FCPS

du 14 Mai 2024

Minute : 4/2024

du 14 mai 2024

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

A l'audience du 26 Mars 2024, présidée par Monsieur Marc JEAN-TALON, Premier Président de la Cour d'appel de NANCY, assisté de Madame Céline PAPEGAY, greffier et statuant sur la requête enregistrée au secrétariat de la Première Présidence le 18 Novembre 2022 sous le numéro N° RG 22/02613 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FCPS, conformément aux dispositions de l'article 149-2 du Code de Procédure Pénale et formée par :

Monsieur [M] [I]

né le [Date naissance 2] 1985 à [Localité 4]

demeurant chez Madame [N] [V]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Maître Andreas GARCIA TRULA, avocat au barreau de NANCY

L'Agent Judiciaire de l'Etat étant représenté par Maître Virginie ROYER, membre de la SCP TERTIO AVOCATS, avocat au barreau de NANCY ;

Le ministère public étant représenté aux débats par Monsieur Hugues BERBAIN, Procureur général près la Cour d'Appel de Nancy ;

Vu la requête déposée le 18 novembre 2022 par Maître Andreas GARCIA TRULA, avocat au barreau de NANCY, au nom de Monsieur [M] [I] ;

Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire de l'Etat notifiées par lettre recommandée avec avis de réception le 19 janvier 2023 et le 29 février 2024 ;

Vu les conclusions du Procureur Général près la Cour d'Appel de NANCY notifiées par lettre recommandée avec avis de réception le 3 août 2023 et le 1er mars 2024 ;

Vu l'avis de fixation à l'audience du 16 janvier 2024 ;

Vu les articles 149 à 150, R.26 à R.40-22 du Code de Procédure Pénale ;

EXPOSE DU LITIGE

M. [M] [I] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel de Nancy, suivant procédure de comparution immédiate, pour avoir commis les délits d'appels téléphoniques malveillants aggravés, en état de récidive légale, de menaces de mort aggravées, en état de récidive légale, et de menaces de commettre un délit aggravées, en état de récidive légale.

Par jugement rendu le 9 mars 2022, le tribunal correctionnel de Nancy a renvoyé M. [I] des faits de la poursuite s'agissant des appels téléphoniques malveillants réitérés, a déclaré M. [I] coupable des autres faits objets de la prévention, l'a condamné à la peine de 15 mois d'emprisonnement dont 6 mois assortis d'un sursis probatoire et l'a placé sous mandat de dépôt.

Statuant sur l'appel du condamné le 18 mai 2022, la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Nancy a infirmé le jugement du 9 mars 2022 en toutes ses dispositions et a renvoyé M. [I] des fins de la poursuite.

M. [I] a ainsi été placé en détention provisoire dans le cadre de cette procédure durant 71 jours.

Suivant requête parvenue au secrétariat de la première présidence le 18 novembre 2022, M. [I] a sollicité l'indemnisation de sa détention provisoire à hauteur des sommes de :

- 4.200 euros au titre de son préjudice matériel, correspondant à la perte de salaire au titre d'un travail en intérim,

- 6.000 euros en réparation de son préjudice moral, M. [I] étant alors en pleine réinsertion, ayant subi nombre de fouilles durant sa détention et ayant subi la disparition durant deux semaines d'objets déposés au greffe de la maison d'arrêt

- 2.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Aux termes de ses diverses écritures, l'agent judiciaire de l'État a :

opposé à titre principal l'irrecevabilité de la requête pour la période comprise entre le 9 et le 14 mars 2022, durant laquelle il était détenu pour autre cause,

offert la somme de 3.500 euros en réparation du préjudice moral,

réclamé le rejet de la demande formulée au titre du préjudice matériel en l'absence de preuve de ce préjudice,

sollicité la réduction à de plus justes proportions des demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Le procureur général près cette cour a soutenu le caractère satisfactoire de la somme offerte par l'agent judiciaire de l'Etat au titre du préjudice moral. Il a conclu au rejet de la demande présentée au titre du préjudice économique, faute de preuve d'une perte de salaire et d'une perte de chance de trouver un emploi. Il a réclamé la réduction à de plus justes proportions de la demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Lors des débats, tenus à l'audience du 26 mars 2024, les parties ont été représentées et ont maintenu, chacune, la position développée dans leurs écritures, auxquelles il sera expressément fait référence.

Le demandeur a eu la parole en dernier.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de la requête

En application de l'article 149 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et matériel direct et certain que lui a causé cette détention.

En l'espèce, M. [M] [I] a bénéficié d'une décision de relaxe devenue définitive en l'absence de recours diligenté dans le délai légal, a présenté sa requête dans le délai de six mois fixé par l'article 149-2 du code de procédure pénale et n'apparaît pas se trouver dans l'un des cas d'exclusion prévus par l'article 149 précité.

Sa requête est donc recevable, étant observé que la circonstance que le requérant a exécuté une peine durant la période de détention provisoire ne constitue pas un moyen d'irrecevabilité.

Sur le bien-fondé de la requête

Il résulte de l'article 149 du code de procédure pénale qu'aucune réparation n'est due lorsque la personne placée en détention provisoire était, dans le même temps, détenue pour autre cause.

En l'espèce, M. [I] était, à la date de son placement en détention provisoire, détenu depuis le 15 octobre 2020 et jusqu'au 14 mars 2022 en exécution de différentes peines.

La période de détention provisoire indemnisable s'échelonne en conséquence du 15 mars 2022 au 18 mai 2022, soit 66 jours.

S'agissant du préjudice moral

Pour déterminer l'existence et l'étendue du préjudice moral, il doit être tenu compte de l'âge de la personne détenue, de sa situation familiale et des répercussions que la détention a pu avoir sur sa santé physique ou mentale.

En l'espèce, M. [I], âgé de 36 ans, se déclarant célibataire et père de trois enfants avec lesquels il n'avait plus de lien, a nécessairement subi un préjudice moral résultant de la souffrance psychologique ressentis par toute personne brutalement et injustement privée de liberté durant plus de deux mois.

Il y a toutefois lieu de tenir compte du fait que M. [I] était déjà incarcéré à la date de son placement en détention provisoire et qu'il a été détenu à de multiples reprises entre 2011 et 2022, ce qui est de nature à minorer le préjudice subi.

Seul le préjudice moral résultant directement de la détention peut être indemnisé. Les dénégations de l'intéressé au cours de la procédure pénale, les infractions reprochées, les peines encourues et le sentiment qu'il a pu éprouver de n'avoir pu se faire entendre des juges, malgré ses protestations d'innocence, sont des circonstances qui ne découlent pas directement de la détention et qui ne peuvent être prises en considération dans l'appréciation du préjudice moral résultant de celle-ci.

Par ailleurs, il n'est produit aucune pièce de nature à démontrer des conditions particulièrement difficiles de détention et aucune pièce ne vient justifier les allégations relatives aux fouilles ou à la disparition du paquetage du requérant.

En définitive, l'allocation de la somme de 3.500 euros offerte par l'Agent judiciaire de l'Etat réparera intégralement le préjudice moral subi par M. [I] du fait de la détention provisoire injustifiée dont il a fait l'objet.

S'agissant du préjudice matériel

Sur la perte de revenus

Le demandeur à la réparation supporte la charge de la preuve du préjudice économique qu'il invoque.

M. [I] a communiqué au soutien de sa demande huit pièces dont aucune ne vient justifier qu'il disposait d'une offre d'emploi à sa sortie de détention le 14 mars 2022.

Il se déclarait sans revenus devant la cour d'appel et était déjà détenu lors du placement en détention provisoire, de sorte qu'il n'a pas subi de perte de revenus du fait de la procédure litigieuse.

Les pièces communiquées par le requérant justifient par ailleurs que M. [I] a bénéficié d'un contrat de travail du 7 juin au 13 juillet 2022 et de missions d'intérim du 4 au 14 octobre 2022, du 2 au 11 novembre 2022 et du 15 au 18 novembre 2022.

Au regard de la durée de la détention provisoire indemnisable, 66 jours, du délai écoulé entre la remise en liberté de M. [I] et la première puis la seconde activité professionnelle exercée après sa sortie de maison d'arrêt, ainsi que de l'absence de preuve de démarches effectuées pour trouver un emploi après son élargissement prévu initialement le 15 mars 2022, il y a lieu de juger que la preuve de la perte d'une chance sérieuse et certaine de trouver un emploi n'est pas suffisamment rapportée.

Il ne peut donc être fait droit à sa demande au titre du préjudice économique.

S'agissant des frais non compris dans les dépens

Il serait inéquitable que M. [M] [I] conserve la charge intégrale des frais non compris dans les dépens qu'il a déboursés du fait de la présente instance. En l'absence de justification d'une dépense plus ample, la somme de 1.500 euros lui sera accordée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

Déclarons recevable en la forme la requête de M. [M] [I] ;

Lui allouons, en indemnisation de la détention provisoire injustifiée dont il a fait l'objet, la somme de 3.500 euros en réparation de son préjudice moral ;

Lui allouons en outre la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejetons le surplus de la demande ;

Rappelons qu'en application de l'article R. 40 du code de procédure pénale, la présente décision est assortie de plein droit de l'exécution provisoire.

Laissons les frais à la charge de l'État.

Ainsi fait, jugé et prononcé par Monsieur Marc JEAN-TALON, Premier Président de la Cour d'appel de NANCY, assisté de Madame Céline PAPEGAY, greffier, conformément aux dispositions de l'article 149-1 du code de procédure pénale.

Le greffier Le premier président

Céline PAPEGAY Marc JEAN-TALON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 22/02613
Date de la décision : 14/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 20/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-14;22.02613 ?
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