RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D'APPEL DE NANCY
Première Chambre Civile
ARRÊT N° /2024 DU 15 AVRIL 2024
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/00256 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FDYY
Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de NANCY,
R.G.n° 19/02438, en date du 13 décembre 2022,
APPELANTE :
Madame [G] [A] épouse [U]
née le [Date naissance 7] 1971 à [Localité 12] (16)
domiciliée [Adresse 5]
Représentée par Me Aurélie ARCHEN, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉS :
Monsieur [X] [Z]
né le [Date naissance 9] 1952 à [Localité 14] (74)
domicilié [Adresse 10]
Représenté par Me Naïma MOUDNI-ADAM, avocat au barreau de NANCY
Madame [L] [Z]
domiciliée [Adresse 10]
Représentée par Me Naïma MOUDNI-ADAM, avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 19 Février 2024, en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre, chargée du rapport,
Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,
Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,
qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;
A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 15 Avril 2024, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 15 Avril 2024, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;
FAITS ET PROCÉDURE :
Du mariage d'[J] [A] et [E] [S], née le [Date naissance 2] 1922, est né [D] [A], le [Date naissance 6] 1947.
[J] [A] est décédé à une date non précisée.
[E] [S] a rédigé le 15 août 2017, un testament enregistré au rang des minutes de Maître [K], notaire à [Localité 17], dans lequel elle lègue à Monsieur [X] [Z], son neveu et à son épouse, Madame [L] [Z], les fonds se trouvant sur les comptes n°[XXXXXXXXXX01] de la [13], n° [XXXXXXXXXX01] de [16] et n°[XXXXXXXXXX011] de son livret postal.
Par jugement du 18 janvier 2018, le juge des tutelles du tribunal de Nancy a placé [E] [S] sous curatelle renforcée sous la protection de Madame [C], mandataire judiciaire à la protection des majeurs.
[E] [S] est décédée le [Date décès 3] 2018, laissant pour lui succéder ses deux petites-filles, [I] [A], née le [Date naissance 4] 1969 et [G] [A] épouse [U], née le [Date naissance 7] 1971, venant aux droits de leur père, [D] [A], décédé le [Date décès 8] 2017.
Par exploit d'huissier du 2 juillet 2019, Madame [G] [A] a fait assigner Monsieur et Madame [Z] aux fins de voir prononcer la nullité du testament établi par [E] [S].
Par jugement contradictoire et avant-dire droit du 8 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Nancy a :
- sursis à statuer sur l'ensemble des demandes,
- ordonné à Madame le directeur de greffe du service des tutelles du tribunal judiciaire de Nancy de remettre au greffe de la première chambre civile de ce tribunal le dossier de [E] [S], née le [Date naissance 2] 1922 et décédée le [Date décès 3] 2018, laquelle a bénéficié d'une mesure de curatelle renforcée selon jugement du 18 janvier 2018, et ce dans un délai d'un mois à compter de la présente décision, lequel dossier sera mis à la disposition des avocats des parties aux seules fins de consultation,
- invité le conseil de la demanderesse à prendre des écritures postérieurement à cette consultation, puis au conseil des défendeurs à prendre des écritures en réplique, le cas échéant,
- renvoyé l'affaire à la mise en état.
Par jugement contradictoire du 13 décembre 2022, le tribunal judiciaire de Nancy a ensuite :
- débouté Madame [G] [A] de sa demande en nullité du testament établi par [E] [S] en date du 15 août 2017 et enregistré au rang des minutes de Maître [K], notaire,
- débouté Monsieur et Madame [Z] de leurs demandes de dommages et intérêts,
- condamné Madame [G] [A] aux dépens,
- condamné Madame [G] [A] à payer à Monsieur et Madame [Z] la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour statuer ainsi, le tribunal a observé que le testament rédigé le 15 août 2017, par [E] [S] ne portait pas sa signature, mais la mention manuscrite de ses nom et prénom en bas du document. Il a cependant rappelé que le document répondait aux exigences de l'article 970 du code civil tant que cette mention permettait d'établir avec certitude l'identité de son auteur ainsi que sa volonté d'approuver les dispositions susvisées. Il a relevé que Madame [G] [A] ne le contestait pas tout comme elle n'apportait pas la preuve que [E] [S], bien que recopiant un modèle rédigé par Monsieur [Z], n'exprimait pas sa volonté propre.
Au regard de l'ensemble des pièces transmises, le tribunal a estimé que l'insanité d'esprit de [E] [S] n'était pas démontrée et ne pouvait fonder une nullité du testament ; en outre, le document ne recelait aucune incongruité propre à évoquer une telle insanité, l'erreur quant au numéro et l'existence des comptes bancaires visés au jour de la rédaction du legs étant notamment insuffisante. Il a considéré que la gratification de Monsieur et Madame [Z] était cohérente avec les relations qu'ils avaient entretenues avec la défunte, l'ayant accompagnée après le décès de son époux sans qu'aucune preuve d'un vice du consentement soit apportée par Madame [G] [A].
Enfin, le tribunal, ayant déduit des écritures de Monsieur et Madame [Z] qu'ils fondaient leur demande d'indemnisation sur l'abus constitué par la procédure, a rejeté cette prétention au motif qu'ils ne justifiaient d'aucune malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol de la part de Madame [G] [A].
oOo
Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 3 février 2023, Madame [G] [A] a relevé appel de ce jugement.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 6 novembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [G] [A] demande à la cour, sur le fondement des articles 414-1 et suivants, 901 et 1129 du code civil, de :
- reformer le jugement rendu le 13 décembre 2022 par le tribunal judiciaire de Nancy en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en nullité du testament établi par [E] [S] en date du 15 août 2017 et enregistré au rang des minutes de Maître [K], notaire, en ce qu'il l'a condamnée aux dépens et ainsi qu'à payer Monsieur et Madame [Z] la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
- débouter Monsieur et Madame [Z] de l'ensemble de leurs demandes, moyens et conclusions et en particulier de leur appel incident,
- prononcer la nullité du testament de [E] [S] en date du 15 août 2017 enregistré au rang des minutes de Maître [K], notaire,
- condamner les intimés au paiement d'une indemnité de 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en appel et les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 1er décembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame et Monsieur [Z] demandent à la cour, sur le fondement des articles 414-1 et suivants, 901 et 1129 du code civil, de :
- déclarer l'appel formé par Madame [G] [A] à l'encontre du jugement rendu le 13 décembre 2022 par le tribunal judiciaire de Nancy, recevable mais mal fondé et le rejeter,
- confirmer ledit jugement en ce qu'il a débouté Madame [G] [A] de toutes ses demandes et en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire et juger que la preuve d'insanité d'esprit de [E] [S], décédée le [Date décès 3] 2018, au moment de la rédaction du testament du 15 août 2017, n'est pas rapportée,
- débouter Madame [G] [A] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner Madame [G] [A] à leur payer à chacun la somme de 6000 euros en réparation de leur préjudice moral,
- la condamner au paiement de la somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 16 janvier 2024.
L'audience de plaidoirie a été fixée le 19 février 2024 et le délibéré au 15 avril 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Vu les dernières conclusions déposées par Madame [G] [A] le 6 novembre 2023 et par Madame et Monsieur [Z] le 1er décembre 2023 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l'article 455 du code de procédure civile ;
Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 16 janvier 2024 ;
Sur la demande de nullité du testament
A l'appui de son recours, Madame [G] [A] épouse [U] indique que le testament en lui-même recèle des éléments troublants, en ce qu'il ne comporte pas mention d'une signature mais simplement l'apposition d'un nom et prénom, en ce qu'il a été rédigé au vu d'un modèle établi par Monsieur [Z] et en ce qu'il comporte des numéros de comptes erronés (un compte inexistant) ;
Elle met en cause également les conditions du dépôt du testament entre les mains du notaire ; elle relève que les époux [Z] produisent deux documents intitulés tous deux testaments datés du même jour dont un seul aurait été déposé chez le notaire, dans des conditions et à une date non connues (pièces 1 et 2 intimés) ;
Elle ajoute que les éléments du dossier médical de [E] [S] établissent que dès 2016, sa grand-mère n'était plus en possession de ses facultés de discernement ayant été hospitalisée en juillet 2016 et évaluée à cette période notamment par le docteur [R] qui a confirmé l'existence de troubles cognitifs ; elle ajoute que le scanner cérébral du 24 avril 2017 a permis de savoir que sa grand-mère était atteinte d'une tumeur bénigne et relève que le médecin coordonnateur de l'EHPAD qui l'hébergeait, avait déclenché l'instruction du dossier en vue d'une sauvegarde de justice en évoquant des risques de spoliation, le Parquet de Nancy ayant dès le 27 juillet 2017 conclu à l'insuffisance d'une mesure de sauvegarde ;
Elle ajoute qu'en effet Monsieur et Madame [Z] ne se sont rapprochés de sa grand-mère que depuis le décès de son père [D], le 23 mars 2017 ; elle considère que les craintes ainsi manifestées sur son état de santé, sont mises en évidence dans le certificat médical du docteur [T] daté du 13 septembre 2017, date qui est très proche de celle de la rédaction du testament en litige et qui l'a rencontrée seule ;
La procédure de protection décidée le 18 janvier 2018 après audition de l'intéressée par le juge des tutelles, motive l'organisation de la curatelle renforcée par l'existence d'une altération des facultés personnelles de [E] [S] ; cette mesure intervient quelques mois après la rédaction du testament ce qui justifie de faire droit à sa demande de nullité ; en revanche elle conteste la pertinence du certificat médical daté du 12 octobre 2017 du docteur [Y], dont l'examen le 6 octobre 2017 a été fait en présence des intimés et dans un cadre et des conditions non énoncées, ce qui permet de craindre à une manipulation de leur part ; elle indique que les intimés lui ont fait miroiter un possible retour à son domicile ce qu'ils avaient déjà fait le 31 octobre 2016, sans aucune autorisation de sa famille ; ils ont domicilié son courrier chez eux, obtenu une connexion internet avec sa banque et disposaient des clés de son domicile ;
Elle ajoute que les intimés ont signé le 6 février 2018 l'inventaire de patrimoine avec la curatrice sans mentionner l'existence d'un testament ;
En réponse Monsieur [X] [Z] et Madame [L] [Z] indiquent qu'en tant que neveu et nièce par alliance, seuls présents dans la région, ils entretenaient de bonnes relations avec [E] [S] ; ils reconnaissent qu'un an environ avant son décès elle a rédigé deux testaments en leur faveur, dont un a été déposé entre les mains de son notaire, Maître [O] [K] ;
Ils contestent les affirmations de l'appelante portant sur la prise en mains de ses comptes ainsi que sur l'idée d'avoir entretenu chez [E] [S] l'idée d'un possible retour à domicile, et que l'existence d'une erreur dans le numéro du compte en banque affecterait la validité du testament ;
Ils rappellent qu'il appartient à celui qui conteste la validité du testament de l'établir et contestent à la demanderesse le bénéfice de l'article 435 du code civil compte-tenu de la date de rédaction du testament, antérieur au prononcé de la sauvegarde de justice ;
Ils indiquent que le fait que le testament ne comporte pas de signature mais le nom et prénom de sa rédactrice n'affecte en rien sa validité ; ils ne contestent pas avoir établi un modèle de testament à la demande de la de cujus ce qui est conforme aux dispositions de l'article 970 du code civil ;
Ils relèvent que les éléments médicaux concernant [E] [S] relèvent certes des troubles cognitifs lesquels n'étaient cependant pas de nature à empêcher sa manifestation de volonté ; l'appelante ne démontre pas l'absence de discernement de l'intéressée et l'absence de volonté de tester ainsi que l'absence de lucidité lors de la rédaction du testament le 15 août 2017 ; les éléments de son dossier médical démontrent au contraire qu'elle avait conservé un certain degré d'autonomie, pour preuve elle a été placée sous curatelle et non tutelle ; elle n'était pas dans un état d'insanité tel que relevé par les docteurs [T] et [Y] dont les conclusions ne sont pas opposées, ce qui justifie la confirmation du jugement entrepris ;
Pour conclure, ils affirment que les actes faits pour [E] [S] après le décès de son fils qui gérait ses comptes, l'ont été à sa demande car elle était en mauvais termes avec sa belle-fille Madame [N] [A] et n'avait aucune autre famille proche d'elle ;
L'article 970 du code civil énonce que le testament olographe doit être écrit en entier, daté et signé de la main du testateur ;
Le document n°1 produit par les intimés intitulé 'ceci est mon testament' est rédigé de manière manuscrite, comporte la date de sa rédaction ainsi que la mention 'Mme [A]' à son terme ;
aucune irrégularité formelle n'est par conséquent établie le concernant ;
Il était en la possession de Maître [O] [K], notaire, sans que la connaissance des conditions de sa remise par l'appelante ne soit requise ;
S'agissant de la sanité d'esprit de la testatrice, les dispositions de l'article 901 du code civil la réclament pour faire un testament valable ;
Celui qui prétend que ces conditions ne sont pas réunies lors de la rédaction du testament doit l'établir ;
A cet égard l'erreur sur un numéro de compte bancaire mentionné dans cet acte sous seing privé, ne démontre pas en soi l'altération des facultés intellectuelles ou une faille dans la volonté de tester de sa signataire ;
Les éléments médicaux listés de manière extensive par le premier juge permettent de retenir que (dans leur ordre chronologique) :
- lors de son évaluation du 17 août 2016 par le docteur [R], médecin coordonnateur à l'EHPAD de [Localité 15], [E] [S], 94 ans, présentait des troubles cognitifs avec déni de troubles rendant difficile son maintien à domicile ; un haut niveau d'autonomie lui était reconnu pour toutes les activités en intérieur et un score MMS de 15/30 (pièce 4) ;
- l'imagerie médicale du 24 avril 2017 a permis de mettre en évidence un macho-adenome hypophysaire, à l'exclusion d'autre anomalie encéphalique (pièce 25) ;
- le docteur [V], médecin coordonnateur de l'EHPAD a examiné [E] [S] le 12 avril 2017 dans le cadre d'une déclaration aux fins de sauvegarde ; elle indique qu'elle remet en question son hébergement en EHPAD, vient de perdre son fils, et indique qu'il n'y a pas de consensus chez les membres de la famille (pièce 5);
- la procureure de la république adjointe, en a accusé réception le 27 juillet 2017 et a réclamé à la mandataire judiciaire à la protection des majeurs, un rapport social (pièce 5) ;
- la décision du juge des tutelles de Nancy du 18 janvier 2018 a prononcé une curatelle renforcée au vu des procès-verbaux d'audition de l'intéressée, de [N] et [G] [A] sur commission rogatoire et du certificat médical du docteur [T] désigné à cet effet, daté du 13 septembre 2017 ; le médecin y relève une 'altération des facultés personnelles' de [E] [S] et précise cependant qu' 'une représentation de manière continue serait disproportionnée' ;
Ces éléments qui étaient à la disposition du premier juge qui en avait sollicité la production par une décision avant-dire-droit n'ont pas été communiqués à hauteur de cour ;
Cependant le jugement déféré comporte une relation détaillée du certificat médical du docteur [T] du 13 septembre 2017 dont la conformité n'est pas contestée par l'appelante ;
Le premier juge indique que : '- le rapport d`expertise médicale du docteur [F] [T], médecin inscrit sur la liste du Procureur pour constater l'altération de la santé physique et mentale des personnes majeures établi le 13 septembre 2017 à la requête de la direction de l'EHPAD indique 'en l'état actuel des connaissances médicales et des données établies de la science, les troubles présentés par Madame [E] [A] n'apparaissent manifestement pas susceptibles d'une quelconque amélioration dans les cinq années à venir- Ces troubles rendent nécessaires une assistance et un contrôle de Madame [E] [A] dans tous les actes de la vie civile tant patrimoniaux qu'à caractère personnel - Madame [E] [A] peut être entendue au tribunal - Madame [E] [A] reste en mesure d`exercer son droit de vote - Un mandataire judiciaire extra-familial semble à préférer - Le risque sérieux d'aggravation, à court ou moyen terme, de l'état de santé de Madame [E] [A] et les troubles actuels constatés permettent de dire que l'institutionnalisation est préférable à un retour à domicile, pour la sécurité, le confort et le bien-être de l'intéressée' ;
Le premier juge ajoute que :
- 'si le rapport d'expertise médicale du docteur [F] [T] (...) établi le 13 septembre 2017 à la requête de la direction de l'EHPAD de [Localité 15] conclut certes à 'l'existence de troubles rendant nécessaire une assistance et un contrôle de Madame [E] [S] dans tous les actes de la vie civile tant patrimoniaux qu'à caractère personnel' les propos qui y sont rapportés apparaissent cohérents, et en tous cas non révélateurs d'une insanité d'esprit au sens de l'article 901 du code civil' ; 'que d'ailleurs l'expert conclut à la pleine capacité de Madame [E] [S] à continuer à exercer son droit de vote ce qui implique que l'expert a jugé que Madame [E] [S] était capable d'apprécier les conséquences de ses décisions et de prendre des décisions conscientes et judicieuses' ;
Enfin un certificat médical daté du 6 octobre 2017 émanant du docteur [Y], médecin psychiatre à [Localité 18], indique avoir examiné [E] [S], âgée de 95 ans, en présence de son neveu et de sa compagne ; il relève 'la présence d'un léger déficit cognitif, les capacités de compréhension, d'expression et d'introspection sont préservées, ainsi que celles d'introspection et d'anticipation'; il ajoute que 'les capacités cognitives sont légèrement réduites mais elles ne limitent pas l'autonomie de l'intéressée qui est en mesure d'analyser les situations et de mobiliser ses ressources adaptatives. Ainsi le sens de la réalité est préservé ainsi que les capacités de raisonnement, de jugement et de discernement' ;
Ces constatations médicales émanant d'un psychiatre qui a rencontré Madame [S] le 6 octobre 2017, soit environ six semaines après la rédaction du testament contesté, ne sont pas sujettes à caution par le seul fait de la présence de Monsieur [X] [Z] et Madame [L] [Z] avec elle ;
les termes finaux de celui-ci établissent comme relevé par le premier juge que la finalité de cette consultation était d'apprécier la possibilité d'un éventuel retour à domicile ; à cet égard les deux médecins ont des appréciations différentes et opposées ;
Il n'en résulte pas cependant la preuve de l'incapacité de [E] [S] à exprimer sa volonté et à effectuer des choix de gratifications de nature à justifier l'annulation du testament daté du 15 août 2017 ; en effet les éléments médicaux de quelques semaines antérieurs puis postérieurs à cette date permettent de retenir cette affirmation ;
De même et tel retenu par le premier juge, aucun élément intrinsèque au testament n'induit la preuve d'une insanité d'esprit lors de sa rédaction, l'erreur du numéro de compte bancaire n'étant pas pertinente à cet égard ;
Enfin la gratification des consorts [Z] n'apparaît pas comme incohérente au regard des relations qui étaient celles des parties, et dont les intimés justifient par de nombreux témoignages de leur entourage ainsi que des photographies démontrant pleinement la participation de [E] [S] à nombre de réunions et événements festifs en commun ;
Pour l'ensemble de ces éléments ajoutés aux motifs pertinents retenus par le premier juge, il y a lieu de débouter Madame [G] [A] épouse [U] de son recours contre le jugement du tribunal judiciaire de Nancy du 13 décembre 2022, la preuve de l'insanité d'esprit de [E] [S] le 15 août 2017 n'étant pas établie ;
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
Le caractère abusif de la procédure pour lequel les intimés réclament une indemnisation, ne résulte pas de la simple mise en cause de la position de la partie adverse, celle-ci résultant par essence du litige successoral ;
Par conséquent le jugement déféré sera confirmé également en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de Monsieur [X] [Z] et Madame [L] [Z] de ce chef ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Madame [G] [A] épouse [U] succombant dans ses prétentions, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement en première instance, de la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de Monsieur [X] [Z] et Madame [L] [Z].
Partie perdante, elle devra supporter les dépens d'appel ; en outre elle sera condamnée à payer à Monsieur [X] [Z] et Madame [L] [Z] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme déjà allouée en première instance ; en revanche Madame [G] [A] épouse [U] sera déboutée de sa propre demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré ;
Y ajoutant,
Condamne Madame [G] [A] épouse [U] à payer à Monsieur [X] [Z] et Madame [L] [Z] la somme de 3000 euros (TROIS MILLE EUROS) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute Madame [G] [A] épouse [U] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Madame [G] [A] épouse [U] aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-
Minute en dix pages.