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11/04/2024 | FRANCE | N°23/00595

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 11 avril 2024, 23/00595


ARRÊT N° /2024

PH



DU 11 AVRIL 2024



N° RG 23/00595 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FEQV







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

F 20/00297

25 novembre 2022











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANTE :



Madame [K] [M]

[Adresse 2]>
[Localité 4]

Représentée par Me Julien MARGUET, avocat au barreau de NANCY



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 543952023001135 du 27/12/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NANCY)







INTIMÉE :



S.A.S.U. [6] BAR prise en la personne de son représentant légal pour ce domic...

ARRÊT N° /2024

PH

DU 11 AVRIL 2024

N° RG 23/00595 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FEQV

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

F 20/00297

25 novembre 2022

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

Madame [K] [M]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Julien MARGUET, avocat au barreau de NANCY

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 543952023001135 du 27/12/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NANCY)

INTIMÉE :

S.A.S.U. [6] BAR prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Hélène STROHMANN, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président : WEISSMANN Raphaël

Conseiller : BRUNEAU Dominique

Greffier : RIVORY Laurène (lors des débats)

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 18 Janvier 2024 tenue par WEISSMANN Raphaël, Président, et BRUNEAU Dominique , Conseiller, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en ont rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN, président, Dominique BRUNEAU et Stéphane STANEK, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 04 Avril 2024 ; puis à cette date l'arrêt a été prorogé au 11 Avril 2024 ;

Le 11 Avril 2024, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Madame [K] [M] a été engagée sous contrat de travail à durée indéterminée, par Monsieur [E] [N] exerçant sous l'enseigne LA BRASSERIE D'[Adresse 5], à compter du 09 mai 2016, en qualité de serveuse.

A compter du 01 octobre 2016, le contrat de travail de la salariée a été repris par la société SASU [6] BAR.

A compter du 28 février 2017, Madame [K] [M] a été placée en arrêt de travail pour maladie professionnelle.

Par courrier du 20 mai 2017, Madame [K] [M] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 07 juin 2017.

Par courrier du 09 juin 2017, Madame [K] [M] a été licenciée pour inaptitude d'origine professionnelle.

Par décision du 27 mars 2018, la CPAM de Meurthe et Moselle a notifié à la salariée sa prise en charge au titre des maladies professionnelles.

Par requête du 30 juillet 2020, Madame [K] [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy, aux fins :

- de dire et juger que Madame [K] [M] a été victime de harcèlement moral,

- de dire et juger que l'inaptitude de Madame [K] [M] résulte du harcèlement moral dont elle a été victime,

- de dire et juger que la société SASU [6] BAR a manqué à son obligation de sécurité de résultat,

- de dire et juger que le licenciement de Madame [K] [M] est nul,

- de dire et juger que la procédure de licenciement est irrégulière en la forme,

- de dire et juger que Madame [K] [M] n'a pas perçu l'intégralité de son indemnité de licenciement,

- de dire et juger que Madame [K] [M] a fait l'objet d'un travail dissimulé,

- de dire et juger que Madame [K] [M] n'a pas bénéficié de la visite médicale d'embauche,

- de condamner la société SASU [6] BAR à verser à Madame [K] [M] les sommes suivantes :

- 15 000,00 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- subsidiairement, 8 881,80 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 10 000,00 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 5 000,00 euros de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat,

- 1 480,30 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 148,03 euros bruts au titre des congés payés afférent à l'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 480,30 euros de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement,

- 178,63 euros nets au titre de l'indemnité de licenciement,

- 8 881,80 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

- 1 119,60 euros au titre du remboursement de la complémentaire santé,

- 500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la visite médicale d'embauche,

- 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile conformément à l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, dont distraction au profit de son Conseil, outre les entiers frais et dépens.

- d'ordonner la remise d'un certificat de travail, d'une attestation destinée à Pôle Emploi ainsi que le bulletin de salaire modifié sous astreinte de 100 € par document et par jour de retard,

- de dire que ces condamnations porteront intérêt au taux légal au jour de la saisine,

- d'ordonner l'anatocisme en les formes de l'article 1154 du code civil.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 25 novembre 2022, lequel a :

- débouté Madame [K] [M] de l'ensemble de ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire de la présente décision,

- condamné Madame [K] [M] aux dépens.

Vu l'appel formé par Madame [K] [M] le 22 mars 2023,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de Madame [K] [M] déposées sur le RPVA le 30 novembre 2023, et celles de la société SASU [6] BAR déposées sur le RPVA le 05 décembre 2023,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 13 décembre 2023,

Madame [K] [M] demande :

- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy en date du 25 novembre 2022 en ce qu'il a :

- débouté Madame [K] [M] de l'ensemble de ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Madame [K] [M] aux dépens,

*

Statuant à nouveau :

- de dire et juger les demandes de Madame [K] [M] recevables et bien fondées,

- de dire et juger que Madame [K] [M] a été victime de harcèlement moral,

- de dire et juger que l'inaptitude de Madame [K] [M] résulte du harcèlement moral dont elle a été victime,

- de dire et juger que la société SASU [6] BAR a manqué à son obligation de sécurité de résultat,

- de dire et juger que le licenciement de Madame [K] [M] est nul,

- de dire et juger que la procédure de licenciement est irrégulière en la forme,

- de dire et juger que Madame [K] [M] n'a pas perçu l'intégralité de son indemnité de licenciement,

- de dire et juger que Madame [K] [M] a fait l'objet d'un travail dissimulé,

- de dire et juger que Madame [K] [M] n'a pas bénéficié de la visite médicale d'embauche,

- en conséquence, de condamner la société SASU [6] BAR à verser à Madame [K] [M] les sommes suivantes :

- 15 000,00 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- subsidiairement, 8 881,80 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 10 000,00 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 5 000,00 euros de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat,

- 1 480,30 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 148,03 euros bruts au titre des congés payés afférent à l'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 480,30 euros de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement,

- 178,63 euros nets au titre de l'indemnité de licenciement,

- 8 881,80 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

- 1 119,60 euros au titre du remboursement de la complémentaire santé,

- 500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la visite médicale d'embauche,

- d'ordonner la remise d'un certificat de travail, d'une attestation destinée à Pôle Emploi ainsi que le bulletin de salaire modifié sous astreinte de 100 € par document et par jour de retard,

- de dire que ces condamnations porteront intérêt au taux légal au jour de la saisine,

- d'ordonner l'anatocisme en les formes de l'article 1154 du code civil,

- de débouter la société SASU [6] BAR à l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- de condamner la société SASU [6] BAR à verser à Madame [K] [M] la somme de 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile conformément à l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, dont distraction au profit de son Conseil,

- de condamner la société SASU [6] BAR aux entiers frais et dépens.

La société SASU [6] BAR demande :

- de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 25 novembre 2022,

- de débouter purement et simplement Madame [K] [M] de l'intégralité de ses demandes,

- de condamner Madame [K] [M] à verser à la société SASU [6] BAR la somme de

3 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Madame [K] [M] aux entiers dépens de l'instance.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières conclusions de Madame [K] [M] déposées sur le RPVA le 30 novembre 2023, et de la société SASU [6] BAR déposées sur le RPVA le 05 décembre 2023.

Sur le harcèlement moral :

Madame [K] [M] expose qu'elle a été victime de harcèlement moral à partir du moment où elle a refusé d'accomplir des heures de travail non contractuellement prévues.

Elle fait valoir qu'elle a été victime des réflexions de la part la fille du gérant de la SASU [6] BAR ; que ce dernier a exigé qu'elle rembourse ses charges patronales en espèce ; que Monsieur [N] était extrêmement intrusif dans sa vie privée, lui demandant de lui en exposer tous les détails ; qu'il criait sur elle ; que cette situation a provoqué son arrêt de travail ; qu'elle a souhaité une rupture conventionnelle que l'employeur a conditionné au remboursement de ses charges patronales ; que lors de sa reprise du travail le 2 février 2017, alors qu'elle a réitéré sa proposition de rupture conventionnelle, son employeur lui a alors dit de démissionner et lui a ordonné de quitter son poste de travail.

L'employeur nie tout fait de harcèlement.

Aux termes des articles L1152-1 et L1154-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments présentés par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

Madame [K] [M] produit un procès-verbal d'audition par un agent de la CPAM, dans lequel elle relate les faits dénoncés dans ses écritures (pièce n° 11).

Elle produit l'attestation de son frère, qui indique qu'elle était très déprimée à cause de son travail et que lui-même, étant allé sur son lieu de travail, avait constaté qu'elle « subissait du harcèlement moral » (pièce n° 16).

Madame [K] [M] produit également l'attestation de sa mère, qui indique aussi que sa fille était dépressive depuis qu'elle travaillait pour [6] BAR ; elle indique également que son employeur a effectivement conditionné une éventuelle rupture conventionnelle au remboursement de ses charges patronales et que le lendemain il a renvoyé sa fille qui se présentait à son travail après la fin de son arrêt de travail (pièce n° 17).

Les pièces ainsi produites ne permettent pas d'établir la matérialité des faits dénoncés, l'agent de la CPAM n'ayant fait que retranscrire les propos de Madame [K] [M], sans les avoir constatés lui-même (pièce n° 11), le frère et la mère de Madame [K] [M] ne donnant aucun élément circonstancié sur le comportement « intrusif » ou verbalement violent de l'employeur vis-à-vis d'elle (pièces n° 16 et 17).

Madame [K] [M] produit en outre les copies des attestations, notamment de clients, produites par son employeur dans son propre dossier, desquelles il ne ressort pas qu'elle ait été victime d'agressions verbales ou de volonté d'intrusion dans sa vie privée (pièces n° 13 à 27).

Les circonstances du refus d'une éventuelle demande de rupture conventionnelle ne sont pas non plus étayées par la moindre pièce.

Les pièces médicales, et notamment l'expertise du Docteur [L], lequel rappelle les doléances de Madame [K] [M], ne peuvent non plus établir la matérialité des faits qu'elle dénonce.

A cet égard, la cour constate que l'arrêt de travail pour accident ou maladie professionnelle fait état d'une « dépression » et de « dorsalgies basses avec sciatalgie gauche » (pièce n° 5 de l'intimée) et que le médecin du travail a conclu à une inaptitude à l'emploi de serveuse mais à la possibilité d'un reclassement, à un autre poste, dans l'entreprise (pièce n° 6 de l'intimée).

En conséquence en l'absence d'éléments matériels laissant présumer une situation de harcèlement moral, la demande de dommages et intérêts présentée à ce titre par Madame [K] [M] sera rejetée, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

Sur les prescriptions des demandes de nullité du licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement et d'indemnité de licenciement :

La société [6] BAR expose que Madame [K] [M] a saisi le conseil de prud'hommes le 30 juillet 2020, soit plus de trois ans après son licenciement.

Elle fait valoir que cette demande est donc prescrite, en application de l'article L.1471-1 du code du travail, qui prévoit que « toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture ».

Madame [K] [M] expose avoir été licenciée le 9 juin 2017 ; qu'à cette date, le délai de prescription prévu par l'article L.1471-1 du code du travail était de deux ans ; qu'elle a déposé un dossier de demande d'aide juridictionnelle le 4 juin 2019 ; que cette demande a été acceptée le 21 février 2020 ; que dès lors, elle pouvait introduire sa requête jusqu'au 21 février 2022.

Motivation :

Selon l'article L.1471-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, « Toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ».

Mme [K] [M] a été licenciée le 9 juin 2017 et a saisi le bureau d'aide juridictionnelle le 4 juin 2019, soit dans le délai prévu par la loi en vigueur au moment de son licenciement.

Sa demande d'aide juridictionnelle ayant été acceptée le 21 février 2020 (pièce n° 19 de l'appelante), elle pouvait introduire sa requête saisissant le conseil de prud'hommes jusqu'au 21 février 2021, le nouvel article L. 1471-1 du code du travail prévoyant un délai de 12 mois en cas d'action sur la rupture du contrat de travail étant alors en vigueur.

Madame [K] [M] ayant saisi la juridiction prud'homale par requête du 30 juillet 2020, son action n'était donc pas prescrite à cette date.

Il y a lieu par conséquent de rejeter les fins de non-recevoir tirée de la prescription.

Sur la demande d'annulation du licenciement pour inaptitude et de dommages et intérêts pour licenciement nul :

Madame [K] [M] fait valoir que son inaptitude trouve son origine dans le harcèlement moral qu'elle a subi.

Dès lors, en l'absence de harcèlement moral, ainsi qu'il l'a été motivé ci-dessus, les demandes d'annulation du licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement nul seront rejetés, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé.

Sur la prescription des demandes de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, pour absence de visite d'embauche et d'indemnité pour travail dissimulé :

La société [6] BAR expose que Madame [K] [M] a saisi le conseil de prud'hommes le 30 juillet 2020, soit plus de trois ans après son licenciement.

Elle fait valoir que cette demande est donc prescrite, en application de l'article L.1471-1 du code du travail, qui prévoit que « Toute action portant sur l'exécution ' du contrat de travail - se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit »

Madame [K] [M] expose avoir été licenciée le 9 juin 2017 ; qu'elle a déposé un dossier de demande d'aide juridictionnelle le 4 juin 2019 ; que cette demande a été acceptée le 21 février 2020 ; que dès lors, elle pouvait introduire sa requête jusqu'au 21 février 2022.

Motivation :

Selon l'article L.1471-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, « Toute action portant sur l'exécution ' du contrat de travail - se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.»

Mme [K] [M] a été licenciée le 9 juin 2017 et a saisi le bureau d'aide juridictionnelle le 4 juin 2019, soit dans le délai prévu par la loi en vigueur au moment de son licenciement.

Sa demande d'aide juridictionnelle ayant été acceptée le 21 février 2020, elle pouvait introduire sa requête saisissant le conseil de prud'hommes jusqu'au 21 février 2022.

Madame [K] [M] ayant saisi la juridiction prud'homale par requête du 30 juillet 2020, son action n'était donc pas prescrite à cette date.

Il y a lieu par conséquent de rejeter les fins de non-recevoir tirée de la prescription.

Sur la demande de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité :

Madame [K] [M] motive sa demande en ce que son employeur n'a pas prévenu le harcèlement moral qu'elle dit avoir subi.

Dès lors, en l'absence de harcèlement moral, ainsi qu'il l'a été motivé ci-dessus, la demande de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité sera rejetée, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé.

Sur la demande d'indemnité compensatrice de préavis :

Madame [K] [M] se fonde sur seule la nullité de son licenciement pour demander une indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés y afférant.

Dès lors, en l'absence de nullité du licenciement, ainsi qu'il l'a été motivé ci-dessus, la demande sera rejetée, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé.

Sur la demande de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement :

Madame [K] [M] fait valoir que la lettre de convocation à son entretien préalable n'indiquait pas l'adresse de la mairie à laquelle elle pouvait se procurer la liste des personnes pouvant l'assister durant l'entretien (pièce n° 6).

L'employeur ne conclut pas sur ce point.

Motivation :

La lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement doit mentionner la faculté pour le salarié, lorsqu'il n'y a pas d'institutions représentatives du personnel dans l'entreprise, de se faire assister par un conseiller de son choix, inscrit sur une liste dressée par le représentant de l'Etat dans le département, et, préciser l'adresse de l'inspection du travail et de la mairie où cette liste est tenue à la disposition des salariés. L'omission de l'une de ces adresses constitue une irrégularité de procédure qui cause un préjudice au salarié qui doit être réparé.

Il résulte de la lettre de convocation que l'adresse de la mairie n'y figure pas.

En conséquence, la société [6] BAR devra verser à Madame [K] [M] la somme de 1480,30 euros, l'employeur ne contestant pas le quantum de la somme demandée.

Sur la demande d'indemnité de licenciement :

Madame [K] [M] fait valoir que son ancienneté, au moment de son licenciement, était de un an et deux mois, compte-tenu du préavis d'un mois auquel elle avait droit.

Elle réclame en conséquence une indemnité complémentaire de licenciement de 178,63 euros, l'employeur ne lui ayant versé que 166,77 euros sur les 345,40 euros qu'il lui devait (pièce n° 3).

L'employeur fait valoir que le reçu pour solde de tout compte et les délais de prescription empêchent que cette demande soit examinée.

Motivation :

Aucun préavis n'est possible en cas de licenciement pour inaptitude. Seule une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis est prévue par l'article L 1234-5 du code du travail en cas de licenciement pour inaptitude professionnelle.

En conséquence, l'ancienneté de Madame [K] [M] au moment de son licenciement était bien d'un an et un mois et non de un an et deux mois.

Sa demande d'indemnité de licenciement complémentaire sera donc rejetée.

Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé :

Madame [K] [M] expose que son employeur n'a pas fait de déclaration préalable à son embauche (pièce n° 15) ; qu'elle n'a jamais bénéficié d'une mutuelle alors que, selon son contrat de travail, elle devait bénéficier « de droits à la retraite complémentaire et à un régime de prévoyance » (pièce n° 1) ; qu'elle a réalisé des heures supplémentaires qui ne lui ont jamais été payés (pièce n° 11).

Elle fait valoir qu'il résulte de ces éléments que son employeur a sciemment dissimulé son embauche.

L'employeur fait valoir qu'il n'y a pas eu de travail dissimulé.

Motivation :

L'article L. 8221-5, 2° du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

En l'espèce, Madame [K] [M] ne produit aucune pièce démontrant l'absence de déclaration préalable à l'embauche, ni étayant le fait que des heures supplémentaires ne lui auraient pas été payées, En outre, la circonstance que son employeur n'aurait pas contracté à son bénéfice une assurance complémentaire ne permet pas non plus de prouver le délit de travail dissimulé.

Enfin, la cour constate l'existence d'un contrat de travail liant Madame [K] [M] a son employeur, lequel l'a embauchée en qualité de serveuse (pièce n° 23 de l'intimée).

Madame [K] [M] sera donc déboutée de sa demande, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

Sur la demande de remboursement de la complémentaire santé :

Madame [K] [M] expose qu'elle n'a pas bénéficié d'une assurance prévoyance santé, prévue pourtant par son contrat de travail.

Elle fait valoir qu'elle a dû souscrire elle-même une telle assurance auprès du Crédit Mutuel (pièces n° 13 et 14), à compter du 4 janvier 2017 et payer une cotisation mensuelle de 62 ,20 euros (pièce n° 13) ; qu'après son licenciement, elle n'a pas pu bénéficier de la portabilité de l'assurance complémentaire de l'entreprise.

Madame [K] [M] réclame en conséquence la somme de 1119,60 euros au titre du remboursement des cotisations qu'elle a versées.

L'employeur fait valoir que la totalité des éléments permettant à Madame [K] [M] de s'inscrire à la mutuelle Malakoff Mederic lui a été remise dès la signature de son contrat de travail, mais qu'elle n'a pas signé les contrats de mutuelle complémentaire.

Motivation :

Les pièces produites par Madame [K] [M] confirment qu'elle a souscrit pour son propre compte une assurance santé complémentaire, alors que son contrat de travail prévoyait qu'elle devait bénéficier d'un régime de prévoyance complémentaire souscrit par l'employeur auprès de la société MALAKOFF MEDERIC.

La copie de la demande d'adhésion auprès de l'assureur produit par l'employeur n'est pas datée et n'est pas signé (pièce n° 13 de l'intimée).

L'employeur ne démontre donc pas qu'il a effectivement souscrit un contrat de prévoyance au bénéfice de Madame [K] [M].

Il sera donc condamné à lui rembourser les cotisations qu'elle a dû elle-même verser, dont il ne conteste pas le quantum à titre subsidiaire, soit la somme de 1119,60 euros. Le jugement du conseil de prud'hommes sera infirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêt pour absence de visite médicale d'embauche :

Madame [K] [M] fait valoir qu'elle n'a pas bénéficié de la visite d'embauche prévue par l'article R. 4624-10 du code du travail, ce qui lui a nécessairement causé un préjudice, au titre duquel elle réclame la somme de 500 euros.

L'employeur ne conteste pas ce fait dans ses conclusions.

Motivation :

S'il n'était pas contesté par l'employeur que Madame [K] [M] pas bénéficié d'une visite médicale d'embauche, celle-ci ne justifiant pas du préjudice qui en serait résulté pour elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens :

La société [6] BAR devra verser la somme de 1000 euros à Madame [K] [M] au titre des frais irrépétibles et sera déboutée de sa propre demande.

La société [6] BAR sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant contradictoirement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy, en ses dispositions soumises à la cour, en ce qu'il a débouté Madame [K] [M] de sa demande de dommages et intérêts au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement, de sa demande de remboursement des cotisations qu'elle a versées au titre de son assurance santé complémentaire et en ce qu'il l'a condamnée aux dépens,

CONFIRME pour le surplus le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy, en ses dispositions soumises à la cour ;

STATUANT A NOUVEAU

Condamne la société [6] BAR à verser à Madame [K] [M] la somme de 1480,30 euros à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement,

Condamne la société [6] BAR à verser à Madame [K] [M] la somme de 1119,60 euros au titre du remboursement des cotisations qu'elle a versées en paiement de sa complémentaire santé,

Condamne la société [6] BAR aux dépens de première instance ;

Y AJOUTANT

Condamne la société [6] BAR à verser à Madame [K] [M] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société [6] BAR de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société [6] BAR aux dépens d'appel.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en douze pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 23/00595
Date de la décision : 11/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-11;23.00595 ?
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