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11/04/2024 | FRANCE | N°22/02921

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 11 avril 2024, 22/02921


ARRÊT N° /2024

PH



DU 11 AVRIL 2024



N° RG 22/02921 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FDFL







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT DIE DES VOSGES



28 novembre 2022











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANTE :



E.U.R.L. EUROCHAUFF agissant po

ursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY









INTIMÉ :



Monsieur [X] [B]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Elod...

ARRÊT N° /2024

PH

DU 11 AVRIL 2024

N° RG 22/02921 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FDFL

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT DIE DES VOSGES

28 novembre 2022

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

E.U.R.L. EUROCHAUFF agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉ :

Monsieur [X] [B]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Elodie BOTTE, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : BRUNEAU Dominique,

STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats : PERRIN Céline

DÉBATS :

En audience publique du 11 Janvier 2024 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 28 Mars 2024 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 11 Avril 2024;

Le 11 Avril 2024, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Monsieur [X] [B] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société EURL EUROCHAUFF à compter du 14 mars 2011, en qualité de technico-commercial, statut ETAM.

A compter du 02 juillet 2013, il a été placé en arrêt de travail pour maladie.

Par courrier du 05 juillet 2013, Monsieur [X] [B] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 16 juillet 2013.

Par courrier du 20 juillet 2013, Monsieur [X] [B] a été licencié pour faute grave.

Par jugement du 23 janvier 2017, sur requête du 13 novembre 2013 du salarié, le conseil de prud'hommes d'Epinal a ordonné un sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal de grande instance d'Epinal à la suite d'une plainte pénale déposée avec constitution de partie civile par la société EURL EUROCHAUFF à l'encontre de Monsieur [X] [B].

Par décision du 05 novembre 2018, le conseil de prud'hommes d'Epinal a ordonné la radiation de l'affaire.

Par requête de reprise d'instance du 05 novembre 2020, Monsieur [X] [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Dié-des-Vosges, aux fins :

- de dire et juger que son licenciement est abusif,

- de dire et juger qu'il n'a pas été intégralement rempli de ses droits salariaux

- de dire et juger que la société EURL EUROCHAUFF s'est rendu coupable de travail dissimulé,

- de dire et juger que son certificat de travail est incomplet,

- de condamner la société EURL EUROCHAUFF à lui verser les sommes suivantes :

- 31 157,60 euros nets au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- 1 454,01 euros nets au titre de l'indemnité de licenciement,

- 6 231,52 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 623,15 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 5 212,63 euros à titre de rappel de commissions, outre la somme de 521,26 euros au titre des congés payés afférents,

- 18 694,56 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- 1 000,00 euros au titre du préjudice du certificat de travail non conforme,

- 308,15 euros au titre des retenues salariales injustifiées du mois de juin 2013,

- 4 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l'instance,

- d'appliquer les intérêts au taux légal,

- d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

- de fixer le salaire moyen sur les 3 derniers mois à la somme de 3 115,76 euros,

- de condamner la société EURL EUROCHAUFF au remboursement des indemnités Pôle Emploi en application de l'article L.1235-4 du code du travail,

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Saint-Dié-des-Vosges rendu le 28 novembre 2022, lequel a :

- condamné la société EURL EUROCHAUFF à verser à Monsieur [X] [B] les sommes suivantes :

- 18 690,00 euros nets au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- 1 454,01 euros nets au titre de l'indemnité de licenciement,

- 6 231,52 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 623,15 euros bruts au titre de l'indemnité de congés payés afférents,

- 1 000,00 euros au titre du préjudice du certificat de travail non conforme,

- 308,15 euros au titre des retenues salariales injustifiées du mois de juin 2013,

- 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé qu'en application des dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail, la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire dans la limite de neuf mois de salaire pour les sommes visées à l'article R.1454-14 du code du travail, calculés sur la moyenne des trois lois fixé à la somme de 3 115,76 euros,

- ordonné, en application de l'article L.1235-4 du code du travail le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage soit 3 mois,

- débouté Monsieur [X] [B] du surplus de ses demandes,

- débouté la société EURL EUROCHAUFF de ses demandes reconventionnelles.

Vu l'appel formé par la société EURL EUROCHAUFF le 27 décembre 2022,

Vu l'appel incident formé par Monsieur [X] [B] le 22 juin 2023,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de la société EURL EUROCHAUFF déposées sur le RPVA le 22 septembre 2023, et celles de Monsieur [X] [B] déposées sur le RPVA le 22 juin 2023,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 22 novembre 2023,

La société EURL EUROCHAUFF demande :

- de recevoir l'appel et le dire bien fondé, et y faire droit,

- d'infirmer l'entier jugement rendu le 28 novembre 2022 par le conseil de prud'hommes de Saint-Dié-des-Vosges, sauf en ce qu'il a :

- débouté Monsieur [X] [B] [X] du surplus de ses demandes,

Statuant à nouveau :

- de constater que les agissements de Monsieur [X] [B] sont constitutifs d'une faute grave,

- de constater qu'aucune somme ni commission n'est due à Monsieur [X] [B],

- de constater que le certificat de travail délivré à Monsieur [X] [B] est complet,

- de constater que Monsieur [X] [B] n'a, à aucun moment, fait état d'un travail dissimulé,

- en conséquence, de débouter Monsieur [X] [B] de l'intégralité de ses demandes,

- de condamner Monsieur [X] [B] au paiement de la somme de 3 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens concernant la première instance,

- de condamner Monsieur [X] [B] au paiement de la somme de 4 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel, outre les dépens concernant la présente instance,

- de prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Monsieur [X] [B] demande :

Sur le licenciement, le rappel de commissions et le travail dissimulé :

- de dire et juger que son licenciement pour faute grave est abusif,

- de dire et juger qu'il n'a pas été intégralement rempli de ses droits salariaux

- de dire et juger que la société EURL EUROCHAUFF s'est rendu coupable de travail dissimulé,

- en conséquence, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société EURL EUROCHAUFF au paiement des sommes suivantes :

- 1 454,01 euros nets au titre de l'indemnité de licenciement,

- 6 231,52 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 623,15 euros bruts au titre de l'indemnité de congés payés afférents,

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- débouté l'intimé de sa demande au titre des rappels de commissions,

- débouté l'intimé de sa demande au titre du travail dissimulé,

- limité l'indemnisation au titre du licenciement abusif à la somme de 18 690,00 euros,

Statuant à nouveau sur appel incident :

- de condamner la société EURL EUROCHAUFF au versement des sommes suivantes :

- 31 157,60 euros nets au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- 5 212,63 euros à titre de rappel de commissions,

- 521,26 euros au titre des congés payés afférents,

- 18 694,56 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

Sur le certificat de travail :

- de dire et juger que le certificat de travail qui lui a été délivré est incomplet,

- en conséquence, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la somme EURL EUROCHAUFF au paiement de la somme de 1 000,00 euros de dommages et intérêts pour préjudice subi du fait du certificat de travail non conforme,

Sur les retenues salariales de juin 2013 :

- de dire et juger que l'employeur a opéré des retenues salariales injustifiées en juin 2013,

- en conséquence, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société EURL EUROCHAUFF au paiement de la somme de 308,15 euros au titre des retenues salariales injustifiées en juin 2013,

En tout état de cause :

- de dire que ces montants porteront intérêts à compter du jour de la demande pour les créances salariales et à compter du jour de l'arrêt à intervenir pour les dommages et intérêts,

- de condamner la société EURL EUROCHAUFF à payer une indemnité de 4 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société EURL EUROCHAUFF au remboursement des allocations Pôle Emploi en application de l'article L.1235-4 du code du travail,

- de fixer le salaire moyen de Monsieur [X] [B] sur les 3 derniers mois à la somme de 3 115,76 euros bruts,

- de condamner la société EURL EUROCHAUFF aux entiers dépens et frais y compris les frais, émoluments et honoraires liés à une éventuelle exécution de la décision à intervenir par voie d'huissier, et en particulier tous les droits de recouvrement ou d'encaissement sans exclusion du droit de recouvrement ou d'encaissement à la charge du créancier,

- de prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de l'employeur le 22 septembre 2023, et en ce qui concerne le salarié le 22 juin 2023.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement du 20 juillet 2013 (pièce 5 de l'intimé) indique :

« ...Nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave.

Les motifs sont les suivants :

1/ Le 28 juin 2013, l'inventaire annuel a été réalisé en présence d'autres employés de la société.

Les données ont été recueillies sur l'ordinateur portable et sur une clef USB mais en votre possession depuis le mois d'octobre 2012.

Brutalement, le 02 juillet 2013, vous avez appelé l'employeur pour lui annoncer que vous étiez en arrêt maladie suite à une discussion relative à de l'escroquerie contre l'entreprise.

Etant en possession du véhicule de l'entreprise et de cet ordinateur (et de la clef USB) contenant des données essentielles, vous avez indiqué à Monsieur [M] qu'il pouvait récupérer le tout.

Sa surprise fut grande lorsqu'il a récupéré le véhicule et l'ordinateur portable posé à même la banquette arrière du véhicule, sans protection et portières ouvertes '

N'importe quel individu aurait pu s'emparer du véhicule et de l'ordinateur.

Dès la mise en route de l'ordinateur, c'est avec effroi qu'il a été constaté que l'intégralité des fichiers avait disparu ; les données avaient été effacées '

Pris certainement de remord, vous avec restitué quelques jours plus tard les données contenues sur la clef USB transférées avant d'effacer la mémoire de l'ordinateur.

Ce repenti n'efface en rien l'acte fautif commis. Vous avez délibérément et volontairement détruit des données vitales pour l'entreprise recueillies quelques jours auparavant.

Vos agissements sont intempestifs et inadmissibles et ont causé une perte de temps inconsidérée à l'entreprise, outre des souffrances psychologiques importantes pour l'employeur fortement affecté par cette situation.

2/ Au retour des congés de l'employeur, mi-juin 2013, il a été découvert avec stupéfaction que du matériel avait été commandé, facturé au nom de la société et livré et installé chez vous, à votre domicile, par des employés de l'entreprise.

Le matériel commandé se trouve être une pompe à chaleur outre les éléments permettant de l'installer pour la modique somme de 9 174,57 euros. (...) »

Sur le grief de disparition des données informatiques, la société EUROCHAUFF conteste que les données aient pu être transférées sur le poste fixe de la société avant le départ de M. [X] [B] ; elle estime que les données ont bien été dérobées par le salarié puis restituées via la clef USB.

La société EUROCHAUFF explique que cela a perturbé l'entreprise qui a commencé à refaire son inventaire.

L'employeur estime que le fait que M. [X] [B] ait dérobé des fichiers avant de les lui remettre finalement constitue une faute grave, même si le salarié n'a pas été poursuivi pénalement.

En ce qui concerne la pompe à chaleur, la société EUROCHAUFF explique s'être aperçue en juin 2013, en réalisant une vérification de l'approvisionnement et de la facturation client, qu'une commande de pompe à chaleur auprès de la société QUALITO avait fait l'objet d'une livraison au domicile de M. [X] [B].

L'employeur conteste les explications du salarié, et renvoie à ses propres pièces.

Il conteste que M. [X] [B] ait pu avoir droit à des rappels de commissionnement.

M. [X] [B] indique, s'agissant des données informatiques, que le 28 juin 2023 un inventaire a été organisé, les données étant recueillies sur son ordinateur portable, puis enregistrées sur sa clef USB ; qu'il a ensuite transféré les données de sa clef USB sur le PC se trouvant dans son bureau.

Il explique qu'il n'y avait donc plus de raison que les données restent stockées sur son ordinateur portable, d'autant plus que ce matériel lui servait uniquement à se connecter au serveur pour réaliser des devis et faire des plans depuis son domicile ; que cet ordinateur a toujours été vide et n'a jamais servi de moyen de stockage des données de l'entreprise.

M. [X] [B] souligne que le juge d'instruction d'Epinal a ordonné un non-lieu du chef de destruction de biens appartenant à autrui.

En ce qui concerne le grief d'escroquerie, M. [X] [B] explique que l'employeur avait décidé de lui régler ses commissions par le bais d'avantages en nature, ce qui résulte d'un avenant régularisé entre les parties le 14 mai 2012 ; qu'en conséquence, il a bénéficié de l'acquisition de matériels via des factures intégralement payées par la société EUROCHAUFF.

M. [X] [B] fait notamment valoir que l'employeur a reconnu pendant l'information judiciaire avoir signé l'avenant qu'il produit, et daté du 14 mai 2012.

Motivation

Aux termes de l'article L1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige et c'est au regard des motifs qui y sont énoncés que s'apprécie le bien-fondé du licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. C'est à l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier d'en rapporter la preuve.

Alors qu'il appartient à l'employeur de démontrer l'existence du grief, sont versées aux débats par M. [X] [B] :

- en pièce 2 un document manuscrit intitulé « [X] [B] contrat avenant », daté du 14 mai 2012, et indiquant notamment « 4 % de commissions sur réf [X] pas de commission en dessous de 1000 euros HT (avantage en nature) (...) » ; ce document comporte le tampon de l'entreprise, ainsi que la mention manuscrite « Mr [M] » et une signature sous ce tampon. [ M. [P] [M] est le représentant légal de la société]

- en pièce 44, l'ordonnance du 16 décembre 2019 rendue par le juge d'instruction d'Epinal saisi de la plainte de la société EUROCHAUFF, qui précise en page 6 de son ordonnance que « (') [P] [M] reconnaît avoir signé avec [X] [B] le document intitulé « contrat avenant » du 14 mai 2012 et prévoyant manifestement que certaines commissions seraient payées par avantage en nature. Les déclarations faites par [P] [M] sur ce point, lequel explique que le fait qu'il ait signé ce document ne signifiait pas que l'accord était définitif, interrogent.»

- pièce 45, audition par les enquêteurs le 24 avril 2018 de M. [C] [F], chargé d'affaires de 2013 à 2015 au sein de la société EUROCHAUFF, qui explique qu'il était en partie rémunéré en commissions, qui lui étaient payées par l'entreprise en matériels : cuisinière, frigo, Ipad etc.

- pièce 24, l'attestation de M. [U] [K], qui explique être le fournisseur de la pompe à chaleur qui a été installée chez M. [X] [B] ; il indique qu'elle a été installée chez M. [X] [B] dans le cadre de sa rémunération et après accord de son employeur Mr [Y] ; il ajoute : « nous avons eu ce jour-là [le jour de l'installation] un échange téléphonique avec Mr [Y] qui était à l'aéroport pour voir si tout se passait bien. (...) »

La société EUROCHAUFF conteste que son gérant ait signé le document du 14 mai 2012 (pièce 2 précitée).

Elle vise une attestation de M. [U] [K] (elle figure en pièce 24 de son bordereau de pièces) ; ce dernier indique ne pas avoir connaissance des accords pris entre la société et le salarié ; il fait état d'un échange téléphonique le jour de l'installation avec M. [Y], en indiquant qu'il s'agissait pour la société EUROCHAUFF de faire le point sur la semaine à venir, avant le départ du gérant.

L'appelante renvoie dans ses écritures à l'attestation de M. [L] [A] (pièce 23 dans son bordereau), qui explique avoir été appelé par M. [X] [B] qui insistait pour que la pompe à chaleur lui soit livrée avant le week-end ; il précise que M. [X] [B] a essayé d'obtenir une attestation de complaisance.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le grief n'est pas établi, les pièces et explications de la société EUROCHAUFF n'étant pas de nature à contredire les éléments établis au cours de l'information judiciaire.

- en ce qui concerne le grief de destruction des données de l'inventaire du 28 juin 2013, la société EUROCHAUFF ne vise aucune pièce dans ses écritures.

Le grief n'est donc pas établi.

Les griefs articulés par la lettre de licenciement n'étant pas établis, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences de la rupture

- sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [X] [B] demande de réformer le jugement en portant le montant des dommages et intérêts à 31 157,60 euros, soit dix mois de salaires.

Il précise que s'applique l'article L1235-3 du code du travail, dans sa version antérieure, qu'il s'est retrouvé au chômage pendant deux ans avant de travailler en interim à compter du 15 juillet 2013, puis en CDI à partir du 1er octobre 2015, et qu'il a deux enfants à charge.

La société EUROCHAUFF demande d'infirmer le jugement, le licenciement pour faute grave étant établi.

Motivation

Aux termes des dispositions des articles L1235-3 et L1235-5 du code du travail, dans leur version applicable à la rupture du contrat de travail de l'espèce, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié a droit à une indemnité calculée en fonction du préjudice subi, et d'au moins 6 mois de salaire dans une entreprise d'au moins 11 salariés, et alors que le salarié a deux ans d'ancienneté.

En l'espèce, et à défaut de contestation subsidiaire du quantum de la demande par l'employeur, il sera fait droit à la prétention indemnitaire, et le jugement sera réformé en ce sens.

- sur les autres indemnités

Le quantum des indemnités compensatrice de préavis et d'indemnité de licenciement n'étant pas critiquées à titre subsidiaire, le jugement sera confirmé sur ces points.

Sur les commissions

M. [X] [B] indique être créancier de 5212,63 euros de commissions ; il en réclame le paiement, outre 521,26 euros au titre des congés payés afférents.

Il renvoie à sa pièce 37.

La société EUROCHAUFF fait valoir que le tribunal correctionnel l'a relaxé de la poursuite pour travail dissimulé, poursuite fondée sur le tableau produit par le salarié.

Motivation

Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

La pièce 37 de M. [X] [B] est composée de plusieurs devis.

Il ressort des développements qui précèdent que M. [X] [B] devait être rémunéré sur la base d'une commission de 4 %, à partir de 1000 euros HT.

L'obligation au paiement est ainsi suffisamment établie.

La société EUROCHAUFF ne conclut pas sur ce point, alors que la relaxe prononcée à la suite des poursuites pénales pour travail dissimulé, si tant est qu'elles aient été fondées sur une réclamation de commissions, ne fait pas obstacle à l'obligation de paiement.

Dans ces conditions, et en l'absence de contestation subsidiaire des montants réclamés, il sera fait droit à la demande, le jugement étant réformé sur ce point.

Sur les retenues salariales de juin 2013

La société EUROCHAUFF demande que le jugement soit réformé sur ce point. Elle fait valoir que M. [X] [B] ne s'est pas présenté sur son lieu de travail, sans justificatif, les 7 et 21 juin 2013, et qu'il n'a jamais émis de contestation sur cette retenue de salaire.

M. [X] [B] fait valoir que les retenues correspondent à des absences le vendredi après-midi, alors que les salariés ne travaillent jamais le vendredi après-midi. Il ajoute qu'il a contesté ces retenues par courriel du 11 juillet 2023.

Motivation

La société EUROCHAUFF ne renvoie à aucune pièce au soutien de sa demande de réformation.

En application des dispositions des articles 6 et 9 du code de procédure civile, elle sera déboutée de sa demande.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le travail dissimulé

M. [X] [B] fait valoir qu'il résulte notamment des éléments issus de la procédure pénale qu'il a été rémunéré d'une partie de ses commissions sous forme d'avantages en nature non déclarés.

La société EUROCHAUFF fait valoir que le tribunal correctionnel a relaxé M. [M] de la poursuite pour travail dissimulé.

Motivation

L'article L. 8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur:

1o Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche;

2o Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre I de la troisième partie;

3o Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Le jugement correctionnel dont fait état la société EUROCHAUFF est produit en pièce 34 ; il s'agit d'un jugement du 1er juin 2021.

La personne poursuivie, et relaxée, était M. [P] [M].

L'employeur de M. [X] [B] est la société EUROCHAUFF.

Le jugement précité n'a pas autorité de chose jugée à l'égard de la société EUROCHAUFF ; il n'est par ailleurs pas motivé, ce qui ne permet pas de savoir quels éléments ont pu être jugés insuffisants.

Il résulte des développements qui précèdent que M. [X] [B] a été payé de ses commissions par fourniture d'avantages en nature, et de manière intentionnelle.

Il n'est pas contesté que ces avantages n'ont pas été déclarés à titre de rémunération.

Le travail dissimulé étant établi, il sera fait droit à la demande, dont le quantum n'est pas critiqué à titre subsidiaire.

Le jugement sera réformé en ce sens.

Sur les certificats de travail

La société EUROCHAUFF fait valoir que les documents sociaux établis par le cabinet d'expertise comptable sont conformes à la réalité, et qu'en tout état de cause aucun préjudice n'a été démontré par M. [X] [B].

M. [X] [B] explique que l'article D1234-6 du code du travail, dans sa version applicable au litige, prévoit que le certificat de travail comporte notamment le solde des heures acquises au titre du droit individuel à la formation et non utilisées, la somme correspondant à ce solde ainsi que l'organisme paritaire collecteur agréé dont relève l'entreprise ; il fait valoir que ces mentions font défaut l'espèce.

Motivation

La société EUROCHAUFF ne renvoie à aucune pièce au soutien de sa demande de réformation.

En application des dispositions des articles 6 et 9 du code de procédure civile, elle sera déboutée de sa demande.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande au titre des intérêts

L'article 1231-7 du code civil dispose qu'en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement.

En cas de confirmation pure et simple par le juge d'appel d'une décision allouant une indemnité en réparation d'un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l'indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d'appel. Le juge d'appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa.

En l'espèce, il sera fait droit aux demandes relatives aux intérêts des sommes dues.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant à l'instance, la société EUROCHAUFF sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à M. [X] [B] 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dispositions de l'article L111-8 du Code des procédures civiles d'exécution fixent la répartition des frais d'exécution forcée et de recouvrement entre le créancier et le débiteur, et prévoient dans certaines hypothèses le recours au juge de l'exécution; il n'appartient donc pas au juge du fond de statuer sur la demande au demeurant prématurée, de condamnation à d'éventuels frais d'exécution de la décision.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Saint-Dié-des-Vosges le 28 novembre 2022, sauf en ce qu'il a condamné la société EURL EUROCHAUFF à verser à Monsieur [X] [B] 18 690,00 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif, et a débouté ce dernier de ses demandes de rappels de commissions et congés payés afférents, et d'indemnité pour travail dissimulé ;

Statuant à nouveau, dans ces limites,

Condamne la société EUROCHAUFF à payer à M. [X] [B] :

- 31 157,60 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- 5 212,63 euros à titre de rappel de commissions,

- 521,26 euros au titre des congés payés afférents,

- 18 694,56 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

Y ajoutant,

Dit que ces montants porteront intérêts à compter du jour de la demande pour les créances salariales et à compter du jour de l'arrêt à intervenir pour les dommages et intérêts ;

Condamne la société EUROCHAUFF à payer à M. [X] [B] 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société EUROCHAUFF aux dépens.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en treize pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 22/02921
Date de la décision : 11/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-11;22.02921 ?
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