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04/04/2024 | FRANCE | N°22/02403

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 04 avril 2024, 22/02403


ARRÊT N° /2024

PH



DU 04 AVRIL 2024



N° RG 22/02403 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FCBI







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY



27 septembre 2022











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2







APPELANTE :



S.A.S. SUPERGROUP agissant poursuites et diligences de son représent

ant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 8]

[Localité 7]

Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY







INTIMÉS :



Monsieur [B] [J] (décédé le 3 juin 2023)

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me ...

ARRÊT N° /2024

PH

DU 04 AVRIL 2024

N° RG 22/02403 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FCBI

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

27 septembre 2022

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

S.A.S. SUPERGROUP agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 8]

[Localité 7]

Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉS :

Monsieur [B] [J] (décédé le 3 juin 2023)

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Anny MORLOT, avocate au barreau de NANCY

Madame [Z] [S] [L] [H] [D] épouse [J] Ayant droit de Monsieur [B] [J], décédé le 3 juin 2023, en sa qualité d'épouse survivante et héritière

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Anny MORLOT, avocate au barreau de NANCY

Madame [W] [A] [C] [X] [J] Ayant droit de Monsieur [B] [J], décédé le 3 juin 2023,en sa qualité d'héritière

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Anny MORLOT, avocate au barreau de NANCY

Monsieur [G] [O] [T] [Y] [J] Ayant droit de Monsieur [B] [J], décédé le 3 juin 2023,en sa qualité d'héritier

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représenté par Me Anny MORLOT, avocate au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : BRUNEAU Dominique,

STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats : RIVORY Laurène

DÉBATS :

En audience publique du 21 Décembre 2023 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 21 Mars 2024 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 04 avril 2024 ;

Le 04 Avril 2024, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Monsieur [B] [J] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société [F], devenue SAS SUPERGROUP, à compter du 25 septembre 1980, en qualité de comptable.

Le temps de travail du salarié s'inscrivait dans le cadre d'une convention de forfait annuelle en jours, à hauteur de 216 jours.

La convention collective nationale des commerces de gros s'applique à la relation de travail, à compter du 01 juillet 2018.

A compter du 24 janvier 2017, Monsieur [B] [J] a été placé en arrêt de travail, pour maladie.

Par décision du 31 juillet 2018 de la médecine du travail dans le cadre d'une visite de reprise, le salarié a été déclaré inapte à tous postes dans l'entreprise.

Par courrier du 15 janvier 2019, du 22 mars 2019 et du 14 mai 2019, il s'est vu proposer plusieurs propositions de postes de reclassement dans l'entreprise et dans le groupe.

Par courrier du 08 juillet 2019, Monsieur [B] [J] a été licencié pour inaptitude physique avec impossibilité de reclassement.

Par requête du 03 juillet 2020, Monsieur [B] [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy, aux fins :

- de dire que les dispositions relatives à l'article L.1226-14 s'appliquent à son licenciement,

- par conséquent, de condamner la société SAS SUPERGROUP à lui verser les sommes suivantes :

- 10 847,31 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 084,73 euros au titre de l'indemnité de congés payés y afférente,

- 36 795,79 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,

A titre principal :

- de dire que son licenciement pour inaptitude physique est nul en raison du harcèlement moral subi,

- par conséquent, de condamner la société SAS SUPERGROUP à lui verser la somme de 86 778,48 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

A titre subsidiaire :

- de dire que son licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison des manquements de l'employeur à l'origine de la dégradation de son état de santé,

- par conséquent, de condamner la société SAS SUPERGROUP à lui verser la somme de 72 315,40 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

A titre subsidiaire :

- de dire que son licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement,

- par conséquent, de condamner la société SAS SUPERGROUP à lui verser la somme de 72 315,40 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

*

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la législation sur les accidents du travail et les maladies professionnelles ne s'appliquerait pas (article L. 1235-3 du Code du travail) :

A titre principal :

- de dire que son licenciement pour inaptitude physique est nul en raison du harcèlement moral subi,

- par conséquent, de condamner la société SAS SUPERGROUP à lui verser les sommes suivantes :

- 10 847,31 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 084,73 euros au titre de l'indemnité de congés payés y afférente,

- 86 778,48 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

A titre subsidiaire :

- de dire que son licenciement pour inaptitude physique est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison des manquements de l'employeur à l'origine de la dégradation de son état de santé,

- par conséquent, de condamner la société SAS SUPERGROUP à lui verser les sommes suivantes :

- 10 847,31 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 084,73 euros au titre de l'indemnité de congés payés y afférente,

- 72 315,40 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

A titre subsidiaire :

- de dire que son licenciement pour inaptitude physique est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement,

- par conséquent, de condamner la société SAS SUPERGROUP à lui verser les sommes suivantes:

- 10 847,31 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 084,73 euros au titre de l'indemnité de congés payés y afférente,

- 72 315,40 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

*

En tout état de cause :

- de dire que la convention de forfait est nulle et de nul effet,

- par conséquent, de condamner la société SAS SUPERGROUP à lui verser la somme de 40 000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts au titre de la nullité de la convention de forfait,

- de dire que l'employeur n'a pas respecté son obligation de sécurité de résultat,

- par conséquent, de condamner la société SAS SUPERGROUP à lui verser la somme de 40 000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité de résultat,

- de condamner la société SAS SUPERGROUP à lui remettre une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail rectifiés, ainsi que le bulletin de salaire correspondant aux condamnations sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement à intervenir,

- de condamner la société SAS SUPERGROUP à lui verser la somme de 3 500,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

- de condamner la société SAS SUPERGROUP,

- d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir au visa de l'article 515 du code de procédure civile en retenant que son salaire moyen mensuel brut s'élève à 3 615,77 euros.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 27 septembre 2022, lequel a :

- dit et jugé n'y avoir lieu à appliquer les dispositions de l'article L.1226-14 du code du travail au licenciement de Monsieur [B] [J],

- en conséquence, débouté Monsieur [B] [J] de sa demande au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,

- dit et jugé que Monsieur [B] [J] ne justifie pas de faits susceptibles de laisser présumer un harcèlement moral dont il aurait été victime,

- débouté Monsieur [B] [J] de ses demandes aux fins de nullité de son licenciement pour faits de harcèlement moral et de ses demandes indemnitaires y afférentes,

- dit et jugé que la société SAS SUPERGROUP a satisfait à son obligation de recherche de reclassement,

- débouté Monsieur [B] [J] de ses demandes indemnitaires formulées à ce titre,

- dit et jugé que les demandes indemnitaires de Monsieur [B] [J] au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ne sont pas prescrites,

- dit et jugé Monsieur [B] [J] bien-fondé en sa demande tendant à voir juger son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse de fait de manquement imputable à la société SAS SUPERGROUP ayant conduit à son inaptitude,

- condamné en conséquence la société SAS SUPERGROUP à payer à Monsieur [B] [J] les sommes suivantes :

- 10 575,36 euros brut à titre d'indemnité de préavis,

- 1 057,54 euros brut à titre de congés payés y afférents,

- 70 502,40 euros net à titre de l'article L.1235-3 du code du travail,

- dit et jugé que la convention de forfait jours à laquelle était soumis Monsieur [B] [J] lui est inopposable,

- constaté que Monsieur [B] [J] ne présente pas de demande de rappel de salaires au titre d'heures supplémentaires prestée et non rémunérées,

- dit et jugé que sa demande indemnitaire découlant de l'inopposabilité de la convention de forfait-jours, est recevable mais mal fondée et l'en a débouté,

- dit et jugé la demande indemnitaire de Monsieur [B] [J] en indemnisation du préjudice distinct résultant du non-respect de l'obligation de sécurité prescrite selon l'article L.1471-1 du code du travail ; en tout cas mal fondée, et l'en a débouté,

- ordonné à la société SAS SUPERGROUP à remettre à Monsieur [B] [J] une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail rectifiés ainsi qu'un bulletin de salaire conformes au présent jugement, sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard, passé le délai de 15 jours de la notification du présent jugement,

- rappelé que le présent jugement est exécutoire de droit à titre provisoire conformément aux dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail pour les sommes allouées à titre de rémunérations et indemnités visées au 2° de l'article R.1454-14 du même code ; dans la limite de neuf mois de salaires calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire ; cette moyenne étant fixée à la somme de 3 525,12 euros,

- dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire de l'article 515 du code de procédure civile pour le surplus,

- ordonné à la société SAS SUPERGROUP le remboursement des indemnités Pôle Emploi versées le cas échéant à Monsieur [B] [J], dans la limite de 3 mois,

- condamné la société SAS SUPERGROUP à payer à Monsieur [B] [J] la somme de 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société SAS SUPERGROUP de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société SAS SUPERGROUP aux dépens de l'instance.

Vu l'appel formé par la société SAS SUPERGROUP le 18 octobre 2022,

Monsieur [B] [J] est décédé le 03 juin 2023.

La présente procédure est reprise par les héritiers du salarié, pris en les personnes de Madame [Z] [D] épouse [J], Madame [W] [J] et Monsieur [G] [J].

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de la société SAS SUPERGROUP déposées sur le RPVA le 07 novembre 2023, et celles de Monsieur [B] [J] déposées sur le RPVA le 19 septembre 2023,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 06 décembre 2023,

La société SAS SUPERGROUP demande :

- de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nancy en ce qu'il a :

- dit et jugé n'y avoir lieu à appliquer les dispositions de l'article L.1226-14 du code du travail au licenciement de Monsieur [B] [J],

- débouté Monsieur [B] [J] de sa demande au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,

- dit et jugé que Monsieur [B] [J] ne justifie pas de faits susceptibles de laisser présumer un harcèlement moral dont il aurait été victime,

- débouté Monsieur [B] [J] de ses demandes aux fins de nullité de son licenciement pour faits de harcèlement moral et de ses demandes indemnitaires y afférentes,

- dit et jugé que la société SAS SUPERGROUP a satisfait à son obligation de recherche de reclassement,

- débouté Monsieur [B] [J] de ses demandes indemnitaires formulées à ce titre,

- dit et jugé la demande indemnitaire de Monsieur [B] [J] en indemnisation du préjudice distinct résultant du non-respect de l'obligation de sécurité prescrite selon l'article L. 1471-1 du Code du travail mal fondée et en ce qu'il l'en a donc débouté,

- de réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nancy en ce qu'il a :

- dit et jugé que les demandes indemnitaires de Monsieur [B] [J] au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ne sont pas prescrites,

- dit et jugé Monsieur [B] [J] bien-fondé en sa demande tendant à voir juger son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse de fait de manquement imputable à la société SAS SUPERGROUP ayant conduit à son inaptitude,

- condamné en conséquence la société SAS SUPERGROUP à payer à Monsieur [B] [J] les sommes suivantes :

- 10 575,36 euros brut à titre d'indemnité de préavis,

- 1 057,54 euros brut à titre de congés payés y afférents,

- 70 502,40 euros net à titre de l'article L.1235-3 du code du travail,

- ordonné à la société SAS SUPERGROUP à remettre à Monsieur [B] [J] une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail rectifiés ainsi qu'un bulletin de salaire conformes au présent jugement, sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard, passé le délai de 15 jours de la notification du présent jugement,

- ordonné à la société SAS SUPERGROUP le remboursement des indemnités Pôle Emploi versées le cas échéant à Monsieur [B] [J], dans la limite de 3 mois,

- condamné la société SAS SUPERGROUP à payer à Monsieur [B] [J] la somme de 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société SAS SUPERGROUP de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société SAS SUPERGROUP aux dépens de l'instance,

*

Statuant à nouveau :

- de juger que la société SAS SUPERGROUP n'a pas manqué à ses obligations contractuelles,

- de juger que Monsieur [B] [J] n'a pas été victime d'actes de harcèlement moral, et que ses ayants droits ne démontrent aucunement le contraire,

- de juger que la société SAS SUPERGROUP n'a pas manqué à son obligation de sécurité et qu'en tout état de cause les demandes à ce titre et sur ce fondement formulées par les ayants droits de Monsieur [B] [J] sont prescrites et donc irrecevables,

- de juger que l'inaptitude de Monsieur [B] [J] n'a pas une origine professionnelle,

- de dire non applicables les dispositions de l'article L.1226-14 du code du travail,

- de juger que l'inaptitude de Monsieur [B] [J] n'est pas due « à des manquements de l'employeur à l'origine de la dégradation de son état de santé »,

- de juger que la société SAS SUPERGOUP a parfaitement respecté ses obligations en matière de recherches préalables de reclassement,

- de juger que Monsieur [B] [J] a été, suite à son licenciement, intégralement rempli de ses droits s'agissant des indemnités de rupture, congés payés et toutes autres sommes à lui devoir,

- de juger que son licenciement est parfaitement justifié et bien-fondé,

- de juger que la demande de dommages et intérêts formulée par les ayants droits de Monsieur [B] [J] au titre de la nullité ou de l'inopposabilité du forfait jours de ce dernier est irrecevable pour être prescrite et, qu'elle est en tout état de cause, mal fondée et injustifiée,

- en conséquence, de juger que le licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle et impossibilité de reclassement de Monsieur [B] [J] repose une cause réelle et sérieuse et est régulier et bienfondé,

- de juger que les demandes de rappels d'indemnités de rupture du contrat de travail et de dommages et intérêts, tous fondements confondus, formulées par les ayants droits de Monsieur [B] [J] sont infondées et injustifiées,

- de débouter les ayants droits de Monsieur [B] [J] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

*

A titre infiniment subsidiaire :

** Si, par extraordinaire, la Cour devait considérer que l'inaptitude de Monsieur [B] [J] a une origine professionnelle (ce qui est fermement contesté) :

- de débouter les ayants droits de Monsieur [B] [J] de leur demande d'indemnité de congés payés sur l'indemnité compensatrice équivalente au préavis,

- de dire que le montant de l'indemnité compensatrice de préavis à laquelle pourrait prétendre Monsieur [B] [J] s'élève à la somme de 10 575,36 euros brut,

- de dire que le montant de l'indemnité spéciale de licenciement à laquelle pourrait prétendre Monsieur [B] [J] s'élève à la somme de 30 073,93 euros,

** Si, par extraordinaire, la Cour devait faire droit à l'une quelconque des demandes d'indemnisations formulées par les ayants droits de Monsieur [B] [J] (ce qui est fermement contesté) :

- de n'allouer aux ayants droits de Monsieur [B] [J], le cas échéant, que des dommages et intérêts réduits à de plus justes proportions et ce dans la stricte limite de ce qu'ils justifient,

*

Reconventionnellement :

- de condamner les ayants droits de Monsieur [B] [J], à savoir Madame [Z] [D], épouse [J], Madame [W] [J], et Monsieur [G] [J], au paiement d'une somme de 3 500,00 euros à la société SAS SUPERGROUP au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner les mêmes aux entiers dépens.

Monsieur [B] [J], pris en les personnes de Madame [Z] [D] épouse [J], à Madame [W] [J] et à Monsieur [G] [J] en leur qualité d'ayants droits, demande :

- d'infirmer le jugement rendu par conseil de prud'hommes de Nancy en date du 27 septembre 2022 en ce qu'il a :

- dit et jugé n'y avoir lieu à appliquer les dispositions de l'article L.1226-14 du code du travail au licenciement de Monsieur [B] [J],

- en conséquence, débouté Monsieur [B] [J] de sa demande au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,

- dit et jugé que Monsieur [B] [J] ne justifie pas de faits susceptibles de laisser présumer un harcèlement moral dont il aurait été victime,

- débouté Monsieur [B] [J] de ses demandes aux fins de nullité de son licenciement pour faits de harcèlement moral et de ses demandes indemnitaires y afférentes,

- dit et jugé que la société SAS SUPERGROUP a satisfait à son obligation de recherche de reclassement,

- débouté Monsieur [B] [J] de ses demandes indemnitaires formulées à ce titre,

- dit et jugé que sa demande indemnitaire découlant de l'inopposabilité de la convention de forfait-jours, est recevable mais mal fondée et l'en a débouté,

- dit et jugé la demande indemnitaire de Monsieur [B] [J] en indemnisation du préjudice distinct résultant du non-respect de l'obligation de sécurité prescrite selon l'article L.1471-1 du code du travail ; en tout cas mal fondée, et l'en a débouté,

- limité à la somme de 70 502,40 euros nets les dommages et intérêts alloués à Monsieur [B] [J] à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (article 1235-3 du code du travail),

- limité à la somme de 10 575,36 euros bruts l'indemnité compensatrice de préavis et à la somme de 1 057,54 euros bruts les congés payés y afférents,

- de confirmer le jugement rendu par conseil de prud'hommes de Nancy en date du 27 septembre 2022 en ce qu'il a :

- dit et jugé que les demandes indemnitaires de Monsieur [B] [J] au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ne sont pas prescrites,

- dit et jugé Monsieur [B] [J] bien-fondé en sa demande tendant à voir juger son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse de fait de manquement imputable à la société SAS SUPERGROUP ayant conduit à son inaptitude,

- condamné en conséquence dans son principe la société SAS SUPERGROUP à payer à Monsieur [B] [J] une indemnité de préavis, et congés payés y afférents, et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- dit et jugé que la convention de forfait jours à laquelle était soumis Monsieur [B] [J] lui est inopposable,

- ordonné à la société SAS SUPERGROUP à remettre à Monsieur [B] [J] une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail rectifiés ainsi qu'un bulletin de salaire conformes au présent jugement, sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard, passé le délai de 15 jours de la notification du présent jugement,

- condamné la société SAS SUPERGROUP à payer à Monsieur [B] [J] la somme de 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société SAS SUPERGROUP de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société SAS SUPERGROUP aux dépens de l'instance,

*

Statuant à nouveau :

- de juger que les dispositions relatives à la législation sur les accidents du travail et les maladies professionnelles s'appliquent au licenciement de Monsieur [B] [J] (article L 1226-14 du code du travail),

- par conséquent, de condamner la société SAS SUPERGROUP au paiement à Madame [Z] [D] épouse [J], à Madame [W] [J] et à Monsieur [G] [J] en leur qualité d'ayants droits de Monsieur [B] [J], des sommes suivantes :

- 10 847,31 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 084,73 euros au titre de l'indemnité de congés payés y afférente,

- 36 795,79 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,

- de juger que Monsieur [B] [J] a été victime de harcèlement moral,

Par conséquent :

** A titre principal, si la Cour juge que la législation sur les accidents du travail et les maladies professionnelles est applicable à Monsieur [B] [J] :

- de condamner la société SAS SUPERGROUP au paiement à Madame [Z] [D] épouse [J], à Madame [W] [J] et à Monsieur [G] [J] en leur qualité d'ayants droits de Monsieur [B] [J], de la somme de 86 778,48 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul (soit 18 mois de salaire),

** A titre subsidiaire, si la Cour juge que la législation sur les accidents du travail et les maladies professionnelles n'est pas applicable à Monsieur [B] [J] :

- de condamner la société SAS SUPERGROUP au paiement à Madame [Z] [D] épouse [J], à Madame [W] [J] et à Monsieur [G] [J] en leur qualité d'ayants droits de Monsieur [B] [J], des sommes suivantes :

- 86 778,48 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul (soit 18 mois de salaire),

- 10 847,31 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 084,73 euros au titre de l'indemnité de congés payés y afférente,

*

A titre subsidiaire, si la Cour juge de Monsieur [B] [J] n'a pas été victime de harcèlement moral :

- de juger que le licenciement pour inaptitude de Monsieur [B] [J] est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison des manquements de l'employeur à l'origine de la dégradation de son état de santé,

Par conséquent :

** A titre principal, si la Cour juge que la législation sur les accidents du travail et les maladies professionnelles est applicable à Monsieur [B] [J] :

- de condamner la société SAS SUPERGROUP au paiement à Madame [Z] [D] épouse [J], à Madame [W] [J] et à Monsieur [G] [J] en leur qualité d'ayants droits de Monsieur [B] [J], de la somme de 72 315,40 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

** A titre subsidiaire, si la Cour juge que la législation sur les accidents du travail et les maladies professionnelles n'est pas applicable à Monsieur [B] [J] :

- de condamner la société SAS SUPERGROUP au paiement à Madame [Z] [D] épouse [J], à Madame [W] [J] et à Monsieur [G] [J] en leur qualité d'ayants droits de Monsieur [B] [J], les sommes suivantes :

- 10 847,31 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 084,73 euros au titre de l'indemnité de congés payés y afférente,

- 72 315,40 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

*

A titre infiniment subsidiaire si la Cour juge de Monsieur [B] [J] n'a pas été victime de harcèlement moral et que les manquements de la société SAS SUPERGROUP ne sont pas à l'origine de la dégradation de son état de santé :

- de juger que l'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement,

Par conséquent :

** Si la Cour juge que la législation sur les accidents du travail et les maladies professionnelles est applicable à Monsieur [B] [J] :

- de condamner la société SAS SUPERGROUP au paiement à Madame [Z] [D] épouse [J], à Madame [W] [J] et à Monsieur [G] [J] en leur qualité d'ayants droits de Monsieur [B] [J], de la somme de 72 315,40 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

** A titre subsidiaire, si la Cour juge que la législation sur les accidents du travail et les maladies professionnelles n'est pas applicable à Monsieur [B] [J] :

- de condamner la société SAS SUPERGROUP au paiement à Madame [Z] [D] épouse [J], à Madame [W] [J] et à Monsieur [G] [J] en leur qualité d'ayants droits de Monsieur [B] [J], des sommes suivantes :

- 10 847,31 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 084,73 euros au titre de l'indemnité de congés payés y afférente,

- 72 315,40 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

*

En tout état de cause :

- de juger que l'employeur n'a pas respecté son obligation de sécurité à l'égard de Monsieur [B] [J],

- par conséquent, de condamner la société SAS SUPERGROUP au paiement de la somme de 40 000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité à Madame [Z] [D] épouse [J], à Madame [W] [J] et à Monsieur [G] [J] en leur qualité d'ayants droits de Monsieur [B] [J],

- de juger la convention de forfait inopposable à Monsieur [B] [J],

- par conséquent, de condamner la société SAS SUPERGROUP au paiement de la somme de 40 000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité à Madame [Z] [D] épouse [J], à Madame [W] [J] et à Monsieur [G] [J] en leur qualité d'ayants droits de Monsieur [B] [J],

- de condamner la société SAS SUPERGROUP à remettre à Madame [Z] [D] épouse [J], à Madame [W] [J] et à Monsieur [G] [J] en leur qualité d'ayants droits de Monsieur [B] [J] une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail rectifiés, ainsi que le bulletin de salaire correspondant aux condamnations sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir,

*

Y ajoutant :

- de débouter la société SAS SUPERGROUP de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- de condamner la société SAS SUPERGROUP à verser à Madame [Z] [D] épouse [J], à Madame [W] [J] et à Monsieur [G] [J] en leur qualité d'ayants droits de Monsieur [B] [J] la somme de 3 500,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

- de condamner la société SAS SUPERGROUP aux entiers frais et dépens.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières conclusions de la société SAS SUPERGROUP déposées sur le RPVA le 07 novembre 2023, et celles de Monsieur [B] [J] déposées sur le RPVA le 19 septembre 2023.

Sur la nullité du licenciement pour harcèlement moral :

Les ayants droits de Monsieur [B] [J] font valoir que son inaptitude trouvant son origine dans le harcèlement moral qu'il a subi de la part de son employeur, son licenciement pour inaptitude doit être annulé.

Ils exposent que son employeur lui a imposé le régime du forfait jour sans s'assurer, à aucun moment, que sa charge de travail était raisonnable, comme l'exige le code du travail ; qu'au contraire, sa charge de travail était considérable (pièce n° 30) ; qu'il travaillait de 8 heures à 18 heures avec une pause déjeuner de 20 à 30 minutes ; que son supérieur hiérarchique l'a obligé les 12 et 13 janvier 2017 à assister à une réunion commerciale à [Localité 10] alors qu'il n'y participait jamais depuis 35 ans, car cela ne faisait pas partie de son travail et qu'il avait dû en outre partager sa chambre avec un VPR ; que son supérieur hiérarchique l'a également obligé à déménager son bureau le 17 janvier 2017, tout seul, devant le personnel ; qu'en raison de son surmenage, son médecin a voulu l'arrêter, ce qu'il a refusé.

Ils exposent également que Monsieur [B] [J] a dû subir un « management délétère » et humiliant (pièces n° 18,19 et 25).

Ils indiquent que l'ensemble des cadres, en plus de Monsieur [B] [J], étaient soumis à une pression managériale intense constante et répétée qui ont altéré leurs conditions de travail et généré de la souffrance ; qu'ils devaient notamment assumer les tâches dévolues des cadres absents, la direction refusant de pourvoir à leur remplacement (pièce n° 20) ; que Monsieur [B] [J] avait eu sa charge de travail augmentée en raison des départs, pour burn-out, du directeur du site, Monsieur [V] et du responsable logistique ; qu'en 2017, il ne restait plus que deux cadres dans l'entreprise, la responsable des achats et lui-même ; qu'en effet en 2016 et 2017 huit cadres supérieurs avaient quitté l'entreprise, dont trois pour burn-out (pièces n° 26 à 28) ; que le délégué du personnel a alerté la DIRECT de la grave détérioration des conditions de travail (pièce n° 31).

Ils indiquent également que Monsieur [B] [J] avait averti la direction des ressources humaines du management « délétère » qu'il subissait et de la souffrance que cela entraînait (pièce n° 21).

Les ayants-droits de Monsieur [B] [J] font valoir que le harcèlement subi par ce dernier a eu un impact important sur sa santé mentale et qu'un « burn out » lui a été diagnostiqué (pièce n° 22).

L'employeur fait valoir que Monsieur [B] [J] ne produit pas d'éléments étayant l'existence d'un harcèlement moral ; que les attestations qu'il produit sont imprécises et, pour celle de Monsieur [U], inspirée par un sentiment d'animosité ; que s'agissant de sa charge de travail, il ne produit qu'un document rédigé par lui-même en 2021 ; qu'il a varié dans le décompte de son temps de travail.

Motivation :

Aux termes des articles L1152-1 et L1154-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments présentés par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

Les ayants-droits de Monsieur [B] [J] produisent trois attestations d'anciens salariés de l'entreprise.

Monsieur [N] indique qu'à partir de 2015, après l'arrivée du nouveau directeur général, [K] [E] et un changement du système informatique, « les difficultés sont accumulées dans l'exercice de nos métiers » que la direction a « obligé Monsieur [B] [J] à déménager son bureau le 17 janvier 2017 tout seul devant le personnel pour tous les cadres » il indique avoir lui-même avancé de neuf mois son départ à la retraite en raison de la dégradation des conditions de travail et de l'ambiance au sein de la société. S'agissant de Monsieur [B] [J], il indique que « comme beaucoup d'autres dans le groupe il avait du mal à gérer la pression et le harcèlement dont il était l'objet par les gens du siège » (pièce n° 19).

Monsieur [V], ancien directeur de l'établissement ou travaillait Monsieur [B] [J], atteste que ce dernier était particulièrement investi dans son travail et donnait le meilleur de lui-même, travaillant de neuf à dixheures par jour. Il indique qu'avec l'arrivée du nouveau président du groupe et de la nouvelle directrice des ressources humaines, « l'ambiance dans le groupe s'est fortement dégradée » et que « de nombreuses personnes ont été poussées dehors », licenciés ou démissionnaires. Il indique également que Monsieur [B] [J], comme d'autres cadres, « a subi régulièrement des pressions, des réflexions difficiles à supporter » et que le changement du système informatique a aggravé les difficultés des salariés. Ainsi, en juillet 2016, Monsieur [B] [J] a dû reporter ses congés en octobre pour suivre en toute urgence une formation informatique. Il mentionne également que les cadres devaient faire face continûment à de nouveaux projets qui ont aggravé leurs conditions de travail. Monsieur [V] expose que le nouveau management s'est traduit par la « déshumanisation et le rabaissement » des salariés a subi des faits de harcèlement. Il indique que le médecin du travail a pu constater de nombreux arrêt travail pour burn-out, dû aux « décisions incompréhensibles » de la nouvelle direction, qui ont en outre contribué à la dégradation des résultats financiers du groupe, laquelle a entraîné le départ de cette nouvelle direction. Il précise qu'il a lui-même été victime de harcèlement moral qui a eu de graves répercussions psychologiques (pièces n° 18 et 25).

Monsieur [U], qui travaillait au siège du groupe, atteste avoir constaté au milieu des années 2010 « une nettes baisse de moral de l'ensemble du personnel », leurs missions devenant épuisantes, notamment en raison de la mise en place d'un nouveau logiciel de gestion informatique et de changements fréquents de directeurs commerciaux. Il atteste que plusieurs cadres ont quitté l'entreprise pour burn out, notamment Messieurs [V], [B] [J] et [F].

Les ayants-droits de Monsieur [B] [J] produisent également un procès-verbal de réunion du comité d'entreprise du 14 novembre 2016, qui mentionne les grandes difficultés économiques auxquels doit faire face l'entreprise, la nécessité de redresser la société par des actions commerciales et marketing et par des actions sur les coûts, ainsi que la mise en place d'un dispositif de départs volontaires (pièce n° 20).

Ils produisent aussi un courriel adressé par Monsieur [B] [J] à la directrice des ressources humaines, mentionnant comme objet « demande d'aide, prolongation de mon arrêt travail jusqu'au 3 juin 2017 ». Il est fait état de ce que l'alarme de l'établissement se déclenche régulièrement sur son téléphone alors qu'il est en arrêt maladie et qu'il a reçu une lettre recommandée de l'entreprise lui « reprochant de ne pas transmettre les comptes du CE » alors que les éléments comptables sont sur son lieu de travail (pièce n° 21).

Ils présentent également un courrier du délégué personnel à la direction du travail, datée du 13 avril 2017, faisant état d'une « détérioration des concessions de travail des cadres (pièce n° 31).

Enfin, ils produisent la liste des tâches que Monsieur [B] [J] devait accomplir, liste établie par lui-même (pièce n° 30).

Sur le plan médical, les ayants-droits de Monsieur [B] [J], produisent un compte rendu du centre de consultation de pathologie professionnelle du CHU de [Localité 9] dont il ressort que ce dernier a été confié au Docteur [I], psychiatre affecté au centre, qui a mis en évidence « une fatigue psychique et intellectuelle caractéristique d'un syndrome d'épuisement professionnel de type burnout accompagné de l'expression d'une position atonalité dépressif de l'humeur ». Le rédacteur de ce compte rendu, médecin chef du service, ajoute « sur le plan professionnel, retient une surcharge de travail dans le cadre d'un changement de logiciel avec insuffisance de formation et une inadéquation entre les objectifs et les moyens » (pièce n° 22).

Ils produisent également son premier arrêt de travail d'avril 2017 mentionnant un « syndrome anxio-dépressif sévère, avec crises d'angoisse, idées noires » et une déclaration de maladie professionnelle datée du 5 septembre 2017(pièce n° 2).

L'employeur fait valoir que l'attestation de Monsieur [U] « ouvertement vexé pour avoir été sanctionné en son temps, qui se prend pour un médecin en qualifiant les pathologies de ses amis Messieurs [P] [V] et [B] [J], sans que l'on ne comprenne quels diplômes lui permettent de le faire, ne convaincra pas plus la Cour tant elle manque de précisions et dates » et que les attestations de Messieurs [V] et [N] sont tout aussi imprécises.

Il fait également valoir que Monsieur [B] [J] a menti sur ses horaires de travail, puisqu'il a indiqué à son médecin traitant que ses horaires étaient de « 8h30 à 17h30 » (pièce n° 22 de l'intimée).

S'agissant du déclenchement intempestif d'une alarme sur son téléphone, l'employeur indique lui avoir répondu que le nécessaire avait été fait afin de régler ce dysfonctionnement dont il n'avait pas eu auparavant connaissance (pièces n° 16).

Il ressort des conclusions de ses ayants-droits, que Monsieur [B] [J], au titre du harcèlement qu'il aurait subi, font valoir les faits suivants :

Le nombre excessif d'heures de travail :

La cour constate que Monsieur [B] [J] ne produit aucune pièce relative au décompte de son temps de travail. Si, dans son attestation, Monsieur [V] indique que Monsieur [B] [J] travaillait 8 à 10 heures par jour, il fait référence à une période antérieure à l'arrivée de la nouvelle direction.

En outre, la liste des tâches qu'il produit apparaissent compatibles avec son rôle de cadre comptable ; en tout état de cause, Monsieur [B] [J] ne quantifie pas les heures de travail représentées par ses différentes missions.

Les éléments médicaux qu'il produit, faisant état d'un « épuisement professionnel » ne peuvent, à eux seul, établi la matérialité d'un nombre excessif d'heures travaillées.

Ce fait n'est donc matériellement pas établi.

Sur les pressions et humiliations de la part de la direction :

Les seules précisions données à ce titre, sont que Monsieur [B] [J] a dû se rendre à une réunion à [Localité 10] et partager sa chambre d'hôte avec un autre salarié et qu'il a dû changer de bureau, sans cependant indiquer dans quelles circonstances.

Les attestations produites ne sont pas plus circonstanciées sur les humiliations et les pressions qu'il aurait personnellement subies.

Ces faits ne sont donc pas matériellement établis.

Sur le déclanchement de l'alarme de l'entreprise sur son téléphone portable pendant son

congé maladie et un congé RTT :

Outre qu'il n'est pas donné de précision sur le nombre de fois où cette alarme se serait déclenchée, les ayants-droits de Monsieur [B] [J] ne produisent aucune pièce confirmant ce fait, qui n'est donc pas matériellement établi.

Ainsi, en l'absence de faits matériellement établis permettant, pris ensemble, outre les éléments médicaux, de faire présumer l'existence d'un harcèlement, les ayants-droits de Monsieur [B] [J] seront déboutés de leur demande de voir son licenciement pour inaptitude annulé et de leurs demandes indemnitaires subséquentes, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

Sur la demande de voir juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison des manquements de l'employeur ayant contribué à la dégradation de l'état de santé de Monsieur [B] [J] :

Outre les arguments développés à l'appui de la demande de nullité de son licenciement, les ayants-droits de Monsieur [B] [J] font valoir que son employeur n'a jamais respecté son obligation d'établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, ni n'a veillé à ce que sa charge de travail soit compatible avec la législation sur les temps de repos et n'a jamais organisé l'entretien annuel prévu par le code du travail afin de s'assurer que sa charge de travail était raisonnable et a laissé Monsieur [B] [J] travailler jusqu'à l'épuisement.

L'employeur fait valoir qu'il n'a commis aucun manquement à l'obligation de sécurité et que Monsieur [B] [J] ne démontre pas l'existence d'une prétendue surcharge de travail et à fortiori le lien entre sa charge de travail et son affection à l'origine de son inaptitude.

Motivation :

Comme il l'a été indiqué ci-dessus, Monsieur [B] [J] ne produit aucune pièce quantifiant ses heures de travail et donc démontrant un éventuel non-respect par son employeur de la législation sur le temps de travail.

Dès lors, en l'absence, en outre, de harcèlement moral, il n'est pas démontré de lien entre l'inaptitude de Monsieur [B] [J] et le non-respect par son employeur de son obligation de sécurité à son égard.

La demande sera donc rejetée, de même que les demandes indemnitaires subséquentes, le jugement du conseil de prud'hommes étant infirmé sur ce point.

Sur la demande de voir juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse pour non-respect de l'obligation de reclassement :

Les ayants-droits de Monsieur [B] [J] font valoir que l'employeur, qui n'a fourni aucun registre du personnel des sociétés composant le groupe auquel il appartenait, n'a pas démontré l'existence de recherches de reclassement sérieuses et loyales.

L'employeur expose que Monsieur [B] [J] était inapte à tout reclassement dans l'entreprise où il était salarié et a effectué loyalement, des recherches de poste dans les autres entreprises du groupe, lesquelles ont permis de lui faire neuf propositions de reclassement, compte-tenu du refus de Monsieur [B] [J] de transmettre un CV et de répondre à un questionnaire lui demander un curriculum vitae à jour, ainsi qu'un questionnaire relatif à ses souhaits de reclassement (pièces n° 25, 26, 33 à 37).

L'employeur fait valoir que Monsieur [B] [J] n'a répondu à aucune de ces propositions.

Motivation :

L'employeur indique dans ses conclusions que la société SUPERGROUP appartenait, au moment du licenciement de Monsieur [B] [J] au groupe LOGISTA, composé des sociétés SUPERGROUP, ALLUMETIERE FRANÇAISE (SAF) et LOGISTA France.

Il résulte des pièces 27 et 28 produites par l'employeur que des demandes de recherche de postes de cadre comparables à celui que Monsieur [B] [J] occupait, ont été adressées aux services des ressources humaines des sociétés SAF et LOGISTA France, étant relevé que Monsieur [B] [J] était inapte à tout poste au sein de la société SUPERGROUP (pièce n°30).

Ces demandes étaient accompagnées d'informations sur ses missions et compétences et sur sa classification professionnelle, ce qu'il ne conteste pas dans ses conclusions.

Il résulte des pièces n° 33 à 36 que neuf propositions ont été adressées à Monsieur [B] [J] pour des postes de cadre de la même classification que celui qu'il occupait et correspondant à ses compétences connues, étant relevé que ce dernier n'a pas adressé de CV ni de souhait quant à d'éventuels postes qui lui conviendraient, malgré les demandes de l'employeur (pièces n° 25 et 26). Il n'est pas contesté que ce dernier n'a répondu à aucune de ces propositions, sans donner d'explication à l'employeur, pas plus que dans ses conclusions.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'employeur a satisfait à son obligation de recherche loyale de reclassement.

La demande de voir dire le licenciement de Monsieur [B] [J] sans cause réelle et sérieuse pour défaut de reclassement sera donc rejetée, ainsi que les demandes indemnitaires subséquentes, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité :

Les ayants-droits de Monsieur [B] [J] font valoir que son état de santé s'est dégradé en raison du non-respect par l'employeur de son obligation de remédier à ses conditions de travail dégradées, qui ont provoqué son burn-out et en raison de son absence de contrôle de l'amplitude, la charge de travail et l'adéquation entre activité professionnelle et sa vie personnelle.

L'employeur fait valoir que les ayants-droits de Monsieur [B] [J] ne démontrent pas l'existence d'un tel manquement et renvoie dans ses conclusions à la motivation du jugement entrepris.

Motivation :

Les pièces produites par les ayants-droits de Monsieur [B] [J], ne permettent pas d'établir un lien entre la dégradation de son état de santé et un manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur.

A cet égard, outre que le caractère professionnel de la maladie de Monsieur [B] [J] n'a pas été reconnu par la CPAM (pièce n° 7), aucune pièce n'est produite sur le temps et le rythme de travail de ce dernier, permettant d'établir que la réglementation sur les temps obligatoires de repos n'a pas été respectée par l'employeur.

En outre, il ne peut être reproché à l'employeur un manquement à son obligation de sécurité s'agissant du harcèlement moral dont il a indiqué ci-dessus qu'il n'est pas établi.

La demande de dommages et intérêts sera en conséquence rejeté, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

Sur la demande de l'indemnité spéciale de licenciement et l'indemnité compensatrice de préavis prévues par l'article L. 1226-14 du code du travail :

Les ayants-droits de Monsieur [B] [J] font valoir que l'inaptitude de Monsieur [B] [J] est d'origine professionnelle, compte-tenu du harcèlement moral qu'il a subi et des manquements de son employeur à son obligation de sécurité.

L'employeur conteste le caractère professionnel de l'inaptitude de Monsieur [B] [J].

Motivation :

Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

Outre que le caractère professionnel de la maladie ayant entrainé l'inaptitude de Monsieur [B] [J] n'a pas été reconnu par la CPAM (pièce n° 20), décision confirmée par un jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Nancy (pièce n° 24), les ayants-droits de Monsieur [B] [J] n'ont pas démontré l'existence d'un lien de causalité, même partiel, entre l'affection médicale ayant entrainé son inaptitude et ses conditions de travail, étant rappelé que l'existence d'un harcèlement moral dont aurait été victime Monsieur [B] [J] n'est pas établi, non plus qu'un quelconque manquement de l'employeur de son obligation de sécurité à son égard.

Leurs demandes seront en conséquence rejetées, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de l'illégalité de la convention de forfait :

Les ayants-droits exposent que Monsieur [B] [J] s'est vu appliquer un forfait-jour, sans qu'une convention ne soit formalisée et sans que les obligations légales et conventionnelles n'aient été respectées, et notamment pas l'obligation pour l'employeur d'assurer un contrôle des jours travaillées et d'organiser un entretien annuel relatif à sa charge de travail et à la compatibilité de celle-ci avec sa vie familiale.

Ils font valoir que du fait du dépassement systématique de la durée du travail accomplie par Monsieur [B] [J], de l'absence de suivi de sa charge de travail et du non-respect par l'employeur des dispositions relatives à la convention de forfait-jours, Monsieur [B] [J] a subi un préjudice.

L'employeur ne conteste pas que Monsieur [B] [J] ait été soumis à une convention de forfait-jour, mais fait valoir que son caractère écrit n'est pas obligatoire et qu'en tout état de cause, la demande de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions légales ou conventionnelles concernant une telle convention est subordonnée à l'existence d'un préjudice dont la preuve doit être rapportée par le salarié.

Motivation :

L'absence totale de mise en place, dans le cadre du forfait en jours, par l'employeur de modalités de contrôle du temps de travail de son salarié lui permettant de s'assurer de la compatibilité des tâches qui lui sont attribuées avec son droit au repos, constitue une exécution déloyale du contrat de travail.

L'employeur devra en conséquence verser aux ayants-droits de Monsieur [B] [J] la somme de 40 000 euros de dommages et intérêts.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens :

La société SUPERGROUP devra verser aux ayants-droits de Monsieur [B] [J] la somme de 2000 euros au titre de leurs frais irrépétibles et sera déboutée de sa propre demande.

Les parties seront condamnées au paiement des dépens qu'elles auront chacune exposés.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant contradictoirement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy, en ses dispositions soumises à la cour, en ce qu'il a condamné la société SUPERGROUP à verser aux ayants-droits de Monsieur [B] [J] des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés y afférant et en ce qu'il a débouté les ayants-droits de Monsieur [B] [J] de leur demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

CONFIRME pour le surplus, le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy en ses dispositions soumises à la cour ;

STATUANT A NOUVEAU

Dit que le licenciement de Monsieur [B] [J] pour inaptitude n'est pas abusif,

Déboute Madame [Z] [D], épouse [J], Madame [W] [J], et Monsieur [G] [J], ayants-droits de Monsieur [B] [J], de leurs demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférant,

Condamne la société SUPERGROUP à verser à Madame [Z] [D], épouse [J], Madame [W] [J], et Monsieur [G] [J], ayants-droits de Monsieur [B] [J], la somme de 40 000 euros au titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Y AJOUTANT

Condamne la société SUPERGROUP à verser à Madame [Z] [D], épouse [J], Madame [W] [J], et Monsieur [G] [J], ayants-droits de Monsieur [B] [J], la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société SUPERGROUP de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société SUPERGROUP et Madame [Z] [D], épouse [J], Madame [W] [J], et Monsieur [G] [J], ayants-droits de Monsieur [B] [J] au paiement des dépens qu'ils ont exposés pour leur propre compte.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël Weissmann, Président de Chambre et par Madame Laurène Rivory, Greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Minute en dix neuf pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 22/02403
Date de la décision : 04/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-04;22.02403 ?
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