République Française
Au nom du peuple français
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Cour d'appel de Nancy
Chambre de l'Exécution - JEX
Arrêt n° /24 du 28 MARS 2024
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 23/01642 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FG3B
Décision déférée à la cour :
Jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de BAR- LE-DUC, R.G.n° 22/00188, en date du 12 juillet 2023,
APPELANTS :
Madame [U] [E]
domiciliée [Adresse 1]
Représentée par Me Wilfrid FOURNIER, avocat au barreau de NANCY
Monsieur [M] [E]
domicilié [Adresse 3]
Représenté par Me Wilfrid FOURNIER, avocat au barreau de NANCY
Madame [A] [E]
domiciliée [Adresse 4]
Représentée par Me Wilfrid FOURNIER, avocat au barreau de NANCY
Monsieur [L] [E]
domicilié [Adresse 5]
Représenté par Me Wilfrid FOURNIER, avocat au barreau de NANCY
INTIME :
Monsieur [X] [Z]
domicilié [Adresse 2]
Représenté par Me Xavier LIGNOT de la SCP SCP CABINET LIGNOT, avocat au barreau de la Meuse
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 29 Février 2024, en audience publique devant la cour composée de : Monsieur Francis MARTIN, président de chambre,
Madame Nathalie ABEL, conseillère, chargé du rapport
Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère,
qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Mme Christelle CLABAUX-DUWIQUET ;
ARRÊT : contradictoire, prononcé publiquement le 28 mars 2024 date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile ;
signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre, et par Madame Christelle CLABAUX-DUWIQUET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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EXPOSE DU LITIGE
Le 12 septembre 2009, Mme [P] [E] et M. [X] [Z] ont conclu une convention sous seing privé relative à un terrain situé sur le territoire de la commune '[Localité 7]', portant sur un échange aux termes duquel Mme [P] [E] s'engageait à céder deux terrains de 10 et 14 ares de sa parcelle [Cadastre 6], M. [Z] s'engageant de son côté à lui concéder une servitude de passage pour relier la parcelle [Cadastre 6] à la route départementale.
Le 23 décembre 2013, Mme [P] [E] est décédée, laissant sept héritiers : Mmes [A], [S], [Y] et [U] [E] ainsi que MM. [M], [L] et [T] [E].
Par jugement du 18 janvier 2018, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Nancy du 4 juin 2019, le tribunal de grande instance de Bar-le-Duc a enjoint Mmes [A], [S], [Y] et [U] [E] ainsi que MM. [M], [L] et [T] [E] à régulariser l'acte d'échange du 12 septembre 2009 devant Me [F], notaire à [Localité 8], et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du mois suivant la signification de la décision à intervenir.
Par actes d'huissier des 17, 22, 23 et 24 février 2022, M. [Z] a fait assigner Mmes [A], [S], [Y] et [U] [E] ainsi que MM. [M], [L] et [T] [E] devant le juge de l'exécution de Bar-le-Duc aux fins de liquider l'astreinte provisoire et d'ordonner une nouvelle astreinte.
Par jugement du 12 juillet 2023, le juge de l'exécution de Bar-le-Duc a :
- déclaré recevables les prétentions de M. [Z],
- condamné in solidum Mmes [A], [S], [Y] et [U] [E] ainsi que MM. [M], [L] et [T] [E] à verser à M. [Z] la somme de 65 500 euros au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire,
- enjoint Mmes [A], [S], [Y] et [U] [E] ainsi que MM. [M], [L] et [T] [E] à régulariser l'acte d'échange du 12 septembre 2009 relatif à la parcelle cadastrée section [Cadastre 6] lieu dit 'A Rehau' d'une surface de 00ha64a42ca située sur le territoire de '[Localité 7]' devant Me [F] ou tout autre notaire de son étude à [Localité 8], et ce, dans un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision et sous astreinte provisoire de 70 euros par jour de retard passé ce délai pendant une durée de deux ans,
- rejeté la demande de garantie de M. [T] [E] et Mmes [Y] et [S] [E],
- rejeté les demandes de dommages et intérêts de Mmes [A], [S], [Y] et [U] [E] ainsi que de MM. [M], [L] et [T] [E],
- condamné in solidum Mmes [A], [S], [Y] et [U] [E] ainsi que MM. [M], [L] et [T] [E] à verser à M. [Z] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum Mmes [A], [S], [Y] et [U] [E] ainsi que MM. [M], [L] et [T] [E] aux dépens.
Par déclaration enregistrée le 25 juillet 2023, Mmes [S] [E] et [Y] [E] et M. [T] [E] ont interjeté appel du jugement précité, en toutes ses dispositions. (RG n° 1642)
Par déclaration enregistrée le 28 juillet 2023, Mmes [U] et [A] [E] et MM. [M] et [L] [E] ont interjeté appel du jugement précité, en toutes ses dispositions. (RG n° 1679)
Par conclusions déposées les 28 octobre (RG 1642) et 13 décembre 2023 (RG 23/1679), Mmes [A] et [U] [E] et MM. [M] et [L] [E] demandent à la cour de :
- joindre les deux procédures d'appel enregistrées sous les n° RG 23/01679 et 23/01642,
- infirmer le jugement,
- juger n'y avoir lieu à astreinte à la charge des consorts [E] au profit de M. [Z],
- juger n'y avoir lieu au prononcé d'une nouvelle astreinte de 70 euros par jour pendant un délai de deux ans,
- juger que les consorts [E] ne sont redevables d'aucune somme à M. [Z] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- juger que la régularisation de l'acte d'échange se fait avec la disparition de la contrepartie en violation des droits des concluants,
- condamner M. [Z] à verser à Mmes [A] et [U] [E] et à M. [M] et [L] [E] la somme de 1 200 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et la somme de 1 500 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d'appel,
- condamner M. [Z] aux dépens.
Par conclusions déposées le 24 janvier 2024 (dans les deux procédures), Mmes [S] [E] et [Y] [E] épouse [O] et M. [T] [E] demandent à la cour de :
- joindre les deux procédure d'appel enregistrées sous les numéro RG 23/01679 et 23/01642,
- réformer le jugement,
Y faisant droit et statuant à nouveau,
A titre principal,
- recevoir et faire droit à la fin de non-recevoir soulevée par M. [T] [E] et Mmes [Y] [E] épouse [O] et [S] [E],
- juger que M. [Z] est dépourvu de qualité à agir contre M. [T] [E] et Mmes [Y] [E] épouse [O] et [S] [E],
- rejeter l'action intentée par M. [Z] à l'encontre de M. [T] [E] et Mmes [Y] [E] épouse [O] et [S] [E] dès lors qu'irrecevable, et le débouter de l'intégralité de ses demandes,
- renvoyer M. [Z] à mieux se pourvoir,
Subsidiairement,
- rejeter la demande de liquidation de l'astreinte provisoire formulée par M. [Z],
faute de justifier d'un refus des consorts [E] de régulariser l'acte litigieux,
- juger que M. [Z] est défaillant à assumer la charge de la preuve,
Subsidiairement,
- condamner Mmes [A] et [U] [E] et MM. [M] et [L] [E], ès qualité de bénéficiaires de la cession, à garantir le paiement de l'intégralité des sommes mises à la charge de M. [T] [E] et de Mmes [Y] [E] épouse [O] et [S] [E],
En tout état,
- rejeter l'intégralité des demandes formées par M. [Z],
- condamner M. [Z] à payer solidairement et conjointement à M. [T] [E] et Mmes [Y] [E] épouse [O] et [S] [E] :
- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
- condamner M. [Z] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Jean Kopf, avocat aux offres de droit,
- rejeter toutes demandes, fins et conclusions contraires soutenues par M. [Z].
Par conclusions déposées le 9 janvier 2024 (dans les deux procédures), M. [Z] demande à la cour de :
- confirmer la décision du 12 juillet 2023 sauf en ce qu'elle a ordonné le prononcé d'une nouvelle astreinte, la régularisation devant notaire ayant eu lieu,
Y ajoutant,
- condamner in solidum Mmes [Y] [E] épouse [O], [S] [E], [U] [E], [A] [E] et M. [M] [E], [L] [E], et [T] [E] à verser à M. [Z] la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum Mmes [Y] [E] épouse [O], [S] [E], [U] [E], [A] [E] et M. [M] [E], [L] [E] et [T] [E] aux entiers dépens d'appel,
- rejeter toute autre demande de toute autre partie.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à leurs conclusions visées ci-dessus, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 février 2024.
MOTIFS
Il convient à titre liminaire de constater le caractère définitif de la disposition du jugement ayant rejeté la demande de dommages et intérêts de Mmes [A] et [U] [E] ainsi que MM. [M] et [L] [E].
Sur la jonction des procédures 23/1642 et 23/1679
Les consorts [E] sollicitent la jonction des procédures 23/1642 (appel interjeté par Mmes [U] et [A] [E] et MM. [M] et [L] [E]) et 23/1679 (appel interjeté par Mmes [Y] et [S] [E] et M. [T] [E]).
L'article 367 du code de procédure civile prévoit que le juge peut, à la demande des parties ou d'office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les juger ensemble.
En l'espèce, force est de constater que les deux procédures d'appel concernent effectivement le même jugement de première instance et les mêmes parties qui formulent les mêmes prétentions.
Les deux instances sont ainsi incontestablement liées par un lien tel qu'il est de l'intérêt d'une bonne justice de les juger ensemble.
Il sera en conséquence fait droit à la demande de jonction des deux procédures sous le numéro 23/1642.
Sur la recevabilité des demandes de M. [Z] à l'encontre de Mme [Y] [E], Mme [S] [E], M. [T] [E]
Mme [Y] [E], Mme [S] [E], M. [T] [E] sollicitent à titre principal l'infirmation du jugement en ce qu'il a déclaré recevables les prétentions du demandeur formées à leur encontre. Ils font valoir que par acte notarié de partage des 16 mai et 8 juin 2018, ils sont sortis de l'indivision, ce dont il n'a pas été fait état dans le cadre de la procédure d'appel par suite de la défaillance de leur conseil de l'époque. Le premier juge a écarté leur fin de non-recevoir en retenant que le partage à l'indivision était postérieur au jugement du 18 janvier 2018 confirmé par arrêt de la cour d'appel du 4 juin 2019. M. [Z] sollicite la confirmation du jugement de ce chef en soulignant qu'il se fonde sur une décision de justice devenue définitive et souligne que si l'argumentaire de Mme [Y] [E], Mme [S] [E] et M. [T] [E] devait prospérer, il n'y aurait alors pas lieu de mettre à sa charge des sommes et dépens dans la mesure où Mme [Y] [E], Mme [S] [E] et M. [T] [E] ont participé à la procédure d'appel et de cassation et que le litige actuellement en cours entre eux et leur ancien avocat est sans emport le concernant.
L'article 32 du code de procédure civile prévoit qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir. Est ainsi irrecevable toute demande formée contre une personne qui n'est pas concernée par la procédure ou contre une personne autre que celle à l'encontre de laquelle les prétentions peuvent effectivement être formées.
L'article 122 du même code prévoit que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, notamment pour défaut d'intérêt.
Aux termes de l'article 883 du code civil, chaque cohéritier est censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot et n'avoir jamais eu la propriété des autres effets de la succession. Il en est de même des biens qui lui sont advenus par tout autre acte ayant pour effet de faire cesser l'indivision.
En l'espèce, il est constant que par actes notariés des 16 mai et 18 juin 2018, Mme [Y] [E], Mme [S] [E] et M. [T] [E] sont sortis de l'indivision en ayant cédé aux autres indivisaires l'intégralité de leurs droits dont ils sont ainsi censés, en application de l'article 883 précité, n'avoir jamais été titulaires, ce qui implique notamment qu'ils n'avaient pas qualité pour régulariser l'acte notarié réclamé par le demandeur, l'acte d'échange ayant d'ailleurs été régularisé en novembre 2023 sans leur concours.
Ces actes de partage ont été régulièrement publiés à la conservation des hypothèques de Bar-le-Duc les 22 mai et 13 juin 2018 et sont dès lors opposables aux tiers et notamment à M. [Z] qui s'est trouvé dès lors dénué d'intérêt à agir à leur encontre, étant de surcroît souligné que le partage de l'indivision est intervenu avant qu'une décision définitive n'intervienne, l'arrêt de la cour d'appel n'ayant été rendu que le 4 juin 2019. De surcroît, il est constant que la cour d'appel de Nancy n'a pas été informée de ce que Mme [Y] [E], Mme [S] [E] et M. [T] [E] étaient sortis de l'indivision, ce qui constitue un fait juridique nouveau ne permettant pas d'opposer à Mme [Y] [E], Mme [S] [E], M. [T] [E] l'autorité de chose jugée attachée à cet arrêt qui ne visait ces derniers qu'en qualité de membres de l'indivision.
Il en résulte que le demandeur est irrecevable à agir contre Mme [Y] [E], Mme [S] [E] et M. [T] [E].
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement de ce chef et en ce qu'il a :
- condamné in solidum Mme [Y] [E], Mme [S] [E] et M. [T] [E] à verser à M. [Z] la somme de 65 500 euros au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire,
- enjoint Mme [Y] [E], Mme [S] [E] et M. [T] [E] à régulariser l'acte d'échange du 12 septembre 2009 dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision et sous astreinte provisoire de 70 euros par jour de retard passé ce délai pendant une durée de deux ans,
- condamné in solidum Mme [Y] [E], Mme [S] [E] et M. [T] [E] à verser à M. [Z] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum Mme [Y] [E], Mme [S] [E] et M. [T] [E] aux dépens.
Sur la liquidation de l'astreinte
Le premier juge a, conformément à l'argumentation du demandeur, liquidé l'astreinte à compter du 12 août 2019 en relevant que le dernier acte de signification de l'arrêt du 4 juin 2019 datait du 12 juillet 2019 et que les consorts [E] ne justifiaient pas d'une cause étrangère les ayant empêchés d'exécuter leur obligation de régulariser l'acte du 12 septembre 2009.
Les consorts [E] sollicitent l'infirmation du jugement de ce chef et demandent à la cour de supprimer ou à défaut de réduire considérablement l'astreinte en se prévalant d'une cause étrangère. Ils font valoir que M. [Z] est un promoteur immobilier qui a profité de la naïveté de feu [P] [E], alors âgée de 86 ans, pour lui faire conclure un contrat dépourvu de cause dans la mesure où le désenclavement de la parcelle de leur aïeule (obligation pesant sur M. [Z]) était en réalité prévu par la commune ce dont M. [Z] aurait été informé. Ils ajoutent que M. [Z] est le seul responsable de l'écoulement des délais, n'ayant délibérément entrepris aucune démarche pour faire régulariser l'acte.
Aux termes de l'article L 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, l'astreinte provisoire est liquidée en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. Elle est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.
Il appartient ainsi au juge, saisi en vue d'une liquidation d'astreinte provisoire, non seulement de prendre en compte le comportement des débiteurs de l'obligation et les difficultés auxquelles ils se sont heurtés pour l'exécuter mais également de s'assurer que le montant de l'astreinte est raisonnablement proportionné à l'enjeu du litige.
Enfin, la disposition par laquelle est prononcée une astreinte ne tranche aucune contestation et n'a donc pas l'autorité de la chose jugée. En revanche dès lors qu'elle tranche une contestation, la disposition du jugement condamnant le débiteur à une obligation a autorité de la chose jugée.
En l'espèce, il convient à titre liminaire de constater qu'a autorité de la chose jugée la disposition de l'arrêt de la cour d'appel de Nancy du 4 juin 2019 ayant confirmé la condamnation des consorts [E] à régulariser l'acte d'échange signé par feu [P] [E], cette disposition étant expressément motivée par le fait que le vice du consentement invoqué par ses héritiers n'était pas établi.
Il est constant que l'acte litigieux a désormais été régularisé par acte authentique signé par Mmes [U] et [A] [E] et MM. [M] et [L] [E] le 9 novembre 2023, soit postérieurement à l'arrêt de la cour d'appel de Nancy confirmant le jugement ayant prononcé l'astreinte.
Il est également constant que la seule démarche amiable de M. [Z] a consisté en une mise en demeure adressée aux consorts [E] le 7 octobre 2016, soit plus de 7 ans après la signature de l'acte sous seing privé. Les consorts [E] lui ont alors répondu, par courriel du 18 novembre 2016, qu'ils n'entendaient pas donner suite à cette convention qui n'était selon eux 'pas valable' et ne pouvait donc pas ' être mise exécution' du fait de l'absence de contrepartie à la cession à son profit de deux parcelles. M. [Z] n'a ainsi entrepris aucune autre démarche en vue de la régularisation de l'acte, notamment entre la signature de l'acte sous-seing privé le 12 septembre 2009 avec feu [P] [E] et le décès de cette dernière le 23 décembre 2013, soit pendant près de quatre ans ni à la suite de l'arrêt de la Cour de cassation avant qu'il ne saisisse le juge de l'exécution en février 2022, se contentant de produire une attestation de son notaire du 2 mars 2022 indiquant qu'à sa connaissance, les consorts [E] ne s'étaient pas manifestés pour régulariser l'acte authentique.
Concernant le comportement des consorts [E], il était légitime et justifié qu'ils attendent l'issue de leur pourvoi en cassation exercé contre l'arrêt du 4 juin 2019, dans la mesure où, si un tel pourvoi n'est effectivement pas suspensif en droit, il n'était pas non plus exclu qu'intervienne une cassation de l'arrêt suivie d'une décision définitive infirmant le jugement du 18 janvier 2018, ce qui aurait abouti à une situation de fait inextricable si un acte authentique avait été régularisé entre-temps. M. [Z] a d'ailleurs lui-même attendu l'issue de ce pourvoi, rejeté par arrêt de la Cour de cassation du 24 mars 2021, pour saisir le juge de l'exécution afin de solliciter la liquidation de l'astreinte en février 2022. Il en ressort que la période antérieure au 24 mars 2021 ne peut pas être retenue au titre de la liquidation de l'astreinte.
Aucune démarche quelconque n'a ensuite été entreprise, par l'ensemble des parties, entre cet arrêt de la Cour de cassation et la saisine du juge de l'exécution par M. [Z] en février 2022.
Il est cependant justifié qu'à réception de l'assignation devant le juge de l'exécution, Mme [A] [E] a, par courriel du 8 mars 2022, au nom des autres coïndivisaires, contacté leur notaire pour que le nécessaire soit fait en vue de l'établissement de l'acte litigieux.
De nombreux mails ont alors dû être échangés pour aboutir à la signature de l'acte le 9 novembre 2023, soit près de 20 mois plus tard, du fait des importantes difficultés rencontrées par le notaire pour identifier précisément les parcelles concernées ainsi que la propriété des parcelles d'assiette des servitudes à constituer. Il ressort en particulier d'un courriel adressé par le notaire des consorts [E] au notaire de M. [Z] le 14 septembre 2022 qu'il s'agit « d'échanger deux parcelles d'environ 10 ares et 14 ares précédemment 192 et 193 contre la constitution de servitude sur les parcelles [Cadastre 11], [Cadastre 9] et [Cadastre 10]. Or les parcelles d'assiette des servitudes à constituer ne semblent plus appartenir à M. [Z]. Je suis d'avis que la décision est donc inapplicable en l'état de la propriété actuelle des biens considérés. »
Il en ressort que Mme [A] [E], pour le compte des consorts [E], a fait tout ce qui était en son pouvoir (en rassemblant des documents cadastraux, des extraits de délibération du conseil municipal, des documents d'arpentage, des demandes d'état des parcelles de M. [Z]) pour mener à bien la régularisation de l'acte authentique, le notaire de M. [Z] étant resté longtemps silencieux, ainsi qu'il ressort des courriels du notaire des consorts [E] des 5 octobre 2022 et 8 mars 2023 précisant n'avoir reçu aucune réponse à ses demandes. C'est encore Mme [A] [E] qui a pris l'initiative de contacter le notaire de M. [Z] qui a, dans un courriel du 10 août 2023, précisait (M° [G] succédant à M° [F]) : « Il convient de régulariser un acte d'échange comme nous l'y enjoint le tribunal. Toutefois, il convient de reprendre la convention sous-seing-privé d'origine et de la rappeler en indiquant que certaines obligations mises à la charge de M. [Z] et notamment la constitution de servitude ne peut plus avoir lieu du fait de la rétrocession dans le domaine public.», Me [G] précisant ensuite «de toute façon je ferai une lettre au tribunal pour expliquer les difficultés».
L'acte authentique, finalement régularisé le 9 novembre 2023, mentionne expressément que l'objet principal de l'échange, à savoir la constitution d'une servitude de passage par M. [Z] au profit des consorts [E] n'a pas pu être réalisée du fait de la rétrocession des parcelles concernées à la commune. M. [Z] ne conteste par ailleurs pas qu'il a, en vertu de cet acte, récupéré quant à lui deux terrains d'une valeur approximative de 30'000 euros sans réelle contrepartie.
Il résulte de ce qui précède que, si les consorts [E] ont attendu près d'une année après le rejet de leur pourvoi en cassation (en mars 2021) pour entreprendre (début mars 2022) des démarches pour régulariser l'acte litigieux, il n'en reste pas moins qu'ils se sont alors heurtés à des difficultés quasi-insurmontables aux yeux mêmes des professionnels du droit ayant eu à préparer cet acte et liées à l'évolution de la propriété des biens concernés et notamment à l'impossibilité de constituer une servitude de passage ainsi qu'il avait été convenu dans l'acte d'échange du 12 septembre 2009.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il convient d'infirmer le jugement et de liquider l'astreinte à un montant raisonnablement proportionné à l'enjeu du litige, soit à la somme de 1 000 euros.
Sur le prononcé d'une nouvelle astreinte
Il est constant que l'acte d'échange a finalement été régularisé selon acte notarié signé le 9 novembre 2023 entre d'une part M. [Z] et d'autre part Mmes [U] et [A] [E] et MM. [M] et [L] [E].
Il convient dès lors de constater que la demande de M. [Z] tendant au prononcé d'une nouvelle astreinte est devenue sans objet et en conséquence, conformément à ce qui est sollicité par l'ensemble des parties, d'infirmer le jugement en ce qu'il a enjoint, sous astreinte, Mmes [U] et [A] [E] et M. [M] et [L] [E] à régulariser l'acte d'échange du 12 septembre 2009 relatif à la parcelle cadastrée section [Cadastre 6] lieu dit 'A Rehau' située sur le territoire de '[Localité 7]'.
Sur la demande de dommages et intérêts formée par Mme [Y] [E], Mme [S] [E], M. [T] [E]
Mme [Y] [E], Mme [S] [E], M. [T] [E] sollicitent la condamnation de M. [Z] à leur payer la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts en faisant valoir que le demandeur a engagé cette procédure à leur encontre avec légèreté et a tenu des affirmations mensongères témoignant de sa volonté de leur nuire.
Il n'est cependant pas démontré que M. [Z] ait été informé, avant la présente procédure, du partage de l'indivision, de telle sorte que c'est à bon droit que le premier juge a rejeté cette demande.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement de ce chef.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Compte tenu de l'issue du litige, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum Mme [Y] [E], Mme [S] [E] et M. [T] [E] aux dépens ainsi qu'à verser à M. [Z] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Mmes [A] et [U] [E] et MM. [M] et [L] [E] qui restent débiteurs envers M. [Z] seront condamnés aux entiers dépens. L'équité commande par ailleurs de confirmer le jugement en ce qu'il condamné insolidum Mmes [A] et [U] [E] et MM. [M] et [L] [E] à payer à M. [Z] une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de les condamner à ce titre à hauteur d'appel à payer à M. [Z] une somme de 500 euros supplémentaire.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Ordonne la jonction des procédures 23/1642 et 23/1679 sous le numéro RG 23/1642 ;
Infirme le jugement en ce qu'il a :
- déclaré recevables les prétentions de M. [Z] à l'encontre de Mme [Y] [E], Mme [S] [E], M. [T] [E] ;
- condamné in solidum Mmes [A], [S], [Y] et [U] [E] ainsi que MM. [M], [L] et [T] [E] à verser à M. [Z] la somme de 65 500 euros au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire ;
- enjoint Mmes [A], [S], [Y] et [U] [E] ainsi que MM. [M], [L] et [T] [E] à régulariser l'acte d'échange du 12 septembre 2009 relatif à la parcelle cadastrée section [Cadastre 6] lieu dit 'A Rehau' d'une surface de 00ha64a42ca située sur le territoire de '[Localité 7]' devant Me [F] ou tout autre notaire de son étude à [Localité 8], et ce, dans un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision et sous astreinte provisoire de 70 euros par jour de retard passé ce délai pendant une durée de deux ans ;
- condamné in solidum Mme [Y] [E], Mme [S] [E] et M. [T] [E] à verser à M. [Z] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum Mme [Y] [E], Mme [S] [E] et M. [T] [E] aux dépens ;
Le confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant ;
Déclare irrecevables les demandes de M. [Z] à l'encontre de Mme [Y] [E], Mme [S] [E] et M. [T] [E] ;
Condamne in solidum Mmes [A] et [U] [E] ainsi que MM. [M] et [L] [E] à verser à M. [Z] la somme de 1 000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte ;
Constate que la demande de M. [Z] tendant au prononcé d'une nouvelle astreinte est devenue sans objet ;
Condamne in solidum Mmes [A] et [U] [E] et MM. [M] et [L] [E] à payer à M. [Z] une somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Rejette les demandes formées par Mmes [A] et [U] [E] et MM. [M] et [L] [E] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Condamne in solidum Mmes [A] et [U] [E] et MM. [M] et [L] [E] aux entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel concernant Mme [Y] [E], Mme [S] [E] et M. [T] [E] au profit de Me [I] [V] ;
Le présent arrêt a été signé par Monsieur MARTIN, président de chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame Christelle CLABAUX-DUWIQUET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Minute en douze pages.