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28/03/2024 | FRANCE | N°23/00468

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 28 mars 2024, 23/00468


ARRÊT N° /2024

PH



DU 28 MARS 2024



N° RG 23/00468 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FEHZ







Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANCY

20/00157

06 février 2023











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANTE :



Madame [S] [W]

[Adresse 2]r>
[Localité 3]

Représentée par Me Hervé MONTAUT de la SELAFA ACD, avocat au barreau d'EPINAL









INTIMÉE :



S.A. ORPEA prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Gilles BONLARRON de la SELARL MRB, avocat au barreau de PARIS

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ARRÊT N° /2024

PH

DU 28 MARS 2024

N° RG 23/00468 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FEHZ

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANCY

20/00157

06 février 2023

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

Madame [S] [W]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Hervé MONTAUT de la SELAFA ACD, avocat au barreau d'EPINAL

INTIMÉE :

S.A. ORPEA prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Gilles BONLARRON de la SELARL MRB, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : BRUNEAU Dominique,

STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats : RIVORY Laurène

DÉBATS :

En audience publique du 21 Décembre 2023 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 21 Mars 2024 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 28 Mars 2024 ;

Le 28 Mars 2024, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Madame [S] [W] a été engagée sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société SA ORPEA à compter du 19 novembre 2018, en qualité de directrice d'exploitation de la résidence « [Adresse 6] » à [Localité 7].

Le temps de travail de la salariée était soumis à une convention de forfait jours annuel, fixé à hauteur de 213 jours.

Par courrier du 04 octobre 2019, Madame [S] [W] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 18 octobre 2019.

Par courrier du 25 octobre 2019, Madame [S] [W] a été licenciée pour faute grave.

Par requête du 20 mai 2020, Madame [S] [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy, aux fins :

- de dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- de condamner la société SA ORPEA à lui verser les sommes suivantes :

- 14 179,47 euros à titre d'indemnité de préavis, outre la somme de 1 417,95 euros de congés payés afférents,

- 1 378,56 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 9 452,98 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 10 000,00 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- 2 000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

- d'ordonner l'exécution provisoire du jugement.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 06 février 2023, lequel a :

- dit que le licenciement de Madame [S] [W] est fondé sur une faute grave,

- débouté Madame [S] [W] de ses demandes,

- laissé à chaque partie ses propres dépens,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Vu l'appel formé par Madame [S] [W] le 03 mars 2023,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de Madame [S] [W] déposées sur le RPVA le 05 juin 2023, et celles de la société SA ORPEA déposées sur le RPVA le 21 août 2023,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 06 décembre 2023,

Madame [S] [W] demande :

- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 06 février 2023 en ce qu'il a :

- dit que le licenciement de Madame [S] [W] est fondé sur une faute grave,

- débouté Madame [S] [W] de ses demandes,

- laissé à chaque partie ses propres dépens,

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société SA ORPEA de ses demandes,

*

Statuant à nouveau :

- de requalifier le licenciement pour faute grave de Madame [S] [W] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- en conséquence, de condamner la société SA ORPEA à lui verser les sommes suivantes :

-14 179,47 euros à titre d'indemnité de préavis,

- 1 417,95 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

- 1 378,56 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 9 452,98 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 10 000,00 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- 2 000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance prud'homales,

- 3 500,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,

- de condamner la société SA ORPEA aux entiers dépens y compris ceux liés à l'exécution du jugement à intervenir.

La société SA ORPEA demande :

- de déclarer la société SA ORPEA recevable en ses conclusions d'intimée, et les dire fondées,

- de confirmer le jugement dont appel,

- en conséquence, de débouter Madame [S] [W] de l'intégralité de ses demandes,

- de condamner Madame [S] [W] au paiement de la somme de 1 500,00 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières conclusions de Madame [S] [W] déposées sur le RPVA le 05 juin 2023, et de celles de la société SA ORPEA déposées sur le RPVA le 21 août 2023.

Sur le licenciement pour faute grave :

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :

« Nous faisons suite à notre entretien du 18 octobre 2019, et au cours duquel nous vous avons exposé les griefs nous ayant contraints à envisager la rupture de votre contrat de travail.

En effet, nous avons constaté de graves dysfonctionnements dans l'exercice de vos fonctions de Directrice Exploitation au sein de notre Résidence.

Lors de vos échanges avec la Direction régionale, et confirmés par plusieurs salariés le 23 septembre 2019, nous avons pu constater qu'après bientôt un an de présence dans la structure, vous ne parveniez toujours pas à vous orienter au sein des locaux de la résidence, confondant régulièrement les différents services.

Ainsi, lors de visite de la résidence par des familles ou visiteurs extérieurs, vous demandiez régulièrement à vos collaborateurs où se trouvaient les secteurs notamment des [Adresse 5] allant même jusqu'à vous faire accompagner par des membres du personnel.

De même, nous avons également eu le regret de constater plusieurs lacunes importantes dans la gestion de la Résidence. Ces lacunes concernent aussi bien les salariés que les résidents.

Aussi, le 23 septembre 2019, il a été porté à notre connaissance que régulièrement des temps d'échange institutionnels étaient prévus avec les équipes de la Résidence, pour autant ces derniers n'étaient jamais réalisés faute de disponibilité de votre part. Ainsi, malgré votre note de service du 02 avril complétée par celle du 29 juin 2019, aucune réunion ne s'est tenue faute de votre présence.

En qualité de Directrice Exploitation, et donc de membre de l'encadrement, vous ne pouvez ignorer que pour le bon fonctionnement des équipes et de la résidence dans son ensemble il est nécessaire que des temps d'échange et de transmission soient régulièrement organisés au sein de la Résidence. Votre présence et votre investissement y étaient d'autant plus exigés.

Cette absence de temps d'échange n'a pas permis à vos équipes de pouvoir communiquer sur leurs éventuels besoins, souhaits ou problématiques rencontrées dans l'exercice de leurs fonctions. Plusieurs salariés nous ont confié regretter ce manque d'investissement et de considération de votre part.

Ce manque de considération est renforcé par votre méconnaissance de vos équipes.

Ainsi, régulièrement vous confondiez les prénoms des salariés en leur présence ou lors d'échanges oraux, malgré plusieurs mois d'exercice sur votre poste. Pour exemple, et notamment le 03 septembre 2019, une famille particulièrement choquée par votre attitude nous a indiqué que vous aviez tenu les propos suivants : « c'est qui [C] ' », alors que cette salariée est affectée de longue date au même secteur de soins.

De plus, vos arrivées tardives très fréquentes sur la résidence, vous empêchaient de faire le tour de la résidence chaque matin afin de saluer vos équipes et résidents, ou encore prendre les transmissions et coordonner le pilotage quotidien de la résidence, renforçant ainsi votre méconnaissance des organisations et des salariés y contribuant.

Pour rappel, en application de l'article 5 de votre contrat de travail signé en date du 19 novembre 2018, vous vous êtes engagée à consacrer le temps nécessaire à l'accomplissement des tâches liées à votre fonction de Directrice Exploitation.

Le 22 août 2019 a été porté à la connaissance de la Direction régionale que vous avez notamment validé la participation à un voyage thérapeutique du 09 au 12 septembre 2019 de deux aide-soignants affectés au même service des Chardons Bleus, sans vous assurer au préalable de la possibilité de présence d'un salarié titulaire dans ce service afin d'assurer la continuité de prise en charge dans cette période sensible de fin de congés estivaux. A la remarque de cette difficulté formulée par un membre du staff vous avez répondu - ce n'est que pour 3 jours », en méconnaissance des contraintes afférentes à ce type d'organisation d'absence ainsi que « je n'avais pas réalisé qu'ils travaillaient ensemble sur le même secteur. Toute façon il y aura l'AV. » en méconnaissance de la composition de vos équipes, des rôles propres de chacun et des plannings de votre résidence.

De plus, vous avez informée l'assistante de Direction de ce besoin de remplacement durant ses congés estivaux du 29 juillet au 18 aout 2019, soit le 30 juillet 2019 ne permettant pas en conséquence d'anticiper suffisamment la mise en oeuvre du remplacement nécessaire.

A cette occasion, nous avons également pu constater la méconnaissance de la procédure STA 001, précisant que - la direction organise chaque semaine à jour et horaires fixes une réunion direction appelée Réunion STAFF », seuls un staff par mois a été mis en place sur juin, juillet, aout et septembre, le dernier remontant au 28 mars 2019. Ce non-respect de notre procédure, tant en quantité qu'en qualité, engendre un manque de coordination entre les différents responsables, pourtant impératif pour le bon fonctionnement d'une résidence.

Dans le même registre, nous avons pu constater que le plan d'action qualité de la résidence, également élément de communication avec nos autorités de tutelles, n'était pas suivi ni mit en oeuvre.

A la date du 16 septembre 2019, nous avons relevé 57 actions avec des échéances dépassées et cela sans aucune intervention de votre part. Pour rappel, en qualité de Directrice exploitation vous êtes chargée de veiller à la bonne application de la démarche qualité du groupe, et lorsque cela est nécessaire prendre toutes les mesures correctives qui s'imposent afin d'assurer une prise en charge de qualité à chacun des résidents accueillis.

Cette situation est totalement inadmissible et porte gravement atteinte à la bonne gestion de la résidence mais également à la prise en charge apportée aux résidents, ce que nous ne saurions admettre.

La même problématique a pu être constatée à cette occasion avec l'outil Gmasse. En effet, la gestion et maitrise de l'ensemble des outils de pilotage de la masse salariale reposait totalement sur votre assistante, de la simple demande de remplacement aux reportings et analyses à transmettre en Direction Régionale, en méconnaissance totale de votre délégation de compétences et de missions.

Or, en votre qualité de Directrice Exploitation, et au regard des différents manquements constatés, vous n'êtes pas sans savoir qu'il vous appartient de vous assurer de la bonne administration du personnel (absences, remplacement, formalités administratives, contrats de travail, etc.) et cela afin de garantir le bon fonctionnement de la structure en toutes circonstances.

De plus, malgré le souhait de la Direction Régionale d'être tenue informée en permanence de toutes les demandes RH formulées auprès du service du siège, demande renouvelée systématiquement lors des réunions mensuelles des Directeurs de la région la dernière ayant eu lieu 03 septembre 2019 nous avons eu la surprise de constater qu'une salariée était convoquée à un entretien préalable à licenciement, convocation remise le 11 septembre 2019 et cela sans disposer de davantage d'informations sur les manquements lui étant reprochés et leurs évolutions alors même que vous aviez vous-même constaté les manquements en date du 16 aout 2019.

Le 30 septembre dernier, vous avez une nouvelle fois enfreint les consignes dispensées par votre hiérarchie.

En effet, alors que vous étiez en arrêt maladie il vous a été rappelé que vous ne deviez plus vous présenter sur la structure durant toute la durée de votre arrêt de travail. Pour autant, plusieurs salariés nous ont indiqué que vous vous êtes présentée sur la résidence le 30 septembre et êtes repartie en emportant un dossier avec vous.

Toujours durant votre arrêt maladie, un résident a montré plusieurs de vos échanges sms entre ce dernier et vous-même à d'autres résidents de la structure et membres du personnel. Plusieurs salariés nous ont indiqué que vos SMS évoquaient le fait que vous auriez été « virée comme une malpropre » créant ainsi un vif émoi au sein de la résidence.

Par cette attitude vous contrevenez très clairement à vos obligations contractuelles qui prévoient notamment un devoir de réserve à adopter en toutes circonstances, mais entachez également l'image de la Résidence auprès des résidents et de leurs familles, ce que nous ne saurions admettre.

Nous avons également pu constater des problématiques similaires dans la prise en charge des résidents accueillis au sein de la structure.

En effet, en traitant les affaires courantes de la résidente le 03 octobre 2019, nous avons pu constater que plusieurs échanges relatifs à des résidents présentaient des inversions de nom, par exemple Madame [A] au lieu de Madame [E]. Par ces négligences, le risque d'erreur dans la gestion administrative et quotidienne est d'autant plus accru, ce que nous ne saurions admettre.

Concernant la prise en charge des résidents accueillis au sein de notre structure, nous avons été informés le 23 septembre 2019 du fait que vous aviez validé l'admission de quatre nouveaux résidents sans que pour autant leurs dossiers médicaux n'aient obtenu la validation de l'équipe médicale, préalable normalement indispensable à l'intégration de tout nouveau résident conformément à la procédure ANR 001 Pré-Admission d'un nouveau résident.

De fait, n'ayant pas les compétences requises à l'évaluation des profils médicaux des nouveaux résidents entrants, vous avez mis en jeu la sécurité de ces personnes âgées et la responsabilité de la résidence.

Par vos défaillances dans la tenue de la Résidence qui vous a été confiée, vous nuisez à son image et de fait à l'image du Groupe ORPEA CLINEA, ce que nous ne pouvons tolérer.

En outre, tout au long de l'entretien préalable, au cours duquel vous n'avez pu nous apporter aucune justification à vos manquements, vous n'avez pas semblé prendre conscience de la gravité de vos défaillances et des conséquences qu'engendre votre attitude tant sur le bon fonctionnement de la Résidence que pour les résidents qui y sont accueillis.

En conséquence, et au regard de tous ces éléments nous nous voyons dans l'obligation de vous notifier, par la présente, votre licenciement immédiat pour faute grave » (pièce n° 6 de l'intimée).

L'employeur articule huit griefs dans ses conclusions :

Sur le grief de ne pas savoir s'orienter dans la résidence après un an de présence :

L'employeur produit l'attestation de Madame [H], infirmière coordinatrice, qui indique que Madame [S] [W] « n'allait jamais dans les étages, si bien qu'elle avait besoin d'être accompagnée pour s'y rendre, ne sachant pas s'orienter pour s'y rendre » (pièce n°9).

Il produit également l'attestation de Madame [L], assistante de direction, qui indique que Madame [S] [W] lui demandait « très souvent » d' « effectuer des visites d'établissement à sa place parce qu'elle ne savait pas s'orienter dans la résidence » (pièce n° 10).

Madame [S] [W] conteste ce grief et précise que les visites étaient partagées avec Madame [L], elle-même prenant en charge celles programmées entre 17 et 19 heures.

Elle ne produit aucune pièce sur ce point.

Les deux attestations sont concordantes sur le fait que Madame [S] [W] ne connaissait pas la géographie de l'établissement dont elle avait la direction, ce qui, compte-tenu de ses responsabilités, constitue une faute professionnelle.

Sur l'absence de tenue régulière des staffs :

L'employeur expose que Madame [S] [W] n'a tenu que quatre staffs (réunions de la direction et des cadres de santé et de l'assistante, du chef cuisine et de la maitresse de maison) de mars à septembre 2019, ce qui a provoqué des dysfonctionnements dans la circulation de l'information au sein du staff.

Il se réfère aux attestations de Mesdames [H] et [L], qui indiquent, pour la première que « aucun staff n'a été fixé du 28/3/19 au 27/6/19, de ce fait nous nous retrouvions confrontés à un manque d'informations nécessaires (coupure d'eau sur la résidence, modifications de planning, visites d'établissement, validations d'entrées sans accords des médecins, non-respect du temps d'échange programmé et annoncé aux équipes etc. » (pièce n° 9) et pour la seconde, qu'aucun staff hebdomadaire n'a été tenue entre le 28 mars et 27 juin 2019 et qu'en conséquence « l'équipe se retrouvait en difficulté par rapport au fait que Madame [S] [W] me transmettait bon nombre d'informations me laissant croire que l'ensemble du staff les avait également. Et ce n'était pas le cas. » (Pièce n° 10).

Madame [S] [W] expose qu'elle a voulu mettre en place des « temps d'échange mensuels », « afin de nouer contact avec les équipes à sa prise de poste » et que trois se sont tenus en avril, mai et juin 2019.»

Elle fait valoir qu'à partir de juillet 2019, les salariés ne se sont plus présentés à ces réunions malgré ses rappels et qu'en outre, elle avait reçu pour instruction, à la suite d'un mouvement de grève, de ne pas répondre aux revendications qui pourraient être formulées en ces occasions.

Enfin, elle indique que ces réunions n'étaient pas obligatoires.

Sur ce :

Il résulte de la « Fiche Métier » de l'entreprise, que les directeurs d'établissements doivent « S'assurer de la tenue et de l'animation des réunions de staffs hebdomadaires » (pièce n° 6 de l'intimée).

La tenue hebdomadaire des staffs est également prévue par une « Note interne » (pièce n°16 de l'intimée).

Madame [S] [W] ne prétend pas dans ses conclusions ne pas avoir eu connaissance de ces documents.

Le fait de n'avoir organisé que trois réunions de ce type, contrevient non seulement à la Fiche Métier et à la Note interne évoquées ci-dessus, mais encore a eu pour effet des déperditions d'informations, étant relevé que le « staff » est composé des personnels encadrants de l'établissement et que sa réunion régulière apparaît nécessaire à son bon fonctionnement.

Madame [S] [W] ne conteste pas l'absence de ces réunions, en en rendant cependant responsables les salariés de l'établissement, sans produire de pièce à cet égard. En outre, l'instruction qui lui aurait été donnée de ne pas y aborder des revendications salariales, n'était pas incompatible avec la tenue de réunions régulières du staff, dont l'objet était le partage d'information sur le fonctionnement de l'établissement.

Le grief est donc établi.

Sur le manque de considération et de connaissance des équipes :

Madame [L] indique dans son attestation que le 5 septembre 2019, alors que les soignantes de l'établissement avaient demandé à la rencontrer, Madame [S] [W] a débuté la réunion en leur déclarant « je ne suis pas à votre disposition », « c'est à moi de vous convoquer et pas l'inverse, vous avez 5 minutes pour vous exprimer, je ne répondrai à rien » ; Madame [L] précise que la réunion a duré à peine 10 minutes et que le comportement de Madame [S] [W] a incité les salariées concernées se mettre en grève la semaine suivante.

Madame [L] indique également que Madame [S] [W] « dénigrait complètement ses équipes, à ne jamais dire bonjour, ne passant jamais dans les étages, se trompant dans les noms et prénoms de chacun et qu'en outre elle ne se présentait pas aux « temps d'échanges » prévus avec le personnel (pièce n° 10).

Madame [H] confirme les propos tenus par Madame [S] [W] lors de la réunion du 5 septembre avec les soignantes. Elle expose également qu'aucun membre de l'équipe n'a eu d'entretien individuel, Madame [S]  [W] lui ayant dit « on s'en fout on verra plus tard ».

Il résulte également des attestations de ces deux salariées, que Madame [S] [W] ne respectait pas ses astreintes et permanences, les obligeant à la remplacer au pied levé et arrivait tard sur son lieu de travail, pour en repartir tôt.

Madame [S] [W] conteste le grief, évoquant des accusations mensongères. Elle indique notamment qu'elle ne pouvait connaître les identités des 70 salariés de l'établissement, compte tenu de l'important turnover et qu'elle arrivait au bureau à 9h-9H30, pour en repartir à 19h-19h30. Elle ne donne en revanche aucune indication spécifique sur la réunion du 5 septembre 2019 évoqué par les deux attestations.

Sur ce :

Il résulte des attestations concordantes de Mesdames et [H] et [L], que Madame [S] [W] a eu une attitude agressive envers le personnel lors d'une réunion demandée par ces derniers et qu'elle a eu une attitude désinvolte vis-à-vis de Madame [H] en l'obligeant à assurer des permanences ou des astreintes qui lui revenaient.

4) Sur la validation d'un voyage thérapeutique de résidents du 9 au 12 septembre 2019, sans prévoir le remplacement du personnel accompagnant :

L'employeur expose que Madame [S] [W] avait été informée de ce que les deux aides-soignantes qui devaient accompagner les résidents appartenaient au même secteur, y entraînant, en cas de départ, un sous-effectif ne permettant pas de garantir la continuité des soins, mais qu'elle n'avait pris aucune décision pour remédier à cette situation.

L'employeur, outre les attestations de Mesdames [L] et [I], relatant cet incident, produit des courriels échangés entre Madame [S] [W], Madame [L] et entre cette dernière et le directeur régional d'ORPEA (pièce n° 12).

Madame [S] [W] fait valoir que ce grief est mensonger. Elle expose que le 22 août 2019, le voyage n'était toujours pas validé, le médecin coordonnateur ayant contacté la direction régionale pour avoir son accord, en raison de son absence due à sa prise de congés payés.

Elle indique qu'à son retour de le 2 septembre 2019, elle a répondu qu'elle était en désaccord avec l'IDEC sur le nombre d'accompagnateurs, ne jugeant pas utile que 3 salariés encadrent 3 résidents, d'où son refus que [D], Ergothérapeute, prenne part au voyage.

Elle précise que Madame [L] ayant écrit dans la foulée qu'elle n'avait toujours pas pu trouver de remplaçant pour combler le manque d'un accompagnateur, elle avait décidé de ne pas valider le voyage thérapeutique.

Motivation :

Il ne résulte pas des courriels et des attestations produits par l'employeur que Madame [S] [W] n'a pas compris la problématique qui lui a été soumise, ni que son inaction supposée ait empêché l'organisation du voyage prévu.

Le grief n'est donc pas établi.

5) Sur le grief d'avoir négligé le suivi du plan d'action annuel :

Dans la lettre de licenciement, l'employeur expose qu'au 16 septembre 2019, 57 actions qui auraient dû être réalisées avaient vu leur date d'échéance dépassées.

Madame [S] [W] expose que l'employeur ne démontre pas ce fait.

Motivation :

La cour constate que l'employeur ne développe pas ce grief dans ses conclusions et ne produit aucune pièce qui y soit relative.

Le grief n'est donc pas établi.

6) Sur le grief d'avoir convoqué une salariée à un entretien préalable sans avoir informé sa hiérarchie :

L'employeur expose que Madame [S] [W] a informé la direction régionale, le 11 septembre 2019, avoir remis à une salariée, Madame [V], un courrier de convocation à un entretien préalable au licenciement pour le 18 septembre suivant, alors que la direction régionale aurait dû être en avisée en amont. Il précise que la procédure disciplinaire, non justifiée, avait été abandonnée.

Madame [S] [W] fait valoir que la direction régionale était informée de cette procédure, cette dernière lui ayant adressé le projet de lettre de convocation en août 2019.

Sur ce :

Il résulte du courriel produit en pièce n° 13 de l'employeur, que la directrice des ressources humaines, avait été informée du souhait de Madame [S] [W] de « recevoir en entretien disciplinaire Madame [V] » et, à cet effet, lui avait envoyé le 16 août 2019 un projet de lettre de convocation, lui demandant de lui « transmettre copie du courrier signé ».

La pièce n° 23 de l'appelante, à laquelle se réfère l'employeur, informe seulement la direction régionale qu'une nouvelle convocation avait été remise à la salariée, après report de la date initiale de l'entretien.

Dès lors, il apparaît que Madame [S] [W] a effectivement avisé la direction régionale de son souhait de convoquer Madame [V] et qu'il ne lui a été demandé que de transmettre copie de la lettre de convocation.

En outre, l'employeur ne produit aucune instruction ou note interne sur la procédure à suivre par un directeur d'établissement pour sanctionner disciplinairement l'un de ses collaborateurs.

Le grief n'est donc pas établi.

7) Sur le grief d'avoir interverti les noms de deux résidents :

L'employeur expose que dans un échange de courriels avec le médecin coordonnateur, elle a confondu deux résidentes entre elles (pièce n° 14).

Madame [S] [W] fait valoir ne pas avoir « connaissance de ces prétendues inversions de noms » et qu'en tout état de cause ce grief est prescrit, les courriels incriminés étant du 18 juin 2019 et les poursuites disciplinaires ayant été engagées plus de trois mois après.

Sur ce :

Les courriels produits par l'employeur ne permettent pas de démontrer que Madame [S] [W] aurait confondu deux résidentes. En l'absence de production d'autres pièces, le grief n'est pas établi.

8) Sur le grief d'avoir validé en septembre 2019 l'intégration de quatre nouveaux résidents sans l'aval du médecin coordonnateur sur leurs dossiers médicaux :

L'employeur produit l'attestation de Monsieur [R], médecin coordonnateur de l'établissement, qui indique que quatre personnes ont été admises au sein de l'EPHAD, les 16 août, 5 septembre et 8 septembre 2019, sans que la direction de l'établissement ne sollicite son avis médical, « comme le préconise la fiche de poste du médecin coordonnateur en EPHAD » (pièce n° 11).

L'employeur fait valoir que l'avis du médecin coordonnateur est nécessaire pour garantir la sécurité de la personne concernée, ainsi que celle des autres résidents.

Madame [S] [W] nie avoir admis nouveaux résidents sans un avis médical favorable.

Elle fait valoir qu'en tout état de cause, le directeur d'un EPHAD n'intervient, dans le processus d'admission, qu'après que l'infirmer coordinateur (IDEC) a donné son avis et lui a transmis pour signature la fiche d'admission ; que dès lors, si des patients ont été admis sans avis du médecin, la responsabilité en incombe à toute la chaîne d'admission.

Madame [S] [W] fait également valoir que l'employeur ne produit aucune pièce sur la réalité de l'admission des personnes concernées, dont l'identité n'est pas donnée.

Sur ce :

Il résulte de la fiche « Procédure ORPEA préadmission d'un résident », produite par l'employeur (pièce n° 15) et citée par Madame [S] [W] dans ses conclusions, que l'avis du médecin coordonnateur est préalable à toute admission.

Il résulte de l'attestation du docteur [R], que quatre patients, dont il donne les prénoms et initiales des noms ainsi que les dates d'admission dans l' EHPAD, ont intégré l' EHPAD dont Madame [S] [W] avait la direction, sans que son avis, obligatoire, eut été sollicité.

La circonstance que les identités complètes, ou les dossiers de ces personnes ne figurent pas au dossier, ce qui serait contraire au secret médical, est sans emport, l'attestation du médecin coordonnateur établissant à elle seule la véracité de ces faits.

Même si Madame [S] [W] n'était pas la seule à intervenir, en sus du médecin, dans le processus d'admission, il n'en reste pas moins que la décision finale lui revenait et que, de par sa mission de directrice, elle devait contrôler les admissions des nouveaux résidents et s'assurer que la procédure interne mise en place par la société ORPEA ait été respectée, ce qui n'a nécessairement pas été le cas en l'espèce.

Le grief est donc établi.

Motivation :

L'employeur fait valoir que l'ensemble des griefs reprochés à Madame [S] [W] justifie son éviction immédiate de l'entreprise et son licenciement pour faute grave.

Madame [S] [W] conteste les fautes qui lui sont reprochées et replace son licenciement dans le contexte général des difficultés sociales au sein de l'entreprise et met l'accent sur la volonté de cette dernière de se débarrasser d'un grand nombre de directeurs d'établissement. Cependant, les pièces qu'elle produit à cet égard sont générales et ne sont pas relatives à la situation particulière de l'EHPAD dont elle avait la direction (pièces n° 19 à 23).

Il résulte des griefs établis à son encontre que Madame [S] [W] n'a pas rempli les missions dévolues à un directeur d'établissement, en antagonisant les personnels dont elle avait la direction, en ne veillant pas ce que la procédure d'accueil des résidents soit strictement suivie et en faisant généralement preuve de désinvolture dans l'exercice de ses missions.

En conséquence, le licenciement pour faute grave est licite, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

Sur les demandes d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, outre le paiement des congés payés y afférant et de dommages et intérêts pour licenciement abusif :

Le licenciement pour faute grave étant licite, ces demandes seront rejetées, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ces points.

Sur la demande de dommages et intérêts pour « préjudice moral » :

Madame [S] [W] fait valoir qu'elle a été licenciée alors qu'elle se trouvait en arrêt maladie en raison d'un burn out provoqué par ses conditions de travail (pièces n° 31, 33 et 34).

Elle fait également valoir que l'employeur « a délocalisé l'entretien préalable dans un hôtel », empêchant de fait Madame [W] de se faire assister par un membre du personnel.

La société ORPEA fait valoir que Madame [S] [W] ne démontre aucun préjudice justifiant l'allocation de dommages et intérêts.

Motivation :

C'est par une juste appréciation des faits et du droit que le conseil de prud'hommes, dont la cour adopte les motifs, a rejeté la demande de Madame [S] [W], en l'absence de lien établi entre son état de santé et ses conditions de travail et en l'absence d'éléments démontrant qu'elle n'a pu se faire assistée d'un membre du personnel lors de l'entretien préalable.

La demande sera donc rejetée.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens :

Les parties seront déboutées de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.

Madame [S] [W] sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant contradictoirement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy en ses dispositions soumises à la cour ;

Y AJOUTANT

Déboute Madame [S] [W] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société ORPEA de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Madame [S] [W] aux dépens.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en quatorze pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 23/00468
Date de la décision : 28/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-28;23.00468 ?
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