La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/03/2024 | FRANCE | N°23/00115

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 28 mars 2024, 23/00115


ARRÊT N° /2024

PH



DU 28 MARS 2024



N° RG 23/00115 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FDPI







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

20/00451

20 décembre 2022











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANT :



Monsieur [K] [S]

[Adresse 2]


[Localité 3]

Représenté par Me Johann GIUSTINATI de la SCP SO JURIS, avocat au barreau de METZ









INTIMÉE :



S.A. PREVOIR VIE prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 1]

[Localité 4] / FRANCE

Représentée par Me Maxime JOFFROY substitué par Me LITAIZE de la...

ARRÊT N° /2024

PH

DU 28 MARS 2024

N° RG 23/00115 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FDPI

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

20/00451

20 décembre 2022

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANT :

Monsieur [K] [S]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Johann GIUSTINATI de la SCP SO JURIS, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

S.A. PREVOIR VIE prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 1]

[Localité 4] / FRANCE

Représentée par Me Maxime JOFFROY substitué par Me LITAIZE de la SCP JOFFROY LITAIZE LIPP, avocats au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : BRUNEAU Dominique,

STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats : RIVORY Laurène

DÉBATS :

En audience publique du 21 Décembre 2023 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 21 Mars 2024 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 28 Mars 2024 ;

Le 28 Mars 2024, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES.

M. [K] [S] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par la SA PREVOIR-VIE à compter du 01 octobre 1984, en qualité de conseiller commercial.

A compter du 01 juillet 1999, le salarié exerce les fonctions d'inspecteur développement ce qui conduit à l'application de la convention collective nationale de l'inspection d'assurance à son contrat de travail.

Au dernier de son état de ses fonctions, le salarié occupait le poste d'adjoint au directeur de Région, affecté à la région Alsace-Lorraine.

A compter du 20 décembre 2019, M. [K] [S] a été placé en arrêt de travail, pour maladie.

Le 16 juin 2020, le salarié a fait une demande de reconnaissance de maladie professionnelle auprès de la CPAM du Bas-Rhin.

Par requête du 20 novembre 2020, M. [K] [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy, aux fins :

- de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur, produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- de condamner la SA PREVOIR VIE à lui verser les sommes de:

- 100 000,00 euros net de dommages et intérêts pour non-respect de la convention collective, perte de promotions professionnelles et préjudices moral et financier afférent,

- 50 000,00 euros net de dommages et intérêts, pour inexécution fautive du contrat de travail et harcèlement moral,

- 23 795,79 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis 3 mois, outre la somme de 2 379,57 euros brut au titre des congés payés sur préavis,

- 214 162,33 euros net au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement (article 67 de la CCN),

- 158 638,00 euros net de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et abusif,

- 5 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Par avis du médecin du travail du 29 octobre 2020 dans le cadre d'une visite de reprise, M. [K] [S] a été déclaré inapte à son poste de travail, avec la précision que l'état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement.

Par courrier du 13 novembre 2020, le salarié a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 26 novembre 2020.

Par courrier du 07 décembre 2020, il a été licencié pour inaptitude d'origine non-professionnelle avec impossibilité de reclassement.

Par décision du 23 avril 2021, M. [K] [S] s'est vu notifier une décision de reconnaissance de prise en charge de sa maladie au titre des maladies professionnelles par la CPAM du Bas-Rhin.

Par requête du 14 octobre 2021, M. [K] [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy, aux fins:

- de dire que son licenciement pour inaptitude est abusif,

- de condamner la SA PREOIR VIE à lui verser les sommes de:

- 23 795,79 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis 3 mois, outre la somme de 2 379,57 euros brut au titre des congés payés sur préavis,

- 31 076,15 euros net au titre de reliquat d'indemnité conventionnelle de licenciement (article 67 de la CCN),

- 158 638,00 euros net de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et abusif,

- 5 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Les deux procédures présentant un lien de connexité, la jonction des dossiers a été prononcées.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 20 décembre 2022 qui a:

- rappelé la jonction des affaires,

- condamné la SA PREVOIR-VIE à payer à M. [K] [S] la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, professionnel et financier, résultant de la perte de chances dues aux manquements de l'employeur à ses obligations,

- dit et jugé que le licenciement pour inaptitude de M. [K] [S] est d'origine professionnelle, et lié aux manquements de l'employeur, sans toutefois que l'on ne puisse relever de manquement significatif à la sécurité,

En conséquence :

- dit et jugé que le licenciement dont M. [K] [S] a fait l'objet doit faire application de l'ensemble des règles liées à un licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle,

- dit et jugé que néanmoins ce licenciement n'est pas dépourvu de cause réelle et sérieuse, en l'absence de manquements suffisamment grave à la sécurité du salarié,

- condamné la SA PREVOIR-VIE à payer à M. [K] [S] la somme de 23 795,79 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- dit que cette somme porte intérêts légaux au jour de la demande,

- débouté M. [K] [S] de sa demande de voir considérer le licenciement pour inaptitude comme dépourvu de cause réelle et sérieuse, et donc pour dommages et intérêts demandé à ce titre,

- condamné la SA PREVOIR-VIE à payer à M. [K] [S] la somme de 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que cette somme porte intérêts légaux au jour du jugement,

- déclaré le jugement exécutoire par provision en intégralité conformément à l'article 515 du code de procédure civile,

- condamné la SA PREVOIR-VIE en tous les dépens,

- débouté la SA PREVOIR-VIE de ses autres demandes, comme celles relatives à une procédure abusive ou à l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'appel formé par M. [K] [S] le 16 janvier 2023,

Vu l'appel incident formé par la SA PREVOIR VIE le 10 juillet 2023,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de M. [K] [S] déposées sur le RPVA le 09 octobre 2023, et celles de la SA PREVOIR VIE déposées sur le RPVA le 21 novembre 2023,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 06 décembre 2023,

M. [K] [S] demande à la cour:

- de déclarer son appel recevable et fondé,

- de déclarer l'appel incident de la SA PREVOIR-VIE recevable mais infondé,

- d'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nancy du 20 décembre 2022 en ce qu'il a :

- condamné la SA PREVOIR-VIE lui payer la somme de 5 000,00 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, professionnel et financier, résultant de la perte de chances due aux manquements de l'employeur à ses obligations,

- dit et jugé que son licenciement n'est pas dépourvu de cause réelle et sérieuse, en l'absence de manquements suffisamment graves à la sécurité du salarié,

- débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- de confirmer le jugement pour le surplus,

*

Statuant à nouveau :

- de condamner la SA PREVOIR-VIE à lui payer la somme de 150 000,00 euros net de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, professionnel et financier, en raison des manquements et inexécutions fautives de l'employeur à ses obligations,

- de juger que le licenciement pour inaptitude notifié par la SA PREVOIR-VIE est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- de condamner la SA PREVOIR-VIE GROUPE PREVOIR à lui payer les sommes de:

- 158 638,00 euros net de dommages et intérêts, pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- 5 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de dire que ces sommes portant intérêts légaux du jour de la décision,

- de débouter la SA PREVOIR-VIE de ses demandes, fins et conclusions,

- de condamner la SA PREVOIR-VIE en tous les dépens d'instance et d'appel.

La SA PREVOIR VIE demande à la cour:

- de la déclarer recevable et fondée en son appel incident du jugement rendu le 20 décembre 2022 par le conseil de prud'hommes de Nancy et y faire droit, - d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- l'a condamnée lui payer la somme de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, professionnel et financier, résultant de la perte de chances due aux manquements de l'employeur à ses obligations,

- dit et jugé que le licenciement pour inaptitude de M. [K] [S] est d'origine professionnelle, et lié aux manquements de l'employeur, sans toutefois que l'on ne puisse relever de manquement significatif à la sécurité,

- dit et jugé que le licenciement dont M. [K] [S] a fait l'objet doit faire application de l'ensemble des règles liées à un licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle,

- l'a condamnée à payer à M. [K] [S] la somme de 23 795,79 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- dit que cette somme porte intérêts légaux au jour de la demande,

- l'a condamnée à verser à M. [K] [S] la somme de 1 500,00 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que cette somme porte intérêts légaux au jour du jugement,

- l'a déboutée de ses demandes autres, comme de celles relatives à une procédure abusive ou à l'article 700 du code de procédure civile,

*

Statuant à nouveau :

- de dire et juger qu'elle n'a pas manqué à ses obligations notamment aux dispositions de la convention collective,

- en conséquence, de débouter M. [K] [S] de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, professionnel et financier,

- de condamner M. [K] [S] à lui restituer la somme de 5 000,00 euros versée en application du caractère exécutoire du jugement rendu par le conseil de prud'hommes,

- de dire et juger que le licenciement pour inaptitude qu'elle a notifié à M. [S] n'est pas d'origine professionnelle,

- en conséquence, de débouter M. [K] [S] de toutes ses demandes à ce titre,

- de condamner M. [K] [S] à lui rembourserla somme de 23 795,79 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis versée au titre de l'exécution du jugement du 20 décembre 2022,

- de condamner M. [K] [S] à lui rembourser la somme de 1 500,00 euros versée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner M. [K] [S] à lui verser la somme de 1 500,00 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- de condamner M. [K] [S] au versement d'une somme de 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,

- de confirmer pour le surplus la décision déférée en ses dispositions non contraires aux présentes,

- de condamner M. [K] [S] au versement d'une somme de 5 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

- de condamner M. [K] [S] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

SUR CE, LA COUR ;

La cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions déposées sur le RPVA par M. [K] [S] le 09 octobre 2023 et par la SA PREVOIR VIE le 21 novembre 2023.

- Sur les manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles.

M. [K] [S] expose que la SA PREVOIR-VIE a gravement manqué à ses obligations contractuelles:

- en n'organisant pas l'entretien individuel d'évaluation pour l'année 2019 ;

- en ne respectant pas les dispositions conventionnelles sur les évolutions de carrière et en lui préférant pour une promotion un recrutement extérieur ;

- en modifiant unilatéralement son contrat de travail en prévoyant sans son accord une durée mensuelle de travail.

La SA PREVOIR-VIE soutient d'une part que M. [S] était en congé maladie en 2020 et qu'aucun entretien n'a pu être organisé pour une évaluation portant sur l'année 2019, d'autre part qu'elle a exactement respecté la convention collective relative à la progression de carrière de M. [S] et qu'en tout état de cause elle est légitime à procéder aux recrutements qu'elle estime conformes à l'intérêt de l'entreprise, et enfin que l'ajout sur les bulletins de salaire d'une référence horaire correspond à une mise aux normes légales de ces documents.

Motivation.

- Sur l'entretien d'évaluation pour 2019 :

La SA PREVOIR-VIE ne conteste pas qu'aucun entretien d'évaluation portant sur l'activité de M. [S] pour l'année 2019 n'a été organisé en 2020 ;

Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. [K] [S] s'est trouvé en arrêt maladie à partir du mois de décembre 2019 et qu'il est resté dans cette situation jusqu'à son licenciement ;

Dès lors, il ne peut être reproché à l'employeur de ne pas avoir organisé un entretien d'évaluation durant cette période de suspension du contrat.

Le grief n'est donc pas établi.

- Sur le non-respect des procédures conventionnelles sur les évolutions de carrière.

La SA PREVOIR-VIE expose que d'une part elle n'a pas proposé à M. [K] [S] un poste de responsable de région en raison d'un refus de celui-ci d'accepter un tel poste, et d'autre part qu'elle avait la liberté de rechercher un recrutement externe pour ce poste.

S'agissant du refus de M. [S], la SA PREVOIR-VIE apporte au dossier deux attestations établies par M. [X] [V], directeur des ressources humaines de la société, et par Mme [J] [I], responsable du pôle droit social (pièces n° 2 et 3 du dossier de la société) faisant état de ce que, lors d'un entretien ayant eu lieu le 16 octobre 2018, M. [S] leur avait indiqué qu'il n'envisageait pas de solliciter un poste de responsable de région, ce dont l'entreprise avait pris acte.

Si M. [K] [S] apporte au dossier les comptes-rendus d'entretien d'évaluation établis pour le dernier en date en juillet 2018, aux termes desquels il envisage de solliciter une promotion en qualité de responsable de région, ces éléments sont antérieurs à l'entretien du 16 octobre 2018 de telle façon que l'entreprise a valablement pu estimer qu'à partir de cette date M. [S] ne souhaitait plus s'engager dans ce projet professionnel, et qu'en conséquence elle n'avait plus à appliquer vis à vis du salarié les dispositions de la convention collective sur les régles de mobilité et de promotion interne.

Ce grief n'est donc pas établi.

- Sur la modification unilatérale du contrat de travail résultant de la modification de la référence en matière de temps de travail.

M. [K] [S] expose qu'alors que son contrat de travail ne faisait pas référence à un horaire de travail déterminé, et qu'aucune convention de forfait-horaire n'avait été régularisée, la société a, à compter de mars 2020, fait porter sur les bulletins de salaire la mention 'Horaire mensuel : 151,67 h'.

Toutefois, cette mention résulte de l'application, en l'absence de convention de forfait, des dispositions de l'article R 3243-1 du code du travail et ne saurait donc pas être considérée comme caractérisant une modification unilatérale du contrat de travail ; au demeurant, il n'établit pas le préjudice que lui aurait causé l'ajout de cette mention sur ses bulletins de paie.

Le grief n'est donc pas établi.

En conséquence, les demandes seront rejetées et la décision entreprise sera infirmée sur ce point.

- Sur la rupture du contrat de travail.

- Sur la qualification du licenciement.

M. [K] [S] expose qu'il a été licencié pour inaptitude non professionnelle alors que l'employeur avait parfaitement connaissance de la nature professionnelle de son inaptitude.

La SA PREVOIR-VIE s'oppose à la demande, faisant valoir d'une part que M. [K] [S] ne démontre pas les comportements qu'il impute à sa hiérarchie, et d'autre part que la seule information selon laquelle le salarié a déposé une reconnaissance de maladie professionnelle ne vaut pas preuve de la connaissance de celle-ci par l'employeur.

Motivation.

Il ressort des dispositions des articles L 1226-9 et suivants du code du travail que les régles protectrices issues de ces dispositions s'appliquent lorsqu'il est démontré que l'inaptitude du salarié trouve au moins partiellement son origine dans les conditions de travail du salarié, et que l'employeur avait connaissance de l'origine professionnelle de l'affection.

Il ressort de l'avis d'aptitude établi par le médecin du travail le 29 octobre 2020 (pièce n° 13 du dossier de M. [S]) que 'l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi' ;

Par lettre du 1er octobre 2020 (pièce n° 33 id), le médecin du travail appelé l'attention de la direction de la SA PREVOIR-VIE en ces termes:

' En tant que spécialiste de santé au travail, je vous informe être très préoccupée par la prévention des risques psychosociaux au sein de votre entreprise 'PREVOIR Direction' de Nancy.

Je tiens à vous informer de ma vive inquiétude quant à l'état de santé psychique, et par conséquent, physique de votre salarié Monsieur [S] [K], adjoint responsable régional, chez qui j'ai eu l'occasion de constater l'expression d'une souffrance qui serait directement en lien avec le travail et justifiant l'arrêt maladie en cours.

Les éléments cliniques objectifs recueillis au cours des derniers entretiens avec ce salarié m'incitent à vous alerter afin d'améliorer la prise en compte des risques précités dans votre entreprise et de interroger avec votre encadrement notamment sur l'organisation du travail qui les génère, afin de les réduire.

Je me permets de vous rappeler vos responsabilités en matière de prévention des risques psychosociaux et de votre obligation en matière de protection de vos salariés afin d'en préserver la santé physique et mentale (article L 4121-1 du code du travail)'.

Par ailleurs, il ressort d'un courrier daté du 13 octobre 2020 adressé par M. [K] [S] à la SA PREVOIR-VIE (pièce n° 9 du dossier de M. [S]) que celle-ci a été informée du dépôt par le salarié d'une demande de reconnaissance de maladie professionnelle, la société ayant accusé réception de ce courrier le 20 octobre 2020.

Dès lors, la SA PREVOIR-VIE avait connaissance lors de l'engagement de la procédure de licenciement le 7 décembre 2020 de l'origine au moins partiellement professionnelle de la maladie déclarée.

En conséquence, la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a condamné la SA PREVOIR-VIE à payer à M. [K] [S] la somme de 23 795,79 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

- Sur le licenciement.

M. [K] [S] expose que son inaptitude trouve son origine dans un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, et qu'en conséquence le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

La SA PREVOIR-VIE s'oppose à cette demande, faisant valoir que M. [S] ne démontre pas les manquements qu'il allègue.

Motivation.

Par une lettre du 1er octobre 2020 dont les termes sont rappelés plus haut, le médecin du travail a évoqué l'état psychique de M. [K] [S], situation directement issue de ses conditions professionnelles ;

Dans le cadre de l'enquête diligentée par la CPAM du Bas-Rhin (pièce n° 11 du dossier de M. [K] [S]), qui a abouti à la reconnaissance au titre des maladies professionnelles de syndrome depressif déclaré par M. [K] [S], a été entendu M. [E] [P], directeur du réseau commercial de la SA PREVOIR-VIE, qui évoque le manque d'empathie de l'employeur vis à vis de M. [S] dans la gestion de sa progression professionnelle, et indiquant que le DRH de l'entreprise avait 'mal agi'.

Il ressort donc de ces éléments que le licenciement pour inaptitude professionnelle de M. [K] [S] trouve son origine dans un manquement de la SA PREVOIR-VIE à son obligation de sécurité.

Dès lors, le licenciement de M. [K] [S] par la SA PREVOIR-VIE est sans cause réelle et sérieuse ;

La décision entreprise sera infirmée sur ce point.

M. [K] [S] avait 57 ans à la date de son licenciement, et une ancienneté dans l'entreprise de 35 ans.

Sa rémunération mensuelle brut était de 7931,94 euros.

Il a été demandeur d'emploi avant de solliciter le bénéficie de sa retraite.

Il a crée une activité de conseil qui ne dégage pas de bénéfice.

Il a déclaré pour l'année 2022 un revenu de 3923 euros net.

Compte tenu de ces éléments, il sera fait droit à la demande à hauteur de 12 mois de salaire, soit la somme de 95 183 euros.

La SA PREVOIR-VIE qui succombe supportera les dépens d'appel.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M. [K] [S] l'intégralité des frais irrépétibles qu'il a exposés ; il sera fait droit à la demande sur ce point à hauteur de 3000 euros.

PAR CES MOTIFS ;

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME le jugement rendu le 20 décembre 2022 par le conseil de prud'hommes de Nancy dans le litige opposant M. [K] [S] à la SA PREVOIR-VIE en ce qu'il a:

- condamné la SA PREVOIR-VIE à payer à M. [K] [S] la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, professionnel et financier, résultant de la perte de chances dues aux manquements de l'employeur à ses obligations ;

- débouté M. [K] [S] de sa demande tendant à voir dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus ;

STATUANT A NOUVEAU sur ces points ;

DEBOUTE M. [K] [S] de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, professionnel et financier, résultant de la perte de chances dues aux manquements de l'employeur à ses obligations ;

DIT le licenciement de M. [K] [S] par la SA PREVOIR-VIE sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la SA PREVOIR-VIE à payer à M. [K] [S] la somme de 95 183 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Y ajoutant :

CONDAMNE la SA PREVOIR-VIE aux dépens d'appel ;

LA CONDAMNE à payer à M. [K] [S] une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en dix pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 23/00115
Date de la décision : 28/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-28;23.00115 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award