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14/03/2024 | FRANCE | N°24/00428

France | France, Cour d'appel de Nancy, Première présidence, 14 mars 2024, 24/00428


COUR D'APPEL DE NANCY

PREMIERE PRESIDENCE



N° RG 24/00428 - N° Portalis DBVR-V-B7I-FKJ7



ORDONNANCE DU 14 mars 2024 n°





Décision déférée à la Cour : ordonnance du Juge des libertés et de la détention de BAR-LE-DUC, 24/26, en date du 05 février 2024,



APPELANT E :

Madame [Y] [M], hospitalisée au centre hospitalier spécialisé - [Adresse 2] à [Localité 3]

née le 16 Avril 1958 à ROUMANIE, demeurant EHPAD [7] - [Adresse 4]

assistée de Me Alexandra VAUTRIN de la SCP LAGRANGE ET ASSOCIÉS,

substituée par Me Andreas Garcia Trula avocats au barreau de NANCY





INTIMEES :



CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE, ayant son siège [Adresse ...

COUR D'APPEL DE NANCY

PREMIERE PRESIDENCE

N° RG 24/00428 - N° Portalis DBVR-V-B7I-FKJ7

ORDONNANCE DU 14 mars 2024 n°

Décision déférée à la Cour : ordonnance du Juge des libertés et de la détention de BAR-LE-DUC, 24/26, en date du 05 février 2024,

APPELANT E :

Madame [Y] [M], hospitalisée au centre hospitalier spécialisé - [Adresse 2] à [Localité 3]

née le 16 Avril 1958 à ROUMANIE, demeurant EHPAD [7] - [Adresse 4]

assistée de Me Alexandra VAUTRIN de la SCP LAGRANGE ET ASSOCIÉS, substituée par Me Andreas Garcia Trula avocats au barreau de NANCY

INTIMEES :

CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE, ayant son siège [Adresse 2]

non représenté

MINISTERE PUBLIC, sis [Adresse 1]

en la personne de Mme Kaplan Substitut Général près de la Cour d'appel de Nancy non comparante à l'audience

UDAF DE LA MEUSE, [Adresse 6]

non représentée

Ministère Public : le dossier a été communiqué à Mme KAPLAN Substitut Général, qui a fait connaître son avis le 11 mars 2024 ;

Vu les articles L 3211-12-1 et suivants du code de la santé publique ;

Nous, Olivier BEAUDIER, conseiller, délégué par M. le Premier Président suivant tableau de service du 24 octobre 2024 pour exercer les fonctions prévues par les articles L.3211-12-4 et R.3211-18 et suivants du code de la santé publique ;

Assisté de Monsieur Ali ADJAL, greffier ;

Vu la situation de Madame [Y] [M], hospitalisée au centre hospitalier spécialisé - [Adresse 2] à [Localité 3], depuis le 17 février 2024 dans le cadre des dispositions relatives à l'hospitalisation sans consentement ;

Après avoir entendu à l'audience publique du quatorze Mars deux mille vingt quatre, Mme [Y] [M] et son Conseil en leurs explications et conclusions, avons mis l'affaire en délibéré au quatorze Mars deux mille vingt quatre ;

Et ce jour, quatorze Mars deux mille vingt quatre à quinze heures, assisté de Ali ADJAL, Greffier, avons rendu l'ordonnance suivante :

Vu l'ordonnance entreprise, les avis et pièces figurant dans le dossier transmis par le tribunal judiciaire de Bar-le-Duc conformément à l'article R.3211-19 du Code de la santé publique ;

Vu l'appel reçu au greffe le 8 mars 2024 de Mme [Y] [M] contre ladite ordonnance ;

Vu l'avis écrit du ministère public en date du 11 mars 2024 ;

Vu l'absence de M. Le directeur du centre hospitalier de [Localité 5] [Localité 3] et du ministère public dûment convoqués ;

SUR CE :

Aux termes de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du même code que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1°) Ses troubles mentaux rendent impossibles son consentement ;

2°) Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l'article L. 3211-2-1.

Lorsqu'il s'avère impossible d'obtenir une demande dans les conditions prévues au 1° du présent II et qu'il existe, à la date d'admission, un péril imminent pour la santé de la personne, dûment constaté par un certificat médical établi dans les conditions prévues au troisième alinéa du même 1°. Ce certificat constate l'état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Le médecin qui établit ce certificat ne peut exercer dans l'établissement accueillant la personne malade ; il ne peut en outre être parent ou allié, jusqu'au quatrième degré inclusivement, ni avec le directeur de cet établissement ni avec la personne malade.

Suivant l'article L. 3211-12-1 du même code, l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement, n'ait statué sur cette mesure avant l'expiration d'un délai de douze jours à compter de la décision par laquelle le directeur de l'établissement a prononcé son admission ou modifié la forme de la prise en charge du patient en procédant à son hospitalisation complète. Cette saisine est accompagnée d'un avis motivé rendu par le psychiatre de l'établissement.

En cas d'appel, le premier président ou son délégataire statue dans les douze jours de sa saisine.

- Sur la régularité de la procédure :

Au soutien de son appel, Mme [Y] [M] conteste la régularité de la procédure de la mesure de soins psychiatrique sans son consentement sous le régime du péril imminent, dont elle fait actuellement l'objet, au motif que :

* l'union départementale des associations familiales de la Meuse (UDAF de la Meuse), désignée en qualité de curateur, n'a pas été convoquée en première instance devant le juge des libertés et de la détention en vue l'audience tenue le 27 février 2024 ;

* Mme [Y] [M] n'a pas été informée de ses droits prévues par les dispositions de l'article L. 3211-3 du code de la santé publique lors de la notification par le directeur du centre hospitalier spécialisé de [Localité 3] de sa décision d'admission en date du 17 février 2024 ;

S'agissant du premier moyen, aux termes des articles 468 alinéa 3 du code de procédure civile et R. 3211-13 2° du code de la santé publique, le juge fixe la date, l'heure et le lieu de l'audience. Le greffier convoque aussitôt, par tout moyen, en leur qualité de parties à la procédure La personne qui fait l'objet de soins psychiatriques par l'intermédiaire du chef d'établissement lorsqu'elle y est hospitalisée, son avocat dès sa désignation et, s'il y a lieu, son tuteur, son curateur ou ses représentants légaux.

Il résulte des dispositions susvisées que le curateur doit impérativement être avisé et convoqué à l'audience afin d'assister la personne protégée. Le défaut d'information et de convocation de ce dernier constitue une irrégularité de fond, au sens des dispositions des articles 117 et 118 du code de procédure civile, lesquelles peuvent être soulevées en tout état de cause, sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenues, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.

En l'espèce, l'union départementale des associations familiales de la Meuse qui a été désignée en qualité de curateur de Mme [Y] [M] n'a pas été convoquée à l'audience tenue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bar-le-Duc dans le cadre de son contrôle de la mesure d'hospitalisation sans consentement, dont l'intéressée fait l'objet. Il est établi notamment par les certificats médicaux dressés respectivement à 24 et 72 heures que le centre hospitalier de [Localité 3] avait connaissance de la mesure de protection dont Mme [Y] [M], ces derniers en faisant explicitement mention.

L'irrégularité de fond tirée de l'absence de convocation à l'audience du 27 février 2024 du curateur de Mme [Y] [M] est par conséquent fondée.

Par ailleurs, s'agissant du second moyen, avant chaque décision prononçant le maintien des soins en application des articles L. 3212-4, L. 3212-7 et L. 3213-4 ou définissant la forme de la prise en charge en application des articles L. 3211-12-5, L. 3212-4, L. 3213-1 et L. 3213-3, la personne faisant l'objet de soins psychiatriques est, dans la mesure où son état le permet, informée de ce projet de décision et mise à même de faire valoir ses observations, par tout moyen et de manière appropriée à cet état.

En outre, toute personne faisant l'objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III du présent titre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale est informée :

a) Le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état, de la décision d'admission et de chacune des décisions mentionnées au deuxième alinéa du présent article, ainsi que des raisons qui les motivent ;

b) Dès l'admission ou aussitôt que son état le permet et, par la suite, à sa demande et après chacune des décisions mentionnées au même deuxième alinéa, de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et des garanties qui lui sont offertes en application de l'article L. 3211-12-1.

L'avis de cette personne sur les modalités des soins doit être recherché et pris en considération dans toute la mesure du possible.

En tout état de cause, elle dispose du droit :

1° De communiquer avec les autorités mentionnées à l'article L. 3222-4 ;

2° De saisir la commission prévue à l'article L. 3222-5 et, lorsqu'elle est hospitalisée, la commission mentionnée à l'article L. 1112-3 ;

3° De porter à la connaissance du Contrôleur général des lieux de privation de liberté des faits ou situations susceptibles de relever de sa compétence ;

4° De prendre conseil d'un médecin ou d'un avocat de son choix ;

5° D'émettre ou de recevoir des courriers ;

6° De consulter le règlement intérieur de l'établissement et de recevoir les explications qui s'y rapportent ;

7° D'exercer son droit de vote ;

8° De se livrer aux activités religieuses ou philosophiques de son choix.

En l'espèce, il n'est pas démontré par les pièces de la procédure que Mme [Y] [M] aurait été informée, dès son admission au centre hospitalier de [Localité 3], le 17 février 2024 à 11 heures 45, de ses droits mentionnés à l'article l'article L. 3211-3 du code de la santé publique. Les pièces jointes à la requête établie le 19 février 2024 par le directeur de centre hospitalier de [Localité 3] sont seulement constituées des certificats médicaux, ainsi que de la délégation de signature établie au profit de Mme [S] [U], responsable du service admission.

Conformément à l'article L.3216-1 du code de la santé publique, dans le cas d'une irrégularité affectant la décision administrative mentionnée au premier alinéa du présent article n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il est résulté un atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet.

En l'espèce, l'absence de notification des droits de Mme [Y] [M], entachant la décision du directeur du centre hospitalier spécialisé de [Localité 3] en date du 17 février 2024, porte directement atteinte aux droits de la patiente qui n'a ou être placée en mesure de les exercer faute d'avoir été informée au préalable de leur existence.

Au vu de ce qui précède, il convient compte tenu des deux irrégularités ainsi fondées d'ordonner la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète de Mme [Y] [M] au centre hospitalier spécialisée de [Localité 3].

PAR CES MOTIFS :

Nous, Olivier BEAUDIER, conseiller, délégué par M. le Premier Président suivant tableau de service du 24 octobre 2024 pour exercer les fonctions prévues par les articles L.3211-12-4 et R.3211-18 et suivants du code de la santé publique ;

Statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort,

EN LA FORME

DÉCLARONS recevable l'appel interjeté par Mme [Y] [M] ;

AU FOND

INFIRMONS l'ordonnance déférée ;

ORDONNONS la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète de Mme [Y] [M] au centre hospitalier spécialisée de [Localité 3] ;

LAISSONS les dépens à la charge de l'Etat.

Prononcée par mise à disposition le quatorze Mars deux mille vingt quatre à quinze heures par Monsieur Olivier BEAUDIER, conseiller délégué, et Monsieur Ali ADJAL, greffier.

signé : Monsieur Ali ADJAL signé : Monsieur Olivier BEAUDIER

Minute en quatre pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 24/00428
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;24.00428 ?
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