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14/03/2024 | FRANCE | N°23/01585

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 14 mars 2024, 23/01585


ARRÊT N° /2024

PH



DU 14 MARS 2024



N° RG 23/01585 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FGW4







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGWY

F22/00094

16 juin 2023











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANT :



Monsieur [Z] [O]

[Adresse 1]
>[Localité 2]

Représenté par Me Adrien PERROT de la SCP PERROT AVOCAT, avocat au barreau de NANCY









INTIMÉE :



S.A.S.U. EUROVIA ALSACE LORRAINE pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Tal LETKO BURIAN de la SELARL LAMORIL-WILLEMETZ-...

ARRÊT N° /2024

PH

DU 14 MARS 2024

N° RG 23/01585 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FGW4

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGWY

F22/00094

16 juin 2023

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANT :

Monsieur [Z] [O]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Adrien PERROT de la SCP PERROT AVOCAT, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :

S.A.S.U. EUROVIA ALSACE LORRAINE pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Tal LETKO BURIAN de la SELARL LAMORIL-WILLEMETZ-LETKO-BURIAN, avocat au barreau d'ARRAS

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : BRUNEAU Dominique,

STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats : RIVORY Laurène

DÉBATS :

En audience publique du 14 Décembre 2023 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 14 Mars 2024 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

Le 14 Mars 2024, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Monsieur [Z] [O] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société SAS EUROVIA ALSACE LORRAINE à compter du 1er février 1998, en qualité de maçon.

La convention collective nationale des ouvriers des travaux publics s'applique au contrat de travail.

Par décision du 13 janvier 2021 de la médecine du travail dans le cadre d'une visite de reprise, Monsieur [Z] [O] a été déclaré inapte à son poste de travail, avec la précision d'une possibilité de reclassement sur un poste sans port de charges supérieures à 15kg, sans posture externe accroupie ou à genoux prolongée, sans travaux bras en hyper-extension au-dessus du plan des épaules ou tête en hyper-extension, sans utilisation d'outils fortement vibrant, sans conduite d'engin à fortes vibrations corps entier et sans conduite prolongée plusieurs heures par jour.

Le 28 janvier 2021, les membres du Comité Social et Economique de la société SAS EUROVIA ALSACE LORRAINE ont été convoqués à une réunion extraordinaire fixée le 04 février 2021, au cours de laquelle le licenciement pour inaptitude avec impossibilité de reclassement du salarié a été voté.

Par courrier du 05 février 2021, Monsieur [Z] [O] a été informé de l'impossibilité de procéder à son reclassement.

Par courrier du 08 février 2021, le salarié a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 18 février 2021.

Par courrier du 23 février 2021, Monsieur [Z] [O] a été licencié pour inaptitude avec impossibilité de reclassement.

Par requête du 12 décembre 2022, suite à la décision de radiation administrative du 25 novembre 2022, Monsieur [Z] [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Longwy, aux fins :

- de dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- en conséquence, de condamner la société SAS EUROVIA ALSACE LORRAINE à lui verser les sommes suivantes :

- 80 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4 000,00 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 400,00 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- de dire et juger que son inaptitude a une origine professionnelle,

- en conséquence, de condamner la société SAS EUROVIA ALSACE LORRAINE à lui verser la somme de 19 790.17 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,

- de condamner la société SAS EUROVIA ALSACE LORRAINE à lui verser les sommes suivantes :

- 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,

- 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts violation de l'obligation de formation,

- 1 500,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Longwy rendu le 16 juin 2023, lequel a:

- déclaré conforme le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de Monsieur [Z] [O],

- débouté Monsieur [Z] [O] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société SAS EUROVIA ALSACE LORRAINE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que Monsieur [Z] [O] supportera la charge des entiers dépens de l'instance.

Vu l'appel formé par Monsieur [Z] [O] le 19 juillet 2023,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de Monsieur [Z] [O] déposées sur le RPVA le 10 août 2023, et celles de la société SAS EUROVIA ALSACE LORRAINE déposées sur le RPVA le 13 octobre 2023,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 08 novembre 2023,

Monsieur [Z] [O] demande :

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- déclaré conforme le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement,

- débouté l'appelant de l'ensemble de ses demandes,

- dit qu'il supportera la charge des entiers dépens de l'instance,

Statuant à nouveau :

- de dire et juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- en conséquence, de condamner la société SAS EUROVIA ALSACE LORRAINE à lui verser les sommes suivantes :

- 80 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4 000,00 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 400,00 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- de dire et juger que son inaptitude a une origine professionnelle,

- en conséquence, de condamner la société SAS EUROVIA ALSACE LORRAINE à lui verser les sommes suivantes :

- 19 790,17 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,

- 4 000,00 euros au titre du préavis,

- 400,00 euros au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis,

En tout état de cause :

- de condamner la société SAS EUROVIA ALSACE LORRAINE à lui verser la somme de 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,

- de condamner la société SAS EUROVIA ALSACE LORRAINE à lui verser la somme de 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral

- de condamner la société SAS EUROVIA ALSACE LORRAINE à lui verser la somme de 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de formation,

- de condamner la société SAS EUROVIA ALSACE LORRAINE à lui verser la somme de 1 500,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens s'agissant de la première instance,

- de condamner la société SAS EUROVIA ALSACE LORRAINE à lui verser la somme de 3 000,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société SAS EUROVIA ALSACE LORRAINE aux entiers dépens s'agissant de la procédure d'appel.

La société SAS EUROVIA ALSACE LORRAINE demande :

- de juger que le licenciement pour inaptitude d'origine non-professionnelle de Monsieur [Z] [O] est parfaitement fondé,

- de juger que Monsieur [Z] [O] ne démontre pas l'origine professionnelle de son inaptitude,

- de juger que Monsieur [Z] [O] a été rempli de l'ensemble de ses droits,

- de juger que la société a respecté son obligation de reclassement,

- de juger que la société a respecté son obligation de formation,

- de juger que la société a respecté son obligation de sécurité,

- de juger que Monsieur [Z] [O] ne démontre pas la réalité de son préjudice,

- de juger que les demandes de Monsieur [Z] [O] sont irrecevables et mal fondées,

En conséquence :

- de confirmer le jugement rendu le 12 juin 2023 par le conseil de prud'hommes de Longwy,

- de débouter Monsieur [Z] [O] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- de condamner Monsieur [Z] [O] au paiement d'une somme de 4 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Monsieur [Z] [O] aux entiers frais et dépens.

SUR CE, LA COUR

Sur le licenciement

Aux termes des dispositions de l'article L1232-1 du Code du travail, le licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 23 février 2021 est ainsi rédigée (pièce 6 de l'employeur) :

« Faisant suite à notre entretien préalable du 18 février 2021, nous vous informons que nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement

Lors de votre visite médicale du 13 février 2021, le Médecin du Travail vous a déclaré inapte en précisant : « Inapte au poste, apte à un autre poste sans port de charges supérieures à 15kg, sans posture extrême accroupie ou à genoux prolongée, sans travaux bras en hyper-extension au-dessus du plan des épaules ou tête en hyper-extension, sans utilisation d'outils fortement vibrant, sans conduite d'engin à fortes vibrations corps entier, sans conduite prolongée plusieurs heures par jour. Serait apte, par exemple, à un poste de chef de chantier respectant ces restrictions, à un poste administratif, de travail sur écran, de magasinier, de surveillance de dépôt, de petits travaux légers respectant les restrictions citées.»

Après l'étude de poste, il a été vérifié l'impossibilité d'aménager votre poste de travail.

Afin de mettre en 'uvre notre obligation légale de reclassement et notre volonté de trouver un poste de travail adapté aux conclusions de la médecine du travail, nous avons engagé des recherches de reclassement.

Malheureusement, il est apparu que vos aptitudes ne permettent pas un reclassement dans l'entreprise et de l'inexistence de poste disponible dans le groupe compatible à votre situation.

Nous vous rappelons que les membres du Comité Social et Economique ont été consultés sur l'impossibilité de votre reclassement. Les membres ont émis un avis favorable.

Dans la mesure où votre inaptitude d'origine non professionnelle ne vous permet pas d'effectuer votre préavis dans les conditions antérieures, votre contrat de travail est rompu à la date d'envoi de la présente lettre. »

M. [Z] [O] fait valoir que la société EUROVIA ne s'est pas rapprochée du médecin du travail pour rechercher un aménagement de poste à travers des mesures d'adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d'aménagement du temps de travail.

Il reproche également à l'employeur une absence de recherche de reclassement en indiquant que la société EUROVIA ne produit aucun organigramme permettant de s'assurer du périmètre du reclassement ; elle ne produit pas son registre du personnel ; elle se contente de produire aux débats un mail circulaire marquant une multitude de contacts dont on ne connaît pas la qualité ; la société EUROVIA n'a pas attendu l'ensemble des réponses pour procéder au licenciement ; les mentions au sein du courrier valant recherche de reclassement sont insuffisantes dans la mesure où l'ancienneté, la classification et les formations suivies ne sont pas indiquées.

Il fait en outre grief à l'employeur de ne pas avoir fait de recherche sur un poste de chef chantier

Il ajoute que certains postes disponibles ne lui ont pas été proposés.

M. [Z] [O] estime enfin que son inaptitude est d'origine professionnelle.

La société EUROVIA estime que l'avis d'inaptitude du 13 janvier 2021 ne permet pas de lier l'inaptitude de M. [Z] [O] à sa maladie professionnelle.

Elle explique avoir adressé un mail à l'ensemble des sites EUROVIA afin d'identifier un poste sur lequel reclasser M. [Z] [O].

La société EUROVIA estime que les restrictions du médecin du travail étaient bien suffisantes pour permettre aux destinataires de ce mail de déterminer si un poste compatible était disponible ou non ; elle considère que quelles que soient l'ancienneté, la classification ou les formations de M. [Z] [O], ce sont les restrictions émises par le médecin du travail qui prévalent et déterminent si le salarié est en mesure ou non d'occuper un poste.

L'intimée indique que la dernière réponse négative transmise l'a été le 23 février 2021, et que c'est sur la base de cette dernière réponse qu'elle a décidé de convoquer le CSE.

L'employeur fait valoir que les restrictions émises par le médecin du travail dans son avis d'inaptitude étaient suffisamment précises pour qu'il puisse rechercher un poste de reclassement. La société EUROVIA ajoute que le médecin du travail, ainsi qu'il l'a indiqué dans son avis d'inaptitude, a été en mesure d'échanger avec elle le 16 décembre 2020, ainsi que les 5 et 13 janvier 2021.

Motivation

En application des dispositions des articles 1226-2 et 1226-10 du code du travail, l'employeur est tenu à une obligation de reclassement du salarié déclaré inapte à son poste par le médecin du travail.

Dans le cadre de l'exécution de son obligation de reclassement, l'employeur doit entreprendre des recherches de postes loyales et sérieuses.

En l'espèce, l'employeur renvoie au mail qu'il a adressé à un certain nombre de destinataires (pièce 1) :

« Bonjour,

Notre salarié (réf : F42020210120CC) de la société EUROVIA ALSACE LORRAINE, a été déclaré inapte au poste de chef d'équipe par le médecin du travail lors d'une visite médicale en date du 23 novembre 2020.

Afin de mettre en oeuvre notre obligation de reclassement et en raison de notre volonté de trouver un poste de travail adapté à l'avis du médecin du travail, nous vous demandons de bien vouloir nous faire part des possibilités éventuelles de reclassement au sein de votre entité.

Vous trouverez en pièce jointe notre recherche de reclassement.

Le : 20 janvier 2021

De : [F] [I] à : Mesdames et Messieurs les membres des

clubs pivots RH

Objet : Recherche de reclassement

Madame, Monsieur

Nous vous adressons par la présente une demande de recherche de reclassement pour inaptitude concernant un de nos salariés occupant le poste de Chef d'Equipe au sein de la société EUROVIA ALSACE LORRAINE - Agence de [Localité 4], Secteur de [Localité 5] depuis le 1er février 1998.

Le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste de travail en précisant : « Inapte au poste, apte à un autre poste sans port de charges supérieures à 15kg, sans posture extrême accroupie ou à genoux prolongée, sans travaux bras en hyper-extension au-dessus du plan des épaules ou tête en hyper-extension, sans utilisation d'outils fortement vibrant, sans conduite d'engin à fortes vibrations corps entier, sans conduite prolongée plusieurs heures par jour. Serait apte, par exemple, à un poste de chef de chantier respectant ces restrictions, à un poste administratif, de travail sur écran, de magasinier, de surveillance de dépôt, de petits travaux légers respectant les restrictions citées. ».

Dans le cadre de notre obligation de reclassement et de notre volonté de trouver un poste adapté aux capacités physiques du salarié, nous vous remercions de bien vouloir nous informer des postes disponibles existants dans votre établissement et compatibles avec l'état de santé de ce salarié.

Nous vous prions dans tous les cas de nous tenir informés des résultats obtenus par votre recherche et le cas échéant de nous indiquer les caractéristiques du poste proposé en reclassement afin de nous permettre d'étudier toutes les possibilités avec le médecin du travail.

Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l'expression de nos salutations distinguées. »

Comme le fait valoir M. [Z] [O], l'employeur n'a pas indiqué dans ce message circulaire ses formations et qualifications, qui auraient pu susciter des propositions de la part des agences EUROVIA consultées, ces formations venant notamment renforcer les exemples de postes envisageables visés dans l'avis d'inaptitude retranscrit.

Celles-ci étaient indiquées par l'employeur dans sa convocation du CSE (pièce 2 de la société EUROVIA) :

« EUROVIA

REUNION EXTRAORDINAIRE

Des membres du Comité Social et Economique

04/02/2021

RECAPITULATIF DES FAITS

Information / consultation portant sur les possibilités de reclassement pouvant être proposées à Monsieur [Z] [O], déclaré inapte à la suite d'une maladie d'origine non professionnelle

Monsieur [Z] [O], né le 14/01/1971, a été engagé au sein de l'Entreprise le 1er février 1998 en qualité d'Ouvrier de chantier.

01/01/1998 : Ouvrier exécution

01/01/2001 : Maçon

01/01/2005 : Chef d'équipe ouvrier

Il détient :

CACES R482,

AIPR

- Sauveteur secouriste

- Gestes et postures

- Utilisation de la découpeuse

- Entrainement lutte feu

Formation qualifiante

- Canalisation assainissement En 1999 (35 heures)

- Pavage décoratif aménagement urbain en 2001 (105 heures)

- Chef d'équipe en 2004 (175 heures)

En arrêt maladie depuis le 11 août 2020, une étude de poste et des conditions de travail a été effectuée par le Médecin du Travail en date du 13 janvier 2021.

Le Médecin du Travail a rendu un avis d'inaptitude lors de la visite du 13 janvier 2021.

Les termes de l'avis du médecin du travail sont les suivants : « Inapte au poste, apte à un autre poste sans port de charges supérieures à 15kg, sans posture extrême accroupie ou à genoux prolongée, sans travaux bras en hyper-extension au-dessus du plan des épaules ou tête en hyper-extension, sans utilisation d'outils fortement vibrant, sans conduite d'engin à fortes vibrations corps entier, sans conduite prolongée plusieurs heures par jour. Serait apte, par exemple, à un poste de chef de chantier respectant ces restrictions, à un poste administratif, de travail sur écran, de magasinier, de surveillance de dépôt, de petits travaux légers respectant les restrictions citées. ».

Des recherches de reclassements ont été engagées afin de trouver un emploi compatible avec les restrictions médicales de Monsieur [Z] [O]. »

Comme le fait également valoir M. [Z] [O], l'employeur n'a pas non plus indiqué dans ce message circulaire le fait que l'appelant avait déjà travaillé en autonomie comme chef de chantier lorsque le titulaire du poste était absent, alors qu'il le mentionnait dans le « questionnaire employeur » de la CPAM du 30 mars 2021 (pièce 10 de M. [Z] [O], page 3/5).

Or cette précision devait utilement compléter le profil du salarié, dans le cadre de la recherche d'un poste de reclassement.

Au vu de ces éléments, la recherche d'un poste de reclassement n'a pas été sérieuse et loyale de la part de la société EUROVIA.

Dans ces conditions, le manquement à l'obligation de reclassement étant établi, le licenciement fondé sur l'inaptitude et l'impossibilité de reclassement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera réformé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [Z] [O] réclame à ce titre la somme de 80 000 euros.

La société EUROVIA fait valoir que les dommages et intérêts ne peuvent excéder 17 mois de salaire, compte tenu de son ancienneté.

Elle ajoute qu'il ne justifie pas de sa situation actuelle.

Motivation

Aux termes des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans les tableaux intégrés à l'article, dont le second concerne les entreprises employant habituellement moins de 11 salariés.

Aucune des parties n'indique le salaire de référence de M. [Z] [O] ; aucune des parties ne produit ses bulletins de salaire.

Le seul document versé aux débats, indiquant le montant du salaire, est l'attestation Pôle Emploi renseigné par l'employeur (pièce 2 de M. [Z] [O]).

La rubrique 6 mentionne les salaires de 12 mois civils complets précédant le dernier jour travaillé et payé.

Les deux seuls mois complets sont le mois de septembre 2019 (salaire brut 3 909,36 euros) et le mois de juillet 2020 (2 315,15 euros).

En l'absence d'explications données par les parties, le salaire de référence sera fixé à 3 909,36 euros.

M. [Z] [O] produit en pièce 11 une attestation Pôle Emploi du 30 août 2022, établissant qu'il a été indemnisé au titre de l'ARE du 1er août 2021 au 24 juillet 2022.

M. [Z] [O] avait une ancienneté de 23 ans lorsque le contrat de travail a été rompu.

Compte tenu de ces éléments, la société EUROVIA sera condamnée à payer à M. [Z] [O] 45 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les demandes d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité spéciale de licenciement

M. [Z] [O] explique que son inaptitude est d'origine professionnelle ; il renvoie au certificat médical du médecin du travail du 16 décembre 2020, à son avis d'inaptitude, à la reconnaissance de sa maladie professionnelle par la CPAM, et à l'avis rendu par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Il demande de condamner la société EUROVIA à lui payer 19 790,17 euros à titre d'indemnité spéciale, et 4 000 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 400 euros au titre des congés payés afférents.

La société EUROVIA s'oppose aux demandes, estimant que son licenciement ne présente pas de lien avec son activité professionnelle.

Motivation

Aux termes de l'article L1226-14 du code du travail, la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.

Le certificat du médecin du travail du 16 décembre 2020 (pièce 7 de M. [Z] [O]) établit que la tendinite de la coiffe des rotateurs à gauche, présentée par M. [Z] [O], est en lien avec son travail.

Le médecin décrit les travaux effectués par M. [Z] [O] et indique notamment qu'il « utilise des outils fortement vibrant à porter (') aggravant encore l'exposition et les lésions de tendinite de l'épaule. » ; le médecin du travail clôt son certificat par cette mention : « Au vu de ces différents éléments, une demande de reconnaissance en maladie professionnelle pourrait être effectuée au titre du tableau 57 A à gauche ».

Le certificat précise que la pathologie a été constatée le 14 octobre 2020.

Il ressort du courrier de la CPAM du 15 juin 2021 que la demande de reconnaissance de maladie professionnelle faite par le salarié pour cette pathologie, porte le numéro de dossier 201014545 (pièce 8 de l'appelant).

Par courrier du 11 octobre 2021 de la CPAM (pièce 9 du salarié), M. [Z] [O] est informé de ce que cette pathologie est reconnue comme étant d'origine professionnelle ; le numéro de dossier est le même que pour la pièce précédente.

L'avis d'inaptitude du 13 janvier 2021 (pièce 4 de M. [Z] [O]) comporte des restrictions qui reprennent presque mot pour mot les causes de la maladie professionnelle relevées dans le certificat médical initial en pièce 7 précitée.

Ces pièces établissent de manière suffisante que l'inaptitude a pour origine la maladie professionnelle de M. [Z] [O].

Dans ces conditions, en application de l'article L1226-14 précité, il sera fait droit à ses demandes, dont les montants ne sont pas discutés à titre subsidiaire.

Sur la demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité

M. [Z] [O] fait valoir que la violation de l'obligation ne saurait être contestée au regard de la maladie professionnelle ayant entraîné son licenciement.

La société EUROVIA indique que l'appelant n'expose pas à quel titre elle aurait méconnu son obligation de sécurité.

Motivation

La condamnation à réparation suppose de démontrer une faute, un préjudice, et un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

M. [Z] [O] n'indique pas quelle faute il reproche à son employeur.

Dans ces conditions, M. [Z] [O] sera débouté de sa demande.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral

M. [Z] [O] demande la condamnation de la société EUROVIA à 5000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral.

La société EUROVIA s'oppose à la demande, soulignant qu'elle n'est même pas développée.

Motivation

Aux termes des articles 6 et 9 du code de procédure civile, l'auteur d'une prétention est tenu de la motiver.

En l'espèce, M. [Z] [O] n'explicite pas sa demande ; il en sera donc débouté.

Sur la demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de formation

M. [Z] [O] fait valoir qu'il a bénéficié de 3 formations qualifiantes, en 1999, 2011 et 2004, et qu'il est resté depuis 2005, soit pendant plus de 15 ans, sans bénéficier de la moindre formation.

Il indique subir de ce fait un préjudice dans la mesure où cette carence l'a empêché d'être reclassé sur un autre poste.

La société EUROVIA s'oppose à la demande, en indiquant que le salarié a bénéficié de formations entre 2005 et 2021.

Motivation

La société EUROVIA renvoie à sa pièce 10 ; il s'agit d'un listing des formations suivies par M. [Z] [O].

Entre 2006 et 2020, il a suivi 19 formations : plusieurs formations « recyclage SST » ; CACES R372M, ; pavage décoratif aménagement urbain ; gestes et postures etc.

Il résulte de cette pièce que le grief n'est pas établi, M. [Z] [O] ne renvoyant quant à lui à aucune pièce.

Il sera dans ces conditions débouté de sa demande.

Sur l'application d'office des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail en faveur de France Travail

Aux termes des dispositions de l'article 1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L1132-4, L1134-4, L1144-3, L1152-3, L1153-4, L1235-3 et L1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Le salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté et l'entreprise occupant habituellement au moins 11 salariés, il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur à France Travail des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement dans la limite de 6 mois en application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant à l'instance, la société EUROVIA ALSACE LORRAINE sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Elle sera condamnée en outre à lui payer 2 500 euros au titre de l'article 700, pour les procédures de première instance et d'appel.

L'employeur sera débouté de ses demandes à ces titres.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Longwy le 16 juin 2023 en ce qu'il a débouté M. [Z] [O] de ses demandes de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité, pour préjudice moral et pour violation de l'obligation de formation ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau dans ces limites,

Dit que le licenciement de M. [Z] [O] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société EUROVIA ALSACE LORRAINE à payer à M. [Z] [O] :

- 45 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 19 790,17 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,

- 4 000 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 400 euros à titre d'indemnité compensatrice pour les congés payés afférents ;

Y ajoutant,

Condamne la société EUROVIA ALSACE LORRAINE à rembourser à France Travail les indemnités de chômage versées à M. [Z] [O] à la suite de son licenciement, dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage ;

Condamne la société EUROVIA ALSACE LORRAINE à payer à M. [Z] [O] 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les procédures de première instance et d'appel ;

Déboute la société EUROVIA ALSACE LORRAINE de sa demande à ce titre ;

Condamne la société EUROVIA ALSACE LORRAINE aux dépens.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en treize pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 23/01585
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;23.01585 ?
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