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14/03/2024 | FRANCE | N°23/01306

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 14 mars 2024, 23/01306


ARRÊT N° /2024

PH



DU 14 MARS 2024



N° RG 23/01306 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FGD4







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

22/00036

08 juin 2023











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2









APPELANT :



Monsieur [A] [X]

[Adresse 1]

[Localité 4]


Représenté par Me Charlotte JACQUENET de la SELARL AVOCATLOR, avocat au barreau de NANCY









INTIMÉE :



BACCARAT prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRI...

ARRÊT N° /2024

PH

DU 14 MARS 2024

N° RG 23/01306 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FGD4

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

22/00036

08 juin 2023

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANT :

Monsieur [A] [X]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Charlotte JACQUENET de la SELARL AVOCATLOR, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :

BACCARAT prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY substitué par Me Aymeric WOLF , avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : BRUNEAU Dominique,

STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats : RIVORY Laurène

DÉBATS :

En audience publique du 07 Décembre 2023 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 29 Février 2024 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 14 Mars 2024 ;

Le 14 Mars 2024, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Monsieur [A] [X] a été engagé sous contrat de travail intérimaire pour accroissement d'activité, par la société SA BACCARAT pour la période du 01 janvier 2018 au 24 août 2018, en qualité d'agent de manutention.

A compter du 24 août 2018, la relation contractuelle s'est poursuivie sous contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de conducteur d'installation de production.

La convention collective nationale de la fabrication du verre à la main, semi-automatique et mixte s'applique au contrat de travail.

Par courrier du 11 juin 2021, Monsieur [A] [X] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Par requête du 25 janvier 2022, Monsieur [A] [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy, aux fins :

- de dire et juger que son poste occupé effectivement relevait du Niveau 4C, coefficient 190 de la Convention Collective Nationale de la Fabrication de verre à la main

- de requalification de sa démission avec réserves en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- de condamner la société SA BACCARAT à lui verser les sommes suivantes :

- 4 037, 90 euros bruts à titre de rappel de salaire pour mauvaise classification, outre la somme de 403,79 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 2 298,19 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 6 082,52 euros bruts à titre de rappel de salaire pendant le préavis, outre la somme de 608,25 euros au titre des congés payés sur préavis,

- 12 257,04 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de santé et de sécurité,

- 2 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

- d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir en application de l'article 515 du code de procédure civile.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 08 juin 2023, lequel a :

- dit que la rupture des relations contractuelles prise à l'initiative de Monsieur [A] [X] est qualifiée de démission,

- en conséquence, débouté Monsieur [A] [X] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société SA BACCARAT de l'ensemble de ses demandes,

- dit que chaque partie supportera ses propres frais et dépens.

Vu l'appel formé par Monsieur [A] [X] le 21 juin 2023,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de Monsieur [A] [X] déposées sur le RPVA le 17 septembre 2023, et celles de la société SA BACCARAT déposées sur le RPVA le 13 octobre 2023,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 08 novembre 2023,

Monsieur [A] [X] demande :

- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 08 juin 2023 en ce qu'il a :

- dit que la rupture des relations contractuelles prise à l'initiative de Monsieur [A] [X] est qualifiée de démission,

- en conséquence, débouté Monsieur [A] [X] de l'ensemble de ses demandes,

- dit que chaque partie supportera ses propres frais et dépens,

Statuant à nouveau :

- de dire et juger que le poste occupé effectivement par Monsieur [A] [X] relevait du Niveau 4C, coefficient 190 de la Convention Collective Nationale de la Fabrication de verre à la main,

- de dire et juger que la démission avec réserves de Monsieur [A] [X] doit être analysée en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail imputable à la société SA BACCARAT et produisant les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- de condamner la société SA BACCARAT à verser à Monsieur [A] [X] les sommes suivantes :

- 4 037, 90 euros bruts à titre de rappel de salaire pour mauvaise classification,

- 403,79 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 2 298,19 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 6 082,52 euros bruts à titre de rappel de salaire pendant le préavis,

- 608,25 euros au titre des congés payés sur préavis,

- 12 257,04 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de santé et de sécurité,

- 2 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, s'agissant de la procédure de première instance,

- 2 500, 00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile s'agissant de la procédure d'appel,

- de condamner la société SA BACCARAT aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel.

La société SA BACCARAT demande :

- de constater que Monsieur [A] [X] ne justifie aucunement de sa demande de repositionnement conventionnel au regard des dispositions de la convention collective applicable et de l'accord sur la classification des emplois applicables,

- de constater que Monsieur [A] [X] ne démontre la réalité d'aucun grief rendant impossible la poursuite de son contrat de travail de sorte que sa démission avec réserve ne saurait être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- de constater que Monsieur [A] [X] ne démontre aucunement la réalité d'un manquement de la société SA BACCARAT à son obligation de sécurité de résultat, ni d'une inexécution déloyale du contrat de travail et ni de la réalité de ses préjudices,

En conséquence :

- de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nancy le 8 juin 2023 en ce qu'il a débouté Monsieur [A] [X] de l'intégralité de ses demandes,

- de condamner Monsieur [A] [X] à verser à la société SA BACCARAT la somme de 3 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Monsieur [A] [X] aux entiers dépens.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières conclusions de Monsieur [A] [X] déposées sur le RPVA le 17 septembre 2023, et de la société SA BACCARAT déposées sur le RPVA le 13 octobre 2023.

Sur la classification conventionnelle de l'emploi de Monsieur [A] [X] et la demande en rappel de salaire :

Monsieur [A] [X] expose qu'il a été embauché le 24 août 2018 pour un emploi de conducteur de four ; qu'il a été initialement classé au niveau 4A, coefficient 160, puis 4B, coefficient 175.

Il fait valoir qu'il ressort d'une fiche de classification interne à l'entreprise, ainsi que d'un extrait d'un bulletin de salaire d'un autre salarié, que les conducteurs de four peuvent bénéficier de niveaux allant de 4A à 4C, en fonction des tâches et opérations effectuées (pièces n° 4 et 6).

Il indique que lorsque le conducteur de four « peut animer en cas d'absence du chef d'équipe », il doit bénéficier de la classification 4C.

Monsieur [A] [X] fait valoir qu'il a souvent remplacé ses chefs d'équipe successifs, qui occupaient l'emploi de chef de fonte, et qu'il a perçu en conséquence des « primes de passation de consignes », apparaissant sur ses bulletins de salaire. Il précise qu'il était considéré comme un « faisant fonction », terme utilisé au sein de la société intimée pour les conducteurs de four aptes à remplacer les chefs de fonte.

Il précise que ces remplacements étaient réguliers et pouvaient durer plusieurs semaines ; qu'ainsi en août 2019 il avait effectué en tout 104 heures de remplacement et en octobre 2019 131,50 heures ; qu'il a effectué son premier emplacement dès le mois de septembre 2018 (pièce n° 3).

Monsieur [A] [X] indique que Messieurs [F] [E], [T] [Y], [I] [O] et [U] [Z] étaient également conducteurs de four « faisant fonction » et bénéficiaient du coefficient 4C.

En conséquence, il demande un rattrapage de salaires de 4037,90 euros, outre 403,79 euros au titre des congés payés afférents, pour la période d'octobre 2018 à juin 2021, selon la grille salariale applicable (pièce n° 5).

L'employeur expose que Monsieur [A] [X] a été embauché à l'échelon 4A coefficient 160 puis est passé en novembre 2019 à l'échelon 4B coefficient 175, compte tenu de l'expérience acquise à son poste.

Il indique que dans le cadre de ses fonctions, comme le prévoit les dispositions de l'annexe I - article 5.2 de la convention collective applicable, Monsieur [A] [X] était amené à exécuter temporairement des travaux correspondant à une qualification supérieure à la sienne et qu'il a donc remplacé de manière temporaire et sur des périodes courtes, son chef d'équipe, bénéficiant à ce titre de « primes de passation de consignes ».

L'employeur fait valoir que Monsieur [A] [X] ne bénéficie pas de l'expérience et des connaissances pour être classé à l'échelon 4C (pièce n° 1-A à 1-C). Il précise que le poste de « conducteur de four » n'implique pas la classification au coefficient 4C et qu'en outre le fait de remplacer temporairement le chef d'équipe n'est pas conditionnée à cette classification.

Il fait également valoir que les salariés avec lesquelles il se compare, ont une ancienneté et une expérience professionnelle, « bien supérieure » à la sienne, qui, avec d'excellentes évaluations à l'issue du tests techniques, justifient leur classification au coefficient 4C (pièces n° 7 à 9, 14 à 17). L'employeur indique que les évaluations également très bonnes de Monsieur [A] [X] lui ont permis d'être classé au niveau 4B, seulement 4 mois après son embauche.

Motivation :

En cas de litige portant sur la qualification reconnue par l'employeur au salarié, le juge doit se prononcer au vu des fonctions réellement exercées par celui-ci, sans se limiter aux mentions figurant sur le contrat de travail et les bulletins de salaire ; il doit en particulier les comparer à la grille de la convention collective pour vérifier dans quelle catégorie se place l'emploi.

La preuve du contenu des fonctions exercées incombe au demandeur à la reclassification.

Il résulte du contrat de travail et les fiches de salaire que Monsieur [A] [X] occupe la fonction de « conducteur d'installation de production », en l'espèce de conducteur de four.

Il résulte de l'annexe de la convention collective nationale de la fabrication du verre à la main, concernant la classification des emplois, que celui de conducteur de four est classé au niveau 4, échelon 4b, coefficient 175. Selon cette annexe, les emplois de l'échelon 4b « nécessitent une pratique confirmée du métier et « exigent des initiatives permettant d'adapter les instructions et les consignes générales permanentes et requiert des interventions appropriées ».

L'annexe citée ci-dessus indique que les emplois classés au niveau 4, échelon 4c, nécessitent « des connaissances professionnelles confirmées acquises par une longue pratique du métier » ainsi que l' « animation et coordination de l'action des membres de l'équipe ».

En l'espèce, Monsieur [A] [X] avait une ancienneté de 38 mois au moment de sa prise d'acte. Les salariés auxquels il se compare, lesquels bénéficient d'une classification à l'échelon 4c, ont tous une ancienneté, et donc une expérience professionnelle, sensiblement supérieures à la sienne.

En outre, l'article 5 de la convention collective prévoit :

« 1. Le salarié ouvrier ou employé qui exécute exceptionnellement soit en renfort, soit pour un motif d'urgence, des travaux correspondant à une catégorie inférieure à sa classification conserve la garantie de son salaire habituel ainsi que son coefficient.

2. Le salarié ouvrier qui, temporairement, exécute des travaux correspondant à une qualification supérieure à la sienne bénéficie, proportionnellement au temps passé, du salaire de l'emploi auquel correspondent les travaux ainsi exécutés.

3. Le salarié employé qui assure le remplacement provisoire dans un emploi de qualification supérieure conserve sa rémunération antérieure, sa classification et son coefficient pendant une période de deux mois.

Après cette période, le remplaçant bénéficie d'une indemnité compensatrice lui assurant au moins le salaire minimum garanti (SMG) de l'emploi provisoire et perçoit les compléments de rémunération qui peuvent être prévus dans ce même emploi. Sa rémunération totale ne peut être inférieure à sa rémunération antérieure.

4. Si, après la durée prévue au paragraphe 2 de l'article 7 de la présente annexe, le remplaçant continue à assumer les fonctions qui lui ont été confiées à titre provisoire, il est promu à la classification correspondant aux fonctions exercées. La notification lui en est faite, conformément à l'article 17 des clauses générales. »

L'article 7 paragraphe 2 prévoit :

2. Si l'absence impose le remplacement effectif de l'intéressé, ce remplacement ne pourra être que provisoire pendant une période d'absence de six mois, portée à huit mois après un an d'ancienneté. En cas de longue maladie au sens de la réglementation de la sécurité sociale, ce délai est porté à douze mois et sans condition d'ancienneté.

Dans ce cas, le remplaçant, salarié de l'entreprise, doit être informé par écrit du caractère provisoire de son emploi et des conditions de sa rémunération.

Passé la période fixée ci-dessus, si l'employeur est dans la nécessité de procéder à un remplacement définitif, il engage la procédure de licenciement, avec paiement de l'indemnité de préavis et, le cas échéant, de l'indemnité de congédiement.

3. Le salarié dont le contrat se trouvera rompu dans les conditions prévues au paragraphe précédent bénéficiera d'une priorité de réembauchage conformément aux dispositions de l'article 18 des clauses générales.

4. Les absences occasionnées par une maladie professionnelle contractée dans l'entreprise ou par un accident du travail ne peuvent entraîner la rupture du contrat de travail pendant les périodes de suspension, conformément à l'article L. 122-32-2.

Il résulte de la combinaison des articles 5 paragraphe 4 et 7 paragraphe 2, que Monsieur [A] [X], qui a effectué des remplacements de chef d'équipe pendant 131,50 heures en 2018 et 152,25 heures en 2019, ne remplissait pas les conditions de durée de remplacement pour être promu à l'échelon 4c.

En conséquence ses demande de reclassification et de rappels de salaires en découlant seront rejetées, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

Sur la demande le non-respect de l'obligation de sécurité :

- Monsieur [A] [X] expose que de nombreux pigeons étaient présents dans les locaux et des fientes s'accumulaient sur les postes de travail, ce qui mettait sa santé en danger (pièce n° 7).

L'employeur fait valoir qu'il charge des prestataires de lutter contre la présence de pigeons, dont le nombre a « drastiquement baissé au cours des dernières années » (pièce n° 3) ; que ni la Commission Santé Sécurité et Conditions de Travail, ni le CSE ne se sont ou ont été saisis de cette situation ; que le médecin du travail et l'inspection du travail, saisis par le salarié, ne sont intervenus.

Sur ce :

A l'appui de ses dires, Monsieur [A] [X] ne produit qu'une photographie, prise dans un lieu non identifié, de deux pigeons (pièce n° 7). Cette seule pièce ne permet pas d'établir la récurrence de la présence de pigeons et de leurs déjections.

En outre, la société BACCARAT produit trois factures attestant de l'intervention annuelle, de 2019 à 2021, d'une entreprise spécialisée dans l'éliminations des nuisibles, et portant la mention « pigeons » (pièce n° 3).

Dès lors, aucun manquement de l'employeur à son obligation de sécurité n'est démontré.

- Sur l'absence d'allée piétonne prévue et signalisée dans les locaux :

Monsieur [A] [X] fait valoir qu'il a alerté, oralement, et en vain, sa hiérarchie sur le fait que les engins et les pétions circulaient de manière totalement anarchique et que les salariés piétons, dont lui-même, risquent d'être accidentés (pièces n° 8).

L'employeur fait valoir que Monsieur [A] [X] ne rapporte aucune preuve sur ses dires ni sur de quelconques alertes de la part de salariés ou de représentants des salariés, ni de la médecine du travail, ni de l'inspecteur du travail.

Sur ce :

A l'appui de ses dires, Monsieur [A] [X] produit quatre photographies de passerelles vides, sans préciser leur emplacement dans l'entreprise ni sur leur affectation à des véhicules et/où des piétons.

Ces seules pièces sont insuffisantes à démontrer un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

- Monsieur [X] expose qu'il était contraint de travailler avec des bennes vétustes.

Il fait valoir qu'il devait déplacer des bennes dont les roues étaient totalement usées et ne permettaient donc aucune manoeuvrabilité.

Il indique qu'il a en vain alerté sa hiérarchie lors des tournées et des réunions de service.

Monsieur [A] [X] expose également que début 2021 des roues ont été livrées, mais étaient incompatibles avec les bennes, qui se trouvaient bloquées, ce qui a engendré de nombreux problèmes physiques sur sa personne et celles de collègues (pièce n° 9).

L'employeur fait valoir que Monsieur [A] [X] ne démontre pas l'avoir alerté, ni que les bennes étaient défectueuses, ni que lui-même ou d'autres salariés en ont eu à souffrir.

Sur ce :

Monsieur [A] [X] produit des photographies de bennes avec des roues abîmées, sans indication sur leur emplacement ni sur leur usage.

Il produit également des notes manuscrites qu'il a prises faisant état de ce que à quatre reprises, entre octobre 2020 et 2021, lui-même et trois autres salariés avaient eu des douleurs dorsales après avoir tenté de déplacer des bennes défectueuses (pièces n° 9).

Cependant ces notes ne sont corroborées par aucune autre pièce ou témoignage.

Par ailleurs il ne produit aucune pièce attestant qu'il ait alerté sa hiérarchie sur l'état des bennes et sur les incidents dont il fait état.

Dès lors, aucun manquement de l'employeur à son obligation de sécurité n'est démontré.

- Monsieur [A] [X] expose qu'il était également contraint d'utiliser des palans vétustes.

Il fait valoir que les salariés n'étaient par ailleurs pas formés à leur utilisation, ce qui, en plus de leur vétusté, occasionnaient de manière récurrente des accidents ou maladies.

Il indique que les télécommandes utilisées pour man'uvrer les palans obligent les salariés à appuyer dessus pendant 8 minutes toutes les heures, ce qui crée des douleurs, mais qu'après étude du service maintenance et sécurité, la société a renoncé à l'achat de télécommandes modernes, car couteuses.

Monsieur [A] [X] indique également que le contrôle des écrous et boulons n'était pas effectué dans les règles, à l'aide d'une clé dynamométrique par le service de maintenance.

La société BACCARAT fait valoir que Monsieur [A] [X] ne procède que par affirmations, sans les étayer.

Sur ce :

Monsieur [A] [X] produit la photographie d'« une fiche incident » réalisée le 21 mars 2021 mentionnant la casse d'un élément d'un palan d'enfournement et des actions réalisée à la suite de cet incident pièce n°10-1).

Il produit également une deuxième photographie, non légendée, ni explicitée dans ses conclusions, représentant une zone de travail avec un ruban blanc et rouge tendu à l'une de ses extrémités (pièce n° 10-2).

Il produit aussi les photos de deux documents intitulés « réunion journalière fusion » datées du 18 février 2020 et du 14 janvier 2020, faisant état d'une « station élévation poussée en petite vitesse » ; « compositeur tendinite au bras à force d'appuyer sur le bouton de la télécommande ». Ces documents ne sont pas signés, de sorte que leur auteur n'est pas connu et en tout état de cause ne donnent pas d'indication sur la vétusté ou la dangerosité des palans (pièces n° 10-1 et 10-3).

Aucune pièce relative à une intervention du service de maintenance demandant le remplacement des télécommandes des palans ni établissant un refus de l'employeur n'est produite.

Enfin, Monsieur [A] [X] n'indique pas avoir été lui-même victime d'une tendinite en raison de la manipulation de télécommandes.

Ces éléments ne permettent pas d'établir un manquement à l'obligation de sécurité.

- Sur l'absence de sécurisation des postes de travail « en raison des tuyaux de gaz au sol dans lesquels les salariés pouvaient très facilement trébucher et se blesser, et qui pouvaient en outre provoquer des fuites de gaz ».

Monsieur [A] [X] expose que l'allumage des fours à gaz se font à l'aide d'une bombonne à gaz et d'une torche, procédé dangereux en ce que ceci engendrait parfois des « implosions » à l'intérieur des fours.

La société BACCARAT fait valoir que Monsieur [A] [X] ne démontre pas ses assertions.

Sur ce :

Monsieur [A] [X] ne produit aucune pièce relative à la procédure d'allumage des fours, ni au danger pour la sécurité qu'elle représenterait.

Le manquement à une obligation de sécurité n'est donc pas établie.

- Sur les postes de travail envahis de fuites d'huile et « enverrés » (verre tombé que les verriers ne nettoient jamais).

Monsieur [A] [X] indique que les salariés du service fusion, qui devaient eux-mêmes nettoyer les morceaux de verre présents au sol, en informaient régulièrement leurs supérieurs et que ces négligences de la Direction entrainaient des accidents.

La société BACCARAT fait valoir que le circuit hydraulique avait été refait en 2020 et que le service maintenance intervenait à chaque fois qu'il était alerté.

Sur ce :

Monsieur [A] [X] produit trois photographies sur lesquelles sont uniquement visibles des morceaux de verre au sol, sans indication de date et de lieu. Elles ne permettent pas de déterminer la durée pendant laquelle ces morceaux de verre n'ont pas été nettoyés. Il ne produit aucune pièce relative à des alertes par des salariés du service fusion (pièces n° 10).

- Sur la boite de dérivation n'ayant pas de couvercle dans un lieu humide et sur l'absence d'aspiration au-dessus de la poubelle dans laquelle sont vidées les cuves aspirateurs remplies de minium de plomb :

Monsieur [A] [X] ne donne aucune explication sur cette assertion, ni ne vise de pièces qu'il produirait à cet égard.

- Sur la consommation d'alcools forts tolérée par la direction pendant le travail, alors que l'article R4228-21 du Code du travail interdit de « laisser entrer ou séjourner dans les lieux de travail des personnes en état d'ivresse ».

Monsieur [A] [X] produit une photographie montrant la présence de trois bouteilles d'alcool, sans indication lisible quant à leur contenu, et de sachets apéritifs sur une table de la salle de pause.

L'employeur fait valoir que la photographie, d'après les indications qui y ont été portées, a été prise après le départ du salarié de l'entreprise.

Sur ce :

La présence de vin, de bière et de cidre sont autorisés dans les entreprises, sauf indication contraire du règlement intérieur. La présence dans l'entreprise de salariés en état d'ivresse est en revanche interdite.

En l'espèce, Monsieur [A] [X] ne produit aucun élément relatif à la présence dans l'entreprise de salariés en état d'ivresse.

- Sur la présence d'amiante sur les fermetures de portes des moufles par une entreprise spécialisée seulement en cours d'année 2020 :

Monsieur [A] [X] produit des articles de presse relatifs à un ouvrier victime de l'amiante à la Cristallerie BACCARAT, ainsi que des photographies.

La société BACCARAT fait valoir que les articles sont relatifs à l'indemnisation de salariés pour préjudice d'anxiété en raison de leur exposition à l'amiante entre 1945 et 1996.

Sur ce :

Monsieur [A] [X] produit un premier article de presse relatif à la condamnation de la société BACCARAT pour faute inexcusable, à la suite du décès en 2017, d'un salarié ayant absorbé de la poussière d'amiante de 1974 à 1985 et un second article du 24 mai 2019 relatif à l'indemnisation de salariés de l'entreprise au titre du préjudice d'anxiété pour avoir été exposé à l'amiante, « après six ans de procédure ».

Ces articles font référence à des expositions à l'amiante ayant eu lieu plusieurs années avant que Monsieur [A] [X] ait commencé à travailler dans l'entreprise et ne sauraient démontrer sa propre exposition à cette substance.

S'agissant de la présence d'amiante sur les fermetures de portes des moufles, Monsieur [A] [X] ne fait référence à aucune pièce produite.

Plus généralement, Monsieur [A] [X] fait état d'accidents du travail survenus dans l'entreprise, dont il ne précise ni la date, ni les circonstances.

Enfin, il fait valoir que le non-respect par la société BACCARAT de son obligation de sécurité lui a provoqué des douleurs et blessures, en ce qu'il a dû travailler avec « des outils totalement dysfonctionnels ».

La société BACCARAT fait valoir que les pièces médicales produites par le salarié ne démontrent pas le caractère professionnel de ses affections.

Sur ce :

Monsieur [A] [X] produit une « fiche de suivi soins SST » du 7 mars 2021 sur laquelle sont cochées la case « tronc/dos » sous la mention « siège Lésion » et la case « oui » sous la mention « En lien avec le travail ».

La cour constate que cette fiche ne mentionne pas les circonstances dans lesquelles les douleurs seraient apparues, ni la qualité et l'identité de la personne ayant rempli cette fiche (pièce n° 13).

Monsieur [A] [X] produit également un certificat d'un médecin ostéopathe indiquant lui avoir prodigué des soins de 2018 à 2020 (pièce n° 17) ; un compte-rendu d'une IRM du rachis dorsolombaire pratiquée le 1er mars 2021 indiquant « une discopathie générative étagée avec réduction de l'espace foraminal droit de L4-L5 » (pièce n° 18) ; un compte-rendu d'une IRM du rachis cervical pratiquée le 13 août 2020, indiquant « Uncodiscarthrose pluriétagée avec rétrécissements foraminaux » (pièce n° 19).

Outre que ces divers certificats médicaux concernent des soins ou des examens pratiqués avant l'établissement de la fiche du 7 mars 2021, aucun élément du dossier ne permet de relier les affections constatées par les IRM avec l'activité professionnelle de Monsieur [A] [X].

Il résulte de l'ensemble des éléments examinés ci-dessus qu'il n'est pas démontré que la société BACCARAT a manqué à son obligation de sécurité vis-à-vis de la personne de Monsieur [A] [X].

Il sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :

Monsieur [A] [X] expose que pendant la période où il a été en activité partielle en raison de la pandémie due au COVID, deux salariés intérimaires ont été embauchés ; qu'en conséquence, il n'aurait pas dû être au chômage partiel, situation qui a entraîné une baisse de sa rémunération.

L'employeur fait valoir que les fours du service fusion sont actionnés par cinq équipes distinctes sur la base d'un travail en 5x8 ; que les deux salariés intérimaires avaient rejoints l'entreprise avant la pandémie et qu'ils étaient affectés, l'un a l'équipe B et l'autre à l'équipe D ; que Monsieur [A] [X] était affecté à l'équipe C ; que compte-tenu des contraintes liées à l'organisation du temps de travail, il n'était pas possible d'affecter les salariés sur plusieurs équipes.

Motivation :

Monsieur [A] [X] a été mis en activité partielle 18 jours de septembre à novembre 2020 (pièce n° 21 de l'appelant).

Il ressort de la pièce n° 4 de l'intimée que les deux salariés intérimaires ont travaillé, s'agissant de Monsieur [K] dans l'équipe B, du 1er janvier 2020 au 30 octobre 2020 et s'agissant de Monsieur [H] dans l'équipe D, du 3 janvier 2020 au 22 février 2020, puis dans l'équipe A, 23 février 2020 au 4 décembre 2020.

Ces salariés ont été embauchés, soit postérieurement à la mise en activité partielle de Monsieur [A] [X], soit antérieurement et pour une durée de plusieurs mois.

Il ne peut être fait grief à la société BACCARAT de ne pas avoir interrompu les missions des salariés intérimaires pour éviter une mise en chômage partiel de Monsieur [A] [X], étant noté que ce dernier travaillait au sein d'une équipe distincte de ces derniers.

En conséquence, Monsieur [A] [X] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Sur les effets de la prise d'acte :

Monsieur [A] [X] expose que par courrier du 11 juin 2021, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail en raison des manquements de son employeur à ses obligations.

Il lui fait grief de ne pas lui avoir fait bénéficier de la classification conventionnelle adéquate, de ne pas avoir respecté à son obligation de sécurité et d'avoir adopté un comportement frauduleux dans le cadre de son recours à l'activité partielle, le privant d'une partie de son salaire.

Monsieur [A] [X] demande en conséquence que sa prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et que l'employeur lui verse l'indemnité conventionnelle de licenciement, l'indemnité compensatrice de préavis, outres les congés payés y afférant et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'employeur fait valoir que la prise d'acte doit produire les effets d'une démission et que Monsieur [A] [X] doit être en conséquence débouté de ses demandes.

Motivation :

Ainsi qu'il l'a été motivé ci-dessus, les griefs énoncés par Monsieur [A] [X], relatifs à sa classification, à l'obligation de sécurité de son employeur et aux conditions de sa mise en activité partielle ne sont pas démontrés.

En conséquence, il sera débouté de toutes ses demandes, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens :

Monsieur [A] [X] et la société BACCARAT seront déboutées de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles.

Monsieur [A] [X] sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant contradictoirement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy en ses dispositions soumises à la cour ;

Y AJOUTANT

Déboute Monsieur [A] [X] de sa demande au titre l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société BACCARAT de sa demande au titre l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [A] [X] aux dépens.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en quatorze pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 23/01306
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;23.01306 ?
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