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11/03/2024 | FRANCE | N°23/01906

France | France, Cour d'appel de Nancy, 1ère chambre, 11 mars 2024, 23/01906


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D'APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile



ARRÊT N° /2024 DU 11 MARS 2024





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/01906 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FHNZ



Décision déférée à la Cour : ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'EPINAL, R.G.n° 22/00306, en date du 12 avril 2023,



APPELANT :

Monsieur [J] [R]

né le [Date naissance 4] 1958 à [Localité 1

0] (88)

domicilié [Adresse 2] - [Localité 9]

Représenté par Me Philippe CROUVIZIER substitué par Me Guillaume CROUVIZIER de la SCP CROUVIZIER BANTZ AVOCATS, ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

------------------------------------

COUR D'APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2024 DU 11 MARS 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/01906 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FHNZ

Décision déférée à la Cour : ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'EPINAL, R.G.n° 22/00306, en date du 12 avril 2023,

APPELANT :

Monsieur [J] [R]

né le [Date naissance 4] 1958 à [Localité 10] (88)

domicilié [Adresse 2] - [Localité 9]

Représenté par Me Philippe CROUVIZIER substitué par Me Guillaume CROUVIZIER de la SCP CROUVIZIER BANTZ AVOCATS, avocats au barreau de NANCY

INTIMÉE :

Madame [P] [X] [R]

née le [Date naissance 1] 1990 à [Localité 10] (88)

domiciliée [Adresse 8] - [Localité 9]

Représentée par Me Ludovic VIAL de la SELARL SENTINELLE AVOCATS, avocat au barreau d'EPINAL

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 Janvier 2024, en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre,

Madame Mélina BUQUANT, Conseiller, chargée du rapport,

Madame Claude OLIVIER-VALLET, Magistrat honoraire,

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;

A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 11 Mars 2024, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 11 Mars 2024, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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EXPOSÉ DU LITIGE

De l'union de [F] [R] et [T] [N], son épouse, sont issus deux enfants :

- [G] [R], né le [Date naissance 3] 1964 et décédé le [Date décès 7] 2014, laissant sa fille Madame [P] [R] épouse [A] pour lui succéder,

- [J] [R], né le [Date naissance 4] 1958.

Suivant acte de donation-partage, faite en avancement d'hoirie, reçu le 13 août 1988 par Maître [B], et acte donation entre vifs, reçu le 18 septembre 1989 par Maître [E], [F] [R] et [T] [N] ont fait donation à leurs deux fils de différents biens immobiliers par moitié indivise.

Suivant testament authentique du 3 mai 2010, [F] [R] a institué sa petite-fille [P] [R], fille de son fils [G] [R], légataire de la quotité disponible de l'universalité des biens et droits dépendants de la succession.

[T] [N] est décédée le [Date décès 6] 2015 et [F] [R] est décédé le [Date décès 5] 2016, laissant tous deux pour leur succéder leur fils, Monsieur [J] [R], et leur petite-fille, Madame [P] [R].

Par déclaration reçue le 26 décembre 2017, devant Maître [L] [Y], notaire à [Localité 10], Madame [P] [R] a accepté la succession de son père, [G] [R] à concurrence de l'actif net.

Par acte d'huissier du 14 février 2022, Madame [P] [R] a fait assigner Monsieur [J] [R] devant le tribunal judiciaire d'Épinal aux fins d'ouverture des opérations de compte liquidation et partage des successions d'[T] [N] et de [F] [R] et de partage judiciaire des biens indivis des consorts [P] et [J] [R] situés à [Localité 9] ainsi que l'ouverture des opérations de compte liquidation partage.

Par ordonnance contradictoire du 12 avril 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Épinal a :

- rejeté les fins de non-recevoir soulevées par Monsieur [J] [R] et déclaré recevables les demandes de Madame [P] [R],

- rejeté la demande de dommages et intérêts formée par Monsieur [J] [R],

- condamné Monsieur [J] [R] à payer à Madame [P] [R] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [J] [R] aux dépens de l'incident,

- dit que l'affaire sera rappelée à l'audience de mise en état du 26 juin 2023 pour les écritures au fond de Monsieur [J] [R] et lui a délivré injonction pour ce faire.

Pour statuer ainsi, le juge de la mise en état a relevé que, conformément à l'article 804 du code civil, la renonciation à une succession ne se présumait pas. Ainsi, il a constaté que s'il n'était aucunement justifié d'un acte de renonciation par la demanderesse à la succession de son père, elle produisait en revanche un document notarié du 26 novembre 2017 portant acceptation à concurrence de l'actif net établi. Le juge de la mise en état a d'ailleurs précisé que la seule sanction du défaut d'enregistrement de la déclaration et du dépôt de l'inventaire était l'attribution de la qualité d'acceptant pur et simple. Monsieur [J] [R] n'ayant donc pas sommé sa nièce de se prononcer quant à l'acception de la succession de [G] [R] dans les formes de l'article 771 du code civil, le juge a considéré qu'elle avait la qualité d'héritière de son père.

Conformément à l'article 1360 du code de procédure civile, il a estimé que l'assignation en partage de Madame [P] [R] contenait un descriptif sommaire du patrimoine à partager et précisait ses intentions quant à la répartition des biens et des diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable dès lors qu'elle produisait les actes décrivant les biens à partager ainsi que des documents et pièces établissant que le partage n'avait pas pu être réalisé par voie amiable. S'agissant des successions d'[T] [N] et de [F] [R], le juge a constaté qu'elle a détaillé le patrimoine restant à partager et expliqué que, bénéficiant de la quotité disponible de ces successions, sa demande visait alors à déterminer si ce legs s'étendait également aux donations antérieures qui ont été réalisées en avancement d'hoirie ce qui pourrait augmenter sa part et justifierait une éventuelle action en réduction.

Le conseiller de la mise en état a donc considéré que les demandes de partage formulées par Madame [P] [R] étaient recevables et que la procédure qu'elle avait engagée n'était pas abusive.

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 31 août 2023, Monsieur [J] [R] a relevé appel de cette ordonnance.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 5 octobre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [J] [R] demande à la cour, sur le fondement des articles 31 et suivants du code de procédure civile ainsi que des articles 734, 787 et suivants et 1240 du code civil, de :

- dire et juger ses demandes bien fondées,

- infirmer l'ordonnance rendue le 12 avril 2023 par le juge de la mise en état d'Épinal en ce qu'elle a :

* rejeté les fins de non-recevoir qu'il a soulevées et déclaré recevables les demandes de Madame [P] [R],

* rejeté sa demande de dommages-intérêts,

* l'a condamné à verser à Madame [P] [R] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

Statuant à nouveau,

- déclarer irrecevable la demande de partage judiciaire des biens indivis situés à [Localité 9] formée par Madame [P] [R] pour défaut de qualité à agir,

- déclarer infondée la demande d'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession des époux [F] [R] et [T] [N] formée par Madame [P] [R],

- dire qu'il pourra bénéficier de la succession partielle de son frère [G] [R] dans le cadre de l'indivision [J] et [G] [R],

- condamner Madame [P] [R] à lui verser la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et dilatoire,

- condamner Madame [P] [R] à lui verser la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance, la somme de 2400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 27 octobre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [P] [R] demande à la cour, sur le fondement des articles 31 et suivants ainsi que 789 et suivants du code de procédure civile, de :

- confirmer en toutes ses dispositions la décision déférée,

Et ainsi,

- débouter Monsieur [J] [R] de l'ensemble de ses demandes,

- le condamner à payer la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 4 décembre 2023.

L'audience de plaidoirie a été fixée le 22 janvier 2024 et le délibéré au 11 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les dernières conclusions déposées par Monsieur [J] [R] le 5 octobre 2023 et par Madame [P] [R] le 27 octobre 2023 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 4 décembre 2023 ;

* Sur la qualité d'héritière de Madame [R]

Selon l'article 730 du code civil, la qualité d'héritier s'établit par tout moyen.

L'article 804 du même code énonce que la renonciation ne se présume pas.

La faculté d'option offerte à l'héritier se prescrit par 10 ans à compter de l'ouverture de la succession ; l'héritier qui ne s'est pas prononcé dans ce délai est présumé renonçant, en application de l'article 780 du même code.

La faculté d'option offerte à Madame [R] pour accepter ou renoncer à la succession de son père [G] [R] devait donc être exercée avant le 6 mai 2024.

Monsieur [R] fait valoir que sa nièce a renoncé à la succession de son père et qu'elle n'a donc pas la qualité d'indivisaire sur les biens dont les défunts [F] [R] et son épouse [T] [N] avaient donné la nue-propriété indivise à leurs deux fils.

S'agissant des successions [F] [R] et son épouse [T] [N], il sera rappelé que le fait que Madame [R] ait ou non accepté la succession de son père est indifférent sur sa faculté à venir à la succession de ses grands-parents par l'effet de la représentation, puisqu'elle tient ses droits non de son défunt père mais de la loi, l'article 754 du code civil dispose d'ailleurs expressément que 'On peut représenter celui à la succession duquel on a renoncé'.

S'agissant des biens dont la nue-propriété avait été donnée par les défunts à leurs deux fils, à savoir une maison, un chalet et des terrains situés à [Localité 9], contrairement à ce qu'affirme l'appelant, Madame [R] a accepté à concurrence de l'actif net la succession de son père par acte authentique du 26 décembre 2017 (pièce 9 intimée), lequel n'a pas fait l'objet d'une inscription en faux et dont le défaut de publicité n'aurait pour seule conséquence que l'héritier soit réputé accepter purement et simplement la succession, puisque, selon l'article 801 du code civil, 'l'acceptation à concurrence de l'actif net empêche toute renonciation à la succession'.

Madame [R] a donc la qualité d'héritier dans les successions de ses deux grands-parents paternels et elle a accepté la succession de son père dans laquelle figurait la nue-propriété indivise avec son oncle de divers biens immobiliers.

Ayant accepté la succession de son père, elle évince son oncle comme héritier de celui-ci en application de l'article 734 du code civil.

Elle a donc qualité pour solliciter l'ouverture des opérations de liquidation et de partage des successions de ses grand-parents et de l'indivision sur les biens immobiliers dont la nue-propriété avait été donnée à son père et à son oncle.

** Sur la recevabilité de l'assignation en partage

L'article 1360 du code de procédure civile dispose qu'' à peine d'irrecevabilité, l'assignation en partage contient un descriptif sommaire du patrimoine à partager et précise les intentions du demandeur quant à la répartition des biens ainsi que les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable', imposant donc à peine d'irrecevabilité l'existence de démarches en vue de réaliser un partage amiable préalable à la délivrance de l'assignation.

La condition posée concerne donc l'existence de diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable, sans tirer de conséquence du fait que l'échec soit ou non imputable à l'un ou l'autre des indivisaires.

Madame [R] (pièces 1 et 2 intimée) établit qu'une première réunion entre les indivisaires a été réalisée à la diligence de Maître [D] le 17 février 2017 et qu'un seconde rendez-vous, fixé le 3 avril 2017, a été annulé par son oncle le 31 mars 2017 (pièce 9-1 appelant), conduisant Maître [D] à se dessaisir du dossier. Les échanges ultérieurs, par le biais des notaires des parties, n'ont pas permis de faire avancer la situation, ce qui est d'ailleurs établi par les courriers que Monsieur [R] verse aux débats.

Enfin, il sera observé que si Monsieur [R] produit la première page d'un acte amiable de partage du mobilier de [F] [R] et son épouse [T] [N] en date du 22 mars 2017 (pièce 8 appelant), l'intégralité du document n'est pas communiquée et ce partage n'est qu'un partage partiel, en l'absence d'accord sur les avoirs financiers et sur les effets du legs de la quotité disponible du défunt à sa petite-fille et des conséquences qu'elle envisage sur les donations précédemment opérées. D'ailleurs, Maître [D], alors en charge du règlement des successions, avait programmé un rendez-vous le 3 avril 2017.

Dès lors qu'il est établi l'existence de démarches amiables lesquelles n'ont pas permis d'aboutir au partage, il est rapporté la preuve des diligences exigées par l'article 1360 du code de procédure civile, de telle sorte qu'aucune irrecevabilité n'est encourue.

*** Sur les demandes accessoires

Vu les articles 32-1 du code de procédure civile et 1240 du code civil,

L'exercice de voies de droit ne dégénère en abus susceptible de mettre en jeu la responsabilité civile de son titulaire qu'en cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur équipollente au dol ; le seul mal-fondé des prétentions n'est pas suffisant à établir un abus de droit.

En l'espèce, aucune faute n'est caractérisée à la charge de Madame [R] - dont le recours n'est pas déclaré irrecevable.

Monsieur [R] sera débouté de sa demande de dommages-intérêts.

L'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

Monsieur [R], qui succombe en son recours, sera condamné aux dépens de la procédure d'appel et à payer la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à Madame [R]. Il sera débouté de sa propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Confirme l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Epinal le 12 avril 2023 en toutes ses dispositions contestées ;

Y ajoutant,

Condamne Monsieur [J] [R] aux dépens de l'instance d'appel ;

Condamne Monsieur [J] [R] à payer à Madame [P] [R] la somme de 1500 euros (MILLE CINQ CENTS EUROS) pour les frais irrépétibles exposés en appel ;

Le déboute de sa propre demande de ce chef.

Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-

Minute en six pages.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23/01906
Date de la décision : 11/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-11;23.01906 ?
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