RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D'APPEL DE NANCY
Première Chambre Civile
ARRÊT N° /2024 DU 11 MARS 2024
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/01142 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FFXG
Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de NANCY,
R.G.n° 21/02298, en date du 16 mars 2023,
APPELANTS :
Monsieur [K] [S]
né le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 15] (54)
domicilié [Adresse 10]
Représenté par Me Maxime JOFFROY de la SCP JOFFROY LITAIZE LIPP, avocat au barreau de NANCY
Monsieur [A] [S]
né le [Date naissance 2] 1990 à [Localité 15] (54)
domicilié [Adresse 11]
Représenté par Me Maxime JOFFROY de la SCP JOFFROY LITAIZE LIPP, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉS :
Monsieur [M] [S]
né le [Date naissance 8] 1960 à [Localité 15] (54)
domicilié [Adresse 12]
Non représenté, bien que la déclaration d'appel et les conclusions des appelants lui aient été régulièrement signifiées par acte de Me [R] [G], Commissaire de justice à [Localité 15], en date du 17 juillet 2023 (remise à étude)
Monsieur [D] [S]
né le [Date naissance 8] 1960 à [Localité 15] (54)
domicilié [Adresse 12]
Non représenté, bien que la déclaration d'appel et les conclusions des appelants lui aient été régulièrement signifiées par acte de Me [R] [G], Commissaire de justice à [Localité 15], en date du 17 juillet 2023 (remise à étude)
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 15 Janvier 2024, en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre, chargée du rapport,
Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,
Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,
qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;
A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 11 Mars 2024, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
ARRÊT : défaut, rendu par mise à disposition publique au greffe le 11 Mars 2024, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;
FAITS ET PROCÉDURE :
[F] [S] et [O] [V] se sont mariés le [Date mariage 3] 1957, sans contrat préalable.
[F] [S] est décédé le [Date décès 9] 2007.
[O] [V] veuve [S], est décédée le [Date décès 13] 2018, en laissant pour lui succéder les trois enfants nés de cette union : [C] [S], décédé le [Date décès 7] 2008 et laissant pour lui succéder Monsieur [K] [S] et Monsieur [A] [S] ; Monsieur [M] [S] ; Monsieur [D] [S].
Par assignation du 15 septembre 2021, Messieurs [K] et [A] [S] ont attrait devant le tribunal judiciaire de Nancy leurs oncles, Messieurs [M] et [D] [S], notamment aux fins de voir prononcer l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [O] [V] veuve [S].
Par jugement réputé contradictoire du 16 mars 2023, le tribunal judiciaire de Nancy a :
- ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [O] [V] veuve [S], décédée le [Date décès 13] 2018,
- désigné Maître [L] [U], notaire à [Localité 15], [Adresse 6], pour procéder a ces opérations,
- enjoint aux parties de communiquer au notaire ainsi désigné, dans le mois suivant sa saisine, l'ensemble des pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission,
- dit qu'en cas d'empêchement du notaire commis, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance du juge commis, rendue sur requête,
- dit que la surveillance des opérations sera assurée par Madame [H] [W], vice-présidente au tribunal judiciaire de Nancy, en sa qualité de juge commis, ou par tout autre magistrat venant en remplacement,
- rappelé que le notaire peut demander au juge commis de convoquer les parties ou leurs représentants, en sa présence, pour tenter une conciliation entre elles,
- rappelé les dispositions de l'article 841-1 du code civil selon lesquelles 'si le notaire commis pour établir l'état liquidatif se heurte à l'inertie d'un indivisaire, il peut le mettre en demeure, par acte extra-judiciaire, de se faire représenter. Faute pour l'indivisaire d'avoir constitué mandataire dans les trois mois de la mise en demeure, le notaire peut demander au juge commis de désigner toute personne qualifiée qui représentera le défaillant jusqu'à la réalisation complète des opérations',
- dit que dans le délai d'un an suivant sa désignation, il appartiendra au notaire de dresser un acte liquidatif établissant les comptes entre les indivisaires et les modalités de partage,
- dit qu'en raison de la complexité des opérations, une prorogation du délai ne pouvant excéder un an peut, le cas échéant, être sollicitée du juge commis par le notaire ou sur requête d'un copartageant,
- rappelé aux parties les dispositions de l'article 842 du code civil selon lesquelles 'à tout moment, les copartageants peuvent abandonner les voies judiciaires et poursuivre le partage à l'amiable si les conditions prévues pour un partage de cette nature sont réunies',
- dit qu'à l'issue des opérations, si un acte de partage amiable est établi, le notaire en informera le juge qui constatera la clôture de la procédure,
- dit qu'en cas de désaccord des indivisaires sur le projet d'état liquidatif, et conformément aux dispositions de l'article 1373 du code de procédure civile, le notaire transmettra au juge commis un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties ainsi que le projet d'état liquidatif de manière à permettre au tribunal de statuer sur les points de désaccord,
- dit qu'une fois le procès-verbal de difficultés et le projet d'état liquidatif déposés par le notaire il appartiendra au juge commis de fixer la date de renvoi de l'affaire à la mise en état,
Et, dès à présent,
- débouté Monsieur [K] [S] et Monsieur [A] [S] de leur demande d'attribution préférentielle du bien indivis sis [Adresse 14] à [Localité 16],
- fixé, en son seul principe, l'indemnité due à l'indivision par Monsieur [M] [S] et Monsieur [D] [S] au titre de l'occupation privative des biens indivis sis [Adresse 5] à [Localité 15],
- invité les parties à communiquer au notaire tous éléments propres à justifier de la valeur locative des biens sis [Adresse 5] à [Localité 15], ainsi que de la date à laquelle l'occupation privative par Monsieur [M] [S] et Monsieur [D] [S] a débuté,
- invité le notaire en charge des opérations à rechercher un accord entre les parties, s'agissant du point de départ de l'indemnité d'occupation ainsi que de son montant,
- dit qu'à défaut d'un tel accord, il sera procédé conformément aux dispositions de l'article 1373 du code de procédure civile,
- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage,
- condamné in solidum Monsieur [M] [S] et Monsieur [D] [S] à payer à Messieurs [K] et [A] [S] la somme de 2000 euros (soit 1000 euros chacun) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- rappelé que le jugement est, de droit, exécutoire par provision.
Pour statuer ainsi, le tribunal a ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [O] [V], dès lors que les opérations de partage amiable n'avaient pu aboutir et que les conditions de recevabilité d'une demande de partage judiciaire, posées par l'article 1360 du code de procédure civile, étaient satisfaites.
Il a refusé d'attribuer préférentiellement le bien indivis sis à [Localité 16] dès lors qu'en l'absence d'accord amiable entre les successibles, les conditions posées par l'article 831-2 du code civil n'étaient pas satisfaites.
Le tribunal a chargé le notaire de chercher un accord entre les parties sur le point de l'indemnité d'occupation du bien indivis au motif que si Monsieur [K] [S] et Monsieur [A] [S] étaient recevables à demander le versement de cette indemnité, ils ne fournissaient pas les éléments nécessaires pour justifier d'une occupation privative du bien par Messieurs [M] et [D] [S] au-delà du [Date décès 13] 2018 et ne présentaient aucune demande chiffrée permettant de fixer le montant de cette indemnité.
oOo
Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 25 mai 2023, Messieurs [K] et [A] [S] ont relevé appel de ce jugement.
Bien que la déclaration d'appel et les conclusions leur ont été régulièrement signifiées le 17 juillet 2023 en l'étude, Messieurs [M] et [D] [S] n'ont pas constitué avocat.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 7 juillet 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Messieurs [K] et [A] [S] demandent à la cour de :
- déclarer l'appel inscrit recevable et fondé,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy le 16 mars 2023 (RG n° 21/00298) dans toute la mesure utile,
Et, statuant à nouveau,
- leur attribuer les biens et droits immobiliers sis [Adresse 14] à [Localité 16], cadastrés Section A0 n° [Cadastre 4], lieudit '[Adresse 14]' et représentant 3 a et 86 ca, pour la valeur de 90000 euros,
- condamner in solidum Messieurs [M] et [D] [S] à leur verser la somme de 4000 euros (soit 2000 euros chacun) au titre des frais irrépétibles de défense exposés en première instance et en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum Messieurs [M] et [D] [S] à leur verser la somme de 4000 euros (soit 2000 euros chacun) au titre des frais irrépétibles de défense exposés en appel et en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Messieurs [M] et [D] [S] aux entiers dépens d'appel.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 5 décembre 2023.
L'audience de plaidoirie a été fixée le 15 janvier 2024 et le délibéré au 11 mars 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Vu les dernières conclusions déposées par Messieurs [K] et [A] [S] le 7 juillet 2023 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l'article 455 du code de procédure civile ;
Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 5 décembre 2023 ;
Sur le bien fondé de l'appel
L'appel est limité ; Messieurs [K] et [A] [S] sollicitent l'attribution préférentielle du bien indivis de [Localité 16] non sur le fondement de l'article 832-2 du code civil qui se réfère à la propriété du local d'habitation, d'un local à usage professionnel ou à l'ensemble des biens immobiliers nécessaires à l'exploitation d'un bail rural, mais sur le fondement de l'article 832-3 du code civil qui prévoit qu'à défaut d'accord amiable, cette attribution est portée devant le juge qui se détermine en fonction des intérêts en présence ;
Ils exposent alors que le texte prévoit que l'accord amiable d'attribution préférentielle peut être contourné par une décision de justice ;
Ils soutiennent qu'ils ont un intérêt certain à solliciter cette attribution du bien, dès lors qu'ils souhaitent y engager des travaux afin de le conserver ; ils affirment que le bien se détériore et que sa valeur vénale a été fixée à 90000 euros.
Par ailleurs, les appelants considèrent que la vente à un tiers n'est pas la seule voie offerte au juge.
Aux termes de l'article 832-3 du code civil 'L'attribution préférentielle peut être demandée conjointement par plusieurs successibles afin de conserver ensemble le bien indivis.
A défaut d'accord amiable, la demande d'attribution préférentielle est portée devant le tribunal qui se prononce en fonction des intérêts en présence.
En cas de demandes concurrentes, le tribunal tient compte de l'aptitude des différents postulants à gérer les biens en cause et à s'y maintenir. Pour l'entreprise, le tribunal tient compte en particulier de la durée de la participation personnelle à l'activité' ;
La demande des appelants se réfère à cet article et concerne une maison d'habitation qu'aucun des deux n'occupe à l'exclusion de tout autre bien ;
Or les dispositions des articles 831 à 832-2 du même code définissent les conditions de l'attribution préférentielle, que sont :
- la qualité de conjoint survivant ou d'héritier, à défaut tout co-partageant dans les conditions de l'article 831-1 du code civil ;
- son objet :
* une entreprise ou partie d'entreprise agricole, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale selon les dispositions de l'article 831 du code civil ,
* une maison d'habitation uniquement pour le conjoint survivant ou tout héritier s'il y résidait lors du décès ainsi que des meubles accessoires (831-2 du code civil) ;
* la propriété ou le droit au bail du local à usage professionnel servant effectivement à l'exercice de sa profession, outre l'ensemble des éléments mobiliers nécessaires à l'exploitation du bien rural cultivé par le défunt fermier ou pour le métayer, s'il continue à être titulaire d'un bail (831-2 du code civil) ;
- la participation du candidat à l'attribution préférentielle à l'exploitation, actuelle ou passée (article 831 du code civil) ;
L'article 832 du même code rappelle que l'attribution préférentielle visée à l'article 831 du code civil concerne les exploitations agricoles, l'article 832-1 décline les conditions de celle-ci pour le conjoint survivant ou tout héritier dans l'objectif de l'apporter à un groupement foncier agricole et 832-2 du code civil énonce les conséquences de la notion d'exploitation agricole constituant une unité économique ;
Dès lors il y a lieu de constater tout comme le premier juge, que les termes de l'article 832-3 du code civil dont s'emparent les appelants à l'appui de leur demande d'attribution préférentielle se réfèrent aux dispositions des articles le précédant, qui ne concernent que certains biens ayant une utilité économique particulière justifiant des conditions de transmission particulières ;
Il en est pour preuve que l'alinéa 3 de ce texte mentionne : 'En cas de demandes concurrentes, le tribunal tient compte de l'aptitude des différents postulants à gérer les biens en cause et à s'y maintenir. Pour l'entreprise, le tribunal tient compte en particulier de la durée de la participation personnelle à l'activité ' ; cela démontre que ce texte s'applique uniquement à la transmission de certains biens immobiliers, mobiliers à utilité professionnelle et familiale, ce qui n'est pas le cas du bien convoité par Messieurs [K] et [A] [S] ;
Le jugement déféré sera par conséquent confirmé ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a dit que les dépens seraient employés en frais privilégiés de partage et condamné Monsieur [M] [S] et Monsieur [D] [S] au paiement d'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; en effet il a été fait droit au principal de la demande de Messieurs [K] et [A] [S] ;
Messieurs [K] et [A] [S], partie perdante, devront supporter les dépens d'appel ; ils seront en outre, déboutés de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant par arrêt rendu par défaut prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré ;
Y ajoutant,
Déboute Messieurs [K] et [A] [S] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Les condamne aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-
Minute en sept pages.