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06/07/2023 | FRANCE | N°22/01608

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 06 juillet 2023, 22/01608


ARRÊT N° /2023

PH



DU 06 JUILLET 2023



N° RG 22/01608 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FAJG







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERDUN

21/00047

27 juin 2022











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANTE :



Madame [T] [B]

[Adresse 3]
r>[Localité 2]

Représentée par Me Fabrice HAGNIER, avocat au barreau de la MEUSE









INTIMÉE :



S.N.C. EG SERVICES (FRANCE) prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Aline FAUCHEUR-SCHIOCHET de la SELARL FILOR AVOC...

ARRÊT N° /2023

PH

DU 06 JUILLET 2023

N° RG 22/01608 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FAJG

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERDUN

21/00047

27 juin 2022

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

Madame [T] [B]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Fabrice HAGNIER, avocat au barreau de la MEUSE

INTIMÉE :

S.N.C. EG SERVICES (FRANCE) prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Aline FAUCHEUR-SCHIOCHET de la SELARL FILOR AVOCATS, avocat au barreau de NANCY substituée par Me Anne GRENAUD, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président : WEISSMANN Raphaël

Conseiller : STANEK Stéphane

Greffier : RIVORY Laurène (lors des débats)

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 13 Avril 2023 tenue par WEISSMANN Raphaël, Président, et STANEK Stéphane, Conseiller, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en ont rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN et Guerric HENON, présidents, et Stéphane STANEK, conseiller, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 06 Juillet 2023 ;

Le 06 Juillet 2023 , la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Madame [T] [B] a été engagée sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société S.N.C EG SERVICES à compter du 08 janvier 2018, en qualité d'assistante, avec reprise d'ancienneté au 30 juin 1985.

La convention collective nationale des services de l'automobile s'applique au contrat de travail.

Par courrier du 12 mai 2021, Madame [T] [B] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 26 mai 2021, avec notification de sa mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier du 02 juin 2021, Madame [T] [B] a été licenciée pour faute grave.

Par requête du 15 octobre 2021, Madame [T] [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Verdun, aux fins :

- de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- de condamner la société S.N.C EG SERVICES à lui payer les sommes suivantes :

- 1 130,00 euros à titre de rappel de salaires pour la période de mise à pied conservatoire, outre 113,00 euros à titre de congés payés afférents,

- 3 298,00 euros à titre d'indemnité de préavis, outre 330 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents,

- 21 986,00 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 32 980,00 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 000,00 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

- d'ordonner la rectification des documents de fin de contrat conformément aux termes de la décision rendue.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Verdun rendu le 27 juin 2022, lequel a :

- débouté Madame [T] [B] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté la société S.N.C EG SERVICE de sa demande de 4 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé les dépens à la charge de la partie demanderesse.

Vu l'appel formé par Madame [T] [B] le 11 juillet 2022,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de Madame [T] [B] déposées sur le RPVA le 30 septembre 2022, et celles de la société S.N.C EG SERVICES déposées sur le RPVA le 09 décembre 2022,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 15 mars 2023,

Madame [T] [B] demande :

- de dire et juger son appel recevable et bien fondée,

- y faisant droit, d'infirmer le jugement rendu le 27 juin 2022 par le conseil de prud'hommes de Verdun en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

- de dire et juger son licenciement dénué de toute cause réelle et sérieuse,

- de condamner la société S.N.C EG SERVICES à lui payer les sommes suivantes :

- 1 130,00 euros à titre de rappel de salaires pour la période de mise à pied conservatoire,

- 113,00 euros à titre de congés payés afférents,

- 3 298,00 euros à titre d'indemnité de préavis,

- 330 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents,

- 21 986,00 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 32 980,00 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 000,00 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- d'ordonner la rectification des documents de fin de contrat conformément aux termes de la décision rendue,

- de condamner la société S.N.C EG SERVICES aux entiers dépens.

La société S.N.C EG SERVICES demande :

- de déclarer l'appel interjeté par Madame [T] [B] recevable mais mal fondé,

- de l'en débouter,

- de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Verdun du 27 juin 2022 en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a débouté Madame [T] [B] de l'intégralité de ses demandes,

- de débouter Madame [T] [B] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, et notamment de sa demande d'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Madame [T] [B] au paiement de la somme de 4 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Madame [T] [B] aux entiers dépens tant d'instance que d'appel.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de l'employeur le 09 décembre 2022, et en ce qui concerne le salarié le 30 septembre 2022.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement du 02 juin 2021 indique :

« Madame,

Nous faisons suite à votre convocation à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, qui a eu lieu le 26 Mai 2021, auquel vous aviez été convoquée par courrier recommandé avec accusé de réception daté du 12 Mai 2021.

Lors de cet entretien, vous étiez assistée de Madame [N], représentante du personnel.

Vous êtes salariée au sein de la Société EG Services (France) en tant qu'Assistante depuis le 25 Janvier 2018 avec une reprise de votre ancienneté au 30 Juin 1985.

Lors de votre entretien, nous avons pu échanger sur les faits qui vous sont reprochés, à savoir :

Manquement à votre devoir d'alerte :

Le 30 Avril 2021, l'une de nos clientes de nationalité tchèque a oublié son sac à main au sein de nos sanitaires.

Une autre de nos clientes est venue vous le rapporter. Votre collègue a alors ouvert le sac de notre cliente en votre présence et a manipulé les liasses d'espèces contenues dedans, prenant même une calculatrice pour compter la somme d'argent en euros présente dans le sac.

Vous avez ensuite ramené le sac rempli d'argent au vestiaire.

Quelques minutes plus tard, votre collègue a récupéré une poubelle dans ce même vestiaire et l'a ensuite jetée à la benne.

En fin de journée, les clients sont repassés avec l'espoir de récupérer leur sac. Le sac est étonnement retrouvé dans la benne. Ces derniers vérifient le contenu et se rendent compte qu'il manque une important somme d'argent.

Au total, la somme de 2210€ est manquante.

Lors de votre entretien, vous avez reconnu, je cite : «J'ai déposé le sac dans le vestiaire de Madame [U] à sa demande ».

Or, en sachant la somme importante contenue dans le sac à main de notre cliente, vous n'aviez en aucun cas à le rapporter au vestiaire.

Plus encore, il était impératif d'avertir votre hiérarchie, présente sur notre point de vente, qu'une cliente avait retrouvé le sac dans les sanitaires et lui remettre le bien pour le placer en sécurité.

Vous avez d'ailleurs admis lors de votre entretien que Madame [U] vous avait prévenu qu'elle s'était appropriée les espèces de notre cliente. Pourtant, vous n'avez pas pris l'initiative d'avertir votre hiérarchie cette grave anomalie.

Votre comportement est intolérable et contrevient aux règles de bonne conduite et aux valeurs de l'entreprise.

D'autant plus que, suite à l'appropriation des espèces par votre collègue, notre cliente nous a adressé une plainte écrite et circonstanciée.

Les faits qui vous sont reprochés constituent ainsi de graves manquements à votre contrat de travail et à notre règlement intérieur.

Aussi, compte-tenu de ce qui précède et de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise est impossible.

Par conséquent, nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave. Celui-ci prend effet à date d'envoi du présent courrier, sans préavis ni indemnité de rupture.

Nous vous signalons à cet égard qu'en raison de la gravité des faits qui vous sont reprochés, le salaire correspondant à la période pendant laquelle nous vous avons mis à pied à titre conservatoire ne vous sera pas versé (...) »

La société EG SERVICES rappelle les termes de la lettre de licenciement, et indique que lors de son entretien préalable Mme [T] [B] a confirmé le déroulement des faits, en donnant des précisions complémentaires.

Elle estime que la salariée a gravement manqué à son obligation de loyauté à l'égard de son employeur et à son devoir d'alerte, justifiant par conséquent son licenciement pour faute grave.

La société EG SERVICES lui reproche de ne pas avoir prévenu son manager de l'oubli par une cliente de son sac à main contenant dans une enveloppe plus de 6000 euros d'argent liquide.

Elle estime qu'en glissant ce sac à main dans son propre sac, pour le porter dans le vestiaire de sa collègue Mme [U], elle a voulu dissimuler ce qu'elle faisait aux caméras de surveillance ; l'employeur considère qu'elle tentait ainsi de se préserver de tout reproche ou soupçon parce qu'elle avait conscience de la gravité des faits qu'elle commettait et des projets frauduleux de sa collègue.

L'intimée fait valoir que rien ne pouvait justifier que la salariée dépose le sac a main dans le vestiaire de sa collègue.

L'employeur lui reproche également de ne pas avoir informé sa hiérarchie du vol, lorsqu'elle en a été informée par Mme [U] en fin de journée le 30 avril 2021.

La société EG SERVICES considère que le fait que Mme [T] [B] a travaillé le 1er mai et le 02 mai 2021, ou le fait qu'elle a été convoquée à un entretien préalable à l'issue de sa semaine d'activité partielle du 05 au 09 mai, ne remettent pas en cause la gravité des faits reprochés, puisque l'employeur n'a été informé du vol que le 1er mai, et que ce n'est que les jours suivants, après enquête interne, qu'il a pris connaissance des agissements et abstentions de l'appelante.

Mme [T] [B] explique que les faits se sont déroulés le vendredi 30 avril 2021, et que les clients sont venus chercher le sac à cette date.

Elle indique avoir été maintenue au poste et avoir travaillé les 1er et 02 mai.

Elle précise que le 1er mai vers 11h00, Mme [U] a avoué le vol au manager, et a été maintenue au poste.

Mme [T] [B] précise avoir bénéficié de deux jours de repos les 03 et 04 mai, qu'une semaine de chômage partiel lui a été imposée pour raison de crise sanitaire entre le 05 et le 09 mai, et que du 10 au 15 mai elle a bénéficié d'une semaine de congés ; elle rappelle que l'employeur lui a adressé le 12 mai la convocation à l'entretien préalable, reçue le 14 mai. Elle estime que dans ces conditions l'employeur ne pouvait plus invoquer une faute grave.

L'appelante expose que le sac a été recueilli par des clients dans les sanitaires, alors qu'elle-même était en salle de pause et que Mme [U] assurait l'entretien des toilettes ; que la sacoche a été confiée à Mme [U] ; que celle-ci était sa supérieure hiérarchique ; que le manager était dans son bureau mais avait donné instruction de ne pas le déranger, se trouvant en préparation de contrats; que Mme [U] lui a donné instruction de placer le sac dans son vestiaire en lui disant « je m'occupe de cette affaire ».

Elle indique que Mme [U] ne lui a jamais exposé son projet frauduleux ; elle souligne n'avoir rien volé ; elle estime qu'il appartenait à Mme [U] de prévenir l'employeur dès lors que cette dernière restait en poste et qu'elle-même quittait son service.

L'appelante fait également valoir avoir 36 ans d'ancienneté sans sanction disciplinaire.

Motivation

Aux termes de l'article L1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige et c'est au regard des motifs qui y sont énoncés que s'apprécie le bien-fondé du licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

C'est à l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier d'en rapporter la preuve.

- sur le délai entre les faits et la procédure de licenciement

Compte tenu des faits reprochés, découverts le 1er mai 2021 par l'employeur, et la nécessité de mener une enquête sur ceux-ci permettant de déterminer les éventuelles responsabilités, deux salariées étant impliquées dans les faits, le délai écoulé jusqu'au 12 mai ne privait pas l'employeur de la possibilité de se prévaloir d'une faute grave.

- sur la faute

Il résulte du compte-rendu de l'entretien préalable (pièce 7.1 de la société EG SERVICES) que, selon les déclarations de Mme [T] [B], celle-ci a déposé le sac, retrouvé dans les toilettes, dans le vestiaire de sa collègue Mme [U], à la demande de cette dernière.

Elle précise avoir « mis le sac de la cliente dans le mien par réflexe (...) ».

A la question « Pourquoi ne pas avoir informé votre Manager qui était présent sur le site qu'une cliente avait ramené un sac trouvé dans les toilettes ' », Mme [T] [B] répond « Parce que Me [U] m'a dit qu'elle s'occupait de ce point et qu'elle voulait remettre en main propre le sac à la cliente quand elle reviendrait »

L'entretien se poursuit ainsi :

« Question : En quoi la réponse de Me [U] vous empêchait d'informer votre Manager.

Réponse du salarié : A 14h15 j'avais fini ma journée de travail et compte tenu de ce que m'a dit Me [U] je ne me suis pas posé de question.

Question : Savez-vous que Me [U] avait pris une somme d'argent dans le sac '

Réponse : A 19h30 le 30 avril j'ai été appelée par Me [U] chez moi, et elle me dit devine qui j'ai vu ' Elle me dit j'ai vu les gens. Je lui ai répondu quels gens, elle m'a dit les gens de la sacoche, je lui ai demandé s'ils étaient contents de retrouver le sac, elle m'a répondu j'ai fait une boulette, j'ai pris l'argent et j'ai jeté le sac. C'est à ce moment que j'ai raccroché. Samedi 1er mai en prenant mon poste, je dis à Me [U] d'aller voir le Manager et d'expliquer les faits. Ce que cette dernière a fait quand le Manager est arrivé sur site.

Question : avez-vous quelque chose à ajouter '

Réponse du salarié : Si j'avais su ce qui allait se passer j'aurais agi différemment. Je ne me suis pas posé de question et j'ai fait ce que m'a demandé Me [U] et j'ai donc mis le sac dans son vestiaire, puis je suis rentré chez moi. Pour moi étant donné que Me [U] travaille au bureau je considère qu'elle est ma supérieure hiérarchique je suis ses directives. »

La pièce 9 de l'employeur (attestation de M. [O] [V], gérant de la station service) décrit les faits depuis l'entrée de la cliente qui a oublié son sac dans les toilettes. M. [V] ne précise pas les conditions dans lesquelles il a été témoin de ces faits.

Il précise que Mme [U] ouvre le sac, trouve une enveloppe et « s'aperçoit qu'il y a beaucoup d'argent dans l'enveloppe (') ceci est fait aux côtés de Mme [B] qui regarde. (') Les 2 employées mettent le sac à main sous la caisse au cas où la cliente reviendrait le rechercher.A 14h avant de quitter son poste Mme [B] se dirige vers sa caisse puis s'accroupi devant le sac oublié de la cliente. A ce moment elle met le sac oublié avec l'argent dedans dans son sac personnel. Ensuite Mme [B] se dirige directement dans le vestiaire avec donc le sac de la cliente dans son propre sac. Elle reste quelques instants au vestiaire et ne ressort qu'avec son sac personnel et passe devant mon bureau. Elle a donc caché le sac à main de la cliente dans le vestiaire pour Mme [U] qui a volé toutes les espèces avant de jeter le sac à la poubelle puis à la benne. (...) »

Aucune des autres pièces de la société EG SERVICES ne se rapporte directement aux faits reprochés.

Les pièces précitées de l'employeur établissent que Mme [T] [B] n'a pas prévenu le directeur de la station-service de la découverte du sac contenant une somme importante d'argent.

Cependant :

- M. [O] [V] (pièce 9 précitée) indique que Mme [T] [B] a quitté son service le 30 avril, jour des faits, vers 14h00

- il n'est pas contesté que Mme [T] [B] a repris son poste le lendemain matin, celle-ci affirmant avoir demandé à sa collègue d'avouer les faits au manager, ce qu'elle indique dans le compte-rendu d'entretien préalable

- la société EG SERVICES indique en page 12 de ses conclusions qu'elle a été informée du vol commis par Mme [U] le 1er mai 2021.

- Mme [T] [B] produit en pièce 6 une attestation de Mme [W] [U] qui explique « Vendredi 30 avril, une personne a déposé une sacoche d'une cliente qui a été oubliée dans les toilettes.J'ai regardé le contenu du sac et j'ai vu une liasse d'euros et de devises en présence de ma collègue Mme [B] [T]. J'ai demandé à ma collègue à la fin de son poste à 14h de mettre la sacoche dans mon vestiaire pour moi la remettre en mains propres aux gens. Dans l'après-midi étant toute seule et ne voyant pas les propriétaires de la sacoche, j'ai voulu garder l'argent. J'assume entièrement la responsabilité de mes actes et j'affirme que Mme [B] [T] n'était pas au courant de ce que j'allais faire ».

Compte-tenu de ces éléments, si le grief est établi, il ne constituait ni une faute grave, ni une faute justifiant un licenciement, eu égard à l'absence d'intention malveillante ou frauduleuse de la part de Mme [T] [B], et à son ancienneté de 36 ans, sans antécédent disciplinaire.

Dans ces conditions, il sera fait droit à sa demande de voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse ; le jugement sera réformé sur ce point.

Sur les conséquences financières de la rupture

En application des articles L1234-5, L1234-9, et L1235-3 du code du travail, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié a droit à une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité de licenciement, et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Mme [T] [B] demande que l'employeur soit condamné à lui payer 32 980 euros, correspondant à 20 mois de salaire, sur une base mensuelle de 1649 euros.

Elle souligne avoir été licenciée à 55 ans, soit quelques années avant son départ à la retraite, et avant d'atteindre les 44 ans d'ancienneté qui lui auraient permis d'accéder à une indemnité de fin de carrière.

La société EG SERVICES conclut au rejet de la demande, au motif que le licenciement pour faute grave est justifié ; elle fait valoir également que Mme [T] [B] ne rapporte la preuve ni de la réalité ni de l'étendue d'un préjudice.

Motivation

Le salaire de référence n'est pas contesté par l'employeur.

Mme [T] [B] ne justifie pas de sa situation personnelle actuelle ; elle avait plus de 29 ans d'ancienneté au jour du licenciement.

Au regard des éléments précités, et en application des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, il sera fait droit à la demande à hauteur de 20 000 euros.

- sur les demandes relatives au rappel de salaire pour la mise à pied et les congés payés afférents, à l'indemnité de préavis et l'indemnité de congés payés afférents

La société EG SERVICES conclut au débouté estimant que le licenciement pour faute grave est justifié.

Les demandes de Mme [T] [B] n'étant pas discutés à titre subsidiaire, il y sera fait droit.

- sur la demande d'indemnité de licenciement

Mme [T] [B] réclame un montant de 21 986 euros.

La société EG SERVICES estime que le montant ne peut être que de 17 947,54 euros.

Motivation

La Convention collective nationale du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes dispose en son article 2.13 que

« L'indemnité de licenciement s'établit comme suit :

' 1/4 de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à 10 ans ;

' 1/3 de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de 11 ans.

L'indemnité de licenciement est calculée sur la base de 1 /12 de la rémunération brute des 12 derniers mois précédant le licenciement ou, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, de 1 /3 des 3 derniers mois, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, qui aura été versée au salarié pendant cette période, n'étant prise en compte que dans la limite d'un montant calculé pro rata temporis. »

En l'espèce, il sera fait droit à la demande de Mme [T] [B] à hauteur de la somme de 18 413,80 euros, en application des dispositions précitées de la convention collective.

Sur la demande de documents de fin de contrat rectifiés

En application des articles L1234-19 et R1234-9 du Code du travail, il sera fait droit à la demande.

Sur l'application d'office des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail en faveur de Pôle Emploi

Aux termes des dispositions de l'article 1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L1132-4, L1134-4, L1144-3, L1152-3, L1153-4, L1235-3 et L1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Attendu que la salariée ayant plus de deux ans d'ancienneté et l'entreprise occupant habituellement au moins 11 salariés, il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à la salariée licenciée du jour de son licenciement dans la limite de 3 mois en application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant à l'instance, la société EG SERVICES sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à Mme [T] [B] 1500 euros sur le fondement de l'article 700.

La société EG SERVICES sera déboutée de ses demandes à ces titres.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Verdun le 27 juin 2022 ;

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de Mme [T] [B] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société EG SERVICES à payer à Mme [T] [B]:

- 1 130,00 euros à titre de rappel de salaires pour la période de mise à pied conservatoire,

- 113,00 euros à titre de congés payés afférents,

- 3 298,00 euros à titre d'indemnité de préavis,

- 330 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents,

- 18 413,80 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 20 000 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Y ajoutant,

Ordonne à la société EG SERVICES de remettre à Mme [T] [B] les documents de fin de contrat, rectifiés en conformité avec le présent arrêt ;

Condamne la société EG SERVICES à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à Mme [T] [B] à la suite de son licenciement, dans la limite de 3 mois d'indemnités ;

Condamne la société EG SERVICES à payer à Mme [T] [B] 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société EG SERVICES aux dépens de première instance et d'appel.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en onze pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 22/01608
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;22.01608 ?
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