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03/07/2023 | FRANCE | N°23/00131

France | France, Cour d'appel de Nancy, 1ère chambre, 03 juillet 2023, 23/00131


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D'APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile



ARRÊT N° /2023 DU 03 JUILLET 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/00131 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FDQM



Décision déférée à la Cour : ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de NANCY, R.G.n° 21/00788, en date du 09 novembre 2022,



APPELANTES :

S.A. KPMG, prise en la personne de son représentant légal pour ce d

omicilié au siège social, sis [Adresse 2]

Représentée par Me Amandine THIRY de l'AARPI MILLOT-LOGIER, FONTAINE & THIRY, avocat au barreau de NANC...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D'APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2023 DU 03 JUILLET 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/00131 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FDQM

Décision déférée à la Cour : ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de NANCY, R.G.n° 21/00788, en date du 09 novembre 2022,

APPELANTES :

S.A. KPMG, prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 2]

Représentée par Me Amandine THIRY de l'AARPI MILLOT-LOGIER, FONTAINE & THIRY, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant

Plaidant par Me Sabine GODET, substituant Me Georges de MONJOUR, avocats au barreau de PARIS

S.E.L.A.S. KPMG ESC & GS, prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 2]

Représentée par Me Amandine THIRY de l'AARPI MILLOT-LOGIER, FONTAINE & THIRY, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant

Plaidant par Me Sabine GODET, substituant Me Georges de MONJOUR, avocats au barreau de PARIS

INTIMÉ :

Monsieur [G] [H]

né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 4] (54)

domicilié [Adresse 3]

Représenté par Me Armelle PARAUX de la SELARL CABINET PARAUX, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Mai 2023, en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre,

Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,

Madame Mélina BUQUANT, Conseiller, chargée du rapport,

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;

A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2023, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 03 Juillet 2023, par Monsieur CHAOUCH, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Monsieur CHAOUCH, Greffier ;

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [G] [H], qui exerce depuis 2007 en qualité de bureau d'études - maître d'oeuvre et a créé à cet effet la société à responsabilité limitée (SARL) à associé unique MG Ingénierie, a confié au cabinet d'expertise-comptable Aubry Compta Est - aux droits de laquelle est venue la société anonyme KPMG - les formalités de constitution de sa société, la tenue de sa comptabilité, ainsi que l'établissement et la présentation de ses comptes annuels.

Monsieur [H] a ensuite missionné un nouvel expert-comptable à compter de l'exercice 2016. À cette occasion, il a été constaté que son affiliation à un régime de retraite n'avait pas été effectuée au moment de la création de sa société en 2007, et par conséquent qu'il n'avait constitué aucun droit à la retraite depuis 2007.

Le cabinet A.P.A.E a demandé par courrier du 15 juin 2016 adressé à la CIPAV (caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse), la caisse de retraite obligatoire des professions libérales de la construction, la possibilité pour Monsieur [H] de régulariser sa situation, ce qui a été accepté pour les années 2011 à 2015, ce qui n'a pas été le cas de la période antérieure, comprise entre le 22 novembre 2007 et le 31 décembre 2010.

Estimant que son premier expert-comptable avait manqué à ses obligations, l'obligeant en conséquence à repousser de trois années la date de son départ en retraite et à racheter les trimestres non cotisés, Monsieur [H] a demandé par courrier adressé à la SA KPMG le 30 juillet 2019 le règlement de la somme de 56088 euros au titre du rachat des trimestres, outre la somme de 25000 euros au titre du préjudice moral subi pour le report de son départ en retraite.

Par acte d'huissier en date du 26 mars 2021, Monsieur [G] [H], estimant que la société KPMG avait manqué à son obligation d'information et à son devoir de conseil, l'a fait assigner, au visa des articles 1215, 1231 et suivants du code civil, aux fins de la voir condamnée :

- à lui payer la somme de 75000 euros au titre du préjudice subi en raison des années supplémentaires de travail à effectuer,

- à lui payer la somme de 3500 euros en remboursement des pénalités de retard payées par lui à l'organisme de retraite,

- à lui payer la somme de 10000 euros en remboursement du préjudice subi suite aux difficultés de trésorerie,

- à lui payer la somme de 2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- au paiement des entiers dépens de la procédure.

Par ordonnance contradictoire du 9 novembre 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nancy a :

- déclaré recevable comme étant non prescrite l'action exercée par Monsieur [H] à l'encontre de la société KPMG,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- réservé les dépens de l'incident,

- renvoyé la cause et les parties à l'audience de mise en état du 13 décembre 2022 pour conclusions de la société KPMG au fond.

Pour statuer ainsi, le juge de la mise en état a rappelé qu'en application de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. En l'espèce, il a relevé que Monsieur [H] n'avait connu l'étendue de son préjudice qu'à partir du moment où le cabinet APAE avait découvert cette situation, l'en avait avisé et avait demandé à régulariser la situation, ce à quoi il avait été partiellement autorisé. Le juge de la mise en état a donc considéré que le point de départ du délai de prescription devait être fixé à la date du 15 juin 2016, de sorte que l'instance introduite par Monsieur [H] le 26 mars 2021, dans un délai inférieur à cinq ans, n'était pas prescrite.

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 17 janvier 2023, la SA KPMG et la SELAS KPMG ESC & GS ont relevé appel de cette ordonnance.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 24 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SA KPMG et la SELAS KPMG ESC & GS demandent à la cour, au visa de l'article 2224 du code civil, de :

- déclarer recevable comme étant non prescrite l'action exercée par Monsieur [H] à l'encontre de la SA KPMG,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- réservé les dépens de l'incident,

Et statuant à nouveau,

- déclarer et juger la SELAS KPMG ESC & GS recevable en son intervention volontaire,

- juger prescrite et donc irrecevable l'action en responsabilité exercée par Monsieur [H] à l'encontre de la SA KPMG aux droits de laquelle vient la société KPMG ESC & GS,

- débouter en conséquence Monsieur [H] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Monsieur [H] à payer aux sociétés KPMG SA et KPMG ESC & GS une somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- condamner Monsieur [H] aux entiers dépens dont recouvrement en application de l'article 699 du code de procédure civile en faveur de Maitre Souchal.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 22 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [H] demande à la cour de :

- dire et juger mal fondé l'appel interjeté par la SA KPMG,

- l'en débouter purement et simplement,

- confirmer par conséquent la décision entreprise en toutes ses dispositions,

- débouter la SA KPMG de toutes demandes, plus amples ou contraires,

Y ajoutant,

- condamner la SA KPMG à lui payer 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 11 avril 2023.

L'audience de plaidoirie a été fixée le 9 mai 2023 et le délibéré au 3 juillet 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les dernières conclusions déposées par la SA KPMG et la SELAS KPMG ESC & GS le 24 février 2023 et par Monsieur [H] le 22 mars 2023, et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 11 avril 2023 ;

* Sur l'intervention volontaire de la SELAS KPMG ESC & GS

Il résulte du traité d'apport partiel d'actif versé aux débats que les sociétés SELAS KPMG ESC & GS et la SA KPMG appartiennent au même groupe et qu'il a été décidé de scinder les activités, la SELAS KPMG ESC & GS se voyant céder l'ensemble de l'activité 'expertise-comptable, conseil aux entrepreneurs et gestion sociale', avec transmission universelle à cette société de tous les droits, biens et obligations liés à cette branche.

Il convient en conséquence de prendre acte de l'intervention dans la procédure d'appel de la SELAS KPMG ESC & GS.

** Sur la fin de non-recevoir

Vu l'article 122 du code de procédure civile,

Selon l'article 2224 du code civil, 'les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer'.

Il ressort des pièces versées aux débats que la société Aubry Compta-Est s'est vu confier en 2007 la mission de réaliser les formalités administratives de la constitution de la SARL MG Ingénierie, exerçant dans le domaine de l'ingénierie et des études techniques, créée par Monsieur [H], puis la mission de présentation des comptes de cette société jusqu'à l'exercice 2015 inclus.

Monsieur [H] expose qu'à l'occasion du changement d'expert comptable survenu en 2016, il a été porté à sa connaissance que la société Aubry Compta-Est avait omis de faire les démarches d'affiliation auprès pour le régime de l'assurance vieillesse et qu'il n'était donc pas affilé à la CIPAV, laquelle gère pour les professions libérales les régimes obligatoires d'assurance vieillesse de base, de retraite complémentaire et d'invalidité-décès.

Il ajoute n'avoir pu régulariser sa situation que pour les exercices 2011 à 2015, mais ne pas avoir pu y procéder pour les années 2007 à 2010 inclus, pendant lesquelles il a donc travaillé sans s'être créé de droits à la retraite, ce qui lui cause un préjudice, dont il demande réparation au premier expert-comptable à qui il reproche un manquement à son obligation d'information et à son devoir de conseil.

L'appelante lui oppose la prescription de sa demande d'indemnisation, considérant qu'il savait à chaque semestre depuis 2007 qu'il ne réglait des cotisations que pour l'assurance maladie et non pour l'assurance vieillesse.

Il résulte cependant des pièces versées au dossier que Monsieur [H], qui avait délégué à la société Aubry Compta-Est des taches administratives et la présentation de la comptabilité de la société MG Ingénierie, dont il était le seul ou le principal associé, n'a eu connaissance qu'après le changement d'expert-comptable de la société de son absence d'affiliation auprès de la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse. En particulier, il ne peut pas être déduit de la référence aux seules cotisations de l'assurance maladie obligatoire sur les décomptes que le RSI adressait à la société le fait que Monsieur [H], qui ne dispose pas de compétences particulières en matière de formalités administratives, avait conscience ou aurait dû avoir conscience qu'il ne bénéficiait pas d'une affiliation au régime de l'assurance vieillesse. Il apparaît d'ailleurs qu'informé de la difficulté, il a immédiatement entamé des démarches de régularisation de sa situation, ayant signé une demande d'affiliation en date du 13 juin 2016, jointe au courrier que l'A.P.A.E. a adressé à la caisse le 15 juin 2016.

Il s'ensuit que Monsieur [H] n'a eu connaissance que le 13 juin 2016 de son absence d'affiliation à la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse, date à laquelle il a eu connaissance des faits - à savoir le manquement qu'il impute à l'appelante ainsi que le préjudice en découlant - lui permettant d'exercer son action.

En conséquence, son action n'était pas prescrite lors de la délivrance de l'assignation le 26 mars 2021.

*** Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

L'instance d'appel s'achevant avec la présente décision, il convient de condamner les sociétés appelantes, qui succombent en leurs demandes, aux dépens d'appel.

Il y a lieu de condamner, conformément à la demande, la SA KPMG, à régler à Monsieur [H] une somme qu'il est équitable de fixer à 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Déclare la SELAS KPMG ESC & GS recevable en son intervention devant la cour d'appel,

Confirme l'ordonnance rendue le 9 novembre 2022 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nancy en toutes ses dispositions contestées,

Y ajoutant,

Condamne la SELAS KPMG ESC & GS et la SA KPMG aux dépens de la procédure d'appel,

Condamne la SA KPMG à payer à Monsieur [H] 1500 euros (MILLE CINQ CENTS EUROS) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d'Appel de NANCY, et par Monsieur CHAOUCH, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : A. CHAOUCH Signé : N. CUNIN-WEBER.

Minute en sept pages.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23/00131
Date de la décision : 03/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-03;23.00131 ?
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