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29/06/2023 | FRANCE | N°22/01199

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 29 juin 2023, 22/01199


ARRÊT N° /2023

PH



DU 29 JUIN 2023



N° RG 22/01199 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E7LZ







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EPINAL

20/00163

04 mai 2022











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANT :



Monsieur [N] [Y]

[Adresse 3]

[L

ocalité 2]

Représenté par Me David COLLOT de la SELARL LORRAINE DEFENSE & CONSEIL, avocat au barreau D'EPINAL









INTIMÉE :



ASSOCIATION MINOS prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Hervé MONTAUT de la SELAFA AUDIT-CONSEIL-...

ARRÊT N° /2023

PH

DU 29 JUIN 2023

N° RG 22/01199 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E7LZ

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EPINAL

20/00163

04 mai 2022

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANT :

Monsieur [N] [Y]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me David COLLOT de la SELARL LORRAINE DEFENSE & CONSEIL, avocat au barreau D'EPINAL

INTIMÉE :

ASSOCIATION MINOS prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Hervé MONTAUT de la SELAFA AUDIT-CONSEIL-DEFENSE, avocat au barreau D'EPINAL, substitué par Me Mareva RUIZ, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président : WEISSMANN Raphaël

Conseiller : STANEK Stéphane

Greffier : PERRIN Céline (lors des débats)

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 30 mars 2023 tenue par WEISSMANN Raphaël, Président, et STANEK Stéphane, Conseiller, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en ont rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN et Guerric HENON, présidents, et Stéphane STANEK, conseiller, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 22 Juin 2023 ; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 29 juin 2023 ;

Le 29 Juin 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Monsieur [N] [Y] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par l'association MINOS à compter du 10 août 2009, en qualité de directeur.

Le temps de travail du salarié fixé initialement à 50 heures mensuelles, a été augmenté successivement pour être finalement porté à 127 heures mensuelles à compter du 01 janvier 2015, suivant la signature d'un avenant contractuel du 15 janvier 2015.

A compter du 01 novembre 2016, un nouveau contrat de travail à durée indéterminée a été établi entre les parties, Monsieur [N] [Y] étant ainsi nommé directeur, statut cadre dirigeant, avec une délégation de pouvoirs.

Par décision du conseil d'administration de l'association MINOS du 26 avril 2017, le salarié a évolué au poste de directeur général.

A compter du 18 juin 2018, il a exercé ses fonctions dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique, suite à une décision de la médecine du travail saisie par le salarié.

Du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2019, Monsieur [N] [Y] a été en arrêt de travail, pour maladie.

Par courrier du 08 janvier 2020, le salarié a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 15 janvier 2020, auquel il lui a été remis en main propre un dossier de proposition de contrat de sécurisation professionnelle

Par courrier du 04 février 2020, Monsieur [N] [Y] a été licencié pour motif économique, avec prise d'effet le 04 mai 2020. Il n'a pas adhéré au contrat de sécurisation professionnelle.

Par requête du 27 octobre 2020, Monsieur [N] [Y] a saisi le conseil de prud'hommes d'Epinal, aux fins :

A titre principal :

- de prononcer la nullité du licenciement pour harcèlement moral,

- d'ordonner sa réintégration dans ses fonctions au sein de l'association MINOS,

- dans l'hypothèse où la réintégration s'avérerait impossible, de condamner l'association MINOS à lui verser la somme de 40 000,00 euros à titre d'indemnité pour licenciement économique nul pour harcèlement moral,

En tout état de cause :

- de condamner l'association MINOS à lui verser les sommes suivantes :

- 20 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement,

- 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité de résultat pesant sur l'employeur,

*

A titre subsidiaire :

- de condamner l'association MINOS à lui verser les sommes suivantes pour licenciement économique sans cause réelle et sérieuse :

- 28 125,00 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 10 931,25 euros d'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement,

- 20 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement,

- 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité de résultat pesant sur l'employeur,

*

En tout état de cause :

- de condamner l'association MINOS à lui verser les sommes suivantes :

- 6 965,40 euros au titre des heures supplémentaires effectuées,

- 3 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes d'Epinal rendu le 04 mai 2022, lequel a :

- dit et jugé que le licenciement pour raison économique de Monsieur [N] [Y] était justifié et confirmé,

- débouté Monsieur [N] [Y] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- constaté que l'association MINOS a déjà versé à Monsieur [N] [Y] la somme de 5 404,00 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- condamné Monsieur [N] [Y] à verser à l'association MINOS la somme de 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [N] [Y] aux entiers dépens de l'instance.

Vu l'appel formé par Monsieur [N] [Y] le 20 mai 2022,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de Monsieur [N] [Y] déposées sur le RPVA le 25 janvier 2023, et celles de l'association MINOS déposées sur le RPVA le 28 février 2023,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 01 mars 2023,

Monsieur [N] [Y] demande :

- d'infirmer en totalité le jugement du conseil de prud'hommes d'Epinal rendu le 4 mai 2022, en ce qu'il a :

- dit et jugé que son licenciement pour raison économique était justifié et confirmé,

- l'a débouté de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- constaté que l'association MINOS a lui déjà versé la somme de 5 404,00 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- l'a condamné à verser à l'association MINOS la somme de 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamné aux entiers dépens de l'instance,

*

Statuant à nouveau :

**A titre principal :

- de prononcer la nullité du licenciement pour harcèlement moral,

- d'ordonner sa réintégration dans ses fonctions au sein de l'association MINOS,

**Dans l'hypothèse où la réintégration s'avérerait impossible :

- de condamner l'association MINOS à lui verser la somme de 40 000,00 euros à titre d'indemnité pour licenciement économique nul en raison du harcèlement moral,

** En tout état de cause,

- de condamner l'association MINOS à lui verser la somme de 20 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- de condamner l'association MINOS à lui verser la somme de 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité de résultat pesant sur l'employeur,

**A titre subsidiaire :

- de condamner l'association MINOS au paiement des sommes suivantes pour licenciement économique sans cause réelle et sérieuse :

- 28 125,00 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 7 356,77 euros d'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement,

**A titre très subsidiaire :

- de condamner l'association MINOS au paiement des sommes suivantes pour licenciement économique sans cause réelle et sérieuse :

- Indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse : 25 000,00 euros

- Indemnité légale ou conventionnelle de licenciement : 6 901,00 euros,

**En tout état de cause :

- de condamner l'association MINOS à lui verser la somme de 3 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance ainsi qu'aux entiers dépens d'instance,

- de condamner l'association MINOS à lui verser la somme de 3 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de Cour,

- de condamner l'association MINOS aux entiers dépens.

L'association MINOS demande :

- de confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes d'Epinal en date du 4 mai 2022 en ce qu'il a :

- dit et jugé que le licenciement pour raison économique de Monsieur [N] [Y] était justifié et confirmé,

- débouté Monsieur [N] [Y] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- constaté que l'association MINOS a déjà versé à Monsieur [N] [Y] la somme de 5 404,00 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- condamné Monsieur [N] [Y] à verser à l'association la somme de 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [N] [Y] aux entiers dépens de l'instance,

*

Statuant à nouveau :

- de débouter Monsieur [N] [Y] de l'ensemble de ses demandes,

*

Subsidiairement :

- de constater que l'association a déjà versé à Monsieur [N] [Y] la somme de 5 404,00 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- de condamner Monsieur [N] [Y] à verser à l'association la somme de 3 000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Monsieur [N] [Y] aux entiers dépens de l'instance.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de l'employeur le 28 février 2023, et en ce qui concerne le salarié le 25 janvier 2023.

Sur le harcèlement moral

M. [N] [Y] explique que le harcèlement subi de la part du président de l'association a provoqué chez lui une dépression.

Il indique que le président n'a cessé de divulguer son état de santé auprès des membres et partenaires de l'association : dans le rapport d'activité de 2017, il évoque ses problèmes de santé sans son accord ; lors du conseil d'administration du 29 août 2018, le président a mentionné sa dépression et sa reprise en mi-temps thérapeutique, alors qu'il n'était pas présent.

M. [N] [Y] met également en avant des propos tenus lors d'une réunion du conseil d'administration du 21 janvier 2017, envisageant son éviction.

Il indique que lors du conseil d'administration du 20 décembre 2018, M. [S] [B] s'est permis de le rabaisser devant tous les membres du conseil : le président a, devant les administrateurs, lu une lettre de mise en garde à son encontre, en sa présence.

L'appelant reproche également au président de l'association de l'avoir discrédité auprès des membres du conseil quant à ses capacités à lever des fonds, en minimisant et discréditant, avant le vote, le partenariat avec INCO, sur lequel il travaillait depuis un an.

Il fait également valoir que sur instruction du président, il ne pouvait plus rencontrer les partenaires de l'association.

Il fait enfin grief au président d'avoir coopté au sein du conseil d'administration, sans vote, M. [V], qui avait en 2017 porté plainte contre lui pour harcèlement moral et abus de biens sociaux, plainte qui a été classée sans suite.

M. [N] [Y] renvoie à ses pièces :

- 67, certificat médical du Docteur [W] du 30 juin 2022

- 68, certificat du Docteur [T] du 11 juillet 2022

- pièces 22, arrêt de travail du 03 janvier 2019 et arrêts de travail ultérieurs

- pièce 49, attestation du Docteur [T] du 30 août 2021

- pièce 50, récépissé du 31 janvier 2019 de la CPAM pour une déclaration d'accident du travail

- 31, rapport d'activité 2017,

- 5, conseil d'administration du 29 août 2018

- 32, procès-verbal de constat d'huissier, relatif au compte-rendu du conseil d'administration du 23 juillet 2020

- 51, attestation de Mme [Z]

- 52, attestation de l'huissier concernant le procès-verbal d'assemblée générale du 29 août 2018

- 33, procès-verbal de contact téléphonique avec l'agent de la CPAM

- 34, lettre du 24 octobre 2019 au président de l'ordre des médecins des Vosges

- 53, décision de l'ordre ds médecins du 20 août 2021

- pièce 3, sa lettre du 07 mai 2018 au président de l'association

- 35, compte rendu de la réunion des administrateurs du 21 janvier 2017

- 36, attestation de M. [F] [L]

- 54, attestation de M. [F] [L] du 28 juin 2021

- 55, la lettre de son Conseil du 17 mai 2021

- 56, le mail de son Conseil du 21 mai 2021

- 57, procès-verbal de l'assemblée générale du 15 décembre 2017

- 58, article de presse de décembre 2017

- 23, compte-rendu du conseil d'administration du 20 décembre 2018

- 25, attestation de M. [U] [A]

- 26, attestation de Mme [I] [Z]

- 27, attestation de M. [P] [E]

- 28, attestation de M. [D] [G]

- 29, attestation de Mme [I] [Z] du 20 avril 2020

- 3, sa lettre du 07 mai 2018 au président de l'association

- 33, procès-verbal de contact téléphonique avec l'agent de la CPAM

- 31, rapport d'activité 2017

- 37, témoignage de M. [M] [O]

- 59, témoignage de M. [M] [O] du 06 août 2021

- 38, témoignage de M. [M] [O]

- 60, témoignage de M. [M] [O] du 06 août 2021

- 40, procès-verbal d'audition

- 41, avis de classement sans suite

- 14, statuts du 29 juin 2018

- 8, convocation à l'entretien préalable.

Dans le compte-rendu de la réunion du conseil d'administration du 29 août 2018 (pièce 5) dans le paragraphe « questions diverses » il est indiqué notamment : « Le président : le DG, en dépression a repris à mi-temps ; (...) »

La décision de la chambre disciplinaire de l'ordre des médecins, en date du 20 août 2021 (pièce 53) indique : « M. [Y] a déposé une plainte à l'encontre du Dr. [B] (') M. [Y] soutient que le Dr [B], qui était son médecin traitant, n'a pas respecté le secret médical le concernant, en, évoquant publiquement les 25 mai 2018 et 29 août 2018, son état de santé à l'occasion d'une assemblée générale puis d'un conseil d'administration de l'association au sein de laquelle ils étaient respectivement directeur et président. » ; le conseil de l'ordre estime que le Dr [B] a méconnu le secret médical, et prononce à son encontre un avertissement.

Le compte-rendu de la réunion du conseil d'administration extraordinaire du 21 janvier 2017 (pièce 35) indique qu' il est envisagé de faire partir M. [N] [Y], notamment en ces termes, tenus par le président de l'association, M. [R] [H] à cette époque: « Il s'en va ou on le vire. Il faut qu'on le sorte de la structure, médicalement si possible ».

La pièce 23 est le compte-rendu de la réunion du conseil d'administration du 20 décembre 2018 : en page 1 il est indiqué que M. [N] [Y] est présent ; il est indiqué en page 2 que « Le Président donne lecture de la lettre qu'il a faite à l'attention du Directeur, suite à la prise de parole du Directeur au dernier Conseil d'Administration l'accusant de mentir ».

Cette lettre est la pièce 24 est la lettre du Président à M. [N] [Y], non datée, dont l'objet est « lettre de mise en garde » : « Monsieur [N] [Y], lors du dernier Conseil d'Administration du 20 septembre 2018, vous avez à deux reprises, traité ouvertement et publiquement de menteur le président de l'association : Mr [S] [B]. Nos ne pouvons pas tolérer cette mise en accusation qui met la fonction du président en danger et qui salie son intégrité ainsi que celle de notre association. Vous avez eu l'occasion d'en discuter de vive voix avec le président, le mercredi 26 septembre 2018. Nous vous réitérons, par ce courrier, notre volonté qu'une telle situation ne se reproduise plus à l'avenir ; dans le cas contraire, nous nous verrons contraint de prendre, à votre égard, des sanctions disciplinaires. »

La pièce 25 est l'attestation de M. [U] [A] : « (') avoir assisté à la réunion du CA de l'association MINOS le 20/12/2018. Lors de cette réunion Monsieur [K] [N] a été fortement surpris de se faire attaquer verbalement sachant que le président a suggéré que le départ de Mr [K] serait la solution. J'ai constaté qu'à la sortie de cette réunion Mr [K] était totalement anéanti par la violence des propos évoqués ».

La pièce 22 est l'attestation de paiement des indemnités journalières, pour les périodes suivantes : 1er janvier 2019 au 31 mai 2019 ; 1er juin 2019 au 31 décembre 2019 ; 1er janvier 2020 au 31 janvier 2020.

La pièce 21 est l'attestation du Docteur [T], psychiatre, datée du 17 septembre 2020, qui explique de M. [N] [Y] « a tout d'abord bénéficié d'une psychothérapie pour gestion et expression émotionnelle suite à une dysrégulation affective post AVC. Très rapidement, à partir de novembre 2017, le tableau clinique présenté par le patient s'est modifié pour prendre le visage d'un épisode dépressif moyen qui n'a cessé de se compliquer au gré des événements de vie jusqu'à atteindre un état mélancolique grave. L'état thymique s'est amélioré à l'automne 2019 jusqu'à un équilibre en janvier 2020. (...) »

En pièce 49, par un certificat médical daté du 30 août 2021, le Docteur [T] « certifie suivre régulièrement Monsieur [N] [Y] (') depuis le 6 janvier 2017.

Mr [Y] a tout d'abord bénéficié d'une psychothérapie pour gestion et expression émotionnelle suite à une dysrégulation affective post AVC. Cette prise en charge fait suite à un suivi psychologique auprès du Dr [X] qui le suivait depuis août 2011 toujours dans les suites de l'AVC, sans signe d'épisode dépressif à cette époque. Très rapidement, à partir de novembre 2017, le tableau clinique présenté par le patient s'est modifié pour prendre le visage d'un épisode dépressif moyen qui n'a cessé de se compliquer au gré des événements de vie jusqu'à atteindre un état mélancolique grave. Dans ce cadre, j'ai rédigé un certificat d'accident du travail qui a débuté le 20 décembre 2018 suite à un tableau clinique très inquiétant faisant suite à des événements professionnels.

L'état thymique s'est amélioré à l'automne 2019 jusqu'à un équilibre en janvier 2020. Depuis lors, il persiste des variations régulières dépressives signant la persistance d'une fragilité de l'humeur. Le suivi se poursuit. (...) »

Pris dans leur ensemble, ces éléments, dont la matérialité est établie, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral subi par M. [N] [Y].

L'association MINOS explique en réponse que le compte-rendu de réunion du conseil d'administration du 29 août 2018 est un faux, et que dans le compte-rendu officiel il n'est nullement fait état de l'état de santé de M. [N] [Y].

Sur l'action engagée devant le conseil de l'ordre des médecins, l'association MINOS fait valoir que l'action engagée par l'appelant concerne les fonctions de M. [B] en sa qualité de médecin et non en qualité de président de l'association.

L'association MINOS renvoie à plusieurs attestations affirmant que M. [B] n'a jamais parlé de l'état de santé de M. [N] [Y], et que ce dernier « se chargeait lui-même de divulguer à tout un chacun les détails de son état de santé » (pièce 23 de l'association MINOS, attestation de Mme [C]).

L'association MINOS soutient que le procès-verbal de la réunion du conseil d'administration du 29 août 2018 est un faux, et indique produire en pièce 42 le vrai compte-rendu.

Sur le conseil d'administration du 20 décembre 2018, l'employeur expose que M. [B] n'a nullement rabaissé M. [N] [Y] mais a simplement voulu rappeler que lors de la précédente réunion du conseil d'administration du 20 septembre 2018, c'est M. [N] [Y] qui avait rabaissé le président en le traitant de menteur à deux reprises.

S'agissant du conseil d'administration du 21 janvier 2017, l'association MINOS explique que la pièce 35 de l'appelant n'est qu'un projet établi par Mme [J], qui n'a jamais été validé et n'a donc pas été signé car il ne reprenait pas strictement les débats qui avaient eu lieu; elle ajoute que « en tout état de cause, l'association MINOS était dans une situation de crise, Monsieur [Y] étant en conflit : - avec le Président de l'association qui était à cette époque Monsieur [H], - avec tous les salariés permanents de l'association, dont 2 sur 5 ont demandé une rupture conventionnelle. Le conseil d'administration voulait dès lors apaiser les tensions existantes en suggérant diverses possibilités de gestion de crise, avec comme objectif principal : aider Monsieur [Y] et préserver l'état de santé mentale des salariés permanents. ».

L'association MINOS conteste les attestations produites par le salarié, et pour celles de Madame [C] elle en conteste l'objectivité.

En ce qui concerne les pièces médicales produites par M. [N] [Y], l'association MINOS fait valoir que la dégradation de l'état de santé mental de M. [N] [Y] remonte au moins au 06 janvier 2017 ; elle conteste que la dégradation de son état de santé soit liée à son activité professionnelle.

L'association MINOS échoue à combattre la présomption de harcèlement moral, dans la mesure où :

- le compte-rendu de la réunion du conseil d'administration du 29 août 2018 et l'avertissement délivré par le conseil de l'ordre des médecins établissent que les propos relatés par M. [N] [Y] ont été tenus

- il n'est pas contesté que la lecture de la lettre en pièce 24 de M. [N] [Y] a été faite lors de l'assemblée générale du 20 décembre 2018.

Les explications de l'association MINOS, qui consistent à motiver cette lecture par une mise en cause publique du président par M. [N] [Y] ne permettent pas de justifier cet agissement

- le certificat médical du Docteur [T], daté du 30 août 2021 (pièce 49 de l'appelant) établit clairement que la dépression de M. [N] [Y] n'est pas à relier à son AVC survenu en 2017, comme le soutient dans ses écritures l'employeur.

Il est ainsi établi que M. [N] [Y] a été victime de harcèlement moral de la part de son employeur.

Sur la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral

M. [N] [Y] réclame 20 000 euros de dommages et intérêts.

L'association MINOS s'oppose à la demande.

Les arguments et pièces des parties sont les mêmes que ceux présentés au développement précédent.

Compte tenu des éléments précités, il sera fait droit à la demande à hauteur de 7 000 euros.

Sur l'obligation de sécurité

M. [N] [Y] reproche à l'employeur notamment de n'avoir pris aucune mesure pour le protéger contre le harcèlement moral et la dégradation de ses conditions de travail. Il souligne que sa dépression découle du comportement de son employeur.

L'association MINOS conteste tout lien entre son état de santé et son activité professionnelle.

Motivation

Aux termes des dispositions de l'article L 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

- 1° des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L 4161-1 ;

- 2° des actions d'information et de formation ;

- 3° la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

M. [N] [Y] démontre par les pièces médicales visées dans le développement précédent que les faits de harcèlement moral ont eu un impact sur son état de santé mentale, pour avoir provoqué chez lui une dépression, qui était toujours actuelle au 30 août 2021, date du certificat médical en pièce 49 de l'appelant.

L'employeur, auteur du harcèlement, ne démontre pas, par définition, avoir pris les mesures nécessaires pour préserver sa santé.

Dans ces conditions, M. [N] [Y] sera condamnée à payer à ce titre 5000 euros à M. [N] [Y].

Sur le licenciement

M. [N] [Y] a été licencié pour motif économique par lettre du 04 février 2020.

Elle a été signée par M. [S] [B].

- sur la nullité

M. [N] [Y] estime que son licenciement est motivé par le harcèlement moral qu'il a subi ou refusé de subir, il souligne qu'il a été convoqué à un entretien préalable le lendemain de son retour d'arrêt maladie.

L'association MINOS conteste tout fait de harcèlement, et explique que ce sont plusieurs salariés ou membres de l'association qui avaient à se plaindre du comportement de M. [N] [Y].

Motivation

M. [N] [Y] n'explicite pas le lien qui existerait entre son licenciement et le harcèlement moral subi.

Dans ces conditions, il sera débouté de sa demande de voir dire le licenciement nul.

- sur le bien fondé du licenciement

M. [N] [Y] soutient à titre subsidiaire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Il fait valoir comme premier motif le fait qu'il aurait été prononcé par M. [B], qui n'était plus le président de l'association à cette date.

Il explique que le bureau n'avait pas été renouvelé au bout d'un an, comme il est de règle dans toute association.

Il indique que les administrateurs sont élus pour deux ans par tiers, mais que le bureau (président, trésorier, secrétaire etc.) doit être renouvelé chaque année après l'assemblée générale comme dans toute association, sauf si les statuts prévoient un mandat supérieur à un an, ce qui n'est pas le cas. Il estime qu'une nouvelle élection de l'ensemble des membres du conseil d'administration aurait dû être organisée après l'adoption des nouveaux statuts.

Il fait également valoir que le compte-rendu du conseil d'administration du 15 février 2020 mentionne 8 membres contre 12 prévus par les statuts.

L'association MINOS fait valoir que l'appelant ne précise pas en quoi le fait que le conseil d'administration ne comprenne que 8 membres au lieu de 12 serait de nature à remettre en cause le bien-fondé de son licenciement.

Elle considère que le président a été régulièrement élu, et renvoie à ses pièces 105 et 106.

Motivation

Il convient de souligner que les parties ne discutent ni de l'autorité apte à décider d'un licenciement, ni des modalités d'exécution de la décision ainsi prise, par tel ou tel organe de l'association.

Il résulte des pièces 14 et 15 de M. [N] [Y] que les statuts de l'association MINOS ont été modifiés le 29 juin 2018, et que les nouveaux statuts prévoient le renouvellement du conseil d'administration par tiers tous les deux ans (article 12). Ils prévoient que le conseil d'administration élit parmi ses membres un bureau comprenant notamment un président.

Les nouveaux statuts (pièce 14) ne comportent aucune disposition transitoire.

L'article 13 précise que le conseil d'administration comporte 12 membres.

Le dernier conseil d'administration a été élu le 29 juin 2018 (pièce 105 de l'association MINOS).

Il comportait 11 membres (point 6 du compte -rendu en pièce 105) après cette nouvelle élection.

Si M. [S] [B] a été élu président le 10 juillet 2018 (compte-rendu de la réunion du conseil d'administration en pièce 106 de l'intimée) c'est donc par un conseil d'administration qui ne respectait pas les statuts, prévoyant 12 membres et non seulement onze.

Dans ces conditions, le président M. [S] [B], signataire de la lettre de licenciement, n'étant pas investi valablement dans ses fonctions, ne pouvait valablement prononcer la rupture du contrat de travail.

A défaut de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement, en l'espèce M. [S] [B], de prononcer la rupture du contrat de travail, le licenciement de M. [N] [Y] sera déclaré sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières du licenciement

- sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [N] [Y] réclame 28 125 euros, correspondant à 9 mois de salaires sur la base d'un salaire moyen de 3 125 euros.

L'association MINOS ne conclut pas à titre subsidiaire sur cette demande.

En l'absence de contestation du montant de la demande, il y sera fait droit.

- sur l'indemnité de licenciement

M. [N] [Y] réclame une indemnité de 7 356,77 euros sur la base de la formule suivante : (3125 x 1/4 x 9) + (3125 x 1/4 x 5/12), et à titre subsidiaire de 6901 euros, si la cour retient une ancienneté de 8 ans et 10 mois.

L'association MINOS conteste la demande, en faisant valoir qu'elle lui a déjà versé une indemnité de 5 404 euros, qui est supérieure à celle qu'il aurait dû percevoir ; elle présente dans ses conclusions un calcul ne prenant pas en compte pour son ancienneté ses périodes d'absence pour maladie, et proratisant celle-ci pour les périodes de travail à temps partiel.

Motivation

Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En l'espèce, les bases de calcul de l'association MINOS sont conformes aux dispositions des articles R1234-1 et L3123-5 alinéa 5 du code du travail.

M. [N] [Y] ne discute pas le calcul exposé par l'employeur en page 49 de ses conclusions.

A défaut de démontrer que le paiement ne l'aurait pas rempli de ses droits, M. [N] [Y] sera débouté de sa demande à ce titre.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant à l'instance, l'association MINOS sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Elle sera également condamnée à payer à M. [N] [Y] 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 pour les frais de première instance, et 1500 euros pour ses frais en appel.

L'association MINOS sera déboutée de ses demandes à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Infirme, en toutes ses dispositions, le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Epinal le 04 mai 2022 ;

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de M. [N] [Y] est sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne l'association MINOS à payer à M. [N] [Y] 28 125 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne l'association MINOS à payer à M. [N] [Y] :

- 7 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne l'association MINOS à payer à M. [N] [Y] 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance ;

Condamne l'association MINOS aux dépens de première instance ;

Y ajoutant,

Condamne l'association MINOS à payer à M. [N] [Y] 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 pour les frais d'appel ;

Condamne l'association MINOS aux dépens.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en quatorze pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 22/01199
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;22.01199 ?
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