RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D'APPEL DE NANCY
Première Chambre Civile
ARRÊT N° /2023 DU 26 JUIN 2023
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02415 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FCCB
Décision déférée à la Cour : ordonnance du tribunal judiciaire d'EPINAL,
R.G.n° 20/01093, en date du 30 septembre 2022,
APPELANTE :
COMMUNE D'[Localité 2], prise en la personne de sonreprésentant légal pour ce domicilié [Adresse 3]
Représentée par Me Frédérique MOREL, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant
Plaidant par Me Olivier COUSIN, substituant Me Pierre-André BABEL, avocats au barreau d'EPINAL
INTIMÉES :
S.A. IMAGERIE D'[Localité 2], prise en la personne de sonreprésentant légal pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 1]
Représentée par Me Ludovic VIAL de la SELARL SENTINELLE AVOCATS, avocat au barreau d'[Localité 2]
S.A.S. MAISON IMAGERIE D'[Localité 2], prise en la personne de sonreprésentant légal pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 1]
Représentée par Me Ludovic VIAL de la SELARL SENTINELLE AVOCATS, avocat au barreau d'EPINAL
S.A. SOCIETE SPINALIENNE DE PARTICIPATION FINANCIERE, prise en la personne de sonreprésentant légal pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 1]
Représentée par Me Ludovic VIAL de la SELARL SENTINELLE AVOCATS, avocat au barreau d'EPINAL
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 02 Mai 2023, en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre, chargée du rapport,
Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,
Madame Claude OLIVIER-VALLET, Magistrat honoraire,
qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 26 Juin 2023, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 26 Juin 2023, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;
FAITS ET PROCÉDURE :
La S.A.R.L. Imagerie [N] fabrique et commercialise depuis 1796, les images d'[Localité 2]. Depuis 1898, la fabrication était effectuée dans un immeuble sis à [Adresse 1].
Elle a déposé le bilan le 5 juin 1984.
La Société Spinalienne de Participation Financière (ci-après, la SSPF) a acquis 100% des parts de la S.A.R.L. Imagerie [N] et a créé la société Imagerie d'[Localité 2] SA dont elle détenait 50% des parts.
Le fonds de commerce a été acquis le 1er octobre 1984 par la société Imagerie d'[Localité 2] SA (ci-après, la société IESA).
Suivant protocole d'accord du 21 mai 1993 conclu entre la S.A.R.L. Imagerie [N], la société IESA et la commune d'[Localité 2], la S.A.R.L. Imagerie [N] a consenti une promesse de vente des bâtiments à la commune moyennant obligations d'effectuer des travaux sur les bâtiments, ainsi que de consentir à la société IESA un bail emphytéotique et enfin de rétrocéder les dits locaux à la demande de la société Imagerie [N], à compter de la 30ème année du bail.
Le 14 mars 1994, ont été régularisés par acte authentique le contrat de vente entre la S.A.R.L. Imagerie [N] et la Ville d'[Localité 2], d'une part, et le contrat de bail entre la Ville d'[Localité 2] et la société IESA, d'autre part.
Le 15 juin 1996, la S.A.R.L. Imagerie [N] a fait l'objet d'une fusion-absorption par la Société Spinalienne de Participation financière.
Le 15 février 2017, la société IESA a apporté à la SAS Maison Imagerie d'[Localité 2] des éléments de son fonds de commerce, dont le bail emphytéotique précité.
oOo
Par acte d'huissier délivré le 12 août 2020, la SAS Maison Imagerie d'[Localité 2] et la SSPF ont fait assigner la commune d'[Localité 2] devant le tribunal judiciaire d'[Localité 2] afin d'obtenir la résolution d'un ensemble contractuel indivisible conclu entre, notamment, les demanderesses et la défenderesse, aux torts de cette dernière, ledit ensemble étant constitué (i) d'une convention sous seing privé signée le 21 mai 1993, (ii) d'un acte authentique du 14 mars 1994 portant vente d'un ensemble immobilier sis [Adresse 1] à [Localité 2] (88) et (iii) d'un acte authentique du 14 mars 1994 également portant bail emphytéotique sur le bâtiment principal à destination industrielle situé sur ledit ensemble immobilier et promesse de vente dudit bâtiment.
Par acte d'huissier délivré le 3 février 2021, la société IESA a fait assigner la commune d'[Localité 2] devant le tribunal judiciaire d'[Localité 2] aux mêmes fins.
Par conclusions d'incident, la commune d'[Localité 2] a, à titre principal, soulevé l'irrecevabilité des demandes de la SSPF et de la SAS Maison Imagerie d'[Localité 2], pour défaut de qualité à agir. Elle a, à titre subsidiaire, sollicité une expertise judiciaire aux fins d'examen des travaux de toiture.
En réponse, la SSPF, la SAS Maison Imagerie d'[Localité 2] et la société IESA ont demandé au juge de la mise en état de juger que la SSPF et la SAS Maison Imagerie d'[Localité 2] ont bien qualité et intérêt à agir et que leurs demandes sont recevables, dès lors que :
- la SSPF est valablement venue aux droits de la société Imagerie [N] dans la promesse de vente du 14 mars 1994, et donc dans le bénéfice de l'option de rachat qu'elle contient, en vertu de l'opération de fusion-absorption en date du 15 juin 1996 ayant emporté transmission universelle du patrimoine d'imagerie [N] à la SSPF,
- la SAS Maison Imagerie d'[Localité 2] est valablement devenue co-preneuse, avec la société IESA, du bail emphytéotique du 14 mars 1994 en exécution du contrat d'apports d'éléments de fonds de commerce conclu le 15 février 2017 entre la société apporteuse Imagerie d'[Localité 2] et la société bénéficiaire Maison Imagerie d'[Localité 2], réitéré en tant que de besoin par acte authentique du 9 février 2022.
Le 5 janvier 2022, la commune d'[Localité 2] a fait délivrer à la SAS Maison Imagerie d'[Localité 2] et à la SA Imagerie d'[Localité 2] un commandement visant la clause résolutoire, en vertu du bail emphytéotique reçu le 14 mars 1994 et d'un acte rectificatif en date du 7 décembre 1995, d'avoir sous un mois à compter du commandement, à fabriquer des images d'[Localité 2] dans les locaux objet du bail sis [Adresse 1] à [Localité 2] et d'en justifier, d'une part, et, d'autre part. de mettre un terme à l'usage des locaux par la société Maison Imagerie d'[Localité 2], faute de cession conforme aux dispositions dudit bail.
Par ordonnance contradictoire du 30 septembre 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'[Localité 2] a :
- dit que les sociétés Maison Imagerie d'[Localité 2] et Spinalienne de Participation Financière ont qualité à agir,
- déclaré recevables les demandes des sociétés Maison Imagerie d'[Localité 2], Spinalienne de Participation Financière et Imagerie d'[Localité 2],
- ordonné le renvoi de l'affaire devant le juge de la mise en état à l'audience de mise en état du 28 novembre 2022 à 9 heures,
- condamné la commune d'[Localité 2] à payer à la société Maison Imagerie d'[Localité 2] et à la société Spinalienne de Participation Financière, la somme de 1500 euros à chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Commune d'[Localité 2] aux dépens de l'instance d'incident.
Pour statuer ainsi, le juge de la mise en état a relevé que la fusion-absorption de la société Imagerie [N] par la société Spinalienne de Participation financière ne constituant pas une cession, il n'y avait pas lieu de procéder au formalisme tant légal que contractuel applicable en cas de cession ; en revanche il importe de constater que du seul fait de la fusion, dont la régularité de la procédure n'était pas contestée, la société Spinalienne de Participation financière avait qualité à agir pour faire valoir ses droits sur la promesse litigieuse.
Il a également retenu que le contrat d'apport d'éléments de fonds de commerce du 15 février 2017 ne s'analysant nullement en un acte de cession ou de sous-location, mais en une co-titularité du bail du fait de l'apport du droit au bail, les formalités requises en cas de cession ou de sous-location ne trouvaient pas application, étant observé, à titre superfétatoire, que la société Imagerie d'[Localité 2] s'acquittait des loyers dus et que la commune d'[Localité 2] avait été dûment informée de la dite co-titularité.
Il a considéré d'autre part que l'exploitation du fonds de commerce de l'imagerie d'[Localité 2], véritable institution remontant au XVIIIème siècle ayant participé à la renommée d'[Localité 2] dans le monde entier, ne s'analysait en rien en un vulgaire commerce ou artisanat de proximité, de surcroît excentré du coeur de ville hors toute zone commerciale ou artisanale, relevant du périmètre de sauvegarde arrêté par délibération du 17 avril 2008 et que dans ces conditions, la société Maison Imagerie d'[Localité 2] avait qualité à agir pour faire valoir ses droits sur la promesse litigieuse.
oOo
Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 19 octobre 2022, la commune d'[Localité 2] a relevé appel de cette ordonnance.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 27 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la commune d'[Localité 2] demande à la cour, au visa des articles 31 et 122 du code de procédure civile et de l'article 30-5 du décret n°55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, de :
- dire recevable et bien fondé l'appel de la commune d'[Localité 2],
- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle :
* a dit que les sociétés Maison Imagerie d'[Localité 2] et SSPF ont qualité à agir,
* a déclaré recevable les demandes des sociétés Maison Imagerie d'[Localité 2], SSPF et IESA,
* l'a condamnée à payer à la SAS Maison Imagerie d'[Localité 2] et à la SSPF la somme de 1500 euros à chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- l'a condamnée aux dépens de l'instance d'incident,
Statuant à nouveau,
- dire que la SSPF ne justifie pas s'être engagée irrévocablement à respecter les termes de l'acte authentique du 14 mars 1994 au moment de la fusion absorption de la Société Imagerie [N],
- dire que la SSPF n'a pas qualité de cessionnaire de la promesse de vente figurant dans l'acte authentique du 14 mars 1994,
- dire que la cession de bail à la SAS Maison Imagerie d'[Localité 2] lui est inopposable et qu'elle n'a pas la qualité de locataire de l'immeuble [Adresse 1] à [Localité 2],
- dire que la SSPF et la SAS Maison Imagerie d'[Localité 2] n'ont pas qualité à agir,
- dire irrecevables les demandes de la SSPF et la SAS Maison Imagerie d'[Localité 2],
- débouter en conséquence la SSPF et la SAS Maison Imagerie d'[Localité 2] de l'intégralité de leurs demandes,
- condamner la SSPF et la SAS Maison Imagerie d'[Localité 2] à lui payer une somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SSPF et la SAS Maison Imagerie d'[Localité 2] aux entiers dépens.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 7 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SSPF, la SAS Maison Imagerie d'[Localité 2] et la société IESA demandent à la cour, au visa des articles 122 à 126 du code de procédure civile, des articles 371 et suivants de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, de l'article L. 214-1 du code de l'urbanisme, de :
- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du 30 septembre 2022 du tribunal judiciaire d'[Localité 2],
En conséquence par l'effet dévolutif de l'appel,
- juger que la SSPF est valablement venue aux droits de la société Imagerie [N] dans la promesse de vente du 14 mars 1994, et donc dans le bénéfice de l'option de rachat qu'elle contient, en vertu de l'opération de fusion-absorption en date du 15 juin 1996 ayant emporté transmission universelle du patrimoine d'Imagerie [N] à la SSPF,
- juger que la SAS Maison Imagerie d'[Localité 2] est valablement devenue co-preneuse, avec la société IESA, du bail emphytéotique du 14 mars 1994 en exécution du contrat d'apport d'éléments de fonds de commerce conclu le 15 février 2017 entre la société apporteuse IESA et la société bénéficiaire SAS Maison Imagerie d'[Localité 2], réitéré en tant que de besoin par acte authentique du 9 février 2022,
- juger que la SSPF et la SAS Maison Imagerie d'[Localité 2] ont donc qualité et intérêt à agir dans la présente instance,
- juger en conséquence que les demandes de la SSPF et de la SAS Maison Imagerie d'[Localité 2] sont recevables,
- condamner la commune d'[Localité 2] à verser à la SSPF la somme de 10000 euros et à la SAS Maison Imagerie d'[Localité 2] la somme de 10000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la commune d'[Localité 2] aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 27 mars 2023.
L'audience de plaidoirie a été fixée le 2 mai 2023 et le délibéré au 26 juin 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Vu les dernières conclusions déposées par la commune d'[Localité 2] le 27 janvier 2023, et par la SSPF, la SAS Maison Imagerie d'[Localité 2] et la société IESA le 7 mars 2023, et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l'article 455 du code de procédure civile ;
Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 27 mars 2023 ;
Sur la demande de rabat de clôture
Aux termes de l'article 803 du code de procédure civile 'l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue' ;
Tel n'est pas le cas en l'espèce, de la volonté de production d'un article de presse certes postérieur à la clôture, dont le lien avec le bien fondé de l'ordonnance du juge de la mise en état d'[Localité 2] déférée, n'est pas établi ;
dès lors la demande de l'appelante à cet égard sera rejetée ;
Sur la demande principale
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile 'constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée' ;
L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé' énonce l'article 31 du même code ;
L'appelante conteste la qualité et l'intérêt à agir de la SSPF et de la société Maison Imagerie d'[Localité 2] ;
Sur la qualité pour agir de la société spinalienne de participation financière (SSPF)
Dans le cadre de conclusions sur incident du 1er mars 2021, la commune d'[Localité 2] a conclu à l'irrecevabilité de la demande de la SSPF pour défaut de qualité à agir, au motif que les termes de la promesse de rétrocession de l'immeuble du 14 mars 1994, consentie par la société Imagerie [N] à la commune d'[Localité 2], n'ont pas été respectés par la SSPF en ce qu'elle ne s'est pas engagée irrévocablement à respecter les termes du bail emphytéotique du 14 mars 1994, et n'a pas procédé à la signification de la cession à la commune d'[Localité 2] conformément aux dispositions prévues dans cet acte sous seing privé ;
En effet, elle rappelle que l'un des objectifs essentiels de la convention du 14 mars 1994 était d'assurer la sauvegarde du patrimoine lié aux images d'[Localité 2] et de permettre à la IESA de conserver l'exploitation des locaux sis à [Adresse 1], cette dernière s'engageant à conserver comme activité la réalisation d'images d'[Localité 2] et ce, pendant toute la durée du bail ; elle ajoute que la condition irrévocable doit être respectée même en cas de fusion et ce, dans le même temps que celle-ci ;
En réponse la SSPF fait valoir que la société Imagerie [N] a fait l'objet d'une opération de fusion-absorption selon procès-verbal d'assemblée générale du 15 juin 1996 (pièce 12 intimées) ; celle-ci entraîne dissolution des sociétés qui disparaissent et transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires ;
Dès lors elle affirme qu'elle dispose de la qualité pour agir, dès lors que la commune d'[Localité 2] soutient sans aucun fondement, l'inopposabilité de cette opération en raison de l'absence de réalisation des conditions de la promesse de rachat portant sur l'engagement irrévocable de respecter les termes de l'acte authentique ainsi que l'absence de notification de la cession ;
Elle rappelle que lors de l'opération de fusion, la société Imagerie [N] ne disposait à titre d'actif, que de la promesse de vente ; la SSPF qui avait la charge de régler son passif, se réfère aux termes du traité de fusion-absorption pour conclure à la transmission universelle du patrimoine de la société cédante conformément aux dispositions de l'article L 263-3 du code de commerce, lequel comprend la promesse de vente de l'immeuble par la commune d'[Localité 2] ;
Aussi elle requiert de confirmer l'ordonnance déférée, laquelle a notamment considéré que les formalisme relatif à la cession n'a pas lieu de s'appliquer au cas d'espèce ; elle ajoute que l'existence de cette promesse ainsi que le transfert de son bénéfice sont expressément mentionnés dans le contrat de cession des actions de la SSPF du 30 juin 2014 au profit de la société Mazout Unilimited (pièce 33) ; en tant que de besoin, elle prend l'engagement irrévocable envers la commune d'[Localité 2] de respecter les termes de la promesse de vente ;
Enfin elle conclut au caractère inopérant du moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du code de l'urbanisme, eu égard à l'absence de cession du bail ;
En application des dispositions l'article 1134 du code civil, en vigueur au 21 mai 1993, date de la signature du protocole d'accord sur la Cité des Images (pièce 1 appelante) 'les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi' ;
S'agissant des immeubles appartenant à la société Imagerie [N], le protocole du 21 mai 1993 comporte une promesse de vente au bénéfice de la commune d'[Localité 2], des terrains et bâtiments dans lesquels la société IESA est titulaire d'un contrat de bail, qui fera l'objet d'une résiliation amiable moyennant la promesse de relocation à la société preneuse, selon un bail emphytéotique, cette relocation étant mentionnée comme étant 'une condition déterminante à l'engagement des parties' ;
Cet acte sous seing privé comprend un paragraphe intitulé 'conditions particulières' en page 6, aux termes desquelles la vente des immeubles à la commune d'[Localité 2] à un prix symbolique est promise moyennant la réalisation par l'acquéreur de travaux sur le bâti, ainsi que la souscription par cette dernière de la promesse de consentir un bail emphytéotique sur l'ensemble immobilier à la société IESA, outre la promesse unilatérale de vente des bâtiments au profit de la société Imagerie [N], qui pourra lever l'option à partir de la 30ème année du bail ;
Cette dernière promesse est 'stipulée transmissible par son bénéficiaire la société Imagerie [N], à toute personne que cette cession intervienne par voie de fusion ou autrement, à la condition sine qua non que l'immeuble soit affecté à la location pour l'exploitant du fonds d'imprimerie et de commerce d'Images d'[Localité 2] et que l'acquéreur prenne l'engagement irrévocable de respecter les termes souscrits dans les présentes et de tous actes qui en seront la suite ou la conséquence';
Il est constant que la société Imagerie [N] a disparu, lors de l'opération de fusion-absorption réalisée le 15 juin 1996 par la SSPF ; cette dernière en tant que société absorbante bénéficie des actifs et passifs de la société Imagerie [N], en ce compris la promesse unilatérale de vente précitée ;
Cette transmission est ainsi mentionnée dans le traité de fusion du 10 mai 1996 (pièce 28 intimées) puis dans le traité de fusion établi le 30 juin 2014 entre la société SSPF et la société Mazout Unlimited (pièce 33 intimées) ;
Elle entraîne par principe, transmission universelle du patrimoine de la société Imagerie [N], société absorbée par la SSPF ; ce principe n'est néanmoins pas d'ordre public et il peut y être dérogé conventionnellement ;
En l'espèce, par convention expresse, l'acte sous seing privé du 21 mai 1993 prévoit qu'en cas de transmission de la promesse, afin de garantir l'affectation de l'immeuble qui en est l'objet, son 'acquéreur prenne l'engagement irrévocable de respecter les termes souscrits dans (cette promesse) et de tous actes qui en seront la suite ou la conséquence' ;
Or aucun engagement irrévocable de cette nature n'a été pris par la société SSPF lors de la fusion, ayant pour effet de faire disparaître la société Imagerie [N], alors que cette société est la seule bénéficiaire de la promesse de vente unilatérale consentie par la commune d'[Localité 2] ;
En conséquence, la fusion n'a pas opéré transfert au profit de la SSPF des droits résultant de la promesse sus énoncée, faute d'en avoir respecté les termes ;
Dès lors l'incident soulevé par la commune d'[Localité 2] est fondé et l'action de la SSPF sera déclarée irrecevable faute de qualité pour agir ;
Sur la qualité pour agir de la société Maison Imagerie d'[Localité 2] (MIE)
A l'appui de son recours, la commune d'[Localité 2] conteste l'ordonnance déférée en ce qu'elle a considéré que le contrat d'apport des éléments du fonds de commerce conclu le 15 février 2017 par la société IESA, preneur, au profit de la société Maison Imagerie d'[Localité 2], ne s'analysait aucunement en un acte de cession ou de sous-location, mais en une co-titularité du bail, pour en conclure que les formalités relatives aux cessions ou sous-location ne sont pas applicables ;
En effet elle rappelle que le contrat de bail emphytéotique passé le 14 mars 1994 en la forme authentique, comporte une clause aux termes de laquelle le preneur ne pourra, dans aucun cas et sous aucun prétexte, céder son droit au présent bail, ni sous-louer tout ou partie des locaux loués sans le consentement écrit du bailleur, 'sauf toutefois dans le cas de cession du bail à son successeur dans le commerce à condition de sauvegarder l'activité 'imagerie d'[Localité 2]' ;
Elle ajoute que ni le formalisme, ni la notification de la cession du contrat de bail tels que prévus n'ont été respectés ; elle allègue enfin d'un non respect du droit de préemption de la commune d'[Localité 2] ;
Elle en conclut que le contrat d'apport dont se prévaut la société Maison Imagerie d'[Localité 2] n'est pas conforme à ces dispositions, ce qui justifie sa demande formulée à titre d'incident portant sur l'absence de qualité pour agir de cette dernière ainsi que l'infirmation de la décision déférée ;
En réponse, la société Maison Imagerie d'[Localité 2] se prévaut d'un 'contrat d'apport d'éléments du fonds de commerce' conclu le 15 février 2017 entre la société IESA et elle-même, en vertu duquel elle est déclarée co-preneuse du bail (pièce 11 intimées) ;
Elle conteste les arguments de la commune d'[Localité 2] relatifs à la conclusion du contrat de bail ainsi qu'à la nécessaire notification de la cession, en application des dispositions de l'article 1690 du code civil et enfin au non respect de son droit de préemption ;
Elle considère que la partie appelante avait connaissance du projet d'apport du fonds de commerce et que la mention de l'acte authentique du 15 février 2017 n'a que pour objet de rendre la convention opposable à tous tiers ; en l'absence de cession du bail, le consentement du bailleur n'était pas requis ; elle relève l'acceptation du paiement des loyers par la société Maison Imagerie d'[Localité 2] par la partie appelante et considère que le droit de préemption de la commune ne concerne que les commerces de proximité, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;
Elle réclame la confirmation de l'ordonnance déférée ;
Le contrat d'apport d'éléments du fonds de commerce souscrit le 15 février 2017 entre la société IESA et la société Maison Imagerie d'[Localité 2] comporte un paragraphe liminaire qui indique que 'il a été choisi de procéder à l'apport par Imagerie d'[Localité 2] (IESA) du fonds de commerce de l'Imagerie d'[Localité 2] à une société nouvelle Maison Imagerie d'[Localité 2] (MIE) qui sera ensuite cédée à une société Imagerie d'[Localité 2] Investissements afin que les investisseurs n'aient pas à supporter les adhérences du passé' (pièce 11 intimées) ; la société MIE bénéficie ainsi de la propriété des éléments du fonds de commerce, dont le droit au bail ;
Sur ce point l'acte précise dans son article 4 'énonciations du bail', que 'la société MIE est le successeur de la société IESA, laquelle demeure dans ses fonctions d'archivage et de conservation du patrimoine de l'imagerie' ; la société MIE est alors désignée comme 'co-titulaire du bail emphytéotique' liant la société IESA et la commune d'[Localité 2] ; cet acte précise enfin que du fait de cette co-titularité, l'accord du bailleur n'est pas requis conformément aux dispositions de l'article 10 du contrat de bail ;
Cependant le contrat de bail emphytéotique passé en la forme authentique le 14 mars 1994 entre la Ville d'[Localité 2] et la société IESA (pièce 3) comporte une clause '10° cession - sous-location' ainsi rédigée : 'le preneur ne pourra, dans aucun cas et sous aucun prétexte, céder son droit au présent bail, ni sous-louer en tout ou partie les locaux loués sans le consentement exprès et par écrit du bailleur, sauf toutefois dans le cas de cession de bail à son successeur dans le commerce, à condition de sauvegarder l'activité 'Imagerie d'[Localité 2]' ;
In fine il y est précisé que le contrat de bail devra être passé par acte authentique, auquel le bailleur sera appelé ;
Les conditions sus énoncées n'ont pas été respectées en l'espèce par la société IESA ;
En effet, elle conteste la qualification de cession de bail, pour s'exonérer de la nécessité d'obtenir le consentement exprès et écrit du bailleur, tout en établissant un contrat de bail en la forme authentique auquel elle appelle la commune d'[Localité 2] quelques jours avant la signature ;
De plus, si elle dénie l'existence d'une cession de bail entre elle-même, le preneur et la société MIE, elle se prévaut cependant de sa qualité de successeur dans le commerce, tout en n'imposant pas à celle-ci le respect de la condition tenant à la sauvegarde de l'activité 'Imagerie d'[Localité 2]' dont les termes précis du contrat de bail, visent à la pérenniser et à circonscrire les activités du preneur au contrat de bail ;
La société IESA seul preneur au bail et titulaire du droit au bail, n'était pas fondée à s'exonérer du consentement exprès du bailleur à l'opération juridique ayant pour objet le transfert de droits à une société MIE dont la qualité de successeur n'est pas établie ; en outre prétendument co-titulaire du bail, cette dernière n'a aucunement souscrit à la condition liée à la sauvegarde de l'activité 'Imagerie d'[Localité 2]' prévue au contrat, étant constant qu'aucune activité de production ne perdure, seule la vente de stock d'images étant réelle, dès lors que la volonté des parties à l'acte de cession étant de 'ne pas supporter les adhérences du passé';
Par conséquent l'incident tenant au défaut de qualité pour agir de la société Maison Imagerie d'[Localité 2] est fondé ; l'ordonnance déférée sera infirmée à cet égard ;
Enfin, il n'appartient pas à la cour de statuer sur les demandes de 'constatation' ou de 'donner acte' qui ne sont pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Les sociétés Spinalienne de Participation Financière et Maison Imagerie d'[Localité 2] succombant dans leurs prétentions, l'ordonnance déférée sera infirmée en ce qu'elle a condamné la commune d'[Localité 2] aux dépens et ainsi qu'au paiement de la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les sociétés Spinalienne de Participation Financière et Maison Imagerie d'[Localité 2], parties perdantes, devront supporter les dépens ; en outre elles seront condamnées in solidum à payer à la commune d'[Localité 2] la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; en revanche elles seront déboutées de leur propre demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Dit n'y avoir lieu à rabat de l'ordonnance de clôture ;
Infirme l'ordonnance déférée ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare irrecevable l'action de la société Spinalienne de Participation Financière (SSPF) pour défaut de qualité pour agir ;
Déclare irrecevable l'action de la société Maison Imagerie d'[Localité 2] (MIE) pour défaut de qualité pour agir ;
Condamne in solidum les sociétés Spinalienne de Participation Financière et Maison Imagerie d'[Localité 2] à payer à la commune d'[Localité 2], la somme de 5000 euros (CINQ MILLE EUROS) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les sociétés Spinalienne de Participation Financière et Maison Imagerie d'[Localité 2] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne les sociétés Spinalienne de Participation Financière et Maison Imagerie d'[Localité 2] aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-
Minute en douze pages.