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22/06/2023 | FRANCE | N°22/02183

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 22 juin 2023, 22/02183


ARRÊT N° /2023

PH



DU 22 JUIN 2023



N° RG 22/02183 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FBSE







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EPINAL

21/00005

05 septembre 2022











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANT :



Monsieur [P] [Y]

[Adresse 2]


[Localité 3]/ FRANCE

Représenté par Me Maxime JOFFROY substitué par Me LIPP de la SCP JOFFROY LITAIZE LIPP, avocats au barreau de NANCY









INTIMÉE :



S.A.S. NESTLE PURINA PETCARE COMMERCIAL OPERATIONS FRANCE Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit sièg...

ARRÊT N° /2023

PH

DU 22 JUIN 2023

N° RG 22/02183 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FBSE

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EPINAL

21/00005

05 septembre 2022

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANT :

Monsieur [P] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 3]/ FRANCE

Représenté par Me Maxime JOFFROY substitué par Me LIPP de la SCP JOFFROY LITAIZE LIPP, avocats au barreau de NANCY

INTIMÉE :

S.A.S. NESTLE PURINA PETCARE COMMERCIAL OPERATIONS FRANCE Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean D'ALEMAN substitué par Me DE COURSON de la SELAS BRL AVOCATS, avocats au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président : WEISSMANN Raphaël

Conseiller : STANEK Stéphane

Greffier : RIVORY Laurène (lors des débats)

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 16 mars 2023 tenue par WEISSMANN Raphaël, Président, et STANEK Stéphane, Conseiller, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en ont rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN et Guerric HENON, présidents, et Stéphane STANEK, conseiller, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 01er Juin 2023 ; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 22 Juin 2023 ;

Le 22 Juin 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Monsieur [P] [Y] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société RALSTON PURINAL PET PRODUCTS FRANCE à compter du 13 septembre 1999, en qualité d'agent technico-commercial itinérant.

La convention collective nationale des métiers de la transformation des grains s'applique au contrat de travail.

A compter de 2001, la société RALSTON PURINAL PET PRODUCTS FRANCE est rachetée par le groupe NESTLE et devient la société S.A.S NESTLE PURINA PETCARE COMMERCIAL OPERATIONS FRANCE.

Monsieur [P] [Y] est devenu salarié de la société S.A.S NESTLE PURINA PETCARE COMMERCIAL OPERATIONS FRANCE et a occupé les fonctions de responsable de secteur, statut agent de maîtrise.

Du 19 septembre au 04 octobre 2019, le salarié a été placé en arrêt de travail, pour maladie.

Par courrier du 03 décembre 2019, Monsieur [P] [Y] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 07 janvier 2020.

Par courrier du 10 janvier 2020, Monsieur [P] [Y] a été licencié pour faute grave.

Par requête du 28 décembre 2020, Monsieur [P] [Y] a saisi le conseil de prud'hommes d'Epinal, aux fins :

- de juger son licenciement comme étant sans cause réelle et sérieuse et abusif,

- de condamner par conséquent la société NESTLE PURINA PETCARE COMMERCIAL OPERATIONS FRANCE à lui verser les sommes suivantes :

- 66 747,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et abusif,

- 9 789,66 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, congés payés afférents inclus,

- 28 929,89 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 2 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

- d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes d'Epinal rendu le 05 septembre 2022, lequel a :

- jugé que le licenciement de Monsieur [P] [Y] repose sur une faute grave,

- débouté Monsieur [P] [Y] de l'intégralité de ses demandes,

- condamné Monsieur [P] [Y] aux entiers dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 200,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'appel formé par Monsieur [P] [Y] le 30 septembre 2022,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de Monsieur [P] [Y] déposées sur le RPVA le 08 novembre 2022, et celles de la société S.A.S NESTLE PURINA PETCARE COMMERCIAL OPERATIONS FRANCE déposées sur le RPVA le 10 janvier 2023,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 08 février 2023,

Monsieur [P] [Y] demande :

- de juger recevable et bien fondé l'appel interjeté par Monsieur [P] [Y],

- d'infirmer le jugement rendu le 05 septembre 2022 par le conseil de prud'hommes d'Epinal en toutes ses dispositions,

*

Statuant à nouveau :

- de juger le licenciement de Monsieur [P] [Y] comme étant sans cause réelle et sérieuse et abusif,

- de condamner la société S.A.S NESTLE PURINA PETCARE COMMERCIAL OPERATIONS FRANCE à verser à Monsieur [P] [Y] les sommes suivantes :

- 66 747,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et abusif,

- 9 789,66 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, congés payés afférents inclus,

- 28 929,89 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 2 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- 1 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

- de condamner la société S.A.S NESTLE PURINA PETCARE COMMERCIAL OPERATIONS FRANCE aux entiers dépens, en ce compris les frais de signification de l'arrêt à venir et, le cas échéant, d'exécution forcée.

La société S.A.S NESTLE PURINA PETCARE COMMERCIAL OPERATIONS FRANCE demande :

A titre principal :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [P] [Y] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a limité le montant de la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la somme de 200,00 euros,

*

Statuant à nouveau :

- de constater que la faute grave de Monsieur [P] [Y] est parfaitement justifiée

- en conséquence, de débouter Monsieur [P] [Y] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- de condamner Monsieur [P] [Y] au paiement de la somme de 3 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Monsieur [P] [Y] aux entiers dépens,

*

A titre subsidiaire :

- de juger que le licenciement de Monsieur [P] [Y] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- de limiter la condamnation à l'indemnité conventionnelle de licenciement et à l'indemnité compensatrice de préavis,

*

A titre encore plus subsidiaire :

- de limiter la condamnation à de plus justes propositions.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières conclusions de Monsieur [P] [Y] déposées sur le RPVA le 08 novembre 2022, et de la société S.A.S NESTLE PURINA PETCARE COMMERCIAL OPERATIONS FRANCE déposées sur le RPVA le 10 janvier 2023.

Sur la demande d'indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :

« [...] le 18 novembre 2019, votre manager vous a adressé, ainsi qu'à l'ensemble de votre équipe, un planning des tournées terrain que celui-ci avait prévu de faire avec chacun d'entre vous.

Il vous a ensuite adressé un mail complémentaire le même jour, à titre individuel, vous indiquant qu'il souhaitait tourner avec vous le 28 novembre, idéalement sur le secteur de [Localité 5], puisqu'il s'agit là de vos plus gros clients.

La veille de la tournée d'accompagnement prévue, votre manager extrait de l'outil VISICOM, outil de planification de déclaration et de suivi de l'activité, les points de vente que vous avez indiqués dans votre planning de journée.

Le 28 novembre, il se rend donc au magasin WELDOM de [Localité 8], où vous aviez prévu de vous rendre pour 10 h. Monsieur [T] arrive en magasin à 9h et en part à 10h45. Le constat est clair, vous ne vous êtes pas présenté en magasin. Pourtant, enfin de journée, vous validez dans l'outil que vous avez bien été dans ce magasin et que vous y avez mené des actions, vous déclarez être arrivé à 9h48, en être reparti à 10h02, et avoir dispensé une formation à Nathalie, ce qui est totalement impossible, puisque votre manager se trouvait sur les lieux à ce même instant. Par ailleurs, le responsable du magasin nous a bien indiqué ne pas vous avoir vu sur cette journée du 28 novembre.

Ce qui nous interpelle d'autant plus, c'est que vous aviez un objectif rémunéré indexé sur les formations dispensées. Vous indiquez donc avoir dispensé une formation, ce qui vous ouvre droit à une rémunération, qui est donc indue dans la mesure où vous n'avez pas été en magasin.

Vous n'avez pas apporté d'explication à ce point.

Monsieur [T] se rend ensuite dans le second magasin prévu sur votre planning: le magasin POINT VERT de [Localité 7]. Il arrive à 11h et en repart à 11h55. Vous aviez prévu de faire ce magasin de 12h à 13h alors que ce magasin ferme à 12h. Néanmoins sur place, Monsieur [T] rencontre le responsable de rayon qui indique n'avoir aucune rendez-vous prévu avec vous ce jour. Pourtant, vous déclarez avoir dispensé une formation à « Olivier et Marie » ce même jour.

Au cours de l'entretien, vous avez reconnu ne jamais parler avec Marie car vous ne vous entendiez pas avec elle et que vous ne lui aviez donc pas dispensé de formation.

Ensuite, Monsieur [T] prend contact avec le magasin MAXIZOO de [Localité 6], pour lequel vous déclarez avoir effectué une visite le 29 novembre 2019. La responsable du magasin indique qu'elle ne vous a pas rencontré le 29 novembre comme déclaré, que vous n'avez donc pas dispensé la formation déclarée et que de surcroît, elle ne vous a vu qu'une fois en un an.

A chaque fois, vous déclarez non seulement des visites que vous n'avez pas effectuées mais surtout vous déclarez y avoir dispensé des formations qui correspondent à une prime que vous auriez perçue indûment.

Vos explications ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits que nous vous reprochions. Aussi, ces faits constituent une faute grave » (pièce n° 6 de l'appelant).

L'employeur expose que Monsieur [P] [Y] avait une mission commerciale exclusivement itinérant auprès des magasins pour animaux de son secteur, impliquant des contacts réguliers avec leurs gérants, notamment pour la mise en place des produits de la marque, leur vente, leur promotion et le suivi des commandes.

Il indique que le 18 novembre 2019, Monsieur [T], le manager de l'équipe des commerciaux, dont Monsieur [P] [Y], leur a adressé le planning des tournées de terrain qu'il avait prévu d'effectuer avec chacun d'entre eux et qu'il a, dans ce cadre, adressé à Monsieur [P] [Y] un courriel lui indiquant qu'il allait l'accompagner dans sa tournée du 28 novembre, dans le secteur de [Localité 5].

Les magasins devant être visités par Monsieur [P] [Y] le 28 novembre avaient été renseignés par lui dans l'outil de planning et de suivi de visites commerciales, VISICOM.

Monsieur [T] a constaté que Monsieur [P] [Y] ne s'est jamais présenté dans deux magasins qu'il devait visiter, WELDOM à [Localité 8] et MAXIZOO à [Localité 7], alors que pourtant il avait indiqué dans l'outil VISICOM les avoir visités et avoir assuré la formation aux produits de la marque, d'un salarié dans chacun d'entre eux (pièce n° 11 de l'intimée).

Par ailleurs, le responsable du magasin de [Localité 7] s'était plaint de l'absence de suivi commercial par Monsieur [P] [Y], malgré les engagements de ce dernier, demandant même son remplacement (pièce n° 6 de l'intimée).

En outre, l'employeur indique avoir constaté que Monsieur [P] [Y] a faussement indiqué dans le logiciel VISICOM avoir dispensé une formation au sein du magasin BRICOMARCHE le 28 novembre 2019 (pièce n° 12) et avoir visité le magasin MAXIZOO de CHAUMONT le même jour (pièce n° 11).

Enfin, l'employeur fait valoir que les commerciaux qui réalisaient 80 modules de formation devaient bénéficier d'une prime de 500 euros, et qu'ainsi, en mentant sur les formations qu'il disait avoir assurées, Monsieur [P] [Y] avait tenté de frauder le système d'attribution de cette prime.

Monsieur [P] [Y] expose qu'il présente un handicap connu de son employeur depuis son embauche, à savoir une dyslexie dysorthographique « sous une forme relativement sévère ».

Il indique que malgré ce handicap, il a toujours accompli son travail à la satisfaction de son employeur (pièce n° 3).

Monsieur [P] [Y] produit un bilan orthophonique réalisé en décembre 2019, faisant état de ses importantes difficultés à l'utilisation du traitement de texte et à la nécessité de procéder à des aménagements privilégiant la communication orale et la présentation très simplifiée des textes qu'il doit lire (pièce n° 13).

Il expose également que dans la vie de tous les jours, il doit se faire aider par sa fille et son ex- femme pour la rédaction de documents administratifs, ce que ces dernières attestent (pièce n° 14).

Monsieur [P] [Y] produit l'attestation d'un responsable hiérarchique qui l'a embauché et a travaillé avec lui jusqu'en 2011, indiquant qu'il connaissait sa dyslexie, qu'en conséquence de privilégier la communication orale et que Monsieur [P] [Y] était, malgré son handicap, un excellent commercial (pièce n° 15).

Monsieur [P] [Y] fait valoir que depuis son embauche, l'informatisation et la numérisation croissantes de son service a rendu son travail administratif de plus en plus lourd et qu'il n'a jamais bénéficié d'aide à l'utilisation de ces nouveaux outils ; qu'il est notamment extrêmement difficile pour lui d'utiliser le logiciel VISICOM mise en place en 2017 ; qu'il a informé ses collègues et sa hiérarchie de ses difficultés ; qu'il n'a cependant bénéficié d'aucune formation à l'utilisation du logiciel VISICOM.

Monsieur [P] [Y] expose que malgré son handicap, son employeur a toujours été satisfait de lui, notamment pour la formation des personnels des magasins clients et qu'il a bénéficié d'une augmentation individuelle en 2019 (pièce n° 16 à 18, 20,21 et 27).

Il expose également qu'il a été en arrêt maladie du 19 septembre au 4 octobre 2019 à la suite d'un accident cérébral vasculaire survenu à la sortie d'une réunion de service (pièce n° 23 à 25), ce qui a généré une grande fatigue qui a continué après la reprise de son travail.

C'est dans ce contexte de handicap et suite à son accident vasculaire que Monsieur [P] [Y] fait valoir qu'il n'a pas volontairement falsifié les informations consignées dans le logiciel VISICOM, mais qu'il s'agit d'erreurs involontaires de sa part.

Il indique également qu'au cours de la réunion de travail précédant les faits, il avait indiqué crouler sous le travail administratif et ne pas s'en sortir, sans réaction de son responsable hiérarchique.

Cependant, il affirme qu'il s'est bien rendu au magasin MAXIZOO à [Localité 6], où il a rencontré une vendeuse du magasin, le responsable du magasin n'étant pas sur place (pièce n° 26) et indique également que « Les visites et formations visées dans la lettre de rupture ont cependant été faites mais à une autre date » et qu'il n'a pas su modifier les dates déjà inscrites dans le logiciel.

Monsieur [P] [Y] fait valoir que confronté à une utilisation massive de l'outil informatique pour laquelle il n'a bénéficié d'aucune formation, c'est l'employeur qui est à l'origine de ses erreurs de manipulation du logiciel.

Motivation :

- Sur le grief d'absence de visites dans les magasins WELDOM de [Localité 8] et POINT VERT de [Localité 7] le 28 novembre 2019 :

Il résulte de la pièce n° 11 de l'intimé que ces visites étaient inscrites au planning renseigné par Monsieur [P] [Y] dans le logiciel VISICOM.

Monsieur [P] [Y] ne conteste pas ne pas avoir visité ces magasins le 28 novembre 2019, mais affirme les avoir visités le lendemain.

Cependant, la cour constate qu'il ne produit aucune pièce attestant de la réalité de ces visites le 29 novembre 2019.

Le grief est donc établi.

- Sur le grief d'absence de visite du magasin MAXIZOO de CHAUMONT le 29 novembre 2019 :

Il résulte du planning renseigné par Monsieur [P] [Y] que le 29 novembre 2019 il devait visiter 8 points de vente, dont celui de MAXIZOO de [Localité 6].

Pour contester la réalité de cette visite, l'employeur produit un courriel du responsable ce de magasin indiquant que Monsieur [P] [Y] ne s'y est pas rendu le 28 novembre (pièce n° 11). En revanche, il ne produit aucune pièce attestant de l'absence de visite de Monsieur [P] [Y] le lendemain 29 novembre.

Le grief n'est donc pas établi.

- Sur le grief d'avoir faussement déclaré des actions de formation de vendeurs des magasins visités le 28 novembre 2019 :

L'employeur indique que Monsieur [P] [Y] a prétendu avoir accompli des actions de formation le 28 novembre 2018 dans les deux magasins qu'il n'a pas visités.

Il ressort de la pièce n° 11 de l'employeur que Monsieur [P] [Y] a indiqué dans le logiciel VISICOM avoir accompli le 28 novembre 2019 une mission de formation dans ces magasins, à l'endroit de « Olivier + Marie » au magasin POINT VERT et de « Nathalie » au magasin WELDOM.

Si Monsieur [P] [Y] affirme dans ses conclusions que ces formations ont cependant été faites mais à une autre date, c'est-à-dire le 29 novembre, il ne le démontre par aucune pièce.

Le grief est donc établi.

- Sur le grief d'avoir faussement déclaré des actions de formation de vendeur du magasin MAXIZOO de Chaumont visité le 29 novembre 2019 :

S'agissant de la visite de ce magasin, l'employeur ne produit pas de pièce démontrant que Monsieur [P] [Y] a indiqué avoir assuré une telle formation.

Le grief n'est donc pas établi.

En outre, la cour constate que si dans ses conclusions l'employeur reproche à Monsieur [P] [Y] d'avoir faussement indiqué avoir visité le 28 novembre 2019 un magasin BRICOMARCHE et y avoir dispensé une formation, ce grief n'apparaît pas dans la lettre de licenciement.

Il résulte d'un « compte-rendu de bilan orthophonique » réalisé le 10 décembre 2019 par un médecin orthophoniste que Monsieur [P] [Y] présente un trouble de dyslexie-dysortographie qui lui impose d'importants efforts pour l'utilisation d'un traitement de texte et préconise des aménagements privilégiant la communication orale et les documents tapuscrits, plutôt que manuscrits, composés de la manière la plus simple et la plus aérée (pièce n° 13 de l'appelant).

Néanmoins, la cour constate que ce médecin se prononce uniquement sur la difficulté de Monsieur [P] [Y] à utiliser un traitement de texte et à lire des documents tapuscrits présentés de façon complexes. Or, le logiciel VISICOM n'est pas un logiciel de traitement de texte.

Il résulte en outre de la pièce n° 14 de l'intimée que Monsieur [P] [Y] a suivi une formation à l'utilisation de VISICOM le 17 mai 2017.

De plus, Monsieur [P] [Y] ne produit aucune pièce démontrant qu'il a alerté sa hiérarchie sur ses éventuelles difficultés à utiliser le logiciel VISICOM ; il résulte notamment de son entretien d'activité avec son supérieur hiérarchique du 6 février 2019 concernant l'année 2018, qu'à aucun moment il ne fait part de sa difficulté à utiliser l'outil informatique et notamment pas VISICOM (pièce n° 16 de l'appelant).

La cour constate également que les éléments médicaux produits par Monsieur [P] [Y] sont relatifs à un « bloc auriculo-ventriculaire », et non d'un AVC, et font état d'une hospitalisation d'une journée et d'un arrêt de travail de 12 jours (pièces n° 23 à 25).

En conséquence, il ressort de l'ensemble de ces éléments que Monsieur [P] [Y] a sciemment fourni à son employeur de faux renseignements quant à son activité professionnelle le 18 novembre 2019.

Cependant, il résulte de plusieurs pièces produites par Monsieur [P] [Y] que ce dernier était apprécié de sa hiérarchie et de ses partenaires commerciaux (pièces n° 17 à 22 de l'appelant) et il n'est pas allégué par l'employeur qu'en vingt années d'activité il ait fait l'objet d'une sanction ou d'un rappel à l'ordre.

Dès lors si les griefs établis justifient le licenciement de Monsieur [P] [Y], son professionnalisme avéré, l'absence d'antécédent disciplinaire et le caractère limité dans le temps de son comportement fautif, privent celui-ci du caractère de gravité justifiant l'éviction immédiate de Monsieur [P] [Y] de l'entreprise.

Monsieur [P] [Y] sera donc débouté de sa demande d'indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement entrepris du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

Sur la demande d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférant :

Monsieur [P] [Y] réclame à ce titre la somme de 8 899,69 euros, correspondant à deux mois de salaire, outre 889,97 euros au titre des congés payés afférents.

La société NESTLE PURINA PETCARE COMMERCIAL OPERATIONS FRANCE ne conteste pas à titre subsidiaire le quantum de la somme demandée.

Motivation :

En l'absence de faute grave, l'indemnité compensatrice de préavis est due à Monsieur [P] [Y], auquel la société NESTLE PURINA PETCARE COMMERCIAL OPERATIONS FRANCE devra verser les sommes de 8 899,69 euros et de 889,97 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement entrepris du conseil de prud'hommes sera infirmé sur ce point.

Sur la demande d'indemnité conventionnelle de licenciement :

Monsieur [P] [Y] fait valoir qu'en application de l'article 56 de la convention collective des métiers de la transformation des grains, il est en droit d'obtenir la somme de 28 929,89 euros à titre d'indemnité de licenciement.

La société NESTLE PURINA PETCARE COMMERCIAL OPERATIONS FRANCE ne conteste pas à titre subsidiaire le quantum de la somme demandée.

Motivation :

En l'absence de faute grave, l'indemnité conventionnelle de licenciement est due par l'employeur à Monsieur [P] [Y].

La société NESTLE PURINA PETCARE COMMERCIAL OPERATIONS FRANCE devra donc lui verser la somme de 28 929,89 euros à ce titre, le jugement entrepris du conseil de prud'hommes étant infirmé sur ce point.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens :

La société NESTLE PURINA PETCARE COMMERCIAL OPERATIONS FRANCE devra verser à Monsieur [P] [Y] la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et de 2000 euros au titre des frais irrépétibles à hauteur d'appel.

La société NESTLE PURINA PETCARE COMMERCIAL OPERATIONS FRANCE sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant contradictoirement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes d'EPINAL du 5 Septembre 2022 en ce qu'il a débouté Monsieur [P] [Y] de sa demande d'indemnisation au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

INFIRME pour le surplus le jugement du conseil de prud'hommes d'EPINAL du 5 Septembre 2022 ;

STATUANT A NOUVEAU

Condamne la société NESTLE PURINA PETCARE COMMERCIAL OPERATIONS France à verser à Monsieur [P] [Y] la somme de 9789,66 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents,

Condamne la société NESTLE PURINA PETCARE COMMERCIAL OPERATIONS France à verser à Monsieur [P] [Y] la somme de 28 929,89 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

Condamne la société NESTLE PURINA PETCARE COMMERCIAL OPERATIONS France à verser à Monsieur [P] [Y] la somme de 1000 euros au titre l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société NESTLE PURINA PETCARE COMMERCIAL OPERATIONS France aux dépens de première instance ;

Y AJOUTANT

Condamne la société NESTLE PURINA PETCARE COMMERCIAL OPERATIONS France à verser à Monsieur [P] [Y] la somme de 2000 euros au titre l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Déboute la société NESTLE PURINA PETCARE COMMERCIAL OPERATIONS France de sa demande titre l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société NESTLE PURINA PETCARE COMMERCIAL OPERATIONS aux dépens d'appel.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en onze pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 22/02183
Date de la décision : 22/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-22;22.02183 ?
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