La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/06/2023 | FRANCE | N°22/01311

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 22 juin 2023, 22/01311


ARRÊT N° /2023

PH



DU 22 JUIN 2023



N° RG 22/01311 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E7TI







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

F20/00450

06 mai 2022











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2





APPELANTES :



S.A. PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL Prise en la personne de son représ

entant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Etienne GUIDON de la SELARL CABINET GUIDON - BOZIAN, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant et par Me Thibaud DESSALLIEN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, substitué par Me GUIDON...

ARRÊT N° /2023

PH

DU 22 JUIN 2023

N° RG 22/01311 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E7TI

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

F20/00450

06 mai 2022

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTES :

S.A. PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL Prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Etienne GUIDON de la SELARL CABINET GUIDON - BOZIAN, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant et par Me Thibaud DESSALLIEN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, substitué par Me GUIDON

S.E.L.A.R.L. AJRS -en la personne de Maitre [P] [S] , [Adresse 4] Es qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SA PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL, pris en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège,

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Etienne GUIDON de la SELARL CABINET GUIDON - BOZIAN, avocat au barreau de NANCY et par Me Thibaud DESSALLIEN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, substitué par Me GUIDON

INTIMÉE :

Madame [R] [C]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Benjamin JOLLY, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président : WEISSMANN Raphaël

Conseiller : STANEK Stéphane

Greffier : PERRIN Céline (lors des débats)

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 30 mars 2023 tenue par WEISSMANN Raphaël, Président, et STANEK Stéphane, Conseiller, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en ont rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN et Guerric HENON, présidents, et Stéphane STANEK, conseiller, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 22 Juin 2023 ;

Le 22 Juin 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Madame [R] [C] a été engagée sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société S.A PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL à compter du 22 mai 2000, en qualité de secrétaire, affectée à l'agence de [Localité 8] (54)

La convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés s'applique au contrat de travail.

Par jugement du tribunal de commerce de Paris rendu le 30 avril 2018, la société S.A PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, avec, par la suite, la détermination d'un plan de continuation par jugement rendu le 16 juillet 2019.

A compter de janvier 2020, la société S.A PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL a été rachetée par le groupe T2MC, entrainant une réorganisation de ses secteurs d'activité et la fermeture de l'agence de [Localité 8].

En date du 21 juillet 2020, Madame [R] [C] s'est vue remettre une proposition de rupture conventionnelle, qu'elle a refusée.

Par courrier du 05 août 2020, la salariée s'est vue notifier une mutation sur le site de [Localité 12], à laquelle elle a opposé un refus.

Par courrier du 15 septembre 2020, elle s'est vue notifier une nouvelle mutation, soit sur le site de [Localité 12], soit sur le site d'[Localité 9], à laquelle elle a opposé un nouveau refus.

Par courrier du 30 septembre 2020, Madame [R] [C] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 13 octobre 2020.

Par jugement du tribunal de commerce de Paris rendu le 06 octobre 2020, la société S.E.L.A.R.L AJRS a été nommée commissaire à l'exécution du plan de continuation d'activité de la société S.A PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL.

Par courrier du 29 octobre 2020, Madame [R] [C] a été licenciée pour faute grave.

Par requête du 19 novembre 2020, Madame [R] [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy, aux fins :

- de requalifier son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- de condamner la société S.A PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL à lui payer les sommes suivantes :

- 18 470,35 euros d'indemnité de licenciement,

- 9 148,77 euros d'indemnité de préavis, outre 914,88 euros de congés payés afférents,

- 47 200,00 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 651,60 euros au titre du solde de la prime d'expérience, outre 65,16 euros de congés payés afférents,

- 3 049,59 euros au titre du salaire d'octobre 2020 non versé, outre 304,96 euros de congés payés afférents,

- 3 022,82 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés non versée,

- 3 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

- d'ordonner d'office le remboursement des indemnités versées par Pôle Emploi dans la limite de 6 mois,

- l'exécution provisoire sur l'intégralité de la décision à intervenir.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 06 mai 2022, lequel a :

- dit et jugé que le licenciement de Madame [R] [C] est sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société S.A PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL à payer à Madame [R] [C] les sommes de :

- 18 470,35 euros net au titre de l'indemnité de licenciement légale,

- 9 148,77 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 914,88 euros brut au titre des congés payés afférents,

- 35 000,00 euros net au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 651,60 euros au titre du solde de la prime d'expérience,

- 65,16 euros au titre des congés payés afférents,

- 3 049,59 euros à titre de rappel de salaire d'octobre 2020,

- 304,96 euros au titre des congés payés afférents,

- 3 022,82 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- l 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Madame [R] [C] du surplus de ses demandes,

- débouté la société S.A PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamné la société S.A PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL au remboursement des allocations chômages versées à Madame [R] [C] dans la limite de 3 mois,

- rappelé que le jugement est exécutoire de droit par provision dans la limite de l'article R.1454-28 du code du travail, étant précisé que la moyenne des salaires calculée sur les 3 derniers mois est de 3 049,59 euros brut,

- déclaré le présent jugement opposable à la société S.E.L.A.R.L AJRS en la personne de Maître [P] [S] commissaire à l'exécution du plan,

- mis la totalité des dépens à la charge de la partie défenderesse ainsi que les éventuels frais d'huissier en cas d'exécution forcée par voie extrajudiciaire.

Vu l'appel formé par la société S.A PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL le 03 juin 2022,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions communes de la société S.A PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL et la société S.E.L.A.R.L AJRS déposées sur le RPVA le 09 septembre 2022, et celles de Madame [R] [C] déposées sur le RPVA le 21 novembre 2022,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 15 mars 2023,

La société S.A PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL et la société S.E.L.A.R.L AJRS demandent :

- de déclarer l'appel recevable et bien fondé,

- de dire et juger fondé le licenciement pour faute grave de Madame [R] [C],

- de constater le caractère infondé des demandes liées au rappel de congés non pris et à la prime d'expérience,

En conséquence :

- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

- de débouter Madame [R] [C] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- de condamner Madame [R] [C] à payer à la société S.A PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL la somme de 2 000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Madame [R] [C] aux entiers dépens,

A titre infiniment subsidiaire et si par impossible la Cour devait confirmer le jugement ayant retenu le caractère dénué de cause réelle et sérieuse de la rupture :

- de constater que Madame [R] [C] ne rapporte pas de preuve suffisante du préjudice qu'elle allègue, se contentant d'exposer qu'elle subit une perte de revenu nette de 600,00 euros chaque mois,

En conséquence :

- d'infirmer le jugement ayant condamné la société S.A PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL à payer à Madame [R] [C] la somme de 35 000,00 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- de limiter à la somme de 12 198,36 euros l'indemnité pouvant être accordée à Madame [R] [C] en application de l'article L.1235-3 alinéa 2 du code du travail et correspondant à 4 mois de salaires,

En tout état de cause :

- de débouter Madame [R] [C] de ses demandes au titre du rappel de prime d'expérience et du rappel de congés non pris, ainsi que celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Madame [R] [C] aux entiers dépens.

Madame [R] [C] demande :

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit et jugé que son licenciement de Madame [R] [C] est sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société S.A PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL à lui payer les sommes de :

- 18 470,35 euros net au titre de l'indemnité de licenciement légale,

- 9 148,77 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 914,88 euros brut au titre des congés payés afférents,

- 651,60 euros au titre du solde de la prime d'expérience,

- 65,16 euros au titre des congés payés afférents,

- 3 049,59 euros à titre de rappel de salaire d'octobre 2020,

- 304,96 euros au titre des congés payés afférents,

- l 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société S.A PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- rappelé que le jugement est exécutoire de droit par provision dans la limite de l'article R.1454-28 du code du travail,

- déclaré le présent jugement opposable à la société S.E.L.A.R.L AJRS en la personne de Maître [P] [S] commissaire à l'exécution du plan,

- mis la totalité des dépens à la charge de la partie défenderesse ainsi que les éventuels frais d'huissier en cas d'exécution forcée par voie extrajudiciaire,

- d'infirmer le jugement entrepris pour le surplus,

Statuant à nouveau :

- de condamner la société S.A PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL à lui payer les sommes suivantes :

- 47 200,00 euros nets de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3 022,82 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés non versée,

- d'ordonner d'office le remboursement des indemnités versées par Pôle Emploi dans la limite de 6 mois,

Y ajoutant :

- de condamner la société S.A PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL à lui payer la somme de 2 500,00 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de l'employeur et de la société AJRS ès qualités,le 09 septembre 2022, et en ce qui concerne la salariée le 21 novembre 2022.

Sur le licenciement

Par lettre du 29 octobre 2020, Mme [R] [C] a été licenciée pour les motifs suivants :

« Par courrier du 30 septembre 2020 nous vous avons convoquée à un entretien préalable fixé au 13 octobre 2020 à 14 heures en nos bureaux à [Localité 8], entretien auquel vous ne vous êtes pas présentée.

Au cours de l'entretien, nous devions vous exposer les griefs qui vous sont reprochés, à savoir :

· refus de mutation

Vous travaillez en qualité de Secrétaire sur notre agence de [Localité 11] depuis le 22 mai 2000.

En raison de la réorganisation totale du secteur de [Localité 11] et de la résiliation du bail des locaux, nous vous avions affecté par courrier du 15 septembre 2020 sur l'agence de [Localité 12], ou sur l'agence d'[Localité 9], dès réception de notre courrier et au plus tard le 26 septembre 2020.

Affectations sur lesquelles vous ne vous êtes pas présentée et que vous avez refusées par courrier du 23 septembre, réceptionné par nos services en date du 24 septembre 2020.

Nous vous avions rappelé dans notre courrier d'affectation du 15 septembre que compte tenu du contexte actuel et de la baisse considérable de l'activité, nous avions été contraints de résilier le bail des locaux de [Localité 8], et de ce fait dans l'obligation de vous affecter sur un autre site.

Vous n'avez pas daigné vous présenter à l'entretien préalable auquel vous avez été convoquée pour nous permettre éventuellement de trouver une issue à votre situation ou de modifier notre point de vue quant aux faits qui vous sont reprochés.

Par conséquent, au vu de vos refus et n'ayant aucun autre site sur lequel vous affecter, nous considérons que la poursuite de votre contrat de travail est impossible et nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave. Cette décision prend effet immédiatement.

Conformément à la législation en vigueur, vous ne disposez d'aucun préavis ni indemnité de licenciement.

Par courrier séparé, vous recevrez par courrier votre certificat de travail, solde de tout compte et attestation Assurance Chômage.

(...) »

La société PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL fait valoir que Mme [R] [C] a été licenciée pour refus répété d'application de la clause de mobilité.

Elle indique que le lieu de travail précisé au contrat de travail de Mme [R] [C] n'avait valeur que de simple information, en l'absence de toute clause prévoyant expressément que ce lieu de travail ([Localité 13]) était une condition de l'engagement. L'appelante en veut pour preuve que Mme [R] [C] ne travaillait plus à cet endroit depuis plusieurs années puisqu'elle avait été mutée à [Localité 8].

La société PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL ajoute que pour les entreprises de nettoyage industriel, la mobilité du personnel est la règle.

Elle précise que c'est en raison d'une réorganisation du secteur de [Localité 11] qu'il a été décidé de résilier le bail des locaux de l'agence à [Localité 8] qui n'avait plus aucune utilité suite à la baisse significative du nombre de payes et la gestion de l'ensemble des activités par l'agence d'[Localité 9].

La société PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL estime que le délai de prévenance était respecté, et indique que dès le 05 août 2020, il était précisé à la salariée que ses horaires et sa mensualisation restaient inchangés et que tous les autres termes de son contrat de travail demeuraient inchangés.

Mme [R] [C] estime que son refus de la mutation n'est pas fautif, ni [Localité 12], ni [Localité 10], à 3 kilomètres d'[Localité 9], n'appartenant au même secteur géographique.

Elle souligne que le contrat de travail ne comportait aucune clause de mobilité.

La salariée fait également valoir que la mutation qui lui a été proposée a été mise en 'uvre de manière abusive, compte tenu du délai de prévenance trop court, la lettre de mutation lui étant parvenue le 19 septembre 2020 avec affectation « dès réception de la présente ou au plus tard le 26 septembre 2020 ». Elle ajoute que par ailleurs l'employeur n'a donné aucun détail sur le contenu des deux postes proposés, alors que ses propres dossiers avaient déjà été transférés à d'autres salariés. Elle indique enfin que ces deux nouveaux postes étaient incompatibles avec sa situation personnelle et familiale.

Motivation

En l'espèce, le contrat de travail de Mme [R] [C] (pièce 1 de l'employeur) ne contient pas de clause de mobilité.

La société PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL, qui se prévaut d'un principe de mobilité géographique prévu par la convention collective, ne le démontre pas.

Mme [R] [C] travaillait à [Localité 8], près de [Localité 11], en Meurthe et Moselle, et s'est vue imposer de choisir un poste à [Localité 12] (Bas Rhin) ou à [Localité 10] (Marne) .

La société PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL produit en pièces 19 l'impression d'itinéraires « Via Michelin » : la distance [Localité 8]- [Localité 12] est de 155 kilomètres, et la distance [Localité 8]-[Localité 10] est de 203 kilomètres.

De par les distances qui séparent [Localité 8] de [Localité 12] ou de [Localité 10], et de par le fait que ces deux villes ne se situent pas dans le même département que [Localité 8], elles ne font pas partie du même bassin d'emploi que [Localité 8].

Dans ces conditions, Mme [R] [C] était bien fondée à refuser les mutations proposées, qui entraînaient une modification du contrat de travail.

Ce refus n'étant dès lors pas fautif, le licenciement pour faute grave, pour refus de ces mutations, décidé par la société PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL, est dénué de cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les conséquences financières du licenciement

En application des articles L1234-5, L1234-9, et L1235-3 du code du travail, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié a droit à une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité de licenciement, et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- sur l'indemnité de licenciement, l'indemnité compensatrice de préavis et les indemnités compensatrices de congés afférents

Mme [R] [C] demande la confirmation du jugement sur ces points.

La société PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL ne conclut pas sur ces demandes.

Motivation

A défaut de contestation subsidiaire des sommes accordées à ces titres, le jugement sera confirmé sur ces points.

- sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Mme [R] [C] sollicite la condamnation de la société PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL à lui payer 47 200 euros à ce titre.

Elle fait valoir les éléments suivants : son ancienneté, son âge, la perte des garanties afférentes à un licenciement économique par suite de la réorganisation, sa qualité de travailleur handicapé, ses deux enfants à charge, le fait qu'elle a perdu plus de 600 euros pendant plus d'un an, et la perte de 700 euros par mois avec son nouvel emploi trouvé en janvier 2022.

La société PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL demande de limiter les dommages et intérêts à la somme de 12 198,36 euros, correspondant à 4 mois de salaires.

Elle fait valoir que l'intimée ne produit aucun élément justificatif de sa situation postérieurement à la rupture du contrat de travail. Elle souligne que Mme [R] [C] se prévaut d'une perte de revenu de 600 euros, ce qui représente un montant de 11 400 euros arrêté à mai 2022, à comparer avec le montant réclamé.

Motivation

Aux termes des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans les tableaux intégrés à l'article, dont le second concerne les entreprises employant habituellement moins de 11 salariés.

Mme [R] [C] justifie par :

- sa pièce 20 (attestation MDPH du 21 août 2018) de son statut de travailleur handicapé

- sa pièce 21 (attestation Pôle Emploi du 25 janvier 2022) de ce qu'elle a perçu l'ARE pour un montant brut journalier de 56,77 euros du 26 novembre 2020 au 30 juin 2021, et de 57,11 euros du 1er juillet 2021 au 31 décembre 2021, soit au maximum 1713,30 euros pour un mois de 30 jours ;

- sa pièce 22 (fiche de paie d'octobre 2022) d'un salaire brut de 2 368,44 euros.

Son salaire de base au sein de la société PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL était de 2 890,68 euros (bulletin de paie d'octobre 2020 ' pièces 17).

Compte tenu de ces éléments, la société PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL sera condamnée à payer 28 000 euros à ce titre à Mme [R] [C] ; le jugement sera réformé sur ce point.

Sur la demande de rappel de prime d'expérience

Mme [R] [C] explique qu'en janvier 2020, l'employeur a unilatéralement diminué le taux plein de la prime d'expérience dont elle a toujours bénéficié, sans information ni délai de prévenance.

Elle estime que même si cette prime était surévaluée, elle constituerait en tout état de cause un engagement unilatéral du fait de sa constance, que l'employeur ne peut remettre en cause sans respecter le formalisme de dénonciation.

Elle ajoute que la société PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL ne produit aucun élément de calcul alternatif.

La société PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL explique que c'est par erreur que sa prime d'expérience était auparavant calculée sur le salaire réel de l'intimée, au lieu d'être calculée conformément à l'article 4.7.6 de la convention collective.

Elle estime que l'erreur précédemment commise ne peut être créatrice de droit.

Elle ajoute que le calcul de Mme [R] [C] est erroné puisqu'elle réclame un rappel sur les mois de janvier 2020 à septembre 2020, alors qu'elle a été en arrêt maladie à plusieurs reprises et que la convention collective prévoit qu'en cas d'absence dans un mois considéré la prime est réduite à due proportion.

Motivation

L'article 1353 du code civil dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Aux termes des dispositions de l'article 4.7.6 de le convention collective applicable (pièce 19 de la société PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL) la prime d'expérience « est calculée dans la limite d'un temps plein sur la base de la rémunération minimale hiérarchique correspondant au coefficient de l'intéressé et au prorata du temps de travail pour les salariés à temps partiel ».

Mme [R] [C] ne conteste pas que le calcul de sa prime a été réalisé sur une base qui n'est pas celle prévue par la convention collective, et se prévaut d'un usage.

La surévaluation de la prime résultant d'une erreur de calcul, l'employeur était légitime à la rectifier sans avoir à respecter les règles de dénonciation d'un usage.

A défaut pour Mme [R] [C] de justifier de ce que la prime rectifiée n'aurait pas été correctement calculée, Mme [R] [C] sera déboutée de sa demande de rappel.

Le jugement sera réformé sur ce point.

Sur la demande de rappel de salaire pour le mois d'octobre 2020

Mme [R] [C] expose que l'employeur l'a indûment privée de salaire pendant ce mois.

La société PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL fait valoir que la salariée a refusé de façon illégitime deux propositions de mutation.

Motivation

Il résulte des développements qui précèdent que le licenciement est intervenu le 29 octobre 2020, et qu'il est dénué de cause réelle.

Le salaire est donc dû pour le mois d'octobre 2020.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de rappel de congés payés

Mme [R] [C] explique qu' a été déduit du solde de tout compte son solde de congés payés de 21,96 jours.

La société PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL expose lui avoir réglé son salaire par erreur, et avoir omis de décompter les congés qu'elle avait pris en août, ce qui explique le bulletin de salaire avec un net négatif établi en octobre 2020.

Motivation

L'article 1353 du code civil dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En l'espèce, Mme [R] [C] produit en pièce 16 le solde de tout compte qui lui a été adressé par lettre du 26 octobre 2020.

Il ressort de la lecture du solde de tout compte qu'une indemnité compensatrice de congés payés de 2066,52 euros lui est versée ; le document ne précise pas le nombre de jours de congés payés, ni son calcul.

Ce même document fait apparaître trois rappels négatifs de salaire, seul le premier étant identifié par la période visée, soit du 1er octobre 2020 au 29 octobre 2020, pour « Abs. Injustifiée » ; or il résulte des développements qui précèdent que le salaire du mois d'octobre est dû par l'employeur ; la société PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL l'ayant déduit du solde de tout compte, il convient d'en conclure qu'il n'a pas crédité des congés payés pour le mois d'octobre.

La société PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL ne produit aucun justificatif de son décompte, alors que les éléments précités impliquent que la salariée n'a pas été remplie de ses droits.

En application de l'article 1353 précité, à défaut pour l'employeur, débiteur du paiement, de démontrer que la salariée a été remplie de ses droits, la société PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL sera condamnée au rappel réclamé.

Le jugement sera réformé sur ce point.

Sur l'application d'office des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail en faveur de Pôle Emploi

Aux termes des dispositions de l'article 1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L1132-4, L1134-4, L1144-3, L1152-3, L1153-4, L1235-3 et L1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

La salariée ayant plus de deux ans d'ancienneté et l'entreprise ne soutenant pas occuper habituellement moins de 11 salariés, il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement dans la limite de 3 mois en application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant à l'instance, la société PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à Mme [R] [C] 2500 euros sur le fondement de l'article 700 ; elle sera déboutée de sa propre demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nancy le 06 mai 2022, en ce qu'il a :

- condamné la société S.A PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL à payer à Madame [R] [C] :

- 35 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 651,60 euros au titre du solde de la prime d'expérience,

- 65,16 euros au titre des congés payés afférents,

- débouté Madame [R] [C] de sa demande de rappel de congés payés ;

Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau dans ces limites,

Condamne la société PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL à payer à Mme [R] [C]:

- 28 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 3 022,82 euros à titre de rappel de congés payés ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Y ajoutant,

Déclare le présent jugement opposable à la société S.E.L.A.R.L AJRS en la personne de Maître [P] [S] commissaire à l'exécution du plan ;

Condamne la société PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL à payer à Mme [R] [C] 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL aux dépens.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en douze pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 22/01311
Date de la décision : 22/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-22;22.01311 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award