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22/06/2023 | FRANCE | N°22/00697

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 22 juin 2023, 22/00697


ARRÊT N° /2023

PH



DU 22 JUIN 2023



N° RG 22/00697 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E6IQ







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'Epinal

20/00157

23 février 2022











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANTE :



S.C.E.A. CHAMPI FORME BIO représentée

par son représentant légal, pour ce domicilié au siège social

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Barbara VASSEUR de la SCP VASSEUR PETIT, avocat au barreau de NANCY









INTIMÉ :



Monsieur [N] [X]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par Me Hervé MONTAUT de la SELAFA AUDIT-CONSEIL-DEFENSE, ...

ARRÊT N° /2023

PH

DU 22 JUIN 2023

N° RG 22/00697 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E6IQ

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'Epinal

20/00157

23 février 2022

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

S.C.E.A. CHAMPI FORME BIO représentée par son représentant légal, pour ce domicilié au siège social

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Barbara VASSEUR de la SCP VASSEUR PETIT, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉ :

Monsieur [N] [X]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par Me Hervé MONTAUT de la SELAFA AUDIT-CONSEIL-DEFENSE, avocat au barreau d'EPINAL substitué par Me Mareva RUIZ, avocate au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats sans opposition des parties,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Conseiller : STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats : RIVORY Laurène

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 23 mars 2023 tenue par Raphaël WEISSMANN, Président, et Stéphane STANEK, conseiller, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en ont rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN et Guerric HENON présidents, et Stéphane STANEK, conseiller, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 08 juin 2023; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 22 juin 2023 ;

Le 22 juin 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Monsieur [N] [X] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société S.C.E.A CHAMPI FORME BIO à compter du 01 février 2019 en qualité de directeur de développement, selon le salarié, et à compter du 1er avril 2019 selon l'employeur, en qualité de directeur administratif et financier, catégorie cadre, niveau I.

Par requête du 23 octobre 2020, Monsieur [N] [X] a saisi le conseil de prud'hommes d'Epinal, aux fins :

- de prononcer la résiliation de son contrat de travail suite à de multiples manquements de son employeur,

- de condamner la société S.C.E.A CHAMPI FORME BIO à lui verser les sommes suivantes :

- 6 065,76 euros bruts à titre de rappel de salaire, outre 606,54 euros bruts au titre des congés payés sur rappel de salaire,

- 828,68 euros nets à titre d'indemnité correspondant à la note de frais établie en mai 2019,

-16 776, 24 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral subi,

- 10 000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son l'obligation de sécurité,

- 16 776,24 euros nets à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 11 184,16 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 118,42 euros bruts au titre des congés payés sur préavis,

- 1 165,01 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,

- 16 776,24 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 2 796,04 euros bruts au titre du mois de septembre impayé,

- 2 000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

- d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à venir.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes d'Epinal rendu le 23 février 2022, lequel a:

- dit et jugé que le licenciement de Monsieur [N] [X] est nul,

- condamné la société SCEA CHAMPI FORME BIO à lui payer les sommes suivantes :

- 4 644,72 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les mois de février 2019 et mars 2019,

- 464,47 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 1 421,04 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les mois de février 2020 à avril 2020,

- 142,10 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 1 118,42 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 1 février 2021 au 31 mars 2021,

- 828,68 euros nets à titre d'indemnité correspondant à la note de frais établie en mai 2019,

- 20 131,50 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral subi,

- 10 000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son l'obligation de sécurité,

- 20 131,50 euros nets à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 13 421,00 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 342,10 euros bruts au titre des congés payés sur préavis,

- 2 097,03 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,

- 20 131,50 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- condamné la défenderesse à payer à une somme de 2000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement au titre de l'article 515 du code de procédure civile,

- rappelé qu'en application des dispositions de l'article R1454-28 du code du travail, la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire dans la limite maximum de neuf mois de salaire pour les sommes visées à l'article R.1454-14 du code du travail, calculés sur la moyenne des trois derniers mois fixée à 2 796,04 euros brut,

- débouté la société S.C.E.A CHAMPI FORME BIO de ses demandes reconventionnelles,

- condamné la société S.C.E.A CHAMPI FORME BIO aux entiers dépens y compris ceux liés à l'exécution du jugement à intervenir.

Vu l'appel formé par la société S.C.E.A CHAMPI FORME BIO le 22 mars 2022,

Par conclusions d'incident déposées sur le RPVA le 12 décembre 2022, Monsieur [N] [X] a sollicité l'irrecevabilité des conclusions d'appelant de la société S.C.E.A CHAMPI FORME BIO, et en conséquence la caducité de la déclaration d'appel avec la constatation que le jugement est passé en force de chose jugée.

Vu l'ordonnance d'incident rendue le 09 février 2023, laquelle a :

- rejeté les fins de non-recevoir,

- débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- renvoyé à l'audience de mise en état du 01 mars 2023 pour les répliques au fond de Maître [D],

- dit que les dépens du présent incident suivront le sort des dépens de l'instance au fond.

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de la société S.C.E.A CHAMPI FORME BIO déposées sur le RPVA le 08 novembre 2022, et celles de Monsieur [N] [X] déposées sur le RPVA le 09 septembre 2022,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 01 mars 2023

La société S.C.E.A CHAMPIFORME BIO demande :

- d'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Epinal en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

*

In limine litis :

- de constater que ses conclusions d'appel notifiées par RPVA le 22 juin 2022 sont parfaitement conformes aux dispositions légales,

- de juger recevable ses conclusions d'appel notifiées par RPVA le 22 juin 2022,

- de débouter Monsieur [N] [X] de sa demande de voir prononcer la caducité de la déclaration d'appel formulée par la société,

- de le débouter de sa demande qu'il soit constaté que la décision rendue par le conseil de prud'hommes d'Epinal en date du 23 février 2022 acquiert force de chose jugée,

- de recevoir la société en son exception d'incompétence,

- de juger que la demande relative à des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité relève de la compétence du pôle social du tribunal judiciaire,

*

A titre principal :

- de juger que la société n'était pas liée par la lettre d'embauche en date du 28 décembre 2018,

- de juger que Monsieur [N] [X] ne prouve pas avoir travaillé au mois de février et mars 2019 ni s'être tenu à la disposition de la société durant toute cette période,

- de juger qu'il n'existe aucun engagement de la société à régler les frais de voyage de Monsieur [N] [X] et de sa famille depuis la Chine,

- de juger qu'aucun harcèlement moral n'est caractérisé,

- de juger que la société n'a commis aucun manquement grave empêchant la poursuite du contrat de travail dans l'exécution du contrat de travail de Monsieur [N] [X]

En conséquence,

- de débouter Monsieur [N] [X] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail,

- de prononcer la mise hors de cause de la société concernant sa demande de rappels de salaire relative à la lettre d'embauche du 28 décembre 2018,

- de débouter Monsieur [N] [X] de l'intégralité de ses demandes de rappels de salaire sur 2019, 2020 et 2021,

- de débouter Monsieur [N] [X] de sa demande de remboursement de frais,

*

A titre subsidiaire :

- de dire et juger que Monsieur [N] [X] ne rapporte pas la preuve des préjudices qu'il invoque à l'appui de ses demandes,

- de dire et juger que la société n'a commis aucun manquement à son obligation de sécurité,

- de dire et juger qu'il n'existe aucune intention de dissimuler une période de travail de la part de la société S.C.E.A CHAMPI FORME BIO,

En conséquence :

- de débouter Monsieur [N] [X] de ses demandes de dommages et intérêts au titre d'un prétendu manquement à l'obligation de sécurité,

- de débouter Monsieur [N] [X] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé,

*

En tout état de cause :

- de condamner Monsieur [N] [X] à verser à la société S.C.E.A CHAMPI FORME BIO la somme de 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Monsieur [N] [X] demande :

In limine litis :

- de déclarer irrecevables les conclusions d'appelant déposées par la société S.C.E.A CHAMPI FORME BIO le 22 juin 2022,

- de prononcer la caducité de la déclaration d'appel formulée par la société S.C.E.A CHAMPI FORME BIO,

- de constater que la décision rendue par le conseil de prud'hommes d'Epinal en date du 23 février 2022 acquiert force de chose jugée,

*

A titre subsidiaire :

- de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Epinal du 23 février 2022 en ce qu'il a dit et jugé :

- dit et jugé que son licenciement est nul,

- condamné la société SCEA CHAMPI FORME BIO à lui payer les sommes suivantes :

- 4 644,72 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les mois de février 2019 et mars 2019,

- 464,47 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 1 421,04 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les mois de février 2020 à avril 2020,

- 142,10 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 1 118,42 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 1 février 2021 au 31 mars 2021,

- 828,68 euros nets à titre d'indemnité correspondant à la note de frais établie en mai 2019,

- 20 131,50 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral subi,

- 10 000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son l'obligation de sécurité,

- 20 131,50 euros nets à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 13 421,00 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 342,10 euros bruts au titre des congés payés sur préavis,

- 2 097,03 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,

- 20 131,50 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- condamné la défenderesse à payer à une somme de 2000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement au titre de l'article 515 du code de procédure civile,

- rappelé qu'en application des dispositions de l'article R1454-28 du code du travail, la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire dans la limite maximum de neuf mois de salaire pour les sommes visées à l'article R.1454-14 du code du travail, calculés sur la moyenne des trois derniers mois fixée à 2 796,04 euros brut,

- débouté la société S.C.E.A CHAMPI FORME BIO de ses demandes reconventionnelles,

- condamné la société S.C.E.A CHAMPI FORME BIO aux entiers dépens y compris ceux liés à l'exécution du jugement à intervenir,

- en conséquence, de débouter la société S.C.E.A CHAMPI FORME BIO de l'ensemble de ses demandes,

*

En tout état de cause :

- de condamner la société S.C.E.A CHAMPI FORME BIO à lui verser la somme de 2 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,

- de condamner la société S.C.E.A CHAMPI FORME BIO aux entiers dépens de l'instance.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de l'employeur le 08 novembre 2022, et en ce qui concerne le salarié le 09 septembre 2022.

Sur la recevabilité des conclusions de l'appelante

M. [N] [X] explique que les conclusions de l'appelante ne comprennent ni dans le dispositif, ni dans les conclusions elles-mêmes, l'énoncé des chefs de jugement critiqués.

La société CHAMPI FORME BIO fait valoir que ses conclusions notifiées le 22 juin 2022 demandaient, dans leur dispositif, d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions.

Motivation

Aux termes des dispositions de l'article 954, alinéa 2 et 3, du code de procédure civile, les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

En l'espèce, les conclusions de l'appelante du 22 juin 2022 sollicitent l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions, puis présentent les demandes après un « statuant à nouveau ».

Ces conclusions étant conformes à l'article 954 précité, la fin de non-recevoir sera rejetée.

Sur la demande de rappel de salaires de février et mars 2019

M. [N] [X] explique avoir été embauché par lettre du 28 décembre 2018, et affirme avoir commencé à travailler pour l'entreprise à compter du 1er février 2019.

La société CHAMPI FORME BIO fait valoir que Mme [F], qui a signé la lettre du 28 décembre 2018, n'avait pas le pouvoir d'engager juridiquement la société, qui n'a été créée que le 1er février 2019, et précise que les statuts constitutifs ne mentionnent pas cette lettre d'embauche, que ne peut donc être reprise au titre de ses engagements.

Motivation

Aux termes des dispositions de l'article 1843 du code civil, les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant l'immatriculation sont tenues des obligations nées des actes ainsi accomplis, avec solidarité si la société est commerciale, sans solidarité dans les autres cas. La société régulièrement immatriculée peut reprendre les engagements souscrits, qui sont alors réputés avoir été dès l'origine contractés par celle-ci.

En l'espèce, il résulte des statuts de la société, produits en pièce 8 par cette dernière, qu'il n'existe pas de mention de reprise des acte antérieurs avec les statuts ; il n'est pas autrement démontré que la promesse d'embauche signée par Mme [R] [F] le 28 décembre 2018 (pièce 1 de M. [N] [X]) et indiquant une prise de poste le 1er février 2019, aurait été reprise à son compte par la société à sa création ou après sa création.

Dans ces conditions M. [N] [X] sera débouté de sa demande, nonobstant les pièces qu'il met en avant pour établir le travail qu'il aurait effectué avant la création de la société.

Sur la demande de rappel de salaire pour les mois de février 2020 à avril 2020

M. [N] [X] indique que le contrat de travail prévoyait une augmentation de salaire de 20 % par an durant les deux années suivant la conclusion du contrat de travail, et qu'il n'a perçu cette augmentation qu'à compter de mai 2020.

La société CHAMPI FORME BIO ne conclut pas sur ce point.

Motivation

Le contrat de travail en pièce 2 de M. [N] [X] prévoit en son article 5 l'augmentation de la rémunération du salarié de 20 % par an « durant les 2 prochaines années ».

A défaut pour la société CHAMPI FORME BIO de motiver sa demande de réformation du jugement sur ce point, la décision sera confirmée.

Sur la demande de rappel de salaire à compter du mois de février 2021

M. [N] [X] indique que le contrat de travail prévoyait une augmentation de salaire de 20 % à compter du 1er février 2021, soit deux ans après la date de prise d'effet de la promesse d'embauche.

La société CHAMPI FORME BIO ne conclut pas sur ce point.

Motivation

Le contrat de travail en pièce 2 de M. [N] [X] prévoit en son article 5 l'augmentation de la rémunération du salarié de 20 % par an « durant les 2 prochaines années conformément à la promesse d'embauche préalablement adressée à Monsieur [X]».

A défaut pour la société CHAMPIFORME BIO de motiver sa demande de réformation du jugement sur ce point, la décision sera confirmée.

Sur le remboursement de frais

M. [N] [X] explique qu'il était convenu que la société lui rembourserait les coûts de transport liés à son départ de Chine pour venir travailler en France, dont 50 % du coût de billets d'avion.

La société CHAMPIFORME BIO fait valoir que l'intimé ne produit aucun acte ou contrat d'où ressortirait un quelconque engagement de la société à prendre en charge ces frais, et ajoute qu'il ne produit aucun justificatif de ces frais.

Motivation

Aux termes des dispositions de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

M. [N] [X] produit à l'appui de sa demande une note de frais en pièce 8 ; comme le souligne la société CHAMPIFORME BIO, il ne produit aucun justificatif de dépenses.

Il ne démontre pas non plus l'engagement qu'aurait pris la société au remboursement de tels frais.

En conséquence, M. [N] [X] sera débouté de sa demande à ce titre, et le jugement sera réformé sur ce point.

Sur la rupture du contrat de travail

M. [N] [X] fait valoir que l'entreprise lui a fait subir un harcèlement moral en ne lui confiant aucun travail ; il ajoute que l'établissement de [Localité 6] a été fermé le 20 janvier 2022.

Aux termes des dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3, le salarié présente des faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [N] [X] produit :

- en pièce 31 un mail qu'il a adressé à la direction, le 28 août 2020, dans lequel il sollicite des réponses à ses questions après avoir « ce mercredi après-midi au siège social de l'entreprise, en présence de Mme [H], Monsieur [E] et Monsieur [Z] (') à une réunion déconcertante ! » ; il poursuit en listant des problèmes : absence de versement du capital social, arriérés de paiements aux organismes sociaux, réalisation de nombreux travaux immobiliers sans autorisations officielles '

- en pièce 32, la réponse qui lui est envoyée le 28 août 2020 par Mme [G] [E], co-gérante : « Bonjour [N], Merci pour votre résumé ! Je pense que vos suggestions sont importantes ! Bien cordialement »

- en pièce 63, la copie du procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire de la société en date du 10 novembre 2021, transférant le siège social de [Localité 6] à [Localité 1] (28)

- en pièce 56 le rapport de la SELARL KSG, administrateurs judiciaires, nommée administrateur à la sauvegarde de la société CHAMPIFORME BIO par jugement du Tribunal judiciaire d'Epinal en date du 05 janvier 2021, qui indique dans son paragraphe « perspectives » : « En dépit des efforts déployés (') force est de constater qu'il n'y a toujours pas de comptabilité à jour, de chiffre d'affaires réalisé et de production commercialisable dans des locaux inadaptés et dont les machines et installations électriques n'ont toujours pas fait l'objet de certificat de conformité et ce, en précisant l'absence d'un dirigeant présent physiquement sur place à [Localité 6] pour encadrer les salariés chinois qui ne parlent pas français. Interrogé par l'Administrateur Judiciaire sur les intentions de ses clients chinois, associés de la SCEA CHAMPI FORME BIO, Maître FRENOT a précisé dans un mail du 10 février 2021 (') que ces derniers souhaitaient (') déménager très rapidement des locaux de [Localité 6] pour s'installer avec les salariés chinois dans un site plus adéquat à leur activité et ce en région parisienne dans une agglomération proche du marché de [Localité 5]. (...) ».

- en pièce 70, un extrait du RCS DU 04 septembre 2022, indiquant le siège social se trouve à [Localité 1], et que « cet établissement a été fermé le 20/01/2022 »

- en pièce 64 une impression du site internet de [4], que M. [N] [X] présente comme la nouvelle activité de la société CHAMPIFORME BIO à [Localité 1]

- en pièces 65 des photographies du site de [Localité 6].

Ces éléments, pris dans leur ensemble, ne laissent pas présumer une situation de harcèlement moral qui aurait pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité de M. [N] [X], d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, en ce qu'ils indiquent simplement que l'activité de la société CHAMPI FORME BIO n'a jamais débutée.

En conséquence M. [N] [X] sera débouté de sa demande de voir dire que la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul.

En revanche, par ces mêmes éléments, M. [N] [X] démontre que l'employeur ne lui a pas donné les tâches qu'il avait l'obligation de lui confier en exécution du contrat de travail.

La société CHAMPIFORME BIO invoque :

- la crise sanitaire qui a débuté à la fin de l'année 2019 et qui a empêché les dirigeants de se rendre en France

- la réglementation financière stricte a limité les associés dans le financement de la société, les dépenses à l'étranger étant limitées à 50 000 dollars par an

- que la société n'a pas pu compter sur l'appui de sa gérante française Mme [H] qui a commis plusieurs manquements dans sa gérance, notamment dans la mise en place du chômage partiel.

Elle ajoute que M. [N] [X] disposait d'une autonomie en tant que cadre pour faire preuve d'initiative et s'assurer du développement de la société.

Elle souligne également que M. [N] [X] a été en arrêt de travail sur une grande partie de l'année 2020, n'étant présent que trois mois complets.

La société CHAMPI FORME BIO ne renvoie à aucune pièce pour démontrer ses arguments.

En conséquence, il sera fait droit à la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, aux torts de l'employeur, mais produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières de la rupture

En application des articles L1234-5, L1234-9, et L1235-3 du code du travail, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié a droit à une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité de licenciement, et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- sur l'indemnité compensatrice de préavis

M. [N] [X] réclame 4 mois de salaire, en renvoyant aux dispositions de la convention collective applicable, et sur la base d'un salaire qu'il indique d'être d'un montant mensuel de 3 355,25 euros.

La société CHAMPI FORME BIO ne conclut pas à titre subsidiaire sur la somme réclamée à ce titre.

Motivation

A défaut de contestation subsidiaire du quantum de la demande, qui est fondée en son principe, il y sera fait droit, ainsi qu'à la demande d'indemnité compensatrice des congés payés afférents, et le jugement sera confirmé sur ces points.

- sur l'indemnité de licenciement

M. [N] [X] réclame 2 097,03 euros, en présentant un calcul fondé sur l'article R1234-2 du code du travail.

La société CHAMPI FORME BIO ne discute pas à titre subsidiaire de la demande.

Motivation

En l'absence de contestation subsidiaire par l'employeur du quantum de la demande fondée en son principe, il y sera fait droit et le jugement sera confirmé sur ce point.

- sur les dommages et intérêts

M. [N] [X] présente une demande de dommages et intérêts pour licenciement nul à hauteur de 20 131,50 euros, correspondant à six mois de salaire, en application de l'article L1235-3-1 sur la base d'un salaire de 3 355,25 euros.

La société CHAMPIFORME BIO conteste le licenciement nul.

Motivation

Il résulte des développements qui précèdent que la résiliation du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à la date de la saisine du conseil des prud'hommes, soit le 23 octobre 2020.

A cette date, M. [N] [X] avait une ancienneté de 18 mois.

La société CHAMPI FORME BIO n'indique pas le nombre des salariés que compte l'entreprise.

En application des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, il sera fait droit à la demande de M. [N] [X] à hauteur de 6 710,50 euros, soit deux mois de salaire.

Sur la demande au titre d'un manquement à l'obligation de sécurité

M. [N] [X] expose avoir été victime d'un accident du travail le 13 février 2020 : il a chuté en s'asseyant sur une chaise qui n'avait pas été correctement montée ; il a été en arrêt pendant près de six mois ; la société n'a pas mis en place le matériel de travail prévu par le médecin du travail dans le cadre de l'aménagement de poste après visite de reprise.

L'intimé estime que sa demande relève de la compétence du juge prud'homal, en faisant valoir que « la société CHAMPIFORME BIO fait un lien direct entre la demande de résiliation judiciaire (') et l'accident du travail dont il a été victime. Dès lors la réparation du préjudice (') est consécutif à la rupture de son contrat de travail. Il s'ensuit que la demande (') relève bien de la compétence du conseil des prud'hommes. »

La société CHAMPI FORME BIO considère que le juge prud'homal est incompétent pour statuer sur cette demande, M. [N] [X] formulant ses demandes en lien direct avec son accident de travail ; elle insiste en indiquant que la demande du salarié porte sur la réparation d'un préjudice né de l'accident du travail dont il a été victime et non sur les prétendus manquements de l'employeur à son obligation de sécurité.

Sur le fond, la société CHAMPI FORME BIO fait valoir avoir mis tout en 'uvre pour accueillir ses salariés dans les meilleures conditions ; que rien ne démontre que l'accident de travail de M. [N] [X] soit en lien direct avec un manquement de la société dans l'assemblage de la chaise ; que M. [N] [X] ne démontre pas avoir informé la société de son handicap et de son statut de travailleur handicapé ; que le médecin du travail a jugé le salarié apte sans restriction, la fourniture d'un clavier et un écran indépendants de l'ordinateur, ainsi que d'un siège réglable en hauteur n'étant qu'une préconisation ; que M. [N] [X] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice à hauteur de 10 000 euros.

Motivation

Aux termes des dispositions combinées des articles L142-1 et L142-8 du code de la sécurité sociale, le tribunal judiciaire est seul compétent pour connaître des litiges relatifs aux accidents du travail.

En l'espèce, il ressort des motifs des conclusions de M. [N] [X] que le salarié fonde sa demande uniquement au titre de son accident du travail, sans invoquer un manquement de son employeur à son obligation de sécurité, de sorte que le juge prud'homal n'est pas compétent pour en connaître.

La cour se dira incompétente pour statuer sur cette demande, et le jugement sera réformé en conséquence.

Sur la demande au titre d'un travail dissimulé

M. [N] [X] explique que sur la période du 1er février 2019 au 31 mars 2019, il n'a pas fait l'objet de déclaration préalable à l'embauche, n'a pas eu de bulletin de paie et n'a pas été payé.

La société CHAMPI FORME BIO fait valoir que l'intimé ne rapporte pas la preuve d'avoir travaillé les mois de février et mars 2019 pour la société, et ne rapporte pas la preuve d'une intention de la société de se soustraire à ses obligations légales.

Motivation

M. [N] [X] fonde sa demande sur le fait qu'il aurait travaillé pour la société CHAMPI FORME BIO du 1er février 2019 au 31 mars 2019, alors qu'il résulte des développements qui précèdent qu'aucune relation contractuelle soumise au code du travail n'est intervenue entre les parties avant le 1er avril 2019.

Dès lors, M. [N] [X] sera débouté de sa demande en lien exclusif avec cette période ; le jugement sera réformé sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant à l'instance, la société CHAMPI FORME BIO sera condamnée à payer à M.[N] [X] 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; elle sera déboutée de sa propre demande à ce titre, et sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Rejette la fin de non-recevoir ;

Infirme, dans les limites de l'appel, le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Epinal le 23 février 2022, en ce qu'il a:

- dit et jugé que le licenciement de Monsieur [N] [X] est nul,

- condamné la société SCEA CHAMPI FORME BIO à lui payer les sommes suivantes :

- 4 644,72 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les mois de février 2019 et mars 2019,

- 464,47 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 828,68 euros nets à titre d'indemnité correspondant à la note de frais établie en mai 2019,

- 20 131,50 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral subi,

- 10 000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son l'obligation de sécurité,

- 20 131,50 euros nets à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 20 131,50 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau dans ces limites,

Dit que le licenciement de M. [N] [X] est sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société CHAMPI FORME BIO à payer à M. [N] [X] 6 710,50 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Dit que la cour est incompétente pour statuer sur la demande présentée au titre d'un manquement à l'obligation de sécurité ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Y ajoutant,

Condamne la société CHAMPI FORME BIO à payer à M. [N] [X] 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société CHAMPI FORME BIO aux dépens.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël Weissmann, Président de Chambre et par Madame Laurène Rivory, Greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Minute en quatorze pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 22/00697
Date de la décision : 22/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-22;22.00697 ?
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