La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/06/2023 | FRANCE | N°22/01327

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 15 juin 2023, 22/01327


ARRÊT N° /2023

PH



DU 15 JUIN 2023



N° RG 22/01327 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E7UO







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EPINAL

20/00064

04 mai 2022











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANT :



Monsieur [G] [V]

[Adresse 1]

[L

ocalité 2]

Représenté par Me Anne-Lise LE MAITRE, avocat au barreau de NANCY









INTIMÉE :



S.A.S.U. CARFAR prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Denis RATTAIRE de la SAS SAS ISARD AVOCAT CONSEILS, avocat au barreau de NAN...

ARRÊT N° /2023

PH

DU 15 JUIN 2023

N° RG 22/01327 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E7UO

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EPINAL

20/00064

04 mai 2022

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANT :

Monsieur [G] [V]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Anne-Lise LE MAITRE, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :

S.A.S.U. CARFAR prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Denis RATTAIRE de la SAS SAS ISARD AVOCAT CONSEILS, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président : WEISSMANN Raphaël

Conseiller : STANEK Stéphane

Greffier : PERRIN Céline (lors des débats)

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 30 mars 2023 tenue par WEISSMANN Raphaël, Président, et STANEK Stéphane, Conseiller, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en ont rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN et Guerric HENON, présidents, et Stéphane STANEK, conseiller, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 15 Juin 2023 ;

Le 15 Juin 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE :

Monsieur [G] [V] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société S.A CARROSERIE FARNIER à compter du 02 avril 2012, en qualité de dessinateur industriel « bureau des méthodes ».

Le salarié bénéficiait d'un statut cadre, avec la qualification professionnelle de cadre technique niveau Z-8 échelon I. Son temps de travail était fixé à 39 heures hebdomadaires.

La convention collective nationale des services de l'automobile s'applique au contrat de travail.

Monsieur [G] [V] a sollicité auprès de son employeur, la société S.A CARROSERIE FARNIER, une rupture conventionnelle, dont l'aboutissement a été conditionné au remplacement du salarié par un successeur à son poste.

Du 7 mars 2019 au 24 avril 2019, du 27 avril 2019 au 22 mai 2019 renouvelé jusqu'au 02 juin 2019, Monsieur [G] [V] a été placé en arrêt de travail, pour maladie.

Par décision du 03 juin 2019 de la médecine du travail dans le cadre d'une visite de reprise, le salarié a été déclaré inapte à son poste de travail, avec dispense de l'obligation de reclassement du fait que l'état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Par courrier du 28 juin 2019, Monsieur [G] [V] a été licencié pour inaptitude avec impossibilité de reclassement.

A compter du 01 janvier 2020, la société S.A CARROSERIE FARNIER a été scindée en deux entités en la présence de la société S.A.R.L SV FINANCES et la société S.A.S.U CARFAR.

Un traité d'apport partiel d'actif a été signé le 29 novembre 2019 entre la société S.A CARROSERIE FARNIER et la société S.A.S.U CARFAR, qui vient désormais aux droits de la société S.A CARROSSERIE FARNIER.

Par requête du 26 mai 2020, Monsieur [G] [V] a saisi le conseil de prud'hommes d'Epinal, aux fins :

- de dire que son licenciement pour inaptitude est sans cause réelle et sérieuse,

- de condamner solidairement les sociétés S.A.S.U CARFAR et S.A.R.L SV FINANCES à lui verser les sommes suivantes :

- 7 289,56 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 728,96 euros brut au titre des congés payés sur préavis,

- 29 158,24 euros à titre de dommages et intérêts,

- 8 045,28 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période du 25 septembre 2017 au 5 mars 2019 au titre des heures supplémentaires, outre 804,52 euros brut au titre des congés payés y afférents,

- 3 148,47 euros brut au titre de l'indemnité de repos non pris au titre des heures supplémentaires accomplies en 2018 au-delà du contingent annuel, outre 314,85 euros brut au titre des congés payés y afférents,

- 1 500,00 euros à titre de dommages et intérêts compte tenu du défaut d'information reçu sur son repos compensateur obligatoire,

- 2 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

- d'ordonner aux sociétés S.A.S.U CARFAR et S.A.R.L SV FINANCES de remettre à Monsieur [G] [V] un bulletin de salaire récapitulatif conforme, ainsi que le solde de tout compte, l'attestation pôle emploi et le certificat de travail modifié, et ce sous astreinte de 20,00 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes d'Epinal rendu le 04 mai 2022, lequel a :

- mis hors de cause la société S.A.R.L SV FINANCES,

- débouté Monsieur [G] [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- débouté Monsieur [G] [V] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [G] [V] à verser à la société S.A.S.U CARFAR le paiement de 100,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [G] [V] à verser à la société S.A.R.L SV FINANCES le paiement de 100,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [G] [V] aux entiers dépens.

Vu l'appel formé par Monsieur [G] [V] le 07 juin 2022,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de Monsieur [G] [V] déposées sur le RPVA le 24 janvier 2023, et celles de la société S.A.S.U CARFAR déposées sur le RPVA le 27 février 2023,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 01 mars 2023

Monsieur [G] [V] demande :

- de dire recevable et bien fondé l'appel interjeté par Monsieur [G] [V],

Y faisant droit :

- d'infirmer le jugement du conseil de prud'homme d'Epinal du 4 mai 2022 en ce qu'il a :

- débouté Monsieur [G] [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- débouté Monsieur [G] [V] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [G] [V] à verser à la société S.A.S.U CARFAR le paiement de 100,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [G] [V] aux entiers dépens,

*

Statuant à nouveau :

- de dire que le licenciement de Monsieur [G] [V] pour inaptitude est sans cause réelle et sérieuse,

- en conséquence, de condamner la société S.A.S.U CARFAR à verser à Monsieur [G] [V] les sommes suivantes :

- 7 289,56 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 728, 96 euros brut au titre des congés payés sur préavis

- 29 158,24 euros net à titre de dommages et intérêts,

*

En tout état de cause :

- de condamner la société S.A.S.U CARFAR à verser à Monsieur [G] [V] les sommes suivantes :

- 7 279,63 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période du 25 septembre 2017 au 5 mars 2019 au titres des heures supplémentaires,

- 727,96 euros brut au titre des congés payés afférents,

- 2 954,43 euros brut au titre de l'indemnité de repos non pris au titre des heures supplémentaires accomplies en 2018 au-delà du contingent annuel,

- 295,44 euros brut au titre des congés payés afférents,

- 1 500,00 euros à titre de dommages et intérêts compte tenu du défaut d'information reçu par Monsieur [G] [V] sur son droit à repos compensateur obligatoire,

- d'ordonner à la société S.A.S.U CARFAR de remettre à Monsieur [G] [V] un bulletin de salaire récapitulatif conforme, ainsi que le solde de tout compte, l'attestation pôle emploi et le certificat de travail modifié, et ce sous astreinte de 20,00 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir,

- de se réserver la liquidation de l'astreinte,

- de condamner la société S.A.S.U CARFAR au remboursement des allocations chômage dans la limite de 6 mois maximum,

- de condamner la société S.A.S.U CARFAR à verser à Monsieur [G] [V] la somme de 3 500,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société S.A.S.U CARFAR aux entiers dépens.

La société S.A.S.U CARFAR demande :

- de confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes d'Epinal le 4 mai 2022 en ce qu'il a :

- mis hors de cause la société S.A.R.L SV FINANCES,

- débouté Monsieur [G] [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- débouté Monsieur [G] [V] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [G] [V] à verser à la société S.A.S.U CARFAR le paiement de 100,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [G] [V] à verser à la société S.A.R.L SV FINANCES le paiement de 100,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [G] [V] aux entiers dépens,

- de condamner Monsieur [G] [V] à verser à la société S.A.S.U CARFAR la somme de 5 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure à hauteur d'appel.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières conclusions de Monsieur [G] [V] déposées sur le RPVA le 24 janvier 2023 et de la société S.A.S.U CARFAR déposées sur le RPVA le 27 février 2023.

Sur le licenciement pour inaptitude :

Monsieur [G] [V] fait valoir que son inaptitude résulte de la dégradation de ses conditions de travail et donc du manquement de son employeur à son obligation de sécurité.

Il expose qu'embauché initialement comme dessinateur industriel, avec des fonctions de cadre expert adjoint du chef de service, ses responsabilités s'étaient largement accrues à tel point qu'il siégeait désormais au comité de direction de la société (pièces n° 1 et 7).

Monsieur [G] [V] indique qu'il a en conséquence demandée à son employeur, fin 2017, l'évolution de sa classification de l'échelon II A de la convention collective à l'échelon III-A et par voie de conséquence la mise en adéquation de sa rémunération (pièce n° 3), sans jamais obtenir de réponse. Il a renouvelé cette demande le 1er mars 2019 (pièce n° 4), la réponse de l'employeur étant cette fois un refus explicite (pièce n° 5). Il renouvelait sa demande par courrier du 12 mars 2020 et se heurtait à nouveau un refus (pièces n° 7 et 8).

En outre, Monsieur [G] [V] expose qu'il accomplissait de nombreuses heures supplémentaires.

C'est dans ces conditions, qu'il avait sollicité au début du mois de janvier 2019 une rupture conventionnelle de ce contrat de travail (pièce n° 4) à laquelle il lui a été répondu que celle-ci serait subordonnée au recrutement d'un successeur qu'il devrait ensuite former (pièce n° 5).

Monsieur [G] [V] indique que son employeur ne lui ayant donné aucune certitude sur la suite qui serait donnée à sa demande, il avait fait peser sur lui « à la fois l'aléa de la réussite de ce recrutement, alors même que son état psychologique était déjà fortement dégradé », et le risque d'être licencié à la fin de ce processus.

Il avait ainsi relancé son employeur le 1er mars 2019, afin que ce dernier lui confirmât que la rupture conventionnelle serait effectivement acceptée (pièce n° 4).

Il fait valoir que la réponse de la société CARFAR a été « déstabilisante » en ce qu'elle lui a répondu que la rupture était conditionnée au recrutement de son remplaçant et qu'en tout état de cause il pouvait toujours démissionner (pièce n° 5).

Monsieur [G] [V] expose s'être « sentit à ce point déstabilisé qu'il fut placé en arrêt de travail par son médecin » et que l'attente, sans perspective d'échéance, a contribué à la dégradation de son état de santé, attestée par des membres de sa famille (pièces n° 21 à n° 23).

Ayant finalement renoncé à demander une rupture conventionnelle, il avait tenté de reprendre le travail le 24 avril 2019 mais fut à nouveau un arrêt travail du 27 avril 2019 au 2 juin 2019, pour finalement être déclaré inapte au travail (pièce n° 13).

Monsieur [G] [V] fait valoir que son employeur a volontairement entretenu une situation anxiogène quant à son avenir professionnel, entraînant un état dépressif réactionnel, cause de son inaptitude, et qu'ainsi il a manqué à son obligation de sécurité.

L'employeur expose que Monsieur [G] [V] a demandé en 2017 une classification de chef de service, alors que ce poste était déjà occupé ; que ses fonctions correspondaient à sa classification « Cadre expert-adjoint au chef de service » (pièce n° 15), ce qui lui a été indiqué oralement par sa hiérarchie en septembre 2017 (pièce n° 4) ; qu'à sa demande, Monsieur [G] [V] a assisté aux réunions du CODIR, mais n'a pas fait partie des membres de la direction (pièce n° 20) ; que par ailleurs, Monsieur [G] [V], dans le cadre de l'instance prud'homale n'a pas demandé de rappel de salaires au titre d'une éventuelle requalification.

Il expose également qu'il a accepté la possibilité d'une rupture conventionnelle à la condition qu'un successeur à Monsieur [G] [V] soit recruté ; qu'une offre d'emploi a été faite en ce sens (pièces n° 21 et 23) ; que cependant le bassin d'emploi est peu favorable à un tel recrutement ; que Monsieur [G] [V], par l'intermédiaire notamment de son conseil, a fait pression, en invoquant son état de santé, pour que la société CARFAR accepte une convention, malgré l'absence d'un remplaçant ; qu'il n'a commis aucune faute en n'acceptant pas de signer une convention de rupture ; que les conditions de travail de Monsieur [G] [V] étaient bonnes (pièces n° 20 et 22) ; que Monsieur [G] [V] ne démontre pas l'origine professionnelle de son inaptitude et ne démontre pas que celle-ci ait pour origine un manquement de la société CARFAR à obligation de sécurité.

Motivation :

Aux termes de l'article L4121-1 du code du travail, 1'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels y compris ceux mentionnés à l'article L4161-1, des actions d'information et de formation et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Il n'est pas contesté qu'un désaccord a opposé Monsieur [G] [V] à sa direction quant à son niveau de qualification.

Il résulte de la pièce n° 3 de l'appelant, qu'il a sollicité par écrit cette requalification au début de l'année 2019 et qu'il lui a été répondu, également par écrit, dans des termes qui n'apparaissent pas inappropriés, le 4 mars 2019 (pièce n° 5 de l'appelant), ce qui n'apparaît pas comme un délai excessif.

Il n'est pas non plus contesté que l'acceptation éventuelle par l'employeur d'une convention de rupture était subordonnée au remplacement de Monsieur [G] [V] et que des annonces ont été diffusées en ce sens.

La cour constate que Monsieur [G] [V] a fait sa demande par de rupture conventionnelle par courriel du 1er mars 2019 et que l'employeur lui a répondu le même jour en lui indiquant que cette rupture n'était pas envisageable, sauf, éventuellement, le recrutement et formation d'un remplaçant (pièce n° 4 de l'intimée).

L'employeur a ainsi rapidement et clairement répondu à la demande de Monsieur [G] [V], sans qu'il lui ait donné d'engagement sur une rupture conventionnelle, étant relevé qu'a aucun moment elle n'a été initiée.

Dès lors, les décisions de l'employeur de ne pas accorder au salarié une requalification et une rupture conventionnelle, ce dont ce dernier a été informé dans un délai qui n'est pas excessif, et alors qu'il n'est pas allégué que ces décisions s'inscrivent dans une situation de harcèlement moral, ne constituent pas un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, nonobstant les pièces médicales produites (pièce n° 6).

En conséquence, l'inaptitude de Monsieur [G] [V], constatée après une maladie non professionnelle, ne trouvant pas son origine dans un manquement de l'employeur à ses obligations vis-à-vis de son salarié, le licenciement n'est pas abusif et les demandes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, et les congés payés afférant, au titre de l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuses seront rejetées, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ces points.

Sur la demande de rappel d'heures supplémentaires et de paiement de repos compensateurs :

Monsieur [G] [V] fait valoir qu'il a accompli des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été versées et que celles-ci ont dépassé le contingent annuel, sans qu'aucun repos compensateur ne lui soit attribué.

Il fournit un tableau récapitulatif des heures supplémentaires qu'il dit avoir accomplies entre le 25 mars 2017 et le 5 mars 2019, pour un total de 296 heures.

Monsieur [G] [V] produit également les attestations de plusieurs salariés indiquant que ce dernier accomplissait des heures supplémentaires, à l'instar des autres cadres et que le temps de travail n'était pas comptabilisé (pièces n° 30 à 34 de l'appelant).

L'employeur fait valoir que les horaires de travail prévus par le contrat de travail de Monsieur [G] [V] étaient du lundi au jeudi, de 8h à 12h et de 13h30 à 17h30 et le vendredi, de 8h à 12h et de 13h30 à 16h30 (pièce n° 1 de l'intimée) ; que le tableau fourni par le salarié est insuffisamment précis ; qu'il y a de nombreuses incohérences.

L'employeur fait également valoir qu'en cas de réalisation d'heures supplémentaires et accord du responsable, le salarié doit ensuite remplir une fiche verte nommée « relevé individuel journalier ' heures supplémentaires » puis la remettre à la personne en charge de la préparation des paies (pièces n° 25 et 26), ce qu'a n'a jamais fait Monsieur [G] [V].

Il produit des attestations de supérieurs hiérarchiques indiquant que Monsieur [G] [V] n'a jamais demandé, et qu'il ne lui a jamais été demandé, des heures supplémentaires (pièces n° 20, 22, 27 et 28) et conteste la sincérité des attestations produites par le salarié.

Motivation :

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1 du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

 

Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

 

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

 

La cour constate que Monsieur [G] [V] a fourni, sous forme de tableaux récapitulatifs, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies pour permettre à la société CARFAR d'y répondre (pièce n° 21 de l'appelant).

Si l'employeur souligne des incohérences dans ce document, il n'a lui-même pas établi, pendant la période d'emploi de Monsieur [G] [V], comme il en avait pourtant l'obligation, les documents nécessaires au décompte de sa durée de travail, de ses repos compensateurs acquis et de leur prise effective ; il ne produit aucune pièce, autre que des attestations de salariés, permettant de quantifier le temps de travail de Monsieur [G] [V].

Dès lors, il ressort des éléments produits de part et d'autre, que Monsieur [G] [V] a accompli 52h55 heures supplémentaires en 2017, 191h17 en 2018 et 28h55 en 2019 et qu'entre le 25 mars 2017 et le 5 mars 2019, il a accompli 143,28 heures au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires, lesquelles n'ont donné lieu à aucun repos compensateur.

La société [G] [V] devra donc verser à Monsieur [G] [V] les sommes de 7279,63 euros à titre de rappel de salaire, outre 727,96 euros au titre des congés payés afférents, ainsi que les sommes de 2954,43 euros au titre du repos compensateur, outre 295,44 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera infirmé sur ces points.

Sur la demande de dommages et intérêts pour défaut d'information de son droit à bénéficier d'un repos compensateur :

Monsieur [G] [V] fait valoir qu'il a subi un préjudice pour défaut d'information de son droit à bénéficier d'un repos compensateur.

L'employeur s'oppose à cette demande.

Motivation :

Monsieur [G] [V] n'ayant pas été en mesure de formuler, en raison de la carence de son employeur, une demande portant sur le repos compensateur auquel il avait droit, il a subi de ce fait un dommage.

La société CARFAR devra en conséquence lui verser la somme de 1000 euros de dommages et intérêts, le jugement du conseil de prud'hommes étant infirmé sur ce point.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens :

La société CARFAR devra verser à Monsieur [G] [V] la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles et sera déboutée de sa propre demande.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes d'Epinal du 4 mai 2022 en ce qu'il a débouté Monsieur [G] [V] de ses demandes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents et de sa demande au titre de l'indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes d'Epinal du 4 mai 2022 pour le surplus ;

STATUANT A NOUVEAU 

Condamne la société CARFAR à verser à Monsieur [G] [V] les sommes de 7279,63 euros à titre de rappel de salaire, outre 727,96 euros au titre des congés payés afférents,

Condamne la société SAS CARFAR à verser à Monsieur [G] [V] les sommes de 2954,43 euros au titre de l'indemnité pour repos compensateur non pris, outre 295,44 euros au titre des congés payés afférents,

Condamne la société SAS CARFAR à verser à Monsieur [G] [V] la somme de 1000 euros de dommages et intérêts au titre du défaut d'information sur son droit à repos compensateur ;

Y AJOUTANT

Ordonne à la société SAS CARFAR de remettre à Monsieur [G] [V] un bulletin de salaire récapitulatif, un certificat de travail et l'attestation Pôle emploi rectifiés conformément au présent arrêt,

Condamne la société SAS CARFAR à verser à Monsieur [G] [V] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société SAS CARFAR de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société SAS CARFAR aux dépens.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par monsieur Raphaël WEISSMANN, président de chambre et par monsieur Dorian BERTHOUT, greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute de dix pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 22/01327
Date de la décision : 15/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-15;22.01327 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award