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08/06/2023 | FRANCE | N°22/02610

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 08 juin 2023, 22/02610


ARRÊT N° /2023

PH



DU 08 JUIN 2023



N° RG 22/02610 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FCPM







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

22/00052

14 novembre 2022











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANTE :



S.C.S. OTIS prise en la personne de son

représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Cyrille FRANCO substitué par Me Anne CLAUDE de la SCP FROMONT BRIENS, avocats au barreau de PARIS







INTIMÉ :



Monsieur [J] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Comparant représenté par Me Marie JUNG, avoca...

ARRÊT N° /2023

PH

DU 08 JUIN 2023

N° RG 22/02610 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FCPM

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

22/00052

14 novembre 2022

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

S.C.S. OTIS prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Cyrille FRANCO substitué par Me Anne CLAUDE de la SCP FROMONT BRIENS, avocats au barreau de PARIS

INTIMÉ :

Monsieur [J] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Comparant représenté par Me Marie JUNG, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : BRUNEAU Dominique,

STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats : RIVORY Laurène

DÉBATS :

En audience publique du 09 Mars 2023 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 25 Mai 2023 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 08 Juin 2023;

Le 08 Juin 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES.

M. [J] [Y] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société Otis S.C.S à compter du 07 septembre 1976, en qualité d'agent de maintenance, niveau II échelon 1 coefficient 170.

La convention collective départementale des entreprises métallurgiques de Meurthe-et-Moselle s'applique au contrat de travail.

Au dernier de ses fonctions, le salarié exerçait les fonctions d'agent de maintenance niveau II, coefficient 190.

A compter du 01 janvier 2020, M. [J] [Y] a fait valoir ses droits à la retraite et a quitté les effectifs de la société Otis S.C.S.

Par requête du 01 avril 2022, M. [J] [Y] a saisi la formation de référés du conseil de prud'hommes de Nancy aux fins :

- de voir ordonner à la société Otis S.C.S de lui communiquer les bulletins de salaire de janvier 1981 à décembre 2019 des salariés ayant occupé dans leur carrière un poste au service maintenance dans l'ensemble des établissements Otis France classés coefficient 190 à compter de janvier 1981 (y compris postérieurement) et embauchés à compter d'octobre 1976 (y compris postérieurement) sous astreinte de 50,00 euros par jour retard à compter du 30ème jour suivant l'ordonnance à intervenir,

- de se réserver le droit de liquider l'astreinte,

- d'ordonner à la société Otis S.C.S de lui communiquer les accords de négociation annuelle obligatoire au niveau national de 1981 à 2019, les bilans sociaux au niveau national présentés au comité central d'entreprise de la société Otis S.C.S France de 1981 à 2019 sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant l'ordonnance à intervenir,

- de se réserver le droit de liquider l'astreinte,

- de condamner la société Otis S.C.S à verser 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

- d'ordonner l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de référés du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 14 novembre 2022, qui a :

- dit et jugé que les demandes de M. [J] [Y] sont recevables et bien fondées au vu de l'article 145 du code de procédure Civile,

- ordonné à la société Otis S.C.S de communiquer à M. [J] [Y] les documents suivants :

- les bulletins de salaire de janvier 1981 à décembre 2019 des salariés ayant occupé dans leur carrière un poste au service maintenance dans l'ensemble des établissements Otis France, classés coefficient 190 à compter de janvier 1981 et embauchés à compter d'octobre 1976, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette mesure d'une astreinte,

- les accords de négociation annuelle obligatoire et les bilans sociaux au niveau national, présentés au comité central d'entreprise de la société Otis France de 1981 à 2019, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette mesure d'une astreinte,

- dit que la société Otis S.C.S devra produire les divers documents demandés par M. [J] [Y] dans le délai de 3 mois à compter de ce jour. dit que compte tenu de la nature de l'affaire, il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente ordonnance,

- condamné la société Otis S.C.S à payer à M. [J] [Y] la somme de 1 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société S.C.S Otis aux entiers frais et dépens.

Vu l'appel formé par la société Otis S.C.S le 17 novembre 2022,

Vu l'avis de fixation de l'affaire à bref délai rendu le 22 novembre 2022, laquelle a fixé l'affaire à la conférence silencieuse du 25 janvier 2023,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de la société S.C.S Otis déposées sur le RPVA le 16 janvier 2023, et celles de M. [J] [Y] déposées sur le RPVA le 19 décembre 2022,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 25 janvier 2023,

La société Otis S.C.S demande à la cour:

In limine litis :

- de dire et juger que le conseil de céans, en sa formation des référés, était incompétent pour statuer sur les demandes de M. [J] [Y] et qu'il n'y a pas lieu à référé,

*

A titre principal :

- de constater que M. [J] [Y] n'apporte aucun commencement de preuve et tente de palier sa carence probatoire pour établir l'existence d'une prétendue discrimination,

- de constater que la production de document ne constitue pas une mesure d'instruction,

- de constater que M. [J] [Y] réclame la production de différentes pièces contenant des données personnelles qui porteraient atteinte à la vie privée des salariés concernés,

*

A titre subsidiaire :

- de lui accorder, dans l'hypothèse extraordinaire d'une confirmation du jugement de première instance, un délai de 6 mois afin d'exécuter le jugement eu égard à l'ampleur des demandes,

*

En tout état de cause :

- d'infirmer l'ordonnance du Conseil des prud'hommes rendue le 14 novembre 2022,

- de débouter M. [J] [Y] de l'ensemble de ses demandes,

- de condamner M. [J] [Y] à lui verser la somme de 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner M. [J] [Y] aux entiers dépens.

M. [J] [Y] demande à la cour:

- de confirmer l'ordonnance de référé du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 14 novembre 2022, en ce qu'il a :

- dit et jugé que ses demandes sont recevables et bien fondées au vu de l'article 145 du code de procédure Civile,

- ordonné à la société Otis S.C.S de lui communiquer les documents suivants :

- les bulletins de salaire de janvier 1981 à décembre 2019 des salariés ayant occupé dans leur carrière un poste au service maintenance dans l'ensemble des établissements Otis France, classés coefficient 190 à compter de janvier 1981 et embauchés à compter d'octobre 1976,

- les accords de négociation annuelle obligatoire et les bilans sociaux au niveau national, présentés au comité central d'entreprise de la société Otis France de 1981 à 2019,

- condamné la société S.C.S Otis à lui payer la somme de 1 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société S.C.S Otis aux entiers frais et dépens,

*

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- d'assortir la communication de ces documents d'une astreinte de 50 ,00 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la décision à intervenir,

- de se réserver de liquider l'astreinte,

- de condamner la société S.C.S Otis à lui payer la somme de 2 000,00 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR ;

La cour renvoie expressément pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions déposées par les parties sur le RPVA par la société S.C.S Otis le 16 janvier 2023 et par M. [J] [Y] le 19 décembre 2022.

- Sur la recevabilité de la demande.

La société Otis S.C.S expose que la demande présentée par M. [J] [Y] est irrecevable en ce que les conditions des articles R 1455-5, R 1455-6 et R 1455-7 du code du travail, qui exigent notamment l'existence d'un différend, l'urgence ou l'existence d'une contestation sérieuse ou d'un trouble imminent, ne sont pas réunies en l'espèce.

Toutefois, il ressort des conclusions déposées par M. [J] [Y] que la demande formée par celui-ci est fondée sur les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, de telle façon que les dispositions invoquées par la société Otis S.C.S ne s'appliquent pas en l'espèce.

Dès lors, l'exception d'irrecevabilité sera donc rejetée, et la décision entreprise sera confirmée sur ce point.

- Au fond.

L'article 145 du code de procédure civile dispose que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

La société Otis S.C.S expose d'une part que M. [J] [Y] ne démontre pas l'intérêt légitime fondant sa demande dans la mesure où il n'apporte aucun élément laissant présumer de la discrimination qu'il allègue et qu'il ne peut solliciter une mesure alors qu'il ne dispose pas d'éléments suffisant sur ce point ; d'autre part, la demande se heurte à la protection de la vie privée des salariés dont il est demandé la communication des bulletins de paie.

M. [J] [Y] soutient que sa demande remplit les conditions posées par les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, et que la mesure sollicitée n'entraîne pas une atteinte disproportionnée aux droits des salariés dont il est demandé la communication des bulletins de paie.

Motivation de la decision.

Il n'est pas contesté qu'il n'existait au jour de la demande aucun litige entre les parties.

Par ailleurs, les dispositions de l'article 146 du code de procédure civile ne s'appliquent pas lorsque le juge est saisi d'une demande sur le fondement des dispositions de l'article 145 du même code, ce qui est le cas en l'espèce.

M. [J] [Y], qui n'est pas, aux termes de ce dernier texte, tenu d'étayer sa demande, apporte au dossier:

- deux lettres en date des 20 décembre 2004 et 27 mars 2008, établies par M. [C] [L], représentant syndical au sein de la société (pièces n° 5 et de son dossier), interrogeant la direction de l'entreprise sur la situation de plusieurs salariés détenant ou ayant détenu des mandats syndicaux, dont M. [J] [Y], qui, selon lui, n'avaient pas connu une évolution de carrière similaire à l'ensemble du personnel de la société ;

- un tableau comparatif de l'évolution de carrière de plusieurs salariés de la société ( pièce n° 12 id) ;

- des bulletins de salaires d'autres salariés de l'entreprise (pièces n° 13 et 14 id) ;

Par ailleurs, les premiers juges ont exactement constaté, au vu des bulletins de salaires du demandeur, qu'il avait été classé au même coefficient pendant 10 ans d'avril 1981 à septembre 1991, puis au coefficient 215 d'octobre 1991 au 1er janvier 2020, date de son départ en retraite.

Dès lors, c'est par une exacte appréciation de ses éléments que les premiers juges ont constaté que M. [J] [Y] dispose d'un intérêt légitime fondant sa demande, ainsi que l'existence de la nécessité d'établir les preuves pouvant être utiles dans le cadre d'un litige potentiel.

La demande ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits et à la vie privée des salariés dont il est demandé la communication des bulletins de paie dans la mesure où la mention de l'identité de ces salariés est indispensable pour établir les preuves de la discrimination dont M. [J] [Y] prétend avoir été victime, et que cette atteinte est strictement proportionnée au but poursuivi.

Si la société Otis S.C.S soutient qu'elle n'est tenue de conserver copie des bulletins de paie qu'elle délivre à ses salariés durant une durée de 5 ans, elle ne conteste toutefois pas pouvoir fournir les bulletins de paie à compter de janvier 1982, tel qu'il résulte des pages 15 et 16 de ses conclusions.

Au regard de ce qui précède, il convient donc de confirmer la décision entreprise, sauf à préciser que la société Otis S.C.S devra fournir les bulletins de salaire des salariés ayant occupé dans leur carrière un poste au service maintenance dans l'ensemble des établissements Otis France à compter de janvier 1982.

Au regard de la demande, il sera fait droit à la demande tendant à l'astreinte selon les dispositions indiquées au dispositif.

La société Otis S.C.S qui succombe supportera les dépens d'appel.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M. [J] [Y] l'intégralité des frais irrépétibles qu'il a exposés ; il sera fait droit à cette demande à hauteur de la somme de 1500 euros.

PAR CES MOTIFS:

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME l'ordonnance de référé rendue le 14 novembre 2022 par la formation de référé du conseil de prud'hommes de Nancy, sauf à préciser que la société Otis S.C.S devra fournir les bulletins de salaire des salariés ayant occupé dans leur carrière un poste au service maintenance dans l'ensemble des établissements Otis France à compter de janvier 1982 et non de janvier 1981 ;

Y ajoutant:

DIT que la société Otis S.C.S devra executer le présent arrêt dans un délai de trois mois à compter de la signification à son égard de la décision, et ce sous peine d'une astreinte d'un montant de 50 euros par jours de retard à compter de cette date et pendant un délai de trois mois ;

DIT qu'à l'issue de ce délai, il pourra être de nouveau statué sur l'astreinte;

CONDAMNE la société Otis S.C.S aux dépensd'appel ;

LA CONDAMNE à payer à M. [J] [Y] une somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en six pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 22/02610
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-08;22.02610 ?
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