RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
------------------------------------
COUR D'APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT N° /23 DU 08 JUIN 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 22/01978 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FBCT
Décision déférée à la Cour :
Jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de NANCY, R.G. n° 22/00082 en date du 22 juillet 2022,
APPELANTE :
La S.C.I. DES CORDELIERS,
Société Civile Immobilière inscrite au RCS NANCY sous le n° D 432 909 166, ayant son siège social [Adresse 2], agissant par son gérant
Représentée par Me Delphine HENRY, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉE :
Madame [W] [E]
née le [Date naissance 3] 1955 à [Localité 6], demeurant [Adresse 4]
défaillante et n'ayant pas constitué avocat bien que la déclaration d'appel et les conclusions de l'appelante lui aient été régulièrement signifiées à étude par acte de Maître [U] [J], commissaire de justice à [Localité 6] en date du 26 octobre 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 04 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Francis MARTIN, président chargé du rapport, et Madame Fabienne GIRARDOT, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Francis MARTIN, président de chambre,
Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère
Madame Marie HIRIBARREN, conseillère, désignée par ordonnance de Monsieur le premier président de la cour d'appel de NANCY en date du 02 février 2023, en remplacement de Madame Nathalie ABEL, conseillère, régulièrement empêchée.
Greffier, lors des débats : Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET .
A l'issue des débats, le président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : défaut, rendu par mise à disposition publique au greffe le 08 Juin 2023, par Monsieur Ali ADJAL, greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre, et par Monsieur Ali ADJAL, greffier ;
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------
EXPOSE DU LITIGE
Par acte authentique en date du 15 décembre 2010, les époux [Y] ont cédé à la SCI des Cordeliers (dont ils sont les associés) l'immeuble situé [Adresse 4] à [Localité 7], au sein duquel se trouvent plusieurs appartements.
La SCI des Cordeliers indique avoir loué à Mme [W] [E], veuve [P], un appartement situé [Adresse 4] à [Localité 7].
Ayant constaté les manquements de Mme [E] à l'obligation de payer le loyer et les charges, la société des Cordeliers lui a, par acte d'huissier en date du 10 octobre 2021, délivré un commandement d'avoir à payer la somme de 10 689 euros correspondant à des impayés de loyer et de charges entre janvier 2019 et août 2021, outre les frais du commandement pour un montant de 175,35 euros et ce au visa de l'article 1728 du Code civil.
Le commandement de payer, signifié à étude, est demeuré infructueux.
Par assignation en date du 24 janvier 2022, la société des Cordeliers a saisi le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nancy aux fins de voir :
- prononcer la résiliation du bail pour manquement grave de la locataire à ses obligations,
- ordonner l'expulsion de la locataire et celle de tous occupants de son chef, au besoin avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier,
- condamner Mme [E] à lui payer la somme de 18 459 euros au titre des loyers et charges impayés,
- condamner Mme [E] au paiement des loyers et charges à échoir entre février 2022 et la date de la décision, ainsi que d'une indemnité d'occupation mensuelle de 560 euros par mois jusqu'à libération des lieux,
- condamner Mme [E] au paiement de la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision.
Mme [W] [E] n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter devant le tribunal.
Par jugement réputé contradictoire du 22 juillet 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nancy a :
- rejeté l'intégralité des demandes de la société des Cordeliers,
- mis les dépens de l'instance à la charge de la société des Cordeliers,
- dit n'y avoir lieu à allouer de somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.
Le juge des contentieux de la protection a motivé son rejet des prétention de la SCI des Cordeliers en considérant que si cette dernière rapportait la preuve de l'occupation de l'appartement par Mme [W] [E] (son nom figure sur la boîte à lettre et dans l'annuaire électronique), la preuve n'est pas clairement rapportée d'une convention en vertu de laquelle le bien a été mis à sa disposition en contrepartie d'un loyer.
Par déclaration enregistrée le 25 août 2022, la société des Cordeliers a interjeté appel du jugement précité, en toutes ses dispositions.
Par conclusions déposées le 23 novembre 2022, la SCI des Cordeliers demande à la cour de déclarer son appel recevable et bien fondé et, y faisant droit, d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :
A titre principal,
- prononcer la résiliation du bail aux torts exclusifs de Mme [E],
- ordonner l'expulsion de Mme [E] ainsi que celle de tous occupants de son chef, avec, si besoin est, le concours de la force publique et d'un serrurier,
- condamner Mme [E] à payer à la société des Cordeliers la somme de 22 699 euros au titre des arriérés de loyers et charges échus au mois de novembre 2022 inclus,
- la condamner également à payer les loyers et charges à échoir à compter du mois de décembre 2022 inclus jusqu'à la date de la décision à intervenir puis à compter de cette date, une indemnité d'occupation correspondant au montant du loyer et de l'avance sur charges, soit 520 euros, et ce, jusqu'à complète libération des lieux,
A titre subsidiaire,
- constater l'existence d'un bail verbal entre la société des Cordeliers et Mme [E],
- prononcer la résolution du bail liant les parties en raison des manquements graves et répétés de la locataire,
- ordonner l'expulsion de Mme [E] ainsi que celle de tous occupants de son chef, avec, si besoin est, le concours de la Force Publique et d'un serrurier,
- condamner Mme [E] à payer à la société des Cordeliers la somme de 22 699 euros au titre des arriérés de loyers et charges échus au mois d'octobre 2022 inclus,
- la condamner également à payer les loyers et charges à échoir à compter du mois de décembre 2022 inclus jusqu'à la date de la décision à intervenir puis à compter de cette date, une indemnité d'occupation correspondant au montant du loyer et de l'avance sur charges, soit 520 euros, et ce, jusqu'à complète libération des lieux,
- la condamner à payer la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter la défenderesse de toutes demandes, fins et conclusions contraires,
- la condamner aux entiers dépens.
A l'appui de son appel, la SCI des Cordeliers expose :
- que suite au jugement la déboutant, elle a fait des recherches pour retrouver le bail écrit ; qu'elle a retrouvé un bail écrit conclu le 22 mars 2012 avec Mme [W] [E], mais l'adresse du bien loué est indiquée comme étant le [Adresse 1] et non le [Adresse 4] ; que néanmoins, l'état des lieux d'entrée et la demande effectuée auprès de la CAF le 21 mars 2012 mentionnent bien l'adresse du [Adresse 4] ;
- que Mme [W] [E] ne procède plus au paiement d'aucun loyer depuis plusieurs années, sans pour autant mettre fin à l'occupation du logement, d'où l'important arriéré de 22 699 euros en novembre 2022,
- que Mme [W] [E] ne justifie pas d'une assurance pour les risques locatifs,
- que Mme [W] [E] est à l'origine d'importants troubles de voisinage, la personne hébergée dans le logement écoutant de la musique techno toute la nuit (ce qui a provoqué plusieurs interventions de la police à la demande de voisins),
- qu'il semble que Mme [W] [E] sous-loue le logement à cette personne auteur des troubles de voisinage,
- qu'à titre subsidiaire, si le bail écrit entaché d'une erreur dans l'adresse n'était pas considéré comme valable par la cour, il y aurait lieu de retenir l'existence d'un bail verbal.
Bien que la déclaration d'appel de la SCI des Cordeliers ait été signifiée le 26 octobre 2022 à Mme [W] [E] (signification à étude d'huissier), cette dernière n'a pas constitué avocat.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur a preuve du bail
La SCI des Cordeliers produit un bail conclu le 22 mars 2012 entre les époux [Y], bailleurs, et Mme [W] [E], locataire, portant sur un appartement dont l'adresse est indiquée comme étant le [Adresse 1] à [Localité 7].
La SCI des Cordeliers produit également une attestation notariée selon laquelle les époux [Y] lui ont vendu, le 15 décembre 2010, une maison située au [Adresse 5] à [Localité 7] comportant plusieurs appartement.
La SCI des Cordeliers explique que le bail conclu avec Mme [W] [E] le 22 mars 2012 portait sur un appartement de cette maison acquise en décembre 2010, malgré l'erreur d'adresse figurant dans le bail.
La preuve est en effet rapportée que, malgré l'erreur portant sur l'adresse, mais aussi sur l'identification du bailleur (à savoir la SCI des Cordeliers et non les époux [Y], ces derniers étant les associés de la SCI), Mme [W] [E] bien pris en location, le 22 mars 2012, un appartement situé au [Adresse 4] à [Localité 7]. Cela résulte de l'état des lieux d'entrée qui a été effectué le jour même de la signature du bail, le 22 mars 2012 : suivant le document écrit produit aux débats, cet état des lieux, effectué en présence de Mme [Y] (qui est l'une des associés de la SCI des Cordeliers), représentant la bailleresse, et de Mme [W] [E], locataire, vise bien un appartement situé [Adresse 4] et non le [Adresse 1]. En outre, la SCI des Cordeliers a adressé à la CAF, dès le 21 mars 2012, une demande de versement de l'APL pour le compte de Mme [W] [E], cette demande visant bien un logement donné en location à cette dernière au [Adresse 4].
Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a considéré que la preuve d'un bail liant les parties n'était pas rapportée.
Sur les demandes en paiement des loyers et en résiliation et expulsion
Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
En l'espèce, le bail conclu en 2012 stipulait un loyer de 490 euros par mois, outre une provision mensuelle sur charges locatives de 30 euros.
La SCI des Cordeliers produit le décompte des loyers et provisions sur charges impayés entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2022, soit une somme de 22 699 euros.
Mme [W] [E], qui n'est pas représentée dans la présente procédure, ne rapporte pas la preuve du moindre paiement, malgré la délivrance d'une sommation de payer du 11 octobre 2021. Il convient donc de la condamner à payer à la SCI des Cordeliers cette somme de 22 699 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 31 décembre 2022.
Compte-tenu du montant élevé des impayés et de leur persistance dans le temps, il y a lieu de prononcer la résiliation du bail et d'autoriser l'expulsion de Mme [E] et des occupants de son chef.
A compter de ce jour, Mme [W] [E] sera tenue au paiement d'une indemnité d'occupation de 520 euros par mois.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Mme [W] [E], qui est la partie perdante, supportera les dépens de première instance et d'appel et elle sera condamnée à payer à la SCI des Cordeliers la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par arrêt rendu par défaut prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,
INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,
PRONONCE la résiliation du bail liant la SCI des Cordeliers à Mme [W] [E] et portant sur l'appartement situé [Adresse 4] à [Localité 7],
AUTORISE la SCI des Cordeliers à faire procéder à l'expulsion de Mme [E] ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef avec, si besoin est, le concours de la force publique et d'un serrurier,
DIT qu'il sera procédé, conformément à l'article L 433-1 du code des procédures civiles d'exécution, à la remise des meubles se trouvant sur les lieux, aux frais de la personne expulsée, en un lieu désigné par celle-ci, et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier de justice chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer,
RAPELLE que l'expulsion ne peut avoir lieu qu'à l'expiration du délai de deux mois qui suit la délivrance du commandement d'avoir à libérer les locaux, conformément aux dispositions de l'article L 412-1 du code des procédures civiles d'exécution,
RAPPELLE en outre que, nonobstant toute décision d'expulsion passée en force de chose jugée et malgré l'expiration des délais accordés au locataire, il doit être sursis à toute mesure d'expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu'au 31 mars de l'année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l'unité et les besoins de la famille,
CONDAMNE Mme [E] à payer à la SCI des Cordeliers la somme de 22 699 € (vingt deux mille six cent quatre vingt dix neuf euros) au titre des arriérés de loyers et charges échus au mois de décembre 2022 inclus,
CONDAMNE Mme [W] [E] à payer à la SCI des Cordeliers les loyers et charges à échoir à compter du mois du 1er janvier 2023 jusqu'à la date de la présente décision, puis à compter de cette date, une indemnité d'occupation correspondant au montant du loyer et de l'avance sur charges, soit 520 € (cinq cent vingt euros), et ce, jusqu'à complète libération des lieux,
CONDAMNE Mme [W] [E] à payer à la SCI des Cordeliers la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Mme [W] [E] aux dépens de première instance et d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre à la cour d'Appel de NANCY, et par Monsieur Ali ADJAL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Minute en sept pages.