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08/06/2023 | FRANCE | N°22/01975

France | France, Cour d'appel de Nancy, 2ème chambre, 08 juin 2023, 22/01975


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D'APPEL DE NANCY

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT N° /23 DU 08 JUIN 2023





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/01975 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FBCN



Décision déférée à la Cour :

Jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de NANCY, R.G. n° 21/00317, en date du 20 avril 2022,



APPELANTS :

Monsieur [J] [F],

né le [Date nai

ssance 1] 1990 à [Localité 6] (54), de nationalité française, domicilié [Adresse 2]

Représenté par Me Charlotte JACQUENET de la SELARL AVOCATLOR, avocat au barreau de ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

------------------------------------

COUR D'APPEL DE NANCY

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT N° /23 DU 08 JUIN 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/01975 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FBCN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de NANCY, R.G. n° 21/00317, en date du 20 avril 2022,

APPELANTS :

Monsieur [J] [F],

né le [Date naissance 1] 1990 à [Localité 6] (54), de nationalité française, domicilié [Adresse 2]

Représenté par Me Charlotte JACQUENET de la SELARL AVOCATLOR, avocat au barreau de NANCY

(bénéficie d'une aide juridictionnelle à 55% numéro 2022/5194 du 27/07/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NANCY)

Madame [P] [V],

née le [Date naissance 3] 1988 à [Localité 6] (54), de nationalité française, domiciliée [Adresse 2]

Représentée par Me Charlotte JACQUENET de la SELARL AVOCATLOR, avocat au barreau de NANCY

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/5195 du 27/07/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NANCY)

INTIMÉ :

Maître [O] [Z], mandataire judiciaire, es- qualité de mandataire liquidateur de Monsieur [U] [H],

domicilié [Adresse 4]

Représentée par Me Marie-christine DRIENCOURT, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 04 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Francis MARTIN, président chargé du rapport, et Madame Fabienne GIRARDOT, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Francis MARTIN, président de chambre,

Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère

Madame Marie HIRIBARREN, conseillère, désignée par ordonnance de Monsieur le premier président de la cour d'appel de NANCY en date du 02 février 2023, en remplacement de Madame Nathalie ABEL, conseillère, régulièrement empêchée.

Greffier, lors des débats : Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET .

A l'issue des débats, le président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 08 Juin 2023, par Monsieur Ali ADJAL, greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre, et par Monsieur Ali ADJAL, greffier ;

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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EXPOSE DU LITIGE

M. [U] [H] est propriétaire d'une maison située [Adresse 5] à [Localité 7].

Par acte sous seing privé en date du 9 janvier 2017, M. [U] [H] a donné cette maison en location à M. [J] [F] et Mme [P] [V].

Par jugement du 15 octobre 2019, le tribunal de commerce de Nancy a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de M. [U] [H].

Par jugement du 21 janvier 2020, le tribunal de commerce de Nancy a converti ce redressement judiciaire en liquidation judiciaire et a désigné Mme [O] [Z] en qualité de mandataire liquidatrice.

Par acte du 17 février 2021, Mme [Z], en qualité de mandataire liquidateur de M. [H], a fait assigner Mme [P] [V] et M. [J] [F] devant la présente juridiction pour obtenir :

- le prononcé de la résiliation du contrat de bail conclu entre M. [H] et Mme [V] et M. [F] concernant le logement situé [Adresse 5],

- l'expulsion des locataires et celle de tous occupants de leur chef, au besoin avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier, et dire qu'à défaut de départ volontaire, Mme [V] et M. [F] pourront y être contraints à la suite d'un délai légal de deux mois suivant délivrance du commandement d'avoir à quitter les lieux et sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

- la condamnation solidaire de Mme [V] et M. [F] au paiement de la somme de 13 394,21 euros correspondant aux loyers et charges impayés au mois de février 2021 inclus avec intérêts capitalisés à compter de la mise en demeure,

- la condamnation solidaire des locataires au paiement d'une somme égale au loyer et charges échus, soit 672,29 euros par mois, à compter de la résiliation du bail et jusqu'au départ effectif des lieux, à titre d'indemnité d'occupation,

- la condamnation des défendeurs in solidum au paiement de la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens et le coût du commandement de payer visant la clause exécutoire,

- l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Les défendeurs n'ont pas comparu et n'ont pas constitué avocat.

Par jugement du 20 avril 2022, le tribunal judiciaire de Nancy a :

- prononcé, à la date du présent jugement, la résiliation du contrat de bail existant entre les parties,

- ordonné, à défaut de départ volontaire ou de meilleur accord entre les parties, l'expulsion de Mme [V] et M. [F] et de tous occupants des lieux loués situés [Adresse 5], à [Localité 7], avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier si besoin est,

- dit qu'il sera procédé, conformément à l'article L 433-1 du code des procédures civiles d'exécution, à la remise des meubles se trouvant sur les lieux, aux frais de la personne expulsée, en un lieu désigné par celle-ci, et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier de justice chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer,

- rappelé que l'expulsion ne peut avoir lieu qu'à l'expiration du délai de deux mois qui suit la délivrance du commandement d'avoir à libérer les locaux, conformément aux dispositions de l'article L 412-1 du code des procédures civiles d'exécution,

- rappelé en outre que, nonobstant toute décision d'expulsion passée en force de chose jugée et malgré l'expiration des délais accordés au locataire, il doit être sursis à toute mesure d'expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu'au 31 mars de l'année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l'unité et les besoins de la famille,

- débouté Mme [Z], en qualité de mandataire liquidateur de M. [H], de sa prétention tendant à voir assortir l'expulsion d'une astreinte,

- condamné conjointement Mme [V] et M. [F] à payer à Mme [Z], en qualité de mandataire liquidateur de M. [H], la somme de 13 394,21 euros au titre des loyers, indemnités d'occupation et charges arrêtés au mois de février 2021, avec intérêts à taux légal à compter du 16 novembre 2020, date de la mise en demeure,

- dit que les intérêts mentionnés au point précédent, lorsqu'ils seront échus, porteront eux-mêmes intérêt au taux légal lorsqu'ils seront dus pour une année entière, conformément à l'article 1343-2 du code civil,

- condamné Mme [V] et M. [F] conjointement au paiement en deniers ou quittance d'une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant égal à celui du loyer et charges qui auraient été payés en cas de non résiliation du bail, soit 672,29 euros à compter du mois de février 2021 et jusqu'à libération effective des lieux et remise des clefs ; .

- condamné conjointement Mme [V] et M. [F] aux dépens de l'instance, lesquels comprendront les coûts du commandement du 16 novembre 2020 et des actes de procédure nécessaires au sens des articles L.111-7 et L.111-8 du code des procédures civiles d'exécution,

- condamné conjointement Mme [V] et M. [F] à verser à Mme [Z], en qualité de mandataire liquidateur de M. [H], la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que la présente décision est exécutoire à titre provisoire,

- rejeté les prétentions pour le surplus.

Par déclaration enregistrée le 25 août 2022, Mme [V] et M. [F] ont interjeté appel du jugement précité, en ce qu'il a :

- condamné conjointement Mme [V] et M. [F] à payer à Mme [Z], en qualité de mandataire liquidateur de M. [H], la somme de 13 394,21 euros au titre des loyers, indemnités d'occupation et charges arrêtés au mois de février 2021, avec intérêts à taux légal à compter du 16 novembre 2020, date de la mise en demeure,

- dit que les intérêts mentionnés au point précédent, lorsqu'ils seront échus, porteront eux-mêmes intérêt au taux légal lorsqu'ils seront dus pour une année entière, conformément à l'article 1343-2 du code civil,

- condamné Mme [V] et M. [F] conjointement au paiement en deniers ou quittance d'une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant égal à celui du loyer et charges qui auraient été payés en cas de non résiliation du bail, soit 672,29 euros à compter du mois de février 2021 et jusqu'à libération effective des lieux et remise des clefs,

- condamné conjointement Mme [V] et M. [F] aux dépens de l'instance, lesquels comprendront les coûts du commandement du 16 novembre 2020 et des actes de procédure nécessaires au sens des articles L.111-7 et L.111-8 du code des procédures civiles d'exécution,

- condamné conjointement Mme [V] et M. [F] à verser à Mme [Z], en qualité de mandataire liquidateur de M. [H], la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 27 janvier 2023, Mme [V] et M. [F] demandent à la cour de :

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nancy du 20 avril 2022 en ce qu'il a :

- condamné conjointement Mme [V] et M. [F] à payer à Mme [Z], en qualité de mandataire liquidateur de M. [H], la somme de 13 394,21 euros au titre des loyers, indemnités d'occupation et charges arrêtés au mois de février 2021, avec intérêts a taux légal à compter du 16 novembre 2020, date de la mise en demeure,

- dit que les intérêts mentionnés au point précèdent, lorsqu'ils seront échus, porteront eux-mêmes intérêt au taux légal lorsqu'ils seront dus pour une année entière, conformément à l'article 1343-2 du code civil,

- condamné Mme [V] et M. [F] conjointement au paiement en deniers ou quittance d'une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant égal a celui du loyer et charges qui auraient été payés en cas de non-résiliation du bail, soit 672,29 euros à compter du mois de février 2021 et jusqu'a libération effective des lieux et remise des clefs,

- condamné conjointement Mme [V] et M. [F] aux dépens de l'instance, lesquels comprendront les coûts du commandement du 16 novembre 2020 et des actes de procédure nécessaires au sens des articles L.111- 7 et L.111-8 du code de procédures civiles d'exécution,

- condamné conjointement Mme [V] et M. [F] à verser à Mme [Z], en qualité de mandataire liquidateur de M. [H], la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant a nouveau,

- débouter Mme [Z], en qualité de mandataire liquidateur de M. [H], de l'intégralité de ses demandes, y compris de son appel incident,

- dire et juger que M. [H], en tant que bailleur, a manqué à son obligation en délivrant à Mme [V] et M. [F] un logement indécent et insalubre,

- dire et juger que par conséquent M. [H] ne pouvait prétendre au règlement d'un quelconque loyer,

- dire et juger que, dans ces conditions, Mme [Z], en qualité de mandataire liquidateur de M. [H], ne pouvait solliciter la condamnation solidaire de Mme [V] et M. [F] à une quelconque dette locative,

- constater qu'en tout état de cause, le dépôt de garantie versé par Mme [V] et M. [F] ne leur a jamais été restitué, de sorte qu'une somme de 1 885 euros (à parfaire) leur est due au titre de dépôt de garantie majoré,

- fixer au passif de M. [H] la somme de 1 885 euros (à parfaire) au titre du dépôt de garantie majoré,

A titre infiniment subsidiaire,

- ordonner la compensation entre le dépôt de garantie majoré et la dette locative éventuellement due,

- fixer au passif de M. [H] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour trouble de jouissance,

- condamner Mme [Z], en qualité de mandataire liquidateur de M. [H],, à verser à Mme [V] et M. [F] la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure manifestement abusive,

- fixer au passif de M. [H] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- fixer au passif de M. [H] les entiers frais et dépens d'instance et d'appel.

A l'appui de leur appel, M. [F] et Mme [V] exposent :

- que rapidement ils se sont rendus compte que l'appartement pris en location était insalubre : absence de VMC, branchements électriques non conformes, inondation de la cave avec présence de rats, forte humidité et moisissures dans tout le logement,

- que leurs demandes faites au bailleur de réaliser des travaux sont restées vaines,

- que le bailleur a d'ailleurs disparu à compter de 2018,

- qu'à compter de janvier 2019, la CAF a cessé le versement de l'APL, le bailleur ne produisant plus d'attestation de loyer,

- que le CCAS de la commune a attesté le 19 janvier 2021 de l'insalubrité du logement,

- qu'ils se sont trouvés dans l'incapacité de payer le loyer compte-tenu de l'interruption du versement de l'APL, de l'impossibilité d'user paisiblement du logement et de la disparition du bailleur à compter de juin 2018,

- qu'ils ont quitté le logement litigieux dès qu'ils ont pu, soit en février 2021, date à laquelle ils ont remis les clés à Mme [Z], ès qualités,

- qu'eu égard aux manquements du bailleur et à l'état du local donné en location, intenter une action en paiement contre eux était illégitime et doit être sanctionné par des dommages et intérêts pour procédure abusive.

Par conclusions déposées le 27 janvier 2023, Mme [Z], en qualité de mandataire liquidateur de M. [H], demande à la cour de :

- juger non fondé l'appel de Mme [V] et M. [F] à l'encontre du jugement rendu par le tribunal judiciaire du 20 avril 2022,

- les débouter de l'ensemble de leurs demandes,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire en date du 20 Avril 2022 en toutes ses dispositions à l'exception de celle condamnant conjointement Mme [V] et M. [F] à lui payer la somme de 13 394,21 euros au titre des loyers, indemnités d'occupation et charges arrêtés au mois de février 2021, avec intérêts à taux légal à compter du 16 novembre 2020, date de la mise en demeure,

- dire et juger sa demande additionnelle recevable en la forme et bien fondée,

Y faire droit,

- condamner solidairement Mme [V] et M. [F] à lui payer la somme de 18 100,24 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de mise en demeure du 16 novembre 2020 pour la somme de 13 394,21 euros et à compter de l'arrêt à intervenir pour la somme de 4 706,03 euros,

Y ajoutant,

- condamner solidairement Mme [V] et M. [F] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner sous la même solidarité aux entiers dépens d'appel.

Mme [Z], ès qualités, fait valoir :

- que les loyers dus par M. [F] et Mme [V] font l'objet d'une saisie-attribution et n'ont jamais été réglés par eux depuis la mise en place de cette mesure d'exécution en juin 2019,

- qu'elle est donc fondée à réclamer les loyers et charges échus de juillet 2019 à février 2021, soit la somme de 13 394,21 euros,

- que M. [F] et Mme [V] ont cessé de percevoir les APL parce qu'ils n'ont pas transmis leur quittance de loyer à la CAF, qu'en outre la carence du bailleur vis-à-vis de la CAF ne peut entraîner la suspension des allocations si les locataires continuent de transmettre leurs quittances,

- que les locataires ne s'étaient jamais plaints de l'indécence du logement auprès du bailleur, ni de Mme [Z], ès qualités,

- que la VMC n'est pas exigée dans les logements anciens et il appartient aux locataires d'aérer et chauffer suffisamment le logement pour éviter l'apparition d'humidité, ce que les locataires n'ont pas fait, qu'au contraire ils ont volontairement coupé le chauffage sur une courte période pour exciper ensuite de l'insalubrité du logement et justifier le non-paiement des loyers,

- que le rapport d'évaluation du logement réalisé en 2020 par M. [I] ne fait apparaître aucun problème d'humidité,

- qu'ils n'ont pas quitté le logement en février 2021 comme ils le prétendent, mais seulement le 28 septembre 2021 (date de remise des clés),

- que les locataires ne peuvent soutenir qu'ils ne pouvaient plus payer le loyer au motif que leur bailleur avait disparu, puisque par l'effet de la saisie-attribution qui leur avait été notifiée le 5 juin 2019, les loyers devaient être payés au pôle de recouvrement des impôts,

- que l'arriéré locatif s'établit en septembre 2021 à 18 100,24 euros,

- que le dépôt de garantie a été affecté au paiement des loyers échus de janvier à juin 2019.

MOTIFS DE LA DECISION

Les dispositions du jugement portant sur la résiliation du bail et sur l'expulsion de M. [F] et Mme [V] ou de tout occupant de leur chef, ou encore sur la fixation d'une indemnité d'occupation, sont devenues sans objet, puisque les parties s'accordent sur le fait que la maison a été libérée et les clés restituées au bailleur (depuis février ou mars 2021 selon les locataires sortants, depuis septembre 2021 selon Mme [Z], ès qualités, en tous cas bien avant que le jugement ait été rendu).

Sur le paiement de l'arriéré locatif

Selon l'article 1719 1° du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de « délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. »

Cette disposition est reprise par l'article 6 alinéa 1 de la loi du 6 juillet 1989 qui dispose, dans sa rédaction actuelle : « Le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d'espèces nuisibles et parasites,

répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation. »

Par ailleurs, l'article 2 du décret n 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent dispose :

« Le logement doit satisfaire aux conditions suivantes, au regard de la sécurité physique et de la santé des locataires :

1. Il assure le clos et le couvert. Le gros 'uvre du logement et de ses accès est en bon état d'entretien et de solidité et protège les locaux contre les eaux de ruissellement et les remontées d'eau. Les menuiseries extérieures et la couverture avec ses raccords et accessoires assurent la protection contre les infiltrations d'eau dans l'habitation.

Pour les logements situés dans les départements d'outre-mer, il peut être tenu compte, pour l'appréciation des conditions relatives à la protection contre les infiltrations d'eau, des conditions climatiques spécifiques à ces départements ;

2. Les dispositifs de retenue des personnes, dans le logement et ses accès, tels que garde-corps des fenêtres, escaliers, loggias et balcons, sont dans un état conforme à leur usage ;

3. La nature et l'état de conservation et d'entretien des matériaux de construction, des canalisations et des revêtements du logement ne présentent pas de risques manifestes pour la santé et la sécurité physique des locataires ;

4. Les réseaux et branchements d'électricité et de gaz et les équipements de chauffage et de production d'eau chaude sont conformes aux normes de sécurité définies par les lois et règlements et sont en bon état d'usage et de fonctionnement ;

5. Les dispositifs d'ouverture et de ventilation des logements permettent un renouvellement de l'air adapté aux besoins d'une occupation normale du logement et au fonctionnement des équipements ;

6. Les pièces principales, au sens du troisième alinéa de l'article R. 111-1 du code de la construction et de l'habitation, bénéficient d'un éclairement naturel suffisant et d'un ouvrant donnant à l'air libre ou sur un volume vitré donnant à l'air libre. »

L'obligation du bailleur d'assurer la jouissance paisible des lieux et de délivrer un logement décent ne cesse qu'en cas de force majeure.

Le bailleur est tenu d'indemniser le locataire pour les troubles résultant du manquement à son obligation de délivrance. De son côté, le preneur est tenu de payer le loyer aux termes convenus sans pouvoir se prévaloir de l'inexécution de travaux de réparation ou d'entretien par le bailleur. Il ne peut opposer l'exception d'inexécution pour refuser le paiement des loyers, sauf en cas d'impossibilité totale d'utiliser les locaux ou lorsque les lieux ne peuvent plus être utilisés «conformément à la destination du bail» ou «conformément à leur destination contractuelle».

En l'espèce, M. [F] et Mme [V] ne justifient pas s'être trouvés dans l'impossibilité totale d'occuper les locaux. Ils reconnaissant au contraire qu'ils ont bien résidé dans le logement jusqu'à la remise des clés. Ils n'étaient donc pas fondés à suspendre le paiement de l'intégralité du loyer.

En revanche, M. [F] et Mme [V] sont fondés à soutenir que leur bailleur n'a pas respecté entièrement son obligation de délivrance. En effet, selon l'attestation du CCAS de [Localité 7] en date du 19 janvier 2021, une inspection d'hygiène et de sécurité a été effectuée au domicile de M. [F] et Mme [V], cette inspection ayant permis de 'constater l'état d'insalubrité du logement : humidité importante sur les huisseries (portes d'entrée et fenêtres), malgré les absorbeurs d'humidité l'eau suinte. Dans les différentes pièces du logement en particulier dans les chambres, nous constatons des moisissures sur les murs, du salpêtre au sol ainsi que dans les escaliers. Les meubles sont également atteints : lit du bébé, banquette du salon...'.

M. [F] et Mme [V] joignent des photographies montrant l'étendue des moisissures sur les murs et sur les menuiseries intérieures, ainsi que le salpêtre sur les plinthes et sur le sol.

Cette attestation du CCAS de [Localité 7] et les photographies produites prouvent que le logement ne remplissait pas tous les critères de décence, notamment en ce que les dispositifs d'ouverture et de ventilation du logement ne permettaient pas un renouvellement de l'air adapté aux besoins d'une occupation normale du logement.

La gravité des problèmes d'humidité constatés (eau suintant des murs, apparition de salpêtre) ne peut s'expliquer, comme le soutient abusivement Mme [Z], ès qualités, par le fait que les locataires auraient 'entrepris de ne plus chauffer leur logement et de ne plus l'aérer le temps de faire constater en janvier, soit en plein hiver, le problème d'humidité qu'ils ont eux-même installé' (sic). Bien au contraire, il ressort du constat du CCAS que M. [F] et Mme [V] avaient installé dans leur logement des absorbeurs d'humidité, ce qui démontre bien leur volonté de lutter contre cet excès d'humidité. De même, Mme [Z], ès qualités, ne peut arguer de l'expertise en évaluation immobilière effectuée en juin 2020 par M. [N] [I] pour prétendre qu'il n'y avait pas de problème, puisque cette expertise n'avait pas pour objet de déterminer si la maison répondait aux critères de décence dans le cadre d'une location, mais uniquement de déterminer la valeur de marché de ce bien (il convient de relever néanmoins que parmi les éléments de dévalorisation de cette maison, cet expert a noté : 'logement sans ventilation, absence de VMC').

Au vu de ces éléments, le manquement du bailleur à son obligation de délivrance est établi et il doit indemniser M. [F] et Mme [V] des troubles qui en ont résulté. La période devant être indemnisée est celle qui correspond au non paiement des loyers (au cours de la période précédente, les locataires ont payé le loyer sans faire aucune réclamation, ce qui laisse présumer que les problèmes d'humidité n'avaient pas encore atteint le degré de gravité précédemment décrit), soit la période de juillet 2019 à septembre 2021 (M. [F] et Mme [V] ne justifiant pas avoir restitué les clés dès février ou mars 2021 comme ils le soutiennent). Cette indemnisation correspond à 80% du loyer, de sorte que M. [F] et Mme [V] ne sont redevables que de 20% du loyer et des charges de cette période, soit 18 100,24 euros x 20% = 3 620,05 euros.

M. [F] et Mme [V] arguent de ce qu'ils ont été privés du versement de l'APL par la CAF compte-tenu de l'inertie de leur bailleur. Mais il apparaît qu'ils avaient suspendu tout paiement de loyer, y compris la part restant à leur charge. Leur abstention dans leur obligation de payer le loyer n'est donc pas uniquement due à la suspension du versement de l'APL.

Par ailleurs, Mme [Z], ès qualités, explique que le dépôt de garantie qui avait été versé par les locataires à l'entrée dans les lieux a été affecté au règlement des impayés locatifs antérieurs à juillet 2019. M. [F] et Mme [V] ne produisant pas la moindre preuve des paiements qu'ils ont effectués, cette position de Mme [Z], ès qualités, ne peut être que retenue.

Par conséquent, M. [F] et Mme [V] seront solidairement condamnés à payer à Mme [Z], ès qualités, la somme de 3 620,05 euros au titre de la totalité de l'arriéré locatif (loyer et charges locatives, dépôt de garantie déduit). Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive

Agir en justice est un droit, lequel ne dégénère en abus que s'il est prouvé que l'auteur de l'action a agi de mauvaise foi ou a commis une erreur grossière équipollente au dol.

Or, en l'espèce, Mme [Z], ès qualités, n'échoue que partiellement en son action, de sorte qu'on ne peut lui imputer ni mauvaise foi, ni erreur équipollente au dol.

M. [F] et Mme [V] seront donc déboutés de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Compte-tenu de la solution donnée à ce litige, il convient de laisser à chaque partie la charge de ses frais de justice, qu'ils relèvent des dépens ou des frais de justice irrépétibles. Il n'y a donc pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,

INFIRME le jugement déféré sur le montant des loyers et charges restant dus par M. [F] et Mme [V], ainsi que sur les dépens et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et, statuant à nouveau,

CONDAMNE solidairement M. [F] et Mme [V] à payer à Mme [Z], ès qualités, la somme de 3 620,05 € (trois mille six cent vingt euros et cinq centimes) au titre du solde restant dû sur les loyers et charges locatives (déduction faite du dépôt de garantie), avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

DEBOUTE M. [F] et Mme [V] de leur demande en dommages et intérêts pour procédure abusive,

DEBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

LAISSE à chaque partie la charge de ses dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre à la cour d'Appel de NANCY, et par Monsieur Ali ADJAL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Minute en onze pages.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22/01975
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-08;22.01975 ?
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