RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
------------------------------------
COUR D'APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT N° /23 DU 08 JUIN 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 22/01490 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FAAL
Décision déférée à la Cour :
Jugement du juge des contentieux de la protection de Tribunal Judiciaire d'Epinal, R.G. n° 11-21-231, en date du 14 avril 2022,
APPELANTS :
Monsieur [L] [G]
domicilié [Adresse 2]
Représenté par Me Elise IOCHUM de la SELEURL EKI AVOCAT, avocat au barreau de NANCY
Madame [H] [G]
domiciliée [Adresse 2]
Représentée par Me Elise IOCHUM de la SELEURL EKI AVOCAT, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉE :
La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE,
société anonyme au capital de 546 601 552,00 euros, immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 542 097 902 dont le siège social est [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Christian OLSZOWIAK de la SCP ORIENS AVOCATS, avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 4 mai 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Francis MARTIN, président et Madame Fabienne GIRARDOT, conseiller, chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Francis MARTIN, président de chambre,
Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère
Madame Marie HIRIBARREN, conseillère, désignée par ordonnance de Monsieur le premier président de la cour d'appel de NANCY en date du 02 février 2023, en remplacement de Madame Nathalie ABEL, conseillère, régulièrement empêchée
Greffier, lors des débats : Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET .
A l'issue des débats, le président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 08 Juin 2023, par Monsieur Ali ADJAL, greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre, et par Monsieur Ali ADJAL, greffier ;
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------
EXPOSE DU LITIGE
Suivant offre préalable acceptée le 22 septembre 2012, la SA Sygma Banque, aux droits de laquelle intervient la SA BNP Paribas PF, a consenti à M. [L] [G] et Mme [H] [G] (ci-après les époux [G]) un prêt d'un montant de 22 800 euros, remboursable en 168 mensualités après un différé de paiement de 12 mois, destiné à financer une prestation de fourniture et d'installation d'une centrale photovoltaïque comportant 14 modules d'une puissance totale de 3360 Wc confiée le même jour à la société Herazeus Sweetair Energie, dans le cadre d'un démarchage à domicile.
Le 31 octobre 2012, M. [L] [G] a signé un ' certificat de livraison de bien ou de fourniture de services ' comportant la mention dactylographiée d'acceptation sans réserve de la livraison du bien et le constat exprès ' que tous les travaux et prestations de services qui devaient être effectués à ce titre ont été pleinement réalisés '.
-o0o-
Par acte d'huissier en date du 15 mars 2021, les époux [G] ont fait assigner la SA BNP Paribas PF devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d'Epinal afin de voir prononcer l'annulation du contrat de vente et du contrat de crédit affecté, et de voir condamner la SA BNP Paribas PF à leur restituer les mensualités versées.
Ils ont soutenu que leur action n'était pas prescrite, à défaut de bénéficier d'un 'retour énergétique ' et qu'ils n'avaient pas à justifier d'une déclaration de créance pour une action tendant à constater la nullité du contrat. Ils ont conclu à l'irrégularité du bon de commande et à l'absence de confirmation de la nullité du contrat de vente. Ils se sont prévalus de la faute de la SA BNP Paribas PF la privant de son droit à restitution du capital prêté, et ont ajouté que l'installation n'avait jamais été mise en service.
La SA BNP Paribas PF a conclu à l'irrecevabilité des demandes pour cause de prescription, pour absence de mise en cause de la société Herazeus Sweetair Energie et de déclaration de créance à la procédure collective ouverte à son encontre, et subsidiairement, au débouté des demandes. Très subsidiairement, elle a sollicité la condamnation des époux [G] au remboursement du capital prêté, déduction faite des règlements effectués, en l'absence de faute dans le déblocage des fonds compte tenu de la signature d'une attestation de fin de travaux, et à titre infiniment subsidiaire, à titre de dommages et intérêts.
Par jugement en date du 14 avril 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d'Epinal a :
- déclaré irrecevables les demandes des époux [G],
- constaté l'exécution provisoire,
- condamné in solidum les époux [G] à payer à la SA BNP Paribas PF la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum les époux [G] au dépens.
Le juge a relevé d'une part, que la copie partielle du bon de commande produite ne permettait pas de s'assurer des précisions apportées au verso du document, et d'autre part, que l'action des époux [G] en nullité du bon de commande n'avait pas pour fondement un vice du consentement. Il a retenu que le délai quinquennal de prescription de l'action avait pour point de départ la date de connaissance des faits permettant de l'exercer, et que le bon de commande signé le 22 septembre 2012 permettait de vérifier si les informations exigées par l'article L. 121-23 du code de la consommation, à peine de nullité, figuraient au contrat. Il a relevé que la libération des fonds était intervenue suite à la signature du certificat de livraison le 31 octobre 2012 et que les époux [G] avaient commencé à rembourser le prêt.
-o0o-
Le 28 juin 2022, les époux [G] ont formé appel du jugement tendant à son infirmation en tous ses chefs critiqués.
Dans leurs dernières conclusions transmises le 22 septembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, les époux [G], appelants, demandent ' au juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d'Epinal ' (sic) sur le fondement des articles L. 111-1, L. 111-2, L. 121-17, L. 121-18, L. 121-23 et L. 311-32 du code de la consommation, ainsi que des articles 1338 et 1382 du code civil et 328, 329, 515 et 700 du code de procédure civile :
- de rejeter les prétentions adverses et de les dire injustes et mal fondées,
- de prononcer la recevabilité de leur action,
- de prononcer la nullité du contrat principal de vente conclu avec la société Herazeus Sweetair,
En conséquence,
- de prononcer la nullité du contrat de crédit affecté conclu avec la SA BNP Paribas PF,
- de constater que la SA BNP Paribas PF a commis une faute dans le déblocage des fonds au bénéfice de Herazeus Sweetair,
En conséquence,
- de condamner la SA BNP Paribas PF à restituer les mensualités (capital, intérêts, frais et accessoires) qu'ils ont versées,
- de condamner la SA BNP Paribas PF à leur payer la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner la SA BNP Paribas PF aux entiers dépens de l'instance.
Au soutien de leurs demandes, les époux [G] font valoir en substance :
- que leur action tend à l'annulation du bon de commande, contrat principal, et à l'annulation du contrat de crédit en découlant ;
- que la société Herazeus Sweetair a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 27 juin 2014 après avoir été placée en liquidation judiciaire ; qu'ils n'ont pas à déclarer de créance à la procédure collective du vendeur puisque leur action tend à la nullité du contrat de vente ; que conformément à l'article L. 312-55 du code de la consommation, le prêteur est bien intervenu à l'instance car il a été mis en cause par l'emprunteur ;
- que leur action n'est pas prescrite ; que le point de départ de la prescription retenu ne saurait être le jour de la signature de l'offre quand, à la lecture de celle-ci, il est manifestement impossible pour le consommateur de relever l'erreur affectant son installation ; que la SA BNP Paribas PF ne démontre pas que les mentions complètes de l'article L. 121-23 du code de la consommation ont été littéralement reproduites sur le bon de commande, de sorte qu'en leur qualité de consommateurs profanes, ils n'avaient pas connaissance de ces mentions obligatoires ; qu'avant de constater qu'une installation de panneaux photovoltaïques est défectueuse, il faut laisser courir un délai suffisant pour éprouver le système et permettre au consommateur profane de se rendre compte du vice affectant son bien ou de l'escroquerie dont il est victime, et qu'il faut compter plusieurs années de temps de retour énergétique pour les systèmes photovoltaïques ; que la prescription quinquennale ne peut commencer à courir à l'encontre des consommateurs d'un crédit en cours d'exécution, au regard de l'efficacité des sanctions et de l'effectivité des droits des consommateurs de crédit, tel que consacré par la jurisprudence de la CJUE dans sa décision du 5 mars 2020 rendue sur question préjudicielle ;
- que le bon de commande présente un certain nombre d'irrégularités qui confinent à sa nullité (imprécision des caractéristiques des matériels commandés, défaut d'indication du prix unitaire des matériels commandés ainsi que de la main d''uvre, omission des délais et modalités de livraison précis, omission de conditions générales claires, compréhensibles, et explicitement signées, omission du bordereau de rétractation détachable, absence de renseignements préalables sur l'offre de crédit et mauvais renseignements de la mention concernant l'emprunteur, et absence de la mention manuscrite « lu et approuvé, bon pour commande » des deux cocontractants) ;
- que le prêteur ne peut arguer d'une exécution volontaire du contrat résultant du paiement des échéances mensuelles, à défaut de connaissance du vice affectant l'obligation et d'intention de le réparer ;
- que par application de l'article L. 312-55 du code de la consommation (ancien L. 311-32), le contrat de crédit est annulé de plein droit ; que le bon de commande et le contrat de crédit sont interdépendants, s'agissant d'une opération commerciale unique ;
- que la banque ne s'est pas assurée de l'exécution complète de la prestation de service, (obtention de toutes les autorisations administratives essentielles au démarrage effectif de la production d'électricité) et a débloqué les fonds à la simple demande de la société venderesse ; que l'attestation de livraison n'évoquait pas la mise en service de l'installation ni son raccordement au réseau électrique ; que la banque n'a opéré aucune vérification des documents, au premier rang desquels figure le bon de commande, tout à fait irrégulier, pour débloquer les fonds ;
- que la privation de la banque de sa créance de restitution doit s'analyser comme une sanction de la faute commise par le professionnel, destinée in fine à l'inciter à la plus grande vigilance quant à la régularité des opérations de démarchage à domicile qu'il finance ; que la banque doit être privée de sa créance de restitution sans qu'il soit besoin de rapporter la preuve d'un quelconque préjudice résultant de la faute de la banque ; que l'installateur n'a jamais mis en service l'installation qui n'a pas pu produire d'électricité.
Dans ses dernières conclusions transmises le 21 décembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la SA BNP Paribas PF, intimée, demande à la cour sur le fondement des articles L. 121-3 et suivants du code de la consommation, L. 311-1 et suivants du code de la consommation, L. 312-56 du code de la consommation, 1241 et 1338 alinéa 2 du code civil :
A titre principal,
- de dire et juger que les époux [G] sont irrecevables compte tenu de l'absence de mise en cause de la société Herazeus Sweetair,
- de dire et juger que les époux [G] sont irrecevables en leurs demandes en l'absence de déclaration de créances,
- de dire et juger que les conditions de nullité des contrats de vente et de crédit ne sont pas réunies,
- de dire et juger que les époux [G] ne peuvent plus invoquer la nullité du contrat de vente, et donc du contrat de prêt du fait de l'exécution volontaire des contrats, de sorte que l'action est irrecevable en application de l'article 1338 alinéa 2 du code civil,
- de dire et juger qu'elle n'a commis aucune faute,
En conséquence,
- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Epinal le 14 avril 2022,
Y ajoutant,
- de débouter les époux [G] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
À titre subsidiaire et dans l'hypothèse où la nullité des contrats serait prononcée,
- de débouter les époux [G] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- de dire et juger que l'absence de faute de l'établissement de crédit laisse perdurer les obligations de restitutions réciproques,
- de condamner solidairement les époux [G] à lui payer la somme de 22 800 euros (capital déduction à faire des règlements),
À titre infiniment subsidiaire et dans l'hypothèse où la nullité des contrats serait prononcée et une faute des établissements de crédit retenue,
- de débouter les époux [G] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- de condamner solidairement les époux [G] au paiement de la somme de 22 800 euros à titre de dommages et intérêts,
En tout état de cause,
- de condamner solidairement les époux [G] à lui payer une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner les mêmes aux entiers dépens.
Au soutien de ses demandes, la SA BNP Paribas PF fait valoir en substance :
- que l'action des époux [G] est irrecevable pour absence de mise en cause du vendeur ; qu'il leur appartenait de solliciter la nomination d'un mandataire ad hoc afin de représenter la société radiée ;
- que l'action des époux [G] est prescrite, en ce qu'ils disposaient à la date de signature du bon de commande des éléments nécessaires pour apprécier les irrégularités pouvant l'affecter ;
- que les époux [G] se sont abstenus de déclarer leur créance à la liquidation judiciaire du vendeur, et que l'irrecevabilité de la demande formée contre le vendeur entraîne nécessairement l'irrecevabilité de celle à l'encontre du prêteur ;
- que le bon de commande est régulier ; qu'aucun texte n'exige la mention du prix unitaire des éléments, que le délai de raccordement était indépendant de la volonté du vendeur ; que les époux [G] ne versent pas les conditions générales de la vente en procédure alors qu'ils ont reconnu être en possession de celles-ci ; que les dispositions de l'article L. 223-2 du code de la consommation sont entrées en vigueur en 2016 ; que le bordereau de rétractation fait partie de l'exemplaire du contrat laissé au client et que la sanction d'une information erronée correspond à l'allongement du délai initial de douze mois ;
- que les contrats ont été exécutés volontairement ; que les époux [G] ont pris connaissance des conditions générales figurant au dos du bon de commande reproduisant les dispositions du code de la consommation et n'ont pas fait usage de leur droit de rétractation ;
- qu'elle n'a commis aucune faute dispensant les époux [G] du remboursement du capital prêté ; que le prêteur n'a pas à déceler les irrégularités du bon de commande et qu'en tout état de cause, il est fondé à considérer que la signature de l'attestation de fin de travaux et la demande de paiement manifestaient l'intention de couvrir l'éventuelle nullité ; que la signature de l'attestation de réception des travaux l'autorisait à débloquer les fonds ;
- que les époux [G] ne justifient pas d'un préjudice puisque le matériel a été livré, installé et est fonctionnel, et qu'ils perçoivent les fruits générés par l'installation ;
- que les emprunteurs ont agi de mauvaise foi et qu'il convient de réparer le préjudice subi par la banque, dans la mesure où ils n'auront jamais à restituer le matériel compte tenu de la liquidation judiciaire de la société venderesse, qu'ils n'ont pas mise dans la cause, et perçoivent les fruits générés par l'installation.
-o0o-
La clôture de l'instruction a été prononcée le 8 février 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité de l'action en nullité du contrat de vente
L'article L. 312-55 du code de la consommation dispose que ' [le contrat de crédit] est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé. '
En l'espèce, les époux [G] ont fait assigner la SA BNP Paribas PF devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d'Epinal afin de voir prononcer la nullité du contrat principal de vente conclu avec la société Herazeus Sweetair, et en conséquence, prononcer la nullité du contrat de crédit affecté conclu avec la SA BNP Paribas PF, demandes qu'ils ont maintenues à hauteur de cour.
Aussi, la nullité du contrat de vente ne saurait être prononcée sans attraire à la procédure le vendeur, cocontractant des époux [G].
Or, les époux [G] soutiennent, sans être contredits sur ce point, que l'inscription de la société Herazeus Sweetair au Registre du Commerce et des Sociétés a été radiée le 27 juin 2014, après avoir été placée en liquidation judiciaire.
Cependant, la personne morale dont la liquidation a été clôturée continue à pouvoir agir aussi bien en demande qu'en défense, après désignation d'un mandataire ad hoc chargé de la représenter en justice.
En effet, la possibilité de demander la désignation d'un mandataire ad hoc chargé de représenter la personne morale liquidée appartient à tout intéressé, qu'il s'agisse des tiers ou des associés agissant dans leur intérêt personnel ou dans l'intérêt de la personne morale.
Dans ces conditions, il y a lieu de constater qu'à défaut d'avoir attrait à la procédure un mandataire ad hoc chargé de représenter le vendeur, la demande des époux [G] tendant à voir prononcer l'annulation du contrat de vente, et par suite l'annulation de plein droit du contrat de crédit, doit être déclarée irrecevable.
Dès lors, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur l'action en dommages et intérêts dirigée à l'encontre de la SA BNP Paribas PF
L'absence d'action en annulation ou en résolution du contrat principal n'interdit pas aux emprunteurs d'invoquer la faute du prêteur ayant libéré les fonds sans s'assurer de la régularité du bon de commande et de l'exécution complète de la prestation de service, au regard d'une attestation de livraison n'évoquant pas la mise en service de l'installation ni son raccordement au réseau électrique.
En effet, le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.
Les époux [G] soutiennent que les fautes commises par la SA BNP Paribas PF la prive de son droit à restitution des sommes prêtées.
Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
En l'espèce, les époux [G] se prévalent de l'irrégularité du bon de commande signé avec la société Herazeus Sweetair et indiquent que la SA BNP Paribas PF ne démontre pas que les mentions complètes de l'article L. 121-23 du code de la consommation ont été littéralement reproduites sur le bon de commande, de sorte qu'en leur qualité de consommateurs profanes, ils n'avaient pas connaissance des mentions obligatoires.
En effet, les époux [G] soutiennent que le bon de commande est irrégulier en ce qu'il ne mentionne pas précisément les caractéristiques des matériels commandés, le prix unitaire des matériels commandés ainsi que de la main d''uvre, les délais et modalités de livraison précis, la faculté de rétractation au moyen d'un formulaire détachable, les mentions relatives au financement par crédit, et ajoutent que le document est mal renseigné concernant les mentions relatives à l'emprunteur et qu'il ne contient pas la mention ' lu et approuvé, bon pour commande ' portée de la main des deux contractants.
L'article L. 121-23 du code de la consommation dans sa version applicable à la date du contrat (issue de la loi n°93-949 du 26 juillet 1993) dispose que les opérations visées à l'article L. 121-21 doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :
1° Noms du fournisseur et du démarcheur ;
2° Adresse du fournisseur ;
3° Adresse du lieu de conclusion du contrat ;
4° Désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés ;
5° Conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d'exécution de la prestation de services ;
6° Prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à tempérament ou de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global de l'intérêt déterminé dans les conditions prévues à l'article L. 313-1 ;
7° Faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25, ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26.
En l'espèce, il y a lieu de constater que les caractéristiques essentielles de la centrale photovoltaïque figurent sur le bon de commande en ces termes : ' Centrale PV3360 Wc comprenant 14 modules photovoltaïques CSUN 240 60P, Kit d'intégration éligible, Onduleur, Code article : KDE 3360 '.
En outre, aucun texte n'exige la mention du prix unitaire des matériels commandés et de la main d'oeuvre.
De même, le mode de règlement des prestations au moyen d'un crédit est mentionné, au même titre que les mentions relatives à l'identité des emprunteurs, étant précisé que la mention ' lu et approuvé, bon pour accord ' apparaît sur le bon de commande produit par les époux [G] en traits plus clairs.
Par ailleurs, il ressort de la clause figurant au dessus de leurs signatures que les époux [G] déclarent ' avoir pris connaissance de la faculté de renonciation prévue par le code de la consommation (articles L. 121-23 à L. 121-26) en utilisant le formulaire détachable ci-dessous ', déterminant ainsi le point de départ du délai de prescription, lié à l'absence alléguée d'information sur la faculté de rétractation au moyen d'un formulaire détachable, au jour de la signature du contrat, soit le 22 septembre 2012, à savoir plus de cinq ans avant l'acte introductif d'instance délivré le 15 mars 2021.
Cependant, il y a lieu de constater que le bon de commande ne mentionne aucun délai de livraison et de pose des matérieux, ni de délai de réalisation du 'test de fonctionnement' prévu au bon de commande.
Aussi, l'absence de cette mention relative aux conditions d'exécution du contrat afférentes aux modalités et aux délais d'exécution des prestations de services, prévue à peine de nullité à l'article L. 121-23 du code de la consommation, ne permettait pas aux époux [G] de déterminer les dates auquelles le vendeur prévoyait d'avoir exécuté ses différentes obligations.
Néanmoins, il est constant qu'à la date du 31 octobre 2012, M. [L] [G] a signé un ' certificat de livraison de bien ou de fourniture de services ' comportant la mention dactylographiée d'acceptation sans réserve de la livraison du bien effectuée et le constat exprès ' que tous les travaux et prestations de services qui devaient être effectués à ce titre [avaient] été pleinement réalisés '.
Dans ces conditions, il en résulte qu'à compter de la date de livraison et d'installation du 31 octobre 2012, les époux [G] pouvaient se prévaloir des irrégularités affectant le bon de commande concernant l'absence de mention des délais d'exécution des obligations prévues au contrat de vente.
Dès lors, l'action en responsabilité introduite à l'encontre de la SA BNP Paribas PF le 15 mars 2021 ayant pour fondement la faute alléguée du prêteur caractérisée par le déblocage des fonds sans s'assurer de la régularité formelle du bon de commande est irrecevable pour cause de prescription.
Par ailleurs, concernant l'exécution complète des obligations du vendeur, il y a lieu de constater que les époux [G] n'ont pas formé de demande de résolution du contrat de vente fondée sur l'absence de raccordement de l'installation au réseau électrique, ni de demande d'annulation du contrat de vente pour manoeuvres dolosives ou erreur ayant vicié leur consentement, tel que retenu à juste titre par le premier juge.
Aussi, ils ne peuvent utilement se prévaloir du point de départ du délai de prescription situé au ' temps de retour énergétique nécessaire afin de se rendre compte du vice affectant leur bien ou de l'escroquerie dont ils ont été victimes ' au seul motif que l'attestation de livraison n'évoque pas la mise en service de l'installation ni son raccordement au réseau électrique.
En outre, il ressort du certificat de livraison signé par M. [L] [G] le 31 octobre 2012 que ' tous les travaux et prestations de services qui devaient être effectués à ce titre ont été pleinement réalisés ', étant précisé que le bon de commande ne prévoyait pas de démarches administratives à effectuer à la charge du vendeur mais uniquement l'installation des éléments livrés et un test de fonctionnement.
Dans ces conditions, il en résulte qu'à compter du 31 octobre 2012, date de signature de l'attestion de livraison et d'installation, les époux [G] pouvaient se prévaloir de l'absence d'exécution des prestations du vendeur.
Dès lors, l'action en responsabilité introduite à l'encontre de la SA BNP Paribas PF le 15 mars 2021 ayant pour fondement la faute alléguée du prêteur caractérisée par le déblocage des fonds sans s'assurer de l'exécution complète des prestations de service est irrecevable pour cause de prescription.
Au surplus, les époux [G] ne rapportent pas la preuve d'un préjudice subi en lien avec les fautes alléguées du prêteur qui serait caractérisé par l'absence de mise en service de l'installation, illustrant l'absence d'exécution complète des prestations prévues au bon de commande, de sorte qu'ils ne peuvent se prévaloir de la privation de la créance de restitution du capital emprunté au prêteur à titre de dommages et intérêts.
Dès lors, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a déclaré les demandes des époux [G] irrecevables.
Sur les demandes accessoires
Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Les époux [G] qui succombent à hauteur de cour seront condamnés au paiement des dépens d'appel et seront déboutés de leur demande au titre des frais irrépétibles.
Eu égard à la situation respective des parties, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
DEBOUTE M. [L] [G] et Mme [H] [G] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [L] [G] et Mme [H] [G] in solidum aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre à la cour d'Appel de NANCY, et par Monsieur Ali ADJAL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Minute en douze pages.