RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D'APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT N° /23 DU 01 JUIN 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 21/01961 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E2HQ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du tribunal judiciaire de VAL DE BRIEY, R.G. n° 19/01054, en date du 21 juin 2021,
APPELANT :
Monsieur [U] [K],
domicilié [Adresse 3]
Représenté par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉES :
GROUPAMA GRAND EST,
Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles du Grand Est, inscrite au RCS de Strasbourg sous le n° 379 906 753, ayant son siège social [Adresse 1] à [Localité 5] prise en la personne de son Directeur Général pour ce domicilié audit siège
Représentée par Me Aubin LEBON de la SCP LEBON & ASSOCIÉS, avocat au barreau de NANCY
L'Association ENTENTE SPORTIVE JOEUF FOOTBALL,
dont le siège social est [Adresse 4], prise en la personne de son Président pour ce domicilié audit siège
Représentée par Me Aubin LEBON de la SCP LEBON & ASSOCIÉS, avocat au barreau de NANCY
La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA MOSELLE
prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège, située [Adresse 2]
défaillante et n'ayant pas constitué avocat bien que la déclaration d'appel lui ait été régulièrement signifiée à personne morale par acte de Maître [F] [S], huissier de justice à [Localité 6] en date du 16 septembre 2021
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 13 avril 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Francis MARTIN, président chargé du rapport, et Madame Fabienne GIRARDOT, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Francis MARTIN, président de chambre,
Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère
Madame Marie HIRIBARREN, conseillère, désignée par ordonnance de Monsieur le premier président de la cour d'appel de NANCY en date du 02 février 2023, en remplacement de Madame Nathalie ABEL, conseillère, régulièrement empêchée
Greffier, lors des débats : Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET .
A l'issue des débats, le président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 01 Juin 2023, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : réputé contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 01 Juin 2023, par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre, et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier ;
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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EXPOSE DU LITIGE
Le 7 août 2016 à Joeuf, M. [K] a participé à une marche organisée par l'association 'Entente Sportive Joeuf Football' (ci-après l'association ESJF). Il a fait une chute au cours de cette marche ; il a dû être pris en charge par les sapeurs pompiers et a été hospitalisé en raison des blessures consécutives à cette chute.
Il a régularisé une déclaration de sinistre le 11 octobre 2016.
Par actes d'huissier en date des 13 et 17 août 2018, M. [K] a assigné l'association ESJF, Groupama Grand Est et la CPAM de la Moselle devant le tribunal d'instance de Briey aux fins de voir juger que l'association ESJF a engagé sa responsabilité contractuelle à son égard consécutivement à l'accident survenu le 7 août 2016, déclarer cette association entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident, ordonner une mesure d'expertise médicale pour évaluer ses préjudices et condamner solidairement l'association ESJF et Groupama Grand Est à lui payer la somme de 2 500 € à titre de provision à valoir sur son préjudice, outre la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, déclarer le jugement commun à la CPAM de la Moselle.
Par jugement en date du 24 septembre 2019, le tribunal d'instance de Briey s'est déclaré matériellement incompétent pour connaître des demandes formées par M. [K] et l'affaire a été portée devant le tribunal de grande instance de Briey.
M. [K] a réitéré ses demandes initiales devant le tribunal judiciaire de Briey.
L'association ESJF et Groupama Grand Est ont demandé au tribunal de débouter M. [K] de ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La CPAM de la Moselle ne s'est pas fait représenter devant le tribunal.
Par jugement rendu le 21 ,juin 2021, le tribunal judiciaire de Briey a débouté M. [K] de ses demandes et l'a condamné à payer à l'association ESJF et à Groupama Grand Est la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. Le tribunal a déclaré son jugement commun à la CPAM de la Moselle.
Le tribunal a motivé le rejet des prétentions de M. [K] par le fait que ce dernier ne démontrait pas les circonstances de sa chute, ni les manquements de l'association ESJF dans l'organisation de la randonnée.
Par déclaration enregistrée le 30 juillet 2021, M. [K] a interjeté appel de ce jugement.
M. [K] a demandé à la cour d'infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de :
- dire que l'association ESJF a engagé sa responsabilité contractuelle à son égard consécutivement à l'accident survenu le 7 août 2016,
- déclarer l'association ESJF entièrement responsable des conséquences dommageables de cet accident,
- en conséquence, ordonner une mesure d'expertise médicale afin de permettre la liquidation de son préjudice corporel.
- condamner solidairement l'association ESJF et Groupama Grand Est à lui payer la somme de 2 500 € à titre de provision à valoir sur son préjudice,
- condamner solidairement l'association ESJF et Groupama Grand Est à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l'artic1e 700 du code de procédure civile, outre les frais et les dépens,
- déclarer l'arrêt opposable à la CPAM de Metz.
L'association ESJF et Groupama Grand Est ont demandé à la cour de confirmer le jugement déféré.
Par arrêt rendu le 30 juin 2022, la cour d'appel de céans a infirmé le jugement et, statuant à nouveau, elle a déclaré l'association ESJF entièrement responsable de l'accident subi par M. [K], elle a déclaré l'association ESJF et Groupama Grand Est solidairement tenues d'indemniser l'entier préjudice de M. [K], elle les a solidairement condamnées toutes deux à payer à M. [K] une provision de 2 000 euros à valoir sur son préjudice corporel, elle a ordonné une expertise médicale, elle a débouté l'association ESJF et Groupama Grand Est de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, elle a condamné in solidum l'association ESJF et Groupama Grand Est aux dépens et à payer à M. [K] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et elle a déclaré son arrêt commun à la CPAM de la Moselle.
Le docteur [E] [X], expert médical désigné par la cour, a déposé son rapport le 30 novembre 2022.
Par conclusions déposées le 5 décembre 2022, M. [K] demande à la cour de :
- condamner solidairement l'association ESJF et Groupama Grand Est à lui payer les sommes suivantes :
- 475 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
- 2 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,
- 8 000 euros au titre des souffrances endurées,
- 1 500 euros au titre du préjudice d'agrément,
- condamner solidairement l'Entente sportive Joeuf Football et Groupama Grand Est à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- déclarer l'arrêt commun et opposable à la CPAM de Metz,
- condamner solidairement l'Entente sportive Joeuf Football et Groupama Grand Est en tous les frais et dépens, y compris ceux relatifs à l'expertise médicale.
Par conclusions déposées le 10 janvier 2023, l'association ESJF et Groupama Grand Est demandent à la cour de :
- rejeter comme mal fondées les demandes de M. [K],
- en conséquence, le débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- liquider les préjudices de M. [K] dans les limites suivantes :
- déficit fonctionnel temporaire : 380 euros,
- déficit fonctionnel permanent : 1 800 euros,
- souffrances endurées : 4 000 euros,
- préjudice d'agrément : rejet et subsidiairement 500 euros maximum,
- rejeter la demande formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et subsidiairement, la réduire à de plus justes proportions,
- rejeter toute demande plus ample ou contraire.
MOTIFS DE LA DECISION
L'association ESJF et Groupama Grand Est demandent à la cour, dans le dispositif de leurs conclusions, de 'rejeter comme mal fondées les demandes de M. [K]'. Mais elles ne font valoir aucun argument à l'appui de leur demande de rejet (sauf pour le préjudice d'agrément), se bornant à faire des offres d'indemnisation pour chacun des chefs de préjudices allégués par M. [K]. Il convient donc de liquider le préjudice corporel de M. [K] en analysant chacun des chefs de préjudice allégués par lui.
Sur l'indemnisation du préjudice corporel de M. [K]
M. [K] est né le 5 octobre 1944. Il était donc âgé de 71 ans au jour de l'accident, le 7 août 2016.
Le docteur [E] [X], expert judiciaire désigné par la cour, après avoir pris connaissance du dossier de M. [K], a procédé à son examen le 26 septembre 2022. Elle a conclu son rapport comme suit :
- pertes de gains professionnels actuels : aucun,
- incapacité totale de travail personnel : 21 jours,
- déficit fonctionnel temporaire : 100% du 7 au 18 août 2016 et 10% du 19 août au 27 octobre 2016,
- consolidation médico-légale le 28 octobre 2016 (M. [K] avait alors 72 ans),
- déficit fonctionnel permanent : 2%,
- assistance par tierce personne : aucune,
- dépenses de santé futures : sans objet,
- pertes de gains professionnels futurs : sans objet,
- incidence professionnelle : sans objet,
- souffrances endurées : 3/7,
- préjudice esthétique temporaire nul,
- préjudice esthétique permanent nul,
- préjudice sexuel : sans objet,
- préjudice d'établissement : sans objet,
- préjudice d'agrément : diminution de l'activité de marche, arrêt de la pratique du golf pendant 5 ans,
- préjudices permanents exceptionnels : sans objet.
Chacun des quatre postes de préjudice retenus par l'expert doit être analysé en fonction de ce qu'il explique dans son rapport et en fonctions des demandes faites par M. [K] et des offres faites par l'association ESJF et Groupama Grand Est.
1°/ Le déficit fonctionnel temporaire :
Il s'agit d'indemniser l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle que la victime a subie jusqu'à sa consolidation, ce qui correspond au préjudice résultant de la gêne dans les actes de la vie courante.
L'expert a considéré que le déficit fonctionnel temporaire était total pour la période du 7 au 18 août 2016 (soit 12 jours) et de 10% pour la période du 19 août au 27 octobre 2016 (soit 70 jours). Les parties ne contestent pas cette quantification. L'association ESJF et Groupama Grand Est offre une indemnisation de 22 euros par journée d'incapacité fonctionnelle totale, tandis que M. [K] en réclame 25 euros.
Le quantum de 25 euros réclamé par M. [K] correspond à l'exigence de compensation intégrale du dommage dont s'agit. Son préjudice sera donc indemnisé comme suit :
12 jours x 25 euros = 300 euros,
70 jours x 25 euros x 0,10 = 175 euros,
soit 475 euros en tout.
2°/ Les souffrances endurées :
Il s'agit d'indemniser toutes les souffrances tant physiques que morales subies par la victime pendant la maladie traumatique et jusqu'à la consolidation.
L'expert a fixé à 3/7 les souffrances endurées par M. [K] consécutivement à son accident. M. [K] réclame à ce titre la somme de 8 000 euros et l'association ESJF et Groupama Grand Est offrent une indemnité de 4 000 euros.
Il convient de rappeler que lors de sa chute, M. [K] a subi un traumatisme crânien sans perte de connaissance, une fracture articulaire déplacée de la base de la 3ème phalange du 3ème doigt de la main gauche et un traumatisme du rein droit avec hématome de la loge rénale sans fracture des cavités, ce qui a nécessité son hospitalisation.
Au vu de ces éléments ce chef de préjudice sera indemnisé à hauteur de 6 000 euros.
3°/ Le déficit fonctionnel permanent :
Le déficit fonctionnel permanent correspond à la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques normalement liées à l'atteinte séquellaire décrite, ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours.
L'expert judiciaire a relevé que M. [K] conservait de son accident :
- un déficit de rotation externe de la hanche gauche de 5° avec des douleurs intermittentes des adducteurs de la cuisse gauche,
- des douleurs en fosse iliaque droite, hebdomadaires,
- une gêne de P3 du 3ème doigt de la main gauche lors des mouvements de serrement ne nécessitant pas de traitement,
ce qui l'a conduit à chiffrer à 2% le taux de déficit fonctionnel permanent. Les parties ne contestent pas ce taux. M. [K] demande de fixer le point à 1 000 euros tandis que l'association ESJF et Groupama Grand Est demande la fixation du point à 900 euros.
Au vu de l'ensemble de ces éléments et de l'âge de M. [K] au jour de la consolidation (72 ans), il convient de fixer la valeur du point à 1 000 euros, de sorte qu'il lui sera alloué à ce titre une indemnité de 2 000 euros.
4°/ Le préjudice d'agrément :
Il s'agit d'indemniser l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement, à cause des séquelles résultant de l'événement traumatique, une activité à laquelle elle justifie s'être adonnée de manière spécifique dans le domaine sportif, ludique ou culturel.
L'expert judiciaire a retenu l'existence d'un préjudice d'agrément au motif que M. [K] a dû diminuer ses activités de marche (en réduisant la longueur de ses trajets) et arrêter la pratique du golf pendant 5 ans, de 2016 à 2021.
M. [K] ne produit aucun justificatif de sa pratique régulière du golf avant son accident (ni d'ailleurs de sa reprise d'activité depuis 2021). En revanche, il n'est pas contestable qu'il pratiquait la randonnée sportive, puisque c'est à l'occasion de cette activité que l'accident s'est produit. Compte-tenu de ces éléments, la somme de 1 500 euros qu'il réclame apparaît excessive et sera ramenée à un montant de 800 euros, correspondant à l'étendue exacte de son dommage.
Au total, l'association ESJF et Groupama Grand Est seront condamnées solidairement à payer à M. [K] les sommes de :
- 475 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
- 6 000 euros au titre des souffrances endurées,
- 2 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,
- 800 euros au titre du préjudice d'agrément,
sauf à déduire la provision déjà vcersée.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
L'association ESJF et Groupama Grand Est supporteront les dépens de cette instance, incluant les frais d'expertise judiciaire. En outre, il est équitable qu'elles soient condamnées à payer à M. [K] une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile (en sus de celle de 2 000 euros déjà allouée par la cour au titre de la phase du procès sur la détermination de la responsabilité).
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par arrêt réputé contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,
Vu l'arrêt rendu 30 juin 2022,
CONDAMNE solidairement l'association ESJF et Groupama Grand Est à payer à M. [K] les sommes suivantes :
- 475 € (quatre cent soixante quinze euros) au titre du déficit fonctionnel temporaire,
- 6 000 € (six mille euros) au titre des souffrances endurées,
- 2 000 € (deux mille euros) au titre du déficit fonctionnel permanent,
- 800 € (huit cents euros) au titre du préjudice d'agrément,
sauf à déduire la provision déjà versée,
DIT que chacune de ces sommes portera intérêts au taux légal à compter de ce jour,
CONDAMNE in solidum l'association ESJF et Groupama Grand Est à payer à M. [K] la somme supplémentaire de 1 500 € (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
DECLARE cet arrêt commun à la CPAM de la Moselle,
CONDAMNE in solidum l'association ESJF et Groupama Grand Est aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre à la cour d'Appel de NANCY, et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Minute en huit pages.