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01/06/2023 | FRANCE | N°21/01826

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 01 juin 2023, 21/01826


ARRÊT N° /2023

PH



DU 01 JUIN 2023



N° RG 21/01826 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EZ54







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

F19/00419

18 juin 2021











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2





APPELANTE :



S.A.S. HAVAS VOYAGES agissant poursuites et diligences de ses représentan

ts légaux pour ce, domiciliés audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY substituée par Me de TONQUEDEC, avocat au barreau de PARIS





INTIMÉE :



Madame [P] [I]

[Adresse...

ARRÊT N° /2023

PH

DU 01 JUIN 2023

N° RG 21/01826 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EZ54

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

F19/00419

18 juin 2021

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

S.A.S. HAVAS VOYAGES agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux pour ce, domiciliés audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY substituée par Me de TONQUEDEC, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

Madame [P] [I]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Hélène STROHMANN, avocat au barreau de NANCY

Syndicat PROFESSIONNEL DES ENTREPRISES DU VOYAGE (EDV) agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce, domicilié audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Conseiller : BRUNEAU Dominique,

Greffier lors des débats : RIVORY Laurène

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 23 février 2023 tenue par Raphaël WEISSMANN, Président, et Dominique BRUNEAU, conseiller, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en ont rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN, président, Dominique BRUNEAU, Stéphane STANEK, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 01er juin 2023;

Le 01er juin 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES.

Mme [P] [I] a été engagée sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société S.A.S Havas Voyages à compter du 09 mai 1988 en qualité de conseillère voyages expérimenté.

La convention collective nationale des agences de voyage et de tourisme s'applique au contrat de travail.

Par courrier du 19 octobre 2018, Mme [P] [I] a fait valoir ses droits au départ à la retraite à compter du 01 février 2019.

A cette occasion, la société S.A.S Havas Voyages lui a versé une indemnité de départ à la retraite correspondant à une indemnité égale à 15% des salaires moyens par année d'ancienneté en application de la convention collective nationale susvisée. La salariée a contesté le montant de l'indemnité versée par courrier du 10 juillet 2019.

Par requête du 22 septembre 2019, Mme [P] [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy, aux fins :

- de condamnation de la société S.A.S Havas Voyages à lui verser les sommes suivantes :

- 10 046,26 euros à titre de solde d'indemnité de départ à la retraite avec intérêts au taux légal à compter de la date du 10 juillet 2019, date de la mise en demeure,

- 2 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Le syndicat professionnel national des entreprises du voyage est intervenu volontairement à l'instance, au soutien des intérêts de la société S.A.S Havas Voyages.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 18 juin 2021 qui a:

- dit et jugé recevable l'intervention volontaire du syndicat professionnel des entreprises de voyages,

- dit et jugé que les dispositions de l'article 22.5 de la convention collective des agences de voyages et de tourisme s'appliquent à l'indemnité de départ en retraite, que ce départ soit à l'initiative de l'employeur ou du salarié,

- en conséquence, condamné la société S.A.S Havas Voyages au paiement des sommes suivantes:

- 10 046,28 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement avec intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition au greffe du présent jugement soit le 18 juin 2021,

- 2 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [P] [I] du surplus de ses demandes,

- débouté la société S.A.S Havas Voyages de ses demandes reconventionnelles,

- rappelé que le présent jugement est exécutoire de droit par provision dans la limite de l'article R.1454-28 du code du travail étant précisé que la moyenne des salaires calculé sur les trois derniers mois était de 2 279,99 euros,

- condamné la société S.A.S Havas Voyages aux entiers dépens de l'instance.

Vu l'appel formé par la société S.A.S Havas Voyages le 16 juillet 2021, enregistré sous le numéro RG 21/01826,

Vu l'appel formé par le syndical professionnel national le 27 juillet 2021, enregistré sous le numéro RG 21/01922,

Vu l'ordonnance de jonction rendue le 23 février 2022, laquelle a ordonné la jonction des procédures n° RG 21/01922 et n°21/01826 sous le numéro 21/01826,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de la société S.A.S Havas Voyages déposées sur le RPVA le 23 décembre 2022, celles du syndicat professionnel national des entreprises du voyage déposées sur le RPVA le 22 novembre 2022, et celles de Mme [P] [I] déposées sur le RPVA le 18 octobre 2022,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 25 janvier 2023,

La société S.A.S Havas Voyages demande à la cour:

Sur l'interprétation de la convention collective et la demande de rappel d'indemnité de départ à la retraite :

- de constater qu'elle s'est livrée à une parfaite interprétation et application de l'article 22.5 de la convention collective des agences de voyages et du tourisme dont il ressort que seule l'indemnité de mise à la retraite involontaire est à comparer avec l'indemnité légale de licenciement à laquelle elle ne peut être inférieure,

- en conséquence, d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy en ce qu'il a :

- dit et jugé que les dispositions de l'article 22.5 de la convention collective des agences de voyages et de tourisme s'appliquent à l'indemnité de départ en retraite, que ce départ soit à l'initiative de l'employeur ou du salarié,

- condamné la société S.A.S Havas Voyages à payer à Mme [P] [I] la somme de 10 046,28 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement avec intérêt à taux légal à compter du 18 juin 2021,

- de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy en ce qu'il a débouté Mme [P] [I] du surplus de ses demandes,

*

A titre subsidiaire, si la Cour devait confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Havas Voyages à la somme de 10 046,28 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, alors il confirmerait également le jugement en ce qu'il a fixé le point de départ des intérêts au 18 juin 2021 :

- en conséquence, de débouter Mme [P] [I] de sa demande de fixation du point de départ des intérêts au 10 juillet 2019 à titre principal et au 27 septembre 2019 à titre subsidiaire,

*

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive :

- de constater qu'elle n'a fait preuve d'aucune « résistance abusive » à l'égard de Mme [P] [I],

- en conséquence, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à payer la somme de 2 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

A titre subsidiaire :

- de ramener le montant de la condamnation prononcée à ce titre à de plus justes proportions,

Statuant à nouveau :

- de débouter Mme [P] [I] de l'intégralité de ses demandes,

*

En tout état de cause :

- d'infirmer le jugement entrepris ce qu'il:

- l'a condamnée la société S.A.S Havas Voyages au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,

- l'a déboutée de sa demande d'indemnisation au titre du même article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au titre des dépens,

Statuant à nouveau :

- de débouter Mme [P] [I] de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- de condamner Mme [P] [I] au paiement de la somme de 3 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Le syndical professionnel national des entreprises du voyage demande à la cour:

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable l'intervention volontaire du syndicat professionnel national des entreprises du voyage,

- d'infirmer ledit jugement en ce qu'il a jugé que les dispositions de l'article 22.5 de la convention collective des agences de voyages et de tourisme s'appliquent à l'indemnité de départ en retraite, que ce soit à l'initiative de l'employeur ou du salarié,

*

Statuant de nouveau :

- de juger que la sous clause 22.5 de l'article 22 de la convention collective nationale de travail du personnel des agences de voyage et de tourisme ne s'applique que si la mise à la retraite est à l'initiative de l'employeur et non en cas de départ à la retraite à l'initiative du salarié,

- de rejeter Mme [P] [I] de toutes ses autres demandes, fins et prétentions,

- de condamner Mme [P] [I] à payer la somme de 4 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [P] [I] demande à la cour:

- de confirmer la décision entreprise en ce qu'il a :

- dit et jugé recevable l'intervention volontaire du syndicat professionnel des entreprises de voyages,

- dit et jugé que les dispositions de l'article 22.5 de la convention collective des agences de voyages et de tourisme s'appliquent à l'indemnité de départ en retraite, que ce départ soit à l'initiative de l'employeur ou du salarié,

- en conséquence, condamné la société S.A.S Havas Voyages au paiement des sommes de:

- 10 046,28 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement avec intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition au greffe du présent jugement soit le 18 juin 2021,

- 2 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- d'infirmer la décision rendue par le conseil des prud'hommes de Nancy du 18 juin 2021 en ce qu'elle a fixé comme point de départ des intérêts la date de la mise à disposition au greffe du présent jugement soit le 18 juin 2021, et fixer la date du point de départ des intérêts au taux légal à la date de la mise en demeure du 10 juillet 2019, et subsidiairement à la date de la convocation en audience de conciliation, soit le 27 septembre 2019,

*

Y ajoutant :

- de condamner la société S.A.S Havas Voyages à lui verser la somme de 2 000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de Cour d'appel,

- de condamner le syndicat professionnel national des entreprises du voyage à lui verser la somme de 2 000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour,

- de condamner la société S.A.S Havas Voyages et du syndicat professionnel national des entreprises du voyage aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel.

SUR CE, LA COUR ;

La cour renvoie expressément pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions déposées sur le RPVA par la société S.A.S Havas Voyages le 23 décembre 2022, par le syndicat professionnel national des entreprises du voyage le 22 novembre 2022, et par Mme [P] [I] le 18 octobre 2022.

Une convention collective, si elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c'est à dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte.

L'article 22 de la convention collective natrional de travail dupersonnel des agences de voyages et de tourisme du 12 mars 1993 en sa rédaction issue de l'avenant du 10 décembre 2013 dispose que:

22.1. Au moment de son départ à la retraite, dans les conditions fixées à l'article précédent, le salarié recevra une indemnité de départ à la retraite en fonction de son ancienneté dans l'entreprise, telle que définie à l'article 31 de la présente convention collective.

22.2. L'indemnité de départ en retraite se calcule sur la base de 1/12 de la rémunération brute des 12 derniers mois précédant le départ en retraite ou, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, 1/3 des 3 derniers mois, étant entendu que, dans tous les cas, tous les éléments de rémunération confondus sont pris en compte, qu'ils soient réguliers ou non, obligatoires ou non.

22.3. En cas de départ à la retraite à la demande du salarié, le montant de cette indemnité est égal, par année d'ancienneté, à 15 % de sa rémunération telle que définie ci-dessus.

22.4. En cas de départ à la retraite à la demande de l'employeur, le montant de cette indemnité est égal, par année d'ancienneté, à 20 % de sa rémunération telle que définie ci-dessus pour les 10 premières années d'ancienneté et à 35 % pour les années suivantes.

22.5. En tout état de cause, ces indemnités ne pourront être inférieures à celles prescrites en cas de rupture du contrat de travail par la législation en vigueur et ne pourront donc pas être inférieures à l'indemnité légale de licenciement.

Mme [P] [I] expose que la SAS Havas Voyages lui a réglé, lors de son départ en retraite à sa demande, une indemnité calculée selon les dispositions du paragraphe 22.3 alors qu'aux termes du paragraphe 22.5, l'indemnité ne peut en réalité être inférieure à l'indemnité de licenciement visée par les dispositions du paragraphe 22.4, les termes 'ces indemnités ne pourront être inférieures' englobant nécessairement l'indemnité pour départ volontaire du paragraphe 22.3 ; que les dispositions de la convention collective sont particulièrement claires et ne souffrent d'aucune ambiguïté ; qu'en tout état de cause, il s'est crée dans l'entreprise un usage sur ce point, certains salariés ayant bénéficié de ce mode de calcul ; qu'enfin, la SAS Havas Voyages produits des attestations d'autres entreprises du secteur sur la pratique qu'elle revendique mais que d'une part ces attestations ne sont pas conformes aux dispostions de l'article 202 du code de procédure civile et sont identiques dans leur formulation, et d'autre part que le nombre des entreprises attestantes n'est pas représentatif de la profession.

La SAS Havas Voyage soutient que c'est à tort que les premiers juges ont appliqué à l'indemnité de départ volontaire due à Mme [P] [I] le régime de l'indemnité prévue par les dispositions du paragraphe 22.4 de la convention collective ; que l'entreprise a toujours appliqué les dispositions du paragraphe 22.3 en cas de départ en retraite à la demande du salarié, et que s'il a été fait application pour quelques salariés des dispositions du paragraphe 22.4 en cas de départ volontaire, il s'agit d'erreurs ponctuelles et en très faible nombre, ces erreurs ne pouvant fonder un usage.

Le syndicat professionnel national des entreprises du voyage fait valoir que l'article 22 de la convention collective a été réecrit en 2013 pour permettre aux salariés partant en retraite sur décision de l'employeur de bénéficier d'une indemnité au moins égale à l'indemnité de licenciement prévue par le code du travail alors que précédemment ils ne percevaient qu'une indemnité de 15 % ; que cette modification n'a eu pour but que d'améliorer l'indemnisation des salariés partant en retraite sur décision de l'employeur, la situation des salariés partant à leur demande étant inchangée ; qu'en réalité, le membre de phrase 'ces indemnités' figurant dans le

paragraphe 22.5 résulte d'une erreur de rédaction, et que la seule indemnité pouvant être versée à un salarié partant à sa demande est celle du paragraphe 22.3.

L'interprétation littérale issue des dispositions du paragraphe 22.5 soulève un problème de cohérence des dispositions discutées dans la mesure où, si l'on s'en tient au pluriel utilisé pour renvoyer 'aux indemnités', il convient dès lors de constater que le paragraphe 22.3 est sans objet puisque l'indemnité versée au salarié, quelque soit les raisons de son départ de l'entreprise, ne saurait être inférieure à l'indemnité de licenciement.

Il convient donc de rechercher l'existence d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, d'utiliser la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte.

Il ressort des dispositions de l'article D 1237-1 du code du travail que le taux de l'indemnité servie lors du départ volontaire en retraite du salarié prévue à l'article L. 1237-9 est au moins égal à :

1° Un demi-mois de salaire après dix ans d'ancienneté ;

2° Un mois de salaire après quinze ans d'ancienneté ;

3° Un mois et demi de salaire après vingt ans d'ancienneté ;

4° Deux mois de salaire après trente ans d'ancienneté ;

Il ressort par ailleurs des dispositions de l'article R 1234-2 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-1398 du 25 septembre 2017 que l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :

1° Un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans ;

2° Un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans ;

Antérieurement à la date dudit décret, ces montants étaient d'un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté auxquels s'ajoutaient deux quinzièmes de mois par année au delà de 10 années d'ancienneté, ce qui revient à 20 % de la rémunération par année d'ancienneté jusqu'à dix ans et à 33 % par année d'ancienneté au delà de 10 ans.

Dès lors, il apparaît que les dispositions conventionnelles en matière d'indemnité de départ en retraite sont comparables aux dispositions issues du code du travail.

Par ailleurs, l'article 22 de la convention collective était, antérieurement à l'avenant du 10 décembre 2013, ainsi rédigé:

' Au moment de son départ à la retraite..., le salarié recevra une indemnité de fin de carrière, fonction de son ancienneté...

Le montant de cette indemnité est égal par année d'ancienneté à 15 % du salaire effectif...

En tout état de cause, ces indemnités ne pourront être inférieures à celles prescrites en cas de rupture du contrat de travail par la legislation en vigueur' ;

Il ressort donc de ce texte que le taux de 15 % s'appliquait à l'indemnité pour départ volontaire et à l'indemnité de mise en retraite par l'employeur, celui-ci devant comparer dans le premier cas le montant de l'indemnité avec un montant issu des dispositions de l'article D 1237-1 du code du travail, et dans le second cas le montant de l'indemnité due avec le montant issu des dispositions de l'article R 1234- 2 du même code ; c'est dans ce sens qu'était employé le terme 'ces indemnités'.

Il ressort de la nouvelle rédaction de l'article 22 de la convention collective que les partenaires sociaux ont entendu clarifier les conditions d'octroi des deux indemnités en prévoyant expressément un mode de calcul pour l'indemnité pour départ volontaire et un autre mode de calcul pour l'indemnité de départ sur décision de l'employeur.

Il convient donc de constater que les termes 'ne pourront donc pas être inférieures à l'indemnité légale de licenciement' figurant à la fin du paragraphe 22.5 relèvent d'une maladresse de rédaction.

Il ressort par ailleurs des attestations établies par les responsables administratifs des entreprises 'Beachcomber Tours', 'Croisi-Europe', 'Karavel' et 'Verdie Voyages', qui relèvent de la même convention collective, que celles-ci versent à leurs salariés partant en retraite sur leur demande une indemnité calculée sur la base des dispositions du paragraphe 22.3, soit un taux de 15 % ;

Le fait que ces documents ne sont pas conformes aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile et qu'ils soient rédigés de façon identique ne les rend pas irrecevables pour ces seuls motifs alors qu'elles font état de la même pratique suivie par les entreprises concernées relativement au calcul de l'indemnité de l'article 22.3 de la convention, peu important par ailleurs que le nombre des entreprises attestantes ne représente pas une partie importante des entreprises du secteur.

Dès lors, il convient d'interprèter les dispositions rappelées plus haut dans le sens que, lorsque le salarié prend sa retraite sur sa demande, les dispositions applicables au calcul de l'indemnité de départ sont celles définies par le paragraphe 22.3 de l'article 22 de la convention collective, sous réserve d'un minimum au moins égal au montant issu des dispositions de l'article D 1237-1 du code du travail.

Par ailleurs,Mme [P] [I] soutient que des salariés ont bénéficié, dans le cadre d'un départ volontaire, d'indemnités calculées sur la base des dispositions du paragraphe 22.4.

Toutefois, l'erreur n'est pas créatrice d'usage, et celui-ci doit d'une part présenter une constance, une fixité et une généralité suffisante, et d'autre part il doit résulter d'une volonté de l'employeur.

Toutefois, il ressort des pièces n°1 et 2 du dossier de Mme [P] [I] que le responsable Paie et administration du personnel a indiqué par courriel du 13 avril 2018 à un salarié partant en retraite sur sa demande que son indemnité de départ serait calculée selon les modalités du paragraphe 22.4 ; que toutefois, par courrier du 1er octobre 2018, le directeur des ressources humaines de la société a informé le salarié concerné que les informations qui lui avaient été communiquées sur ce point étaient inexactes et que l'indemnité lui revenant serait calculée sur la base des dispositions du paragraphe 22.3.

Enfin, si Mme [P] [I] fait valoir que des salariés, exerçant dans la France entière, avaient lors de leur départ en retraite, sur la période de 2016 à 2018, bénéficié d'une indemnité calculée sur la base du paragraphe 22.4, le nombre très limité des salariés concernés ne permet pas d'établir une pratique constante, fixe et générale.

Dès lors, la demande sera rejetée, et la décision entreprise sera infirmée.

Mme [P] [I], qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la SAS Havas Voyage et du syndicat professionnel national des entreprises du voyage les frais irrépétibles qu'ils ont exposés ; les demandes sur ce point seront rejetées.

PAR CES MOTIFS:

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME le jugement rendu le 18 Juin 2021 par le conseil de prud'hommes de NANCY ;

STATUANT A NOUVEAU ;

DEBOUTE Mme [P] [I] de ses demandes ;

CONDAMNE Mme [P] [I] aux dépens de première instance,

Y AJOUTANT

DEBOUTE Mme [P] [I] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE la société SAS HAVAS VOYAGE et le syndicat professionnel national des entreprises du voyage de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [P] [I] aux dépens d'appel.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en neuf pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 21/01826
Date de la décision : 01/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-01;21.01826 ?
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