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01/06/2023 | FRANCE | N°21/00414

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 01 juin 2023, 21/00414


ARRÊT N° /2023

PH



DU 01 JUIN 2023



N° RG 21/00414 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EW5N







Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de SAINT DIE DES VOSGES

19/0011

22 janvier 2021











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANTE :



S.A.S. HAVAS VOYAGES a

gissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY substituée par Me Jacques de TONQUEDEC, avocat au barreau de PARIS









IN...

ARRÊT N° /2023

PH

DU 01 JUIN 2023

N° RG 21/00414 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EW5N

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de SAINT DIE DES VOSGES

19/0011

22 janvier 2021

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

S.A.S. HAVAS VOYAGES agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY substituée par Me Jacques de TONQUEDEC, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES :

Madame [D] [B] épouse [V]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Ariane MILLOT-LOGIER de l'AARPI MILLOT-LOGIER, FONTAINE & THIRY, avocat au barreau de NANCY

Syndicat NATIONAL PROFESSIONNEL DES ENTREPRISES DU VOYAGE agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Conseiller : BRUNEAU Dominique,

Greffier lors des débats : RIVORY Laurène

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 23 février 2023 tenue par Raphaël WEISSMANN, Président, et Dominique BRUNEAU, conseiller, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en ont rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN, président, Dominique BRUNEAU, Stéphane STANEK, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 01er juin 2023;

Le 01er juin 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Mme [D] [B] épouse [V], a été engagée sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société S.A.S Havas Voyages à compter du 15 juin 1976, en qualité de chef d'agence.

La convention collective nationale des agences de voyage et de tourisme s'applique au contrat de travail.

Mme [D] [B] épouse [V] a fait valoir ses droits au départ à la retraite, devenu effectif le 31 juillet 2018.

A cette occasion, la société S.A.S Havas Voyages lui a versé une indemnité de départ à la retraite correspondant à une indemnité égale à 15% des salaires moyens par année d'ancienneté en application de la convention collective nationale susvisée. La salariée a contesté le montant de l'indemnité versée par courrier adressé à l'employeur.

Par requête du 11 février 2019, Mme [D] [B] épouse [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Dié-des-Vosges aux fins :

- de voir condamner la société S.A.S Havas Voyages à lui verser les sommes de:

- 19 038,57 euros au titre du reliquat de l'indemnité de départ à la retraite, avec intérêt au taux légal,

- 6 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour traitement discriminatoire et manquement à l'obligation de loyauté issue du contrat de travail,

- 3 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens,

- d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Le syndicat national professionnel des entreprises du voyage est intervenu volontairement à l'instance, au soutien des intérêts de la société S.A.S Havas Voyages.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Saint-Dié-des-Vosges rendu le 22 janvier 2021, qui a:

- déclaré recevable l'intervention du syndicat national professionnel des entreprises du voyage,

- déclaré irrecevable la note en délibéré adressée par Mme [D] [V] au conseil de prud'hommes le 18 janvier 2021,

- condamné la société S.A.S Havas Voyages à verser à Mme [D] [V] la somme de 19 038,57 euros au titre du solde de l'indemnité de départ à la retraite, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 01 août 2018,

- condamné la société S.A.S Havas Voyages à verser à Mme [D] [V] une somme de 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société S.A.S Havas Voyages aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

Vu l'appel formé par la société S.A.S Havas Voyages le 16 février 2021, enregistré sous le numéro RG 21/00414,

Vu l'appel formé par le syndicat national professionnel des entreprises du voyage le 18 février 2021, enregistré sous le numéro RG 21/00440,

Vu l'appel incident formé par Mme [D] [B] [V] le 05 août 2021,

Vu l'ordonnance de jonction rendue le 01 décembre 2021, laquelle a ordonné la jonction des procédures n° RG 21/00440 et n° RG 21/00414 sous le numéro RG 21/00414,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de la société S.A.S Havas Voyages déposées sur le RPVA le 23 décembre 2022, celles du syndicat professionnel national des entreprises du voyage déposées sur le RPVA le 01 juin 2022, et celles de Mme [D] [B] épouse [V] déposées sur le RPVA le 09 novembre 2022,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 25 janvier 2023,

La société S.A.S Havas Voyages demande à la cour :

In limine litis :

- de constater que la demande de Mme [D] [B] [V] visant à obtenir des dommages et intérêts pour préjudice moral est une prétention nouvelle n'ayant pas la même finalité que celle présentée par cette dernière devant le conseil de prud'hommes de Saint-Dié-des-Vosges,

- de prononcer l'irrecevabilité de ladite demande,

*

A titre principal :

- de constater que la société S.A.S Havas Voyages s'est livrée à une parfaite interprétation et application de l'article 22.5 de la convention collective nationale des agences de voyages et du tourisme,

' de constater l'absence d'usage dans la société tant au niveau national qu'au niveau de la région Grand Est, au titre de l'indemnité de départ à la retraite,

- en conséquence, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il:

- a dit que l'indemnité de départ volontaire à la retraite devait également être comparée à l'indemnité légale de licenciement à laquelle elle ne pouvait être inférieure,

- l'a condamnée à payer à Mme [V] la somme de 19 038,57 euros à titre de solde d'indemnité de départ en retraite augmentés des intérêts au taux légal à compter du 1er aout 2018,

- de confirmer le jugement le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la salariée du surplus de ses demandes,

Statuant à nouveau :

- de débouter Mme [D] [B] [V] de l'intégralité de ses demandes,

*

A titre subsidiaire, si la Cour devait confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Saint-Dié-des-Vosges en ce qu'il a retenu l'interprétation erronée de Mme [D] [B] [V] des dispositions conventionnelles litigieuses :

- de dire que le point de départ des intérêts ne peut courir qu'à compter de la date de réception par la société de la convocation à l'audience de conciliation soit le 22 février 2019 et non à la date de départ à la retraite de la salariée,

- en conséquence, d'infirmer le jugement en ce qu'il a fixé ce point de départ au 01 août 2018,

Statuant à nouveau :

- de fixer ce point de départ au 22 février 2019, date de réception par la société de la convocation à l'audience de conciliation,

- de condamner Mme [D] [B] [V] à la restitution à la sociétéde la somme indument perçue de 303,98 euros au titre des intérêts,

- de constater l'absence de préjudice moral subi par la salariée,

- en conséquence, de débouter Mme [D] [B] [V] de sa demande d'indemnisation d'un montant de 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.

*

En tout état de cause :

- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes ce qu'il a :

- condamné la société S.A.S Havas Voyages au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,

- débouté la société S.A.S Havas Voyages de sa demande d'indemnisation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au titre des dépens,

Statuant à nouveau :

- de condamner Mme [D] [B] [V] au paiement de la somme de 3 000,00 euros à la société S.A.S Havas Voyages au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Le syndicat professionnel national des entreprises du voyage demande à la cour:

- de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Saint-Dié-des-Vosges en ce qu'il a déclaré recevable l'intervention volontaire du syndicat professionnel national des entreprises du voyage,

- d'infirmer ledit jugement en ce qu'il a jugé que les dispositions de l'article 22.5 de la convention collective des agences de voyages et de tourisme s'appliquent à l'indemnité de départ en retraite, que ce soit à l'initiative de l'employeur ou du salarié,

*

Statuant de nouveau :

- de juger que la sous clause 22.5 de l'article 22 de la convention collective nationale de travail du personnel des agences de voyages et de tourismes et de tourisme ne s'applique que si la mise à la retraite est à l'initiative de l'employeur et non en cas de départ à la retraite à l'initiative du salarié,

- de rejeter toutes les autres demandes de Mme [D] [B] [V],

- de condamner Mme [D] [B] [V] à payer la somme de 4 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [D] [B] [V] demande à la cour:

- de déclarer recevable mais mal fondé l'appel interjeté par la société S.A.S Havas Voyages et le syndicat national professionnel des entreprises du voyage,

- de le rejeter ainsi que toute les demandes d'irrecevabilité prétendues,

- de confirmer le jugement en son principe, en ce qu'il a :

- condamné la société S.A.S Havas Voyages à lui verser un solde d'indemnité de départ à la retraite, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 01 août 2018,

- condamné la société S.A.S Havas Voyages à lui verser une somme de 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société S.A.S Havas Voyages aux dépens,

- de faire droit à l'appel incident interjeté,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a limité l'indemnité de départ à la retraite à la somme de 19 038,57 euros,

- de condamner la société S.A.S Havas Voyages à lui verser la somme de 19 322,37 euros au titre du solde de l'indemnité de départ à la retraite avec intérêt au taux légal à compter du 01 août 2018,

- de condamner la société S.A.S Havas Voyages à la somme de 5 000,00 euros à titre de de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- de débouter la société S.A.S Havas Voyages et le syndicat national professionnel des entreprises du voyage de toutes ses demandes plus amples ou contraires,

- de condamner solidairement la société S.A.S Havas Voyages et le syndicat national professionnel des entreprises du voyage à lui verserla somme de 5 000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Millot-Logier, avocat aux offres de droit.

SUR CE, LA COUR ;

La cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions déposées sur le RPVA par la société S.A.S Havas Voyages le 23 décembre 2022, par le syndicat professionnel national des entreprises du voyage le RPVA le 01 juin 2022, et par Mme [D] [B] [V] le 09 novembre 2022.

- Sur la demande de rabat de clôture pour production de pièce.

L'article 784 du code de procédure civile dispose que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révêle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.

Mme [D] [B] épouse [V] expose que la cour d'appel de Rennes a rendu le 26 janvier 2023 un arrêt utile à la résolution du litige l'opposant à la société Havas Voyages et qu'elle souhaite donc apporter cette décision au dossier, et donc voir révoquer l'ordonnance de clôture.

Toutefois, il convient de constater que la décision dont il s'agit a été prononcée publiquement et qu'elle est donc aujourd'hui librement consultable, la cour pouvant en prendre connaissance si elle l'estime utile.

Dès lors, la demande de révocation de l'ordonnance de clôture ne révèle aucune cause grave au sens du texte rappelé plus haut ; elle sera donc rejetée.

- Au fond.

Une convention collective, si elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c'est à dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte.

L'article 22 de la convention collective nationale de travail du personnel des agences de voyages et de tourisme du 12 mars 1993 en sa rédaction issue de l'avenant du 10 décembre 2013 dispose que:

22.1. Au moment de son départ à la retraite, dans les conditions fixées à l'article précédent, le salarié recevra une indemnité de départ à la retraite en fonction de son ancienneté dans l'entreprise, telle que définie à l'article 31 de la présente convention collective.

22.2. L'indemnité de départ en retraite se calcule sur la base de 1/12 de la rémunération brute des 12 derniers mois précédant le départ en retraite ou, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, 1/3 des 3 derniers mois, étant entendu que, dans tous les cas, tous les éléments de rémunération confondus sont pris en compte, qu'ils soient réguliers ou non, obligatoires ou non.

22.3. En cas de départ à la retraite à la demande du salarié, le montant de cette indemnité est égal, par année d'ancienneté, à 15 % de sa rémunération telle que définie ci-dessus.

22.4. En cas de départ à la retraite à la demande de l'employeur, le montant de cette indemnité est égal, par année d'ancienneté, à 20 % de sa rémunération telle que définie ci-dessus pour les 10 premières années d'ancienneté et à 35 % pour les années suivantes.

22.5. En tout état de cause, ces indemnités ne pourront être inférieures à celles prescrites en cas de rupture du contrat de travail par la législation en vigueur et ne pourront donc pas être inférieures à l'indemnité légale de licenciement.

Mme [D] [B] épouse [V] expose que la SAS Havas Voyages lui a réglé, lors de son départ en retraite à sa demande, une indemnité calculée selon les dispositions du paragraphe 22.3 alors qu'aux termes du paragraphe 22.5, l'indemnité ne peut en réalité être inférieure à l'indemnité de licenciement visée par les dispositions du paragraphe 22.4, les termes 'ces indemnités ne pourront être inférieures' englobant nécessairement l'indemnité pour départ volontaire du paragraphe 22.3 ; que les dispositions de la convention collective sont particulièrement claires et ne souffrent d'aucune ambiguïté ;qu'en tout état de cause, il s'est crée dans l'entreprise un usage sur ce point, certains salariés ayant bénéficié de ce mode de calcul.

La SAS Havas Voyage soutient que c'est à tort que les premiers juges ont appliqué à l'indemnité de départ volontaire due à Mme [D] [B] épouse [V] le régime de l'indemnité prévue par les dispositions du paragraphe 22.4 de la convention collective ; que l'entreprise a toujours appliqué les dispositions du paragraphe 22.3 en cas de départ en retraite à la demande du salarié, et que s'il a été fait application pour quelques salariés des dispositions du paragraphe 22.4 en cas de départ volontaire, il s'agit d'erreurs ponctuelles et en très faible nombre, ces erreurs ne pouvant fonder un usage.

Le syndicat professionnel national des entreprises du voyage fait valoir que l'article 22 de la convention collective a été réecrit en 2013 pour permettre aux salariés partant en retraite sur décision de l'employeur de bénéficier d'une indemnité au moins égale à l'indemnité de licenciement prévue par le code du travail alors que précédemment ils ne percevaient qu'une indemnité de 15 % ; que cette modification n'a eu pour but que d'améliorer l'indemnisation des salariés partant en retraite sur décision de l'employeur, la situation des salariés partant à leur demande étant inchangée ; qu'en réalité, le membre de phrase 'ces indemnités' figurant dans le paragraphe 22.5 résulte d'une erreur de rédaction, et que la seule indemnité pouvant être versée à un salarié partant à sa demande est celle du paragraphe 22.3.

L'interprétation littérale issue des dispositions du paragraphe 22.5 soulève un problème de cohérence des dispositions discutées dans la mesure où, si l'on s'en tient au pluriel utilisé pour renvoyer 'aux indemnités', il convient dès lors de constater que le paragraphe 22.3 est sans objet puisque l'indemnité versée au salarié, quelque soit les raisons de son départ de l'entreprise, ne saurait être inférieur à l'indemnité de licenciement.

Il convient donc de rechercher l'existence d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, d'utiliser la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte.

Il ressort des dispositions de l'article D 1237-1 du code du travail que le taux de l'indemnité servie lors du départ volontaire en retraite du salarié prévue à l'article L. 1237-9 est au moins égal à :

1° Un demi-mois de salaire après dix ans d'ancienneté ;

2° Un mois de salaire après quinze ans d'ancienneté ;

3° Un mois et demi de salaire après vingt ans d'ancienneté ;

4° Deux mois de salaire après trente ans d'ancienneté ;

Il ressort par ailleurs des dispositions de l'article R 1234-2 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-1398 du 25 septembre 2017 que l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :

1° Un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans ;

2° Un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans ;

Antérieurement à la date dudit décret, ces montants étaient d'un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté auxquels s'ajoutaient deux quinzièmes de mois par année au delà de 10 années d'ancienneté, ce qui revient à 20 % de la rémunération par année d'ancienneté jusqu'à dix ans et à 33 % par année d'ancienneté au delà de 10 ans.

Dès lors, il apparaît que les dispositions conventionnelles en matière d'indemnité de départ en retraite sont comparables aux dispositions issues du code du travail.

Par ailleurs, l'article 22 de la convention collective était, antérieurement à l'avenant du 10 décembre 2013, ainsi rédigé:

' Au moment de son départ à la retraite..., le salarié recevra une indemnité de fin de carrière, fonction de son ancienneté...

Le montant de cette indemnité est égal par année d'ancienneté à 15 % du salaire effectif...

En tout état de cause, ces indemnités ne pourront être inférieures à celles prescrites en cas de rupture du contrat de travail par la legislation en vigueur' ;

Il ressort donc de ce texte que le taux de 15 % s'appliquait à l'indemnité pour départ volontaire et à l'indemnité de mise en retraite par l'employeur, celui-ci devant comparer dans le premier cas le montant de l'indemnité avec un montant issu des dispositions de l'article D 1237-1 du code du travail, et dans le second cas le montant de l'indemnité due avec le montant issu des dispositions de l'article R 1234- 2 du même code ; c'est dans ce sens qu'était employé le terme 'ces indemnités'.

Il ressort de la nouvelle rédaction de l'article 22 de la convention collective que les partenaires sociaux ont entendu clarifier les conditions d'octroi des deux indemnités en prévoyant expressément un mode de calcul pour l'indemnité pour départ volontaire et un autre mode de calcul pour l'indemnité de départ sur décision de l'employeur.

Il convient donc de constater que les termes 'ne pourront donc pas être inférieures à l'indemnité légale de licenciement' figurant à la fin du paragraphe 22.5 relèvent d'une maladresse de rédaction.

Il ressort par ailleurs des attestations établies par les responsables administratifs des entreprises 'Beachcomber Tours', 'Croisi-Europe', 'Karavel' et 'Verdie Voyages', qui relèvent de la même convention collective, que celles-ci versent à leurs salariés partant en retraite sur leur demande une indemnité calculée sur la base des dispositions du paragraphe 22.3, soit un taux de 15 %.

Dès lors, il convient d'interprêter les dispositions rappelées plus haut dans le sens que, lorsque le salarié prend sa retraite sur sa demande, les dispositions applicables au calcul de l'indemnité de départ sont celles définies par le paragraphe 22.3 de l'article 22 de la convention collective, sous réserve d'un minimum au moins égal au montant issu des dispositions de l'article D 1237-1 du code du travail.

Par ailleurs, Mme [D] [B] épouse [V] soutient que des salariés ont bénéficié, dans le cadre d'un départ volontaire, d'indemnités calculées sur la base des dispositions du paragraphe 22.4.

Toutefois, l'erreur n'est pas créatrice d'usage, et celui-ci doit d'une part présenter une constance, une fixité et une généralité suffisante, et d'autre part il doit résulter d'une volonté de l'employeur.

Toutefois, il ressort des pièces n°1 et 2 du dossier de Mme [D] [B] [V] que le responsable Paie et administration du personnel a indiqué par courriel du 13 avril 2018 à un salarié partant en retraite sur sa demande que son indemnité de départ serait calculée selon les modalités du paragraphe 22.4 ; que toutefois, par courrier du 1er octobre 2018, le directeur des ressources humaines de la société a informé le salarié concerné que les informations qui lui avaient été communiquées sur ce point étaient inexactes et que l'indemnité lui revenant serait calculées sur la base des dispositions du paragraphe 22.3.

Enfin, si Mme [D] [B] épouse [V] fait valoir que des salariés, exerçant dans la France entière, avaient lors de leur départ en retraite, sur la période de 2016 à 2018, bénéficié d'une indemnité calculée sur la base du paragraphe 22.4, le nombre très limité des salariés concernés ne permet pas d'établir une pratique constante, fixe et générale.

Dès lors, la demande sera rejetée, et la décision entreprise sera infirmée.

Mme [D] [B] épouse [V], qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la SAS Havas Voyage et du syndicat professionnel national des entreprises du voyage les frais irrépétibles qu'ils ont exposés ; les demandes sur ce point seront rejetées.

PAR CES MOTIFS:

La Cour, chambre sociale, statuant contradictoirement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

DÉBOUTE Mme [D] [B] épouse [V] de sa demande de rabat de l'ordonnance de clôture ;

INFIRME le jugement rendu le 22 janvier 2021 par le conseil de prud'hommes de Saint-Dié-des-Vosges ;

STATUANT A NOUVEAU ;

DEBOUTE Mme [D] [B] épouse [V] de ses demandes ;

CONDAMNE Mme [D] [B] épouse [V] aux dépens de première instance,

Y AJOUTANT

DEBOUTE Mme [D] [B] épouse [V] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE la société SAS HAVAS VOYAGE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [D] [B] [V] aux dépens d'appel.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en neuf pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 21/00414
Date de la décision : 01/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-01;21.00414 ?
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