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25/05/2023 | FRANCE | N°22/01539

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 25 mai 2023, 22/01539


ARRÊT N° /2023

PH



DU 25 MAI 2023



N° RG 22/01539 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FADW







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

21/00001

29 juin 2022











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANTE :



Madame [Y] [C]

[Adresse 4]

[Lo

calité 3]

Représentée par Me Fabrice GOSSIN de la SCP FABRICE GOSSIN ET ERIC HORBER, avocat au barreau de NANCY









INTIMÉE :



S.A.R.L. AMBULANCES ACL prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Vincent LOQUET de la SELARL F...

ARRÊT N° /2023

PH

DU 25 MAI 2023

N° RG 22/01539 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FADW

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

21/00001

29 juin 2022

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

Madame [Y] [C]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Fabrice GOSSIN de la SCP FABRICE GOSSIN ET ERIC HORBER, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :

S.A.R.L. AMBULANCES ACL prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Vincent LOQUET de la SELARL FILOR AVOCATS, substitué par Me SEGAUD , avocats au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Conseiller : STANEK Stéphane

Greffier lors des débats : RIVORY Laurène

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 02 mars 2023 tenue par Raphaël WEISSMANN, Président, et Stéphane STANEK conseiller, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en ont rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN, président, Dominique BRUNEAU, Stéphane STANEK, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 11 mai 2023, puis à cette date le délibéré a été prorogé au 25 mai 2023;

Le 25 mai 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Madame [Y] [C] a été engagée sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société S.A.R.L AMBULANCES ACL à compter du 16 septembre 2013, en qualité d'employée administrative-régulatrice.

La convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport s'applique au contrat de travail.

A compter du 18 novembre 2020, elle a été placée en arrêt de travail pour maladie, de façon ininterrompue.

Par décision du 02 décembre 2021 de la médecine du travail dans le cadre d'une visite de reprise, Madame [Y] [C] a été déclarée inapte à son poste de travail, avec pour précision qu'il y a une contre-indication médicale à tout poste de travail dans l'entreprise et que la salariée pourrait occuper un poste de travail en dehors de l'entreprise.

Par courrier du 27 décembre 2021, Madame [Y] [C] a été licenciée pour inaptitude avec impossibilité de reclassement.

Par requête initiale du 30 décembre 2020, Madame [Y] [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy, aux fins :

- de dire et juger qu'elle a été victime de harcèlement moral,

- initialement, de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur,

- suite à son licenciement pour inaptitude, de déclarer son licenciement nul,

- de condamner la société S.A.R..L AMBULANCES ACL à lui verser les sommes suivantes :

- 10 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 5 040,94 euros incluant les congés, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis correspondant à 2 mois de salaire, outre 504,09 euros de congés payés afférents,

- 30 000,00 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,

- 206,00 euros à titre de rappel de salaire de 151,67h à 152h,

- 9 482,10 euros à titre de rappel de salaire pour l'amplitude,

- 10 291,69 euros à titre de rappel de salaire au titre de la pause repas congés inclus,

- d'ordonner la remise des bulletins de salaire, attestation Pôle Emploi et certificat de travail sous astreinte de 500,00 euros par jour de retard, passé le délai de 10 jours suivant la notification du jugement à intervenir, le conseil se réservant la liquidation de l'astreinte,

- de condamner la société S.A.R.L AMBULANCES ACL à lui verser la somme de 3 000,00 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile, outre les frais et dépens,

- d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

A titre subsidiaire :

- de dire son licenciement abusif,

- de condamner la société S.A.R.L AMBULANCES ACL à lui verser les sommes suivantes :

- 10 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 5 040,94 euros incluant les congés, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis correspondant à 2 mois de salaire, outre 504,09 euros de congés payés afférents,

- 17 643,29 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif,

- 206,00 euros à titre de rappel de salaire de 151,67h à 152h,

- 9 482,10 euros à titre de rappel de salaire pour l'amplitude,

- 10 291,69 euros à titre de rappel de salaire au titre de la pause repas congés inclus.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 29 juin 2022, lequel a :

- dit et jugé que les demandes de Madame [Y] [C] sont recevables et fondées,

- débouté Madame [Y] [C] de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement pour inaptitude sur le fondement de faits de harcèlement moral,

- dit et jugé que le harcèlement moral évoqué par Madame [Y] [C] n'est pas caractérisé,

- dit et jugé que le licenciement pour inaptitude médicale de Madame [Y] [C] n'est pas abusif,

- débouté Madame [Y] [C] de l'ensemble de ses demandes pécuniaires puisque son licenciement n'est ni nul ni abusif,

- condamné la société S.A.R.L AMBULANCES ACL à verser à Madame [Y] [C] la somme de 206,00 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la durée mensuelle conventionnelle,

- ordonné la remise d'un solde de tout compte rectifié et d'un bulletin de paie reprenant la somme allouée, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette mesure d'une astreinte,

- débouté la société S.A.R.L AMBULANCES ACL de sa demande en paiement d'une somme de 3 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- débouté Madame [Y] [C] de sa demande en exécution provisoire de la présente décision,

- condamné chacune des parties à payer la somme de 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'appel formé par Madame [Y] [C] le 04 juillet 2022,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de Madame [Y] [C] déposées sur le RPVA le 10 janvier 2023, et celles de la société S.A.R.L AMBULANCES ACL déposées sur le RPVA le 05 janvier 2023,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 25 janvier 2023,

Madame [Y] [C] demande :

- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy du 29 juin 2022 en ses dispositions sauf en ce qu'il a accordé un rappel de salaire de 206,00 euros brut et accordé 500,00 euros à Madame [Y] [C] au visa de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau :

- de dire et juger qu'elle est bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,

- de déclarer irrecevables les attestations établies par les gérants de la société S.A.R.L AMBULANCES ACL,

- de dire et juger qu'elle a été victime de harcèlement moral,

- de dire et juger que la société S.A.R.L AMBULANCES ACL a manqué à son obligation de sécurité et de résultat,

- de dire et juger que la demande de résiliation judiciaire était justifiée,

A titre principal :

- de déclarer son licenciement nul,

- de condamner la société S.A.R.L AMBULANCES ACL à lui verser les sommes suivantes :

- 10 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 5 040,94 euros incluant les congés, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis correspondant à 2 mois de salaire,

- 504,09 euros au titre des congés payés afférents,

- 30 000,00 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,

- 9 482,10 euros à titre de rappel de salaire pour l'amplitude,

- 10 291,69 euros à titre de rappel de salaire au titre de la pause repas congés inclus,

A titre subsidiaire :

- de déclarer son licenciement abusif,

- de condamner la société S.A.R.L AMBULANCES ACL à lui verser les sommes suivantes :

- 10 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 5 040,94 euros incluant les congés, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis correspondant à 2 mois de salaire,

- 504,09 euros au titre des congés payés afférents,

- 17 643,29 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif,

- 9 482,10 euros à titre de rappel de salaire pour l'amplitude,

- 10 291,69 euros à titre de rappel de salaire au titre de la pause repas congés inclus,

- d'ordonner la remise des bulletins de salaire, attestation Pôle Emploi et certificat de travail sous astreinte de 500,00 euros par jour de retard, passé le délai de 10 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, la Cour se réservant la liquidation de l'astreinte,

- de condamner la société S.A.R.L AMBULANCES ACL à verser à Madame [Y] [C] la somme de 3 000,00 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile,

- de débouter la société S.A.R.L AMBULANCES ACL de ses demandes tant principales que subsidiaires.

La société S.A.R.L AMBULANCES ACL demande :

- de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy du 29 juin 2022 en ce qu'il a:

- débouté Madame [Y] [C] de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement pour inaptitude sur le fondement de faits de harcèlement moral,

- dit et jugé que le harcèlement moral évoqué par Madame [Y] [C] n'est pas caractérisé,

- dit et jugé que le licenciement pour inaptitude médicale de Madame [Y] [C] n'est pas abusif,

- débouté Madame [Y] [C] de l'ensemble de ses demandes pécuniaires puisque son licenciement n'est ni nul ni abusif,

- débouté Madame [Y] [C] de sa demande relative à une astreinte,

- débouté Madame [Y] [C] de sa demande en exécution provisoire de la présente décision,

- condamné Madame [Y] [C] à lui payer la somme de 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy du 29 juin 2022 en ce qu'il a :

- dit et jugé que les demandes de Madame [Y] [C] sont recevables et fondées,

- l'a condamnée à verser à Madame [Y] [C] la somme de 206,00 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la durée mensuelle conventionnelle,

- ordonné la remise d'un solde de tout compte rectifié et d'un bulletin de paie reprenant la somme allouée,

- l'a déboutée de sa demande en paiement d'une somme de 3 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- l'a condamnée à payer à Madame [Y] [C] la somme de 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- de débouter Madame [Y] [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- de condamner Madame [Y] [C] à lui payer la somme de 3 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral sur le fondement de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881,

- de condamner Madame [Y] [C] à lui verser la somme de 2 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de l'employeur le 05 janvier 2023, et en ce qui concerne la salariée le 10 janvier 2023.

Sur la demande de rappel de salaires

Mme [Y] [C] explique qu'en application des dispositions conventionnelles, son salaire aurait dû être arrondi à 152 heures, et qu'elle n'a été payée que sur la base de 151,67 heures.

La société AMBULANCES ACL explique que la définition du salaire de base donnée par l'article 11 de l'accord du 04 mai 2000 n'a pour d'autre objet que de déterminer le salaire mensuel professionnel garanti (SMPG) ; or le salaire de Mme [Y] [C] était supérieur au SMPG.

Motivation

Il ressort de la lecture des articles 11 et 12 de l'accord cadre du 04 mai 2000, produit en pièce 4 par la société AMBULANCES ACL, que le salaire de base défini à l'article 11, arrondi à 152 heures par mois, est indépendant de l'article 14 dont se prévaut l'employeur, et n'est pas arrondi pour déterminer la situation de telle rémunération par rapport au SMPG.

Dans ces conditions, le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de rappel, le quantum n'étant pas discuté à titre subsidiaire.

Sur la demande relative aux horaires de travail, amplitude et pause repas

Aux termes des dispositions de l'article L3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

En l'espèce, Mme [Y] [C] produit en pièces 3 à 7 la copie de ses plannings de travail de juin 2020 à octobre 2020.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre.

La société AMBULANCES ACL indique que Mme [Y] [C] était embauchée en qualité d'employée administrative-régulatrice et qu'elle ne faisait aucun transport. Elle rappelle les textes conventionnels applicables à son emploi.

L'employeur précise que ses horaires étaient fixes : de 08h00 à 16h00 du lundi au vendredi, avec une heure de pause déjeuner.

Il renvoie à sa pièce 32 « statistique d'exploitation » pour la période du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2020, indiquant par salarié, notamment le nombre de transports effectués ; figure dans cette liste le nom de Mme [Y] [C].

Cette pièce ne justifie pas des horaires de travail de l'appelante.

Cette pièce confirme que Mme [Y] [C] effectuait également des transports, ce qu'indique également l'employeur en page 15 de ses écritures « La régulation de journée et les transports occasionnels réalisés par Madame [C] avaient lieu durant ces horaires », outre ses factures de transport en annexe de sa pièce 32, sur lesquelles figure le nom de Mme [Y] [C].

L'employeur fait valoir que l'appelante a pris l'initiative durant l'été 2020 de tenir la ligne de régulation de nuit afin de permettre à Mme [G] de se reposer, et qu'elle effectuait de nombreuses tâches personnelles sur l'ordinateur de l'entreprise, pendant ses heures de travail.

La société AMBULANCES ACL affirme que Mme [Y] [C] prenait ses pauses repas, avec les gérants de l'entreprise, et que lorsqu'il y avait un appel téléphonique, ce sont eux qui le prenaient, sauf lorsque spontanément Mme [Y] [C] répondait à l'appel.

Au vu de ce qui précède, l'employeur ne justifie pas des horaires de travail de Mme [Y] [C] sur la période pour laquelle la salariée a présenté des éléments lui permettant de répondre à la demande, soit la période allant de juin 2020 à octobre 2020.

Compte tenu des éléments versés aux débats, il sera fait droit à la demande de rappel de salaire à hauteur de 1230 euros, les calculs développés par l'appelante dans ses conclusions n'étant pas critiquées à titre subsidiaire par l'employeur.

Sur le harcèlement

Aux termes des dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3, le salarié présente des faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [Y] [C] se plaint :

- d'un défaut de respect des délais relatifs aux plannings de travail, indiquant apprendre la veille au soir ses horaires de travail du lendemain

- de l'obligation d'assurer la permanence de régulation en semaine et le week-end en sus des heures de travail habituelles sans règlement en contrepartie

- le non-règlement des salaires, son salaire étant calculé sur une base de 151,67 heures, alors que l'article 1 de l' accord cadre du 04 mai 2000 prévoit l'arrondi à 152 heures ; elle renvoie à sa pièce 2

- l'absence de pause repas

- le non-respect de l'amplitude de travail

Elle renvoie sur ces points à ses pièces 3 à 7, 8 et 10

Mme [Y] [C] explique également que :

- M. [X], co-gérant, a multiplié les remarques déplacées à son endroit

- il l'a harcelée en jugeant sa rémunération trop élevée

- elle a été la seule à se voir imposer des congés payés lorsque le confinement a été ordonné

- son salaire a été versé à plusieurs reprises en deux fois, le solde ayant été versé plusieurs fois avec quinze jours de retard

- quand elle s'est plainte de cette situation, M. [X] s'est permis de l'appeler à son domicile à 20h30

- lorsqu'elle est tombée malade, le gérant a mis plus de deux semaines pour adresser l'attestation de salaire à la caisse primaire d'assurance maladie ; elle renvoie à ses pièces 14 à 16

- durant son arrêt, le gérant la dénigrait, ne supportant pas qu'elle soit arrêtée pour un syndrome anxiodépressif en rapport avec ses conditions de travail.

Elle renvoie à ses pièces 14 à 16.

Elle précise avoir bénéficié d'un suivi psychiatrique, et avoir pris des traitements ; elle renvoie à ses pièces 13 et 26.

Mme [Y] [C] souligne qu'en plus de son travail d'employée administrative-régulatrice, elle assurait le transport de patients ; elle renvoie à ses pièces 18 et 25.

Motivation

Les griefs relatifs aux rappels de salaire de base et pour heures travaillées sont matériellement établis, au vu des développements qui précèdent.

Par ses pièces 13 à 14, la salariée justifie d'avoir réclamé à la société AMBULANCES ACL le 03 décembre 2020 l'attestation employeur attendue par la CPAM pour le versement de ses indemnités journalières alors qu'elle se trouvait en arrêt maladie depuis le 18 novembre.

Ce point est matériellement établi.

Par ses pièces 29, elle justifie de paiements de salaire en retard entre avril 2018 et octobre 2020, d'une semaine en moyenne (7 jours), et pour certains mois le paiement en retard est intervenu en deux fois (par exemple pour novembre 2019, virement partiel le 05 décembre et solde viré le 06 décembre).

Ce point est matériellement établi.

Par sa pièce 13 elle justifie de rendez-vous au centre médico-psychologique en janvier, février, mars, avril et mai (sans précision de l'année).

Par ses pièces 26, elle justifie d'un suivi psychiatrique depuis le 27 avril 2021 pour un syndrome anxiodépressif , d'une hospitalisation de jour du 16 juin au 30 juillet 2021, et d'un suivi au CMP.

En pièce 31, elle produit une attestation du Docteur [H], psychiatre, en date du 26 octobre 2021, indiquant notamment : « (') Madame [C] (') rapporte un épuisement professionnels ('). Elle est en arrêt de travail depuis le 17/11/2020, du fait en partie d'un vécu dans l'entreprise anxiogène et dépressogène. (') l'évocation même de la reprise du travail dans cette entreprise réactive des angoisses qui pourraient être responsables d'une rechute. (...) »

L'avis d'inaptitude du 02 décembre 2021 (pièce 30 de la salariée) conclut : « Inapte au poste de travail antérieur : employée administrative-régulatrice. Contre-indications médicales : poste de travail dans l'entreprise. La salariée pourrait occuper un poste de travail en dehors de l'entreprise.»

Les autres reproches ne sont pas matériellement établis, soit par défaut de pièces, soit que les pièces visées à l'appui ne sont pas probantes.

Les éléments matériellement établis, outre les éléments médicaux, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral subi par la salariée de la part de l'employeur.

Sur le traitement de l'arrêt de travail, l'employeur justifie par sa pièce 8 avoir adressé à son cabinet comptable l'arrêt de travail dès réception, et que le cabinet a télé-transmis l'attestation employeur le 03 décembre 2020.

Le problème de transmission de cette pièce n'est donc pas constitutif d'un harcèlement ;

La société AMBULANCES ACL répond, s'agissant du paiement des salaires, qu'il s'agissait d'acomptes sollicités par la salariée.

Elle produit en pièces 37 des bulletins de paie de Mme [Y] [C] ; si certains indiquent des acomptes (octobre 2020, septembre 2020, août 2020) les autres n'en portent pas mention, le virement de la paie se faisant donc bien en deux fois, voire trois fois (paie de mars 2020 : virements le 03 avril, le 20 avril et le 22 avril).

En ce qui concerne le temps de travail, il résulte du développement précédent sur les horaires de travail, l'amplitude de travail et le respect des pauses repas que le grief est établi.

Le harcèlement moral reproché est dans ces conditions établi.

Compte tenu des éléments produits par Mme [Y] [C], il sera fait droit à sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 5 000 euros.

Les pièces produites aux débats, et notamment les éléments médicaux, établissent de manière suffisante le lien entre l'inaptitude qui a motivé le licenciement, et le harcèlement moral.

En conséquence le licenciement sera déclaré nul.

Mme [Y] [C] produit en pièce 37 une attestation de Pôle Emploi du 09 janvier 2023, justifiant qu'à cette date elle percevait l'aide au retour à l'emploi.

La société AMBULANCES ACL fait valoir que l'appelante ne se prévaut d'aucun préjudice particulier.

Compte tenu des éléments produits aux débats, il sera fait droit à sa demande à hauteur de 19 000 euros.

Sur la demande au titre du préavis

Mme [Y] [C] indique que son ancienneté étant de plus de deux ans, la durée du préavis est de deux mois.

La société AMBULANCES ACL ne conclut pas spécifiquement sur cette demande.

Motivation

A défaut de contestation de la prétention, étant rappelé qu'en cas de nullité du licenciement, le préavis est dû même si le salarié a été déclaré inapte, il sera fait droit à la demande.

Sur la demande relative aux documents de fin de contrat

Il sera fait droit à la demande, sauf en ce qui concerne l'astreinte, non justifiée à ce stade.

Sur la demande de dommages et intérêts fondée sur la loi du 29 juillet 1881

La société AMBULANCES ACL reproche à Mme [Y] [C] de produire des échanges contenant des insultes à caractère sexiste et discriminatoire à l'égard des deux gérants de l'entreprise ; elle estime que ces éléments sont étrangers à la cause, et que si la cour devait considérer qu'ils ne sont pas étrangers, qu'ils excèdent les besoins de sa défense.

Mme [Y] [C] fait valoir que son action n'est intentée que contre la société AMBULANCES ACL, et non contre les gérants ; elle souligne que les passages litigieux ne concernent pas la société seule partie à l'instance, et que l'intimée invoque le préjudice moral des deux gérants ; elle estime que si les deux gérants avaient entendus engager une action personnelle, il leur incombait d'agir en leur nom propre dans le délai prévu par l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881.

Motivation

La société AMBULANCES ACL forme sa demande en invoquant le préjudice moral de ses deux gérants, qui sont des personnes juridiques distinctes.

La société AMBULANCES ACL n'ayant pas qualité à agir, sa demande sera déclarée irrecevable.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Mme [Y] [C] ne demande pas dans le dispositif de ses conclusions l'infirmation du jugement quant à sa condamnation sur le fondement de l'article 700.

Succombant à l'instance, la société AMBULANCES ACL sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nancy le 29 juin 2022 en ce qu'il a

- condamné la société S.A.R.L AMBULANCES ACL à verser à Madame [Y] [C] la somme de 206,00 euros à titre de rappel de salaire sur la durée mensuelle conventionnelle,

- ordonné la remise d'un solde de tout compte rectifié et d'un bulletin de paie reprenant la somme allouée, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette mesure d'une astreinte,

- débouté Madame [Y] [C] de sa demande en exécution provisoire de la présente décision,

- condamné chacune des parties à payer la somme de 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Dit que la demande présentée par la société AMBULANCES ACL sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 est irrecevable ;

Condamne la société AMBULANCES ACL à payer à Mme [Y] [C]  1230 euros au titre des horaires de travail, amplitude et pause repas ;

Dit que le licenciement est nul ;

Condamne la société AMBULANCES ACL à payer à Mme [Y] [C] :

- 19 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul

- 5 040,94 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis correspondant à 2 mois de salaire,

- 504,09 euros de congés payés afférents ;

Condamne la société AMBULANCES ACL à payer à Mme [Y] [C] 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

Condamne la société AMBULANCES ACL à transmettre à Mme [Y] [C] les documents de fin de contrat rectifiés au vu du présent arrêt ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Y ajoutant,

Condamne la société AMBULANCES ACL à payer à Mme [Y] [C] 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société AMBULANCES ACL aux dépens.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en onze pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 22/01539
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;22.01539 ?
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