RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D'APPEL DE NANCY
Première Chambre Civile
ARRÊT N° /2023 DU 22 MAI 2023
- STATUANT SUR REQUÊTE EN DÉFÉRÉ -
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02904 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FDEK
Décision déférée à la Cour : ordonnance du Conseiller de la mise en état de la cour d'appel de NANCY, R.G.n° 21/01778, en date du 07 décembre 2022,
DEMANDEUR À LA REQUÊTE :
MINISTERE PUBLIC
[Adresse 1]
Représenté par Madame Béatrice BOSSARD, avocat général près la cour d'appel de NANCY
DÉFENDERESSE À LA REQUÊTE :
Madame [X] [Y] [G]
née le 18 septembre 1974 à [Localité 3] (GABON)
domiciliée [Adresse 2]
Représentée par Me Stéphanie MOUKHA de la SCP MOUKHA DECORNY, avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller, Président d'audience, chargé du rapport,
Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Corinne BOUC, Président de Chambre,
Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,
Madame Marie HIRIBARREN, Conseiller,
selon ordonnance de Monsieur le Premier Président du 15 Mars 2023
A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 22 Mai 2023, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 22 Mai 2023, par Madame Isabelle FOURNIER, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Madame BOUC, Président, et par Madame FOURNIER, Greffier ;
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte d'huissier remis à personne le 5 avril 2018, le ministère public a fait assigner Madame [X] [Y] [G], se disant née le 18 septembre 1974 à [Localité 3] (Gabon) devant le tribunal de grande instance de Nancy afin de dire que le certificat de nationalité française n°227/2002 délivré à l'intéressée le 4 juin 2002 par le greffier en chef du tribunal d'instance de Dijon l'a été à tort, de dire qu'elle n'est pas de nationalité française et d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil.
Par jugement contradictoire du 30 juin 2021, le tribunal judiciaire de Nancy a :
- constaté que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,
- déclaré l'action du ministère public recevable,
- débouté le ministère public de ses demandes,
- dit que Madame [X] [Y] [G], née le 18 septembre 1974 à [Localité 3] (Gabon), est française en application des dispositions des articles 18 du code civil et 17 du code de la nationalité,
- ordonné la mention prévue à l'article 28 du code civil,
- condamné l'État à verser à Madame [G] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé les dépens à la charge de l'État.
Le ministère public a interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance du 19 septembre 2022, l'ordonnance de clôture du 7 juin 2022 a été révoquée et l'affaire a été renvoyée à la mise en état afin que les parties présentent leurs observations sur la question de la recevabilité de l'appel interjeté par le ministère public compte-tenu du fait qu'il 'n'aurait pas été transmis par la voie électronique (via WinCi-CA) comme le prévoient les dispositions de l'article 930-1 alinéa 1 du code de procédure civile, mais aurait été interjeté par courrier'.
Par ordonnance d'incident contradictoire du 7 décembre 2022, le conseiller de la mise en état a :
- déclaré irrecevable l'appel interjeté par le ministère public contre le jugement rendu le 30 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Nancy selon déclaration faite sur support papier le 9 juillet 2021, enregistrée par le greffe de la cour d'appel dans le logiciel WinCi CA le 13 juillet 2021 comme en date du 12 juillet 2021,
- condamné l'État aux dépens de la procédure d'appel, y compris de l'incident,
- condamné l'État à payer à Madame [G] 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour statuer ainsi, le conseiller de la mise en état a relevé qu'aucun texte n'exonère le ministère public des obligations prévues à l'article 930-1 du code de procédure civile. Il a considéré que ni le fait que l'accès à ComCi-CA et à WinCi-CA n'ait pas été déployé auprès du parquet près le tribunal judiciaire de Nancy, ni le fait que le paramétrage mis en place pour l'accès du parquet général de Nancy à WinCi-CA ne lui permettrait pas de réaliser une déclaration d'appel dématérialisée, ne constituaient un obstacle technique irrésistible, dans la mesure où le ministère de la justice avait prévu les modalités adaptées permettant au ministère public d'interjeter appel par la voie électronique et qu'il n'était pas rapporté la preuve que leur absence de mise en 'uvre au sein des juridictions du ressort de la cour d'appel de Nancy relevait d'une impossibilité matérielle.
Le conseiller de la mise en état en a conclu que n'était pas caractérisée en l'espèce une cause étrangère au ministère public l'empêchant de remettre sa déclaration d'appel par la voie informatique et lui permettant de recourir aux modalités subsidiaires prévues à l'alinéa 2 de l'article 930-1 du code de procédure civile.
L'appel du ministère public ayant été interjeté sur support papier le 9 juillet 2021 alors qu'il aurait dû l'être par la voie électronique, le conseiller de la mise en état a constaté l'irrecevabilité de la déclaration d'appel.
Par requête reçue au greffe le 22 décembre 2022, le ministère public a déféré cette ordonnance d'incident à la cour et sollicite son infirmation.
Il soutient que le procureur de la République adjoint n'a pu interjeter appel, le 9 juillet 2021, que selon les modalités matérielles qui lui étaient ouvertes, qu'il ne pouvait exercer ce recours par voie électronique dans la mesure où le logiciel WinCi associé au RPVA ne lui était pas accessible sur cette fonctionnalité, comme en atteste la directrice des services judiciaires du tribunal judiciaire de Nancy. Il expose que la mise en 'uvre pratique des outils informatiques relève des attributions des services informatiques judiciaires locaux ou régionaux et en aucun cas du magistrat du ministère public dans ses fonctions juridictionnelles. Il ajoute que les magistrats ne sont pas habilités à modifier les applicatifs métiers installés dans la chaîne civile ou pénale des juridictions et que les droits nécessaires au paramétrage ne sont pas ouverts aux magistrats mais réservés aux techniciens informatiques. Il affirme que cet état de fait constitue une cause étrangère au ministère public, expliquant que le procureur de la République adjoint ait établi l'acte d'appel sur support papier, modalité matérielle subsidiaire.
Il ajoute que le procureur général ne pouvait pallier cette difficulté informatique, dans la mesure où le logiciel WinCi-CA n'offre pas la possibilité d'interjeter appel aux lieu et place du procureur de la République, comme le montrent les captures d'écran jointes à la requête.
Il relève que l'analyse du conseiller de la mise en état est empreinte de contradiction lorsqu'il exclut l'obstacle technique irrésistible pour l'appel du procureur de la République via WinCi TGI mais le retient de fait pour expliquer la mention inexacte sur le récépissé du greffe et son absence d'impact procédural.
Enfin, s'agissant du respect des formalités définies par l'article 930-1 alinéa 1er du code de procédure civile pour la transmission d'acte sur support papier, le ministère public fait valoir que la preuve du nombre d'exemplaires déposés est impossible à rapporter dans la mesure où le greffe civil n'a pas apposé sur les exemplaires de la déclaration d'appel de tampon permettant de numéroter et de dater les exemplaires reçus.
Par ordonnance du 5 janvier 2023, l'affaire a été déférée devant la cour à l'audience du 20 mars 2023.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 17 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [G] demande à la cour, au visa de l'article 930-1 du code de procédure civile, de :
- confirmer l'ordonnance d'incident rendue par le conseiller de la mise en état le 7 décembre 2022 en ce qu'elle a :
* déclaré irrecevable l'appel interjeté par le ministère public contre le jugement rendu le 30 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Nancy selon déclaration faite sur support papier le 9 juillet 2021, enregistrée par le greffe de la cour d'appel dans le logiciel WinCi CA le 13 juillet 2021 comme en date du 12 juillet 2021,
* condamné l'État aux dépens de la procédure d'appel, y compris de l'incident,
* condamné l'État à lui payer 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
En tout état de cause,
- débouter Monsieur le procureur près la cour d'appel de Nancy de l'ensemble de ses demandes,
Y ajoutant,
- condamner l'État à lui verser une indemnité de 1500 euros au titre des frais irrépétibles de cette procédure par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'État aux dépens de cette procédure.
Madame [G] soutient que le ministère public ne caractérise aucune cause étrangère au sens des dispositions de l'article 930-1 du code de procédure civile. Elle fait valoir qu'il lui appartenait de mettre en 'uvre ou faire mettre en 'uvre les moyens techniques définis par le ministère de la justice, dès lors que dans le ressort d'autres cours d'appel, la déclaration d'appel du ministère public est adressée par la voie électronique.
Elle ajoute qu'à supposer que le ministère public justifie d'une cause étrangère au sens de l'alinéa 2 de l'article 930-1 du code de procédure civile, il n'a aucunement respecté le formalisme des dispositions précitées. Elle rétorque que, s'il prétend que la preuve est impossible à rapporter dans la mesure où le greffe civil n'a pas apposé sur les exemplaires de la déclaration d'appel de tampon permettant de numéroter et dater les exemplaires reçus, la déclaration d'appel et donc son formalisme interviennent sous la responsabilité de son auteur. Elle souligne que le ministère public ne justifie pas avoir respecté le formalisme de l'article 930-1 du code de procédure civile, en produisant par exemple le courrier d'accompagnement destiné au greffier de la cour qui mentionnerait que la déclaration d'appel est remise ou adressée au greffe en autant d'exemplaires qu'il y a de parties destinataires, plus deux.
Elle fait valoir en outre qu'une cour d'appel n'a pas à connaître, à l'occasion d'un déféré, d'une question qui n'a pas été formulée dans les conclusions examinées par le conseiller de la mise en état.
L'affaire a été plaidée à l'audience du 20 mars 2023 et mise en délibéré au 22 mai 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
SUR LES DEMANDES PRINCIPALES
L'article 930-1 du code de procédure civile dispose : 'À peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique.
Lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, il est établi sur support papier et remis au greffe ou lui est adressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. En ce cas, la déclaration d'appel est remise ou adressée au greffe en autant d'exemplaires qu'il y a de parties destinataires, plus deux. La remise est constatée par la mention de sa date et le visa du greffier sur chaque exemplaire, dont l'un est immédiatement restitué.
Lorsque la déclaration d'appel est faite par voie postale, le greffe enregistre l'acte à la date figurant sur le cachet du bureau d'émission et adresse à l'appelant un récépissé par tout moyen.
Les avis, avertissements ou convocations sont remis aux avocats des parties par voie électronique, sauf impossibilité pour cause étrangère à l'expéditeur.
Un arrêté du garde des sceaux définit les modalités des échanges par voie électronique'.
La circulaire JUSC1243674C du 3 janvier 2013 relative à la présentation du décret n° 2012-1515 du 28 décembre 2012 rappelle que, à compter du 1er janvier 2013, le ministère public est tenu, dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d'appel, de remettre ses actes par la voie électronique.
L'arrêté JUST2002909A du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel prévoit en son article 5, alinéa 2, que 'Les envois et remises au greffe de la cour d'appel des déclarations d'appel et des conclusions du ministère public sont effectués par la voie électronique au moyen d'un message électronique acheminé au sein du réseau privé virtuel justice depuis la boîte électronique dédiée du ministère public, pour les parquets près les tribunaux judiciaires du type « [Courriel 4] » et pour les parquets généraux « [Courriel 5] ».'
Cet arrêté précise à son chapitre II 'Du système de communication électronique mis à disposition des juridictions et du ministère public' les modalités d'accès des agents du ministère de la justice au système de messagerie automatisé ComCi CA, composante de l'application informatique de la chaîne civile WinCi CA.
Il résulte de ce qui précède que l'appel du ministère public doit être interjeté par la voie électronique.
Or, en l'espèce, il l'a été sur support papier, ce qui n'est autorisé en vertu de l'article 930-1 du code de procédure civile que 'Lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit'.
Le fait que l'accès à ComCi-CA et à WinCi-CA n'ait pas été déployé auprès du parquet près le tribunal judiciaire de Nancy, d'une part, et le fait que le paramétrage mis en place pour l'accès du parquet général de Nancy à WinCi-CA ne lui permettrait pas de réaliser une déclaration d'appel dématérialisée, d'autre part, ne peuvent pas être considérés comme 'une cause étrangère' au ministère public l'empêchant de transmettre sa déclaration d'appel par voie électronique. Il est en effet rappelé que cette obligation existe depuis le 1er janvier 2013. Il appartenait dès lors au ministère public, constatant cette difficulté technique, de saisir les services informatiques compétents afin qu'il y soit remédié. Force est de constater qu'il n'est produit aucune pièce démontrant que le ministère public a dénoncé cette difficulté dans les mois ayant suivi l'instauration de l'obligation d'une transmission des actes par voie électronique. Il n'est pas davantage produit de pièces prouvant que le ministère public aurait déclaré cette difficulté technique aux services informatiques dans la présente procédure, avant de transmettre sa déclaration d'appel sur support papier.
Le conseiller de la mise en état a donc exactement considéré qu'il n'était pas prouvé que l'absence de mise en 'uvre des modalités adaptées permettant au ministère public d'interjeter appel par la voie électronique au sein des juridictions du ressort de la cour d'appel de Nancy relevait d'une impossibilité matérielle. Par conséquent, il n'est pas caractérisé une cause étrangère au ministère public l'empêchant de remettre sa déclaration d'appel par la voie informatique et lui permettant de recourir aux modalités subsidiaires prévues à l'alinéa 2 de l'article 930-1 du code de procédure civile.
L'appel du ministère public ayant été interjeté sur support papier alors qu'il aurait dû l'être par la voie électronique, la déclaration d'appel est irrecevable. Il sera donc dit n'y avoir lieu à déféré.
SUR LES DÉPENS ET L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE
L'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a condamné l'État aux dépens de la procédure d'appel, y compris de l'incident, ainsi qu'à payer à Madame [G] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Y ajoutant, l'État sera condamné aux dépens de la procédure de déféré et à payer à Madame [G] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe,
Dit n'y avoir lieu à déféré concernant l'ordonnance d'incident rendue par le conseiller de la mise en état le 7 décembre 2022 ;
Y ajoutant,
Condamne l'État à payer à Madame [X] [Y] [G] la somme de 1000 euros (MILLE EUROS) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne l'État aux dépens de la procédure de déféré.
Le présent arrêt a été signé par Madame BOUC, Présidente de chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame FOURNIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Signé : I. FOURNIER.- Signé : C. BOUC.-
Minute en sept pages.