ARRÊT N° /2023
PH
DU 11 MAI 2023
N° RG 22/01231 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E7OG
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERDUN
F 21/00023
28 mars 2022
COUR D'APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2
APPELANTE :
S.A.R.L. SOLOTRA NORD EST pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Eric ANDRES de la SELARL ANDRES & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
INTIMÉ :
Monsieur [X] [F]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Monsieur [G], défenseur syndical régulièrement muni d'un pouvoir de représentation
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats et du délibéré,
Président : WEISSMANN Raphaël,
Conseiller : STANEK Stéphane
Greffier lors des débats : RIVORY Laurène
Lors du délibéré,
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 02 mars 2023 tenue par Raphaël WEISSMANN, Président, et Stéphane STANEK conseiller, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en ont rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN, président, Dominique BRUNEAU, Stéphane STANEK, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 11 mai 2023;
Le 11 mai 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES.
M. [X] [F] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société Sarl SOLOTRA à compter du 01 mai 1993, en qualité de conducteur routier affecté à l'agence de [Localité 4] (55) ; le contrat a été transféré à la Sarl SOLOTRA Nord Est à compter du 1er juillet 2015.
La convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport de marchandises s'applique au contrat de travail.
A compter du 04 juillet 2020, le salarié a été placé en arrêt de travail pour maladie, de manière ininterrompue.
A la suite, par courrier du 30 mars 2021, M. [X] [F] a démissionné de son poste de travail.
Par requête du 07 mai 2021, M. [X] [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Verdun, aux fins :
- de voir condamner la société Sarl SOLOTRA Nord Est à lui verser les sommes suivantes avec intérêts au taux légal :
- 2 242,39 euros de rappel de salaires indûment retenus sur 2006,
- 909,18 euros au titre de la retenue des frais de 2006
- 6 000,00 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier,
- 232,96 euros de rappel des salaires au titre des 01 mai 2018, 01 mai 2019 et 01 mai 2020 outre 23,29 euros de congés payés afférents,
- 1 000,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,
- d'ordonner la rectification des documents relatifs à la rupture contractuelle, avec une astreinte de 50,00 euros par jour de retard,
Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Verdun rendu le 28 mars 2022 qui a:
- condamné la société Sarl SOLOTRA Nord Est à payer à M. [X] [F] les sommes de:
- 2 242,39 euros au titre de la retenue sur salaires de 2006,
- 909,18 euros au titre de la retenue des frais de 2006,
- 200,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté M. [X] [F] de ses autres demandes,
- débouté la société Sarl SOLOTRA Nord Est de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la société Sarl SOLOTRA Nord Est aux entiers dépens.
Vu l'appel formé par la société Sarl SOLOTRA Nord Est le 25 mai 2022,
Vu l'appel incident formé par M. [X] [F] le 25 octobre 2022,
Vu l'article 455 du code de procédure civile,
Vu les conclusions de la société Sarl SOLOTRA Nord Est déposées sur le RPVA le 04 janvier 2023, et celles de M. [X] [F] reçues au greffe de la chambre sociale le 25 octobre 2022,
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 25 janvier 2023,
La société Sarl SOLOTRA Nord Est demande à la cour:
- d'infirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Verdun le 28 mars 2022 en ce qu'il a :
- condamné la société Sarl SOLOTRA Nord Est à payer à M. [X] [F] les sommes suivantes :
- 2 242,39 euros au titre de la retenue sur salaires de 2006,
- 909,18 euros au titre de la retenue des frais de 2006,
- 200,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la société Sarl SOLOTRA Nord Est de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la société Sarl SOLOTRA Nord Est aux entiers dépens.
- de confirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Verdun le 28 mars 2022 en ce qu'il a :
- débouté M. [X] [F] de ses demandes de condamnation de la société Sarl SOLOTRA Nord Est au paiement des sommes de:
- 6 000,00 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier,
- 232,96 euros de rappel des salaires au titre des 01 mai 2018, 01 mai 2019 et 01 mai 2020 outre 23,29 euros de congés payés afférents,
- 1 000,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,
*
Statuant à nouveau,
- de déclarer prescrite la demande de règlement de salaire du 1er mai 2018 et congés payés afférents,
*
En tout état de cause et sur l'appel incident et les autres demandes :
- de débouter M. [X] [F] de ses demandes de condamnation de la société Sarl SOLOTRA Nord Est aux sommes de :
- 6 000,00 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier,
- 2 242,39 euros à titre de rappel de salaires indûment retenus,
- 909,18 euros au titre des frais indûment retenus,
- 209,40 euros à titre de rappel des salaires des 01 mai 2018, 01 mai 2019 et 01 mai 2020
- 20,94 euros de congés payés afférents,
- 1 000,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
- de débouter M. [X] [F] de ses demandes de condamnation de la société Sarl SOLOTRA Nord Est à la rectification du certificat de travail et attestation Pôle Emploi avec précision de la date d'entrée dans l'entreprise,
- de le condamner à lui payer la somme de 430,11 euros outre intérêts de droit au taux légal à compter du 15 avril 2021,
- de le condamner à lui payer à la société Sarl SOLOTRA Nord Est la somme de 1 500,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner M. [X] [F] aux entiers dépens de la présente instance.
M. [X] [F] demande à la cour:
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Sarl SOLOTRA Nord Est à lui payer les sommes de:
- 2 242,39 euros au titre de la retenue sur salaires de 2006,
- 909,18 euros au titre de la retenue des frais de 2006,
- d'infirmer le jugement déféré pour le surplus,
*
Statuant à nouveau :
- de condamner la société Sarl SOLOTRA Nord Est à verser à M. [X] [F] les sommes suivantes :
- 209,40 euros à titre de rappel des salaires des 01 mai 2018, 01 mai 2019 et 01 mai 2020
- 20,94 euros de congés payés afférents,
- 6 000,00 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier,
- 1 000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance,
- d'ordonner la rectification des documents relatifs à la rupture contractuelle, avec une astreinte de 50,00 euros par jour de retard,
- de condamner la société Sarl SOLOTRA Nord Est à verser à M. [X] [F] la somme de 1 000,00 en application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,
- de condamner la société Sarl SOLOTRA Nord Est aux dépens, y compris ceux liés à l'exécution de l'arrêt à venir.
SUR CE, LA COUR ;
La cour renvoie expressément pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions déposées sur le RPVA par la société Sarl SOLOTRA Nord Est le 04 janvier 2023, et aux conclusions de M. [X] [F] reçues au greffe de la chambre sociale le 25 octobre 2022.
- Sur la recevabilité et le bien fondé de la demande de remboursement au titre de la retenue sur les salaires et frais de 2006.
M. [X] [F] expose que lors de l'établissement du solde de tout compte, la société Sarl SOLOTRA a retenu les sommes de 2242,39 euros et de 909,18 euros au titre d'un 'décalage de paie' pour le mois d'octobre 2006 ; que toutefois d'une part la société ne justifie pas le bien fondé de la créance qu'elle allègue, et que d'autre part cette créance est prescrite ; qu'en tout état de cause, ces sommes constituent des avances qui ne peuvent être prélevées par l'employeur que dans le cadre des dispositions de l'article L 3251-3 du code du travail.
La Sarl SOLOTRA Nord Est soutient d'une part que les sommes dont il s'agit correspondent à une somme dont le salarié a bénéficié lors de la suppression d'un décalage de rémunération dû au délai nécessaire pour décompter exactement le nombre d'heures de travail effectuées et des frais exposés, et que d'autre part la prescription n'est pas intervenue en ce que ce 'décalage' s'est poursuivi de mois en mois depuis octobre 2006.
Il ressort des éléments du dossier et notamment des bulletins de salaire de M. [X] [F] pour le dernier trimestre 2006 que jusqu'en octobre 2006, la rémunération mensuelle était calculée sur le mois N-1, notamment quant aux frais remboursés au salarié, et que le salaire était payé le 13 du mois suivant ; qu'à partir de novembre 2006, le paiement du salaire est intervenu le 1er du mois suivant et calculé sur la base du mois N-2 ;
En conséquence, ce changement de mode de paiement du salaire a abouti à créer une avance de rémunération au profit du salarié.
Au regard des bulletins de paie apportés au dossier, cette avance s'établit à la somme de 1121,95 euros au titre de la retenue sur salaire et de 454,59 euros au titre de la retenue sur frais.
S'agissant de la prescription, les sommes dont il s'agit se sont successivement imputées sur les rémunérations perçues par M. [X] [F] depuis novembre 2006 jusqu'à la rupture du contrat de travail soit le 30 mars 2021 ; que c'est donc à cette date que la prescription a commencé à courir ; que M. [X] [F] a engagé son action en paiement le 7 mai 2021 de telle façon que cette demande a été présentée dans le délai prévu par les dispositions de l'article L 3245-1 du code du travail.
Enfin, il convient de constater que les sommes dont il s'agit ne constituent pas une avance sur rémunération mais sont la conséquence d'une modification des modalités de paiement du salaire qui ne relèvent pas des dispositions de l'article L 3251-3 du code du travail ; qu'au surplus, les modalités de retenue des avances prévues par ce texte, qui précise que ladite retenue ne peut excéder le dixième du montant des salaires exigibles, ne peut s'appliquer que dans le cadre de l'exécution du contrat de travail et non après la rupture des relations contractuelles.
La décision entreprise sera donc réformée sur ce point.
- Sur la recevabilité et le bien-fondé de la demande d'indemnisation concernant les 1er mai 2018, 1er mai 2019 et 1er mai 2020 et les congés payés afférents.
M. [X] [F] expose qu'il n'a pas été rémunéré pour les journées des 1er mai 2018, 1er mai 2019 et 1er mai 2020 alors qu'il ne peut être légalement privé de salaire pour ces journées.
La Sarl SOLOTRA Nord Est soutient d'une part que la demande est prescrite pour le 1er mai 2018, que d'autre part la journée du premier mai ne fait pas partie des jours fériés payés prévus par la convention collective applicable, et qu'en tout état de cause la rémunération des salariés de la société est mensualisée de telle façon que M. [X] [F] ne justifie pas avoir vu sa rémunération réduite au titre du premier mai.
S'agissant de la prescription, il convient de constater que M. [X] [F] ne pouvait avoir connaissance des conditions de rémunérations de la journée du 1er mai 2018 qu'à la réception de son bulletin de salaire pour la période du mois de mai 2018 soit au plus tôt le 1er juin suivant ; que le conseil de prud'hommes a été saisi de cette demande le 7 mai 2021 ; qu'en conséquence celle-ci a été présentée dans le délai prévu par les dispositions de l'article L 3245-1 du code du travail.
Il ressort des articles L 3133-4 et L 3133-5 du code du travail que le 1er mai est un jour férié et chômé et que le chômage du 1er mai ne peut être une cause de réduction de salaire.
Il ressort des bulletins de salaire de M. [X] [F] qu'aucune réduction de salaire n'a été opérée par l'employeur au titre de la journée du 1er mai ; dès lors, la demande sera rejetée et la décision entreprise sera confirmée sur ce point.
- Sur la demande au titre du harcèlement moral.
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;
L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait qui permettent de laisser supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
M. [X] [F] expose qu'il a été soumis à des faits de harcèlement moral en ce que d'une part il a fait l'objet de la part de son employeur de propos dégradants et humiliants ainsi que de propos dénigrant adressés par la Sarl SOLOTRA Nord Est auprès de son nouvel employeur, et d'autre part que la société lui a retenu des sommes indues.
Toutefois, il convient de constater que M. [X] [F] n'apporte aucun élément concernant les propos dégradants et humiliants ainsi que de propos dénigrant adressés par la Sarl SOLOTRA Nord Est auprès de son nouvel employeur.
Par ailleurs, il convient de constater que le désaccord concernant le paiement de salaire est intervenu après la rupture du contrat de travail, et qu'en tout état de cause il ne constitue pas des 'actes répétés' tels que définis par les textes rappelés plus haut.
La demande sera donc rejetée et la décision entreprise sera confirmée sur ce point.
La Sarl SOLOTRA Nord Est qui succombe partiellement supportera les dépens d'appel.
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M. [X] [F] l'intégralité des frais irrépétibles qu'il a supportés ; il sera fait droit à cette demande à hauteur de 1000 euros.
PAR CES MOTIFS:
La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
INFIRME le jugement rendu le 28 mars 2022 par le conseil de prud'hommes de Verdun en ce qu'il a condamné la Sarl SOLOTRA Nord Est à payer à M. [X] [F] les sommes de:
- 2 242,39 euros au titre de la retenue sur salaires de 2006,
- 909,18 euros au titre de la retenue des frais de 2006,
STATUANT A NOUVEAU sur ce point ;
CONDAMNE la Sarl SOLOTRA Nord Est à payer à M. [X] [F] les sommes de:
- 1121,95 euros au titre de la retenue sur salaire ;
- 454,59 euros au titre de la retenue sur frais.
CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus ;
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes ;
Y ajoutant:
CONDAMNE la Sarl SOLOTRA Nord Est aux dépens d'appel ;
LA CONDAMNE à payer à M. [X] [F]une somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Et signé par Monsieur Raphaël Weissmann, Président de Chambre et par Madame Laurène Rivory, Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Minute en sept pages