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09/05/2023 | FRANCE | N°22/00894

France | France, Cour d'appel de Nancy, 1ère chambre, 09 mai 2023, 22/00894


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D'APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile



ARRÊT N° /2023 DU 09 MAI 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00894 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E6V5



Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de BAR LE DUC,

R.G.n° 21/00101, en date du 17 mars 2022,



APPELANTE :

UNION DEPARTEMENTALE DES ASSOCIATIONS FAMILIALES DE LA MEUSE (UDAF DE LA MEUSE), prise

en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 3]

Représentée par Me Xavier LIGNOT de la SCP CABINET LIGNOT, a...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D'APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2023 DU 09 MAI 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00894 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E6V5

Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de BAR LE DUC,

R.G.n° 21/00101, en date du 17 mars 2022,

APPELANTE :

UNION DEPARTEMENTALE DES ASSOCIATIONS FAMILIALES DE LA MEUSE (UDAF DE LA MEUSE), prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 3]

Représentée par Me Xavier LIGNOT de la SCP CABINET LIGNOT, avocat au barreau de la MEUSE

INTIMÉ :

Monsieur [S] [J]

né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 5]

domicilié [Adresse 2]

Représenté par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Mélina BUQUANT, Conseiller, Présidente d'audience, chargée du rapport, et Madame Claude OLIVIER-VALLET, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Guerric HENON, Président de Chambre,

Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,

Madame Claude OLIVIER-VALLET, Magistrat honoraire,

selon ordonnance de Monsieur le Premier Président du 12 janvier 2023

A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 09 Mai 2023, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 09 Mai 2023, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Monsieur HENON, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [S] [J] a occupé à compter de l'année 2016 la fonction de trésorier au sein de l'Union départementale des associations familiales de la Meuse (ci-après, l'Udaf de la Meuse). Par décision du conseil d'administration du 15 mars 2018, il a été révoqué de cette fonction.

Le 21 mars 2018, il a procédé au paiement, depuis un compte bancaire de l'association, de cinq factures pour un montant total de 10760,85 euros au profit de deux cabinets d'avocats et d'une étude d'huissier de justice. Par courrier du 26 mars 2018, l'Udaf de la Meuse lui a demandé le remboursement de ces paiements, effectués après la décision de révocation.

Par acte en date du 1er mars 2021, l'Udaf de la Meuse a fait assigner Monsieur [J] aux fins d'indemnisation de son préjudice, devant le tribunal judiciaire de Bar-le-Duc.

Par jugement contradictoire du 17 mars 2022, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire de Bar-le-Duc a :

- déclaré l'Udaf de la Meuse recevable en ses demandes,

- rejeté la demande de condamnation de Monsieur [J] à payer la somme de 10760,85 euros au titre de la responsabilité civile contractuelle ou délictuelle,

- rejeté la demande d'indemnité formulée par l'Udaf de la Meuse au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné l'Udaf de la Meuse à verser à Monsieur [J] une somme de 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné l'Udaf de la Meuse aux dépens de l'instance.

Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé que Monsieur [J] n'avait pas soulevé devant le juge de la mise en état la fin de non-recevoir invoquée et qu'en conséquence, les demandes de l'Udaf de la Meuse devaient être déclarées recevables.

Il a considéré que faute de démontrer une illégalité manifeste ou de produire une décision de justice remettant en cause la décision de révocation du 15 mars 2018, tous les actes commis par Monsieur [J] postérieurement à cette date étaient des actes commis hors mandat ; qu'ainsi, la responsabilité civile susceptible d'être retenue à son encontre était d'ordre délictuel.

Les premiers juges ont estimé que le comportement fautif de Monsieur [J] au sens de l'article 1240 du code civil était caractérisé par le fait d'avoir procédé au paiement de cinq factures le 22 mars 2018 alors que la décision de révocation de son mandat lui avait déjà été notifiée d'une part, tout en sachant que le directeur contestait leur règlement, d'autre part. Le tribunal a précisé que le défaut de modification de la délégation de signature après la révocation n'était pas de nature à éluder le comportement fautif de Monsieur [J].

La responsabilité délictuelle de ce dernier n'a cependant pas été retenue, le tribunal considérant que l'Udaf de la Meuse ne démontrait pas avoir subi un préjudice personnel et certain consécutivement au paiement de ces factures, les trois factures réglées à l'étude d'huissier étant dues et aucun préjudice n'étant démontré pour le paiement des deux factures d'avocat, l'ordonnance du Premier Président de la cour d'appel de Lyon retenant que les honoraires réclamés pour l'une d'elles étaient dus. En conséquence, la demande de l'Udaf de la Meuse a été rejetée.

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 13 avril 2022, l'UDAF de la Meuse a relevé appel de ce jugement.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 9 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, l'Udaf de la Meuse demande à la cour, au visa des articles 1240 et suivants du code civil, 1991 et suivants du code civil, 496 et suivants du code de procédure civile, 696 et suivants du code de procédure civile, de :

- déclarer son appel recevable rappelant qu'il porte sur les dispositions suivantes de la décision contestée objet du recours en date du 17 mars 2022 :

'Déclare l'Udaf de la Meuse recevable en ses demandes,

Rejette la demande de condamnation de Monsieur [J] à payer la somme de 10760,85 euros au titre de la responsabilité civile contractuelle ou délictuelle,

Rejette la demande d'indemnité formulée par l'Udaf de la Meuse au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne l'Udaf de la Meuse à verser à Monsieur [J] une somme de 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne l'Udaf de la Meuse aux dépens de l'instance,

Rappelle que l'exécution provisoire est de droit.''

- infirmer en totalité la décision du 17 mars 2022 délivrée par le tribunal judiciaire de Bar-le-Duc,

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

- condamner Monsieur [J] à lui verser la somme de 10760,85 euros au titre de sa responsabilité civile délictuelle avec intérêt au taux légal courant à compter du 28 mars 2018, date de réception de la mise en demeure,

- condamner Monsieur [J] à lui verser la somme de 7000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [J] aux entiers dépens de première instance et d'appel,

- rejeter toute autre demande,

A titre subsidiaire,

- condamner Monsieur [J] à lui verser la somme de 10760,85 euros au titre de sa responsabilité civile contractuelle avec intérêt au taux légal courant à compter du 28 mars 2018, date de réception de la mise en demeure,

- condamner Monsieur [J] à lui verser la somme de 7000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [J] aux entiers dépens de première instance et d'appel,

- rejeter toute autre demande.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 23 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [J] demande à la cour de :

- déclarer recevable mais mal fondé l'appel interjeté par l'Udaf de la Meuse,

- le rejeter,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 17 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Bar-le-Duc,

Y ajoutant,

- débouter l'Udaf de la Meuse de l'ensemble de ses demandes,

- condamner l'Udaf de la Meuse à lui verser la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'Udaf de la Meuse aux entiers dépens d'appel.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 7 février 2023.

L'audience de plaidoirie a été fixée le 27 février 2023 et le délibéré au 9 mai 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les dernières conclusions déposées par l'Udaf de la Meuse le 9 décembre 2022 et par Monsieur [S] [J] le 23 janvier 2023 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 7 février 2023 ;

* Sur la responsabilité délictuelle de Monsieur [S] [J]

Vu l'article 1240 du code civil, qui impose à chacun de répondre des conséquences dommages causées par son fait,

Il ressort des éléments de la procédure qu'il régnait au sein de l'Udaf de la Meuse une ambiance particulièrement délétère entre la direction et la présidence, d'une part, et également, d'autre part, entre les administrateurs, laquelle été à l'origine de la convocation d'un conseil d'administration tenu le 15 mars 2018, à l'occasion duquel la présidente, les deux vice-présidentes et le trésorier, Monsieur [S] [J], ont été révoqués de leurs mandats.

Alors qu'il avait eu connaissance de sa révocation de ses fonctions de trésorier et qu'il ne conteste pas qu'il n'était pas dans les habitudes que le trésorier effectue des paiements pour le compte de l'association - l'importance de la structure justifiant l'existence d'un service de comptabilité effectuant à l'exclusion de tout autre des paiements dus -, Monsieur [S] [J] a procédé le 21 mars 2018 au règlement de cinq factures à la demande de la présidente révoquée qui lui avait demandé d'y procéder en lui expliquant que le directeur s'opposait à la prise en charge de celles-ci et refusait de les transmettre au service administratif concerné pour procéder à leur paiement.

Le mandat de Monsieur [S] [J] ayant été révoqué par une décision dont la régularité n'a pas été judiciairement contestée, il engage sa responsabilité délictuelle vis-à-vis de l'association.

Monsieur [S] [J], qui allègue de sa bonne foi - alors même que cette notion renvoie à la responsabilité contractuelle -, explique avoir pensé que la décision ordonnant sa révocation n'était pas régulière et qu'il pouvait donc procéder aux paiements sollicités. Il sera néanmoins observé que cette décision n'a jamais fait l'objet de la moindre contestation judiciaire, alors même que l'intimé admet qu'il était entouré à l'époque des conseils d'un avocat qui lui a nécessairement expliqué que l'engagement d'une action était indispensable.

En outre, il savait que le directeur contestait l'imputation desdites factures, comme il l'a reconnu lors de son audition au commissariat du [Localité 4] (procès-verbal 2018/00876/15 de la procédure du commissariat de police de [Localité 4] - pièce 8 appelante) .

Enfin, le courrier du commissaire aux comptes de l'association adressé au Procureur de la République de Bar-le-Duc le 16 mai 2018 (dernière page de la pièce 8 de l'appelante) établit qu'il a procédé aux paiements non depuis un compte collectant les ressources propres de l'association, mais un compte affecté aux mesures judiciaires d'assistance à la gestion du budget familial, sur lequel les fonds placés étaient ceux des familles bénéficiaires des prestations sociales dont l'Udaf était chargée d'assurer la gestion. Dans le cadre de ces précédentes fonctions de trésorier, Monsieur [S] [J] ne pouvait ignorer qu'il n'était pas possible d'utiliser les fonds ainsi placés dans l'intérêt de l'association.

Il s'ensuit que même si Monsieur [S] [J] occupait à titre bénévole les fonctions dont il a été révoqué, l'ensemble de ces éléments concordants exclut qu'il ait agi de bonne foi, d'autant plus qu'il reconnaît qu'il évoluait depuis près de 40 ans dans le monde associatif, notamment en occupant les fonctions d'administrateur depuis 1981, puis de Président depuis 1990 de l'association tutélaire des Vosges.

La faute commise par Monsieur [S] [J], exclusive de toute bonne foi, est ainsi caractérisée et il doit indemniser l'Udaf de la Meuse des dommages qui en sont résultés.

Les cinq factures réglées portent sur les sommes suivantes :

- 576 euros au profit du cabinet d'avocat [D] & associés,

- 6430 euros pour le cabinet d'avocat Lyonnais Alcyaconseil,

- 1154,58 euros (notification d'ordonnances sur requête), 4056,36 euros (frais pour deux constats d'huissier) et 384,09 euros (frais d'un constat d'huissier) pour l'étude d'huissier SELARL Cappelaere et [Y].

Monsieur [S] [J] soutient que l'association n'a subi aucun préjudice, les sommes réclamées étant dues.

Pour autant, il savait que les factures étaient contestées par le directeur de l'association.

Il sera en outre observé les éléments suivants :

- S'agissant de la facture d'un montant de 6430 euros pour le cabinet d'avocat Lyonnais Alcyaconseil,

L'Udaf dela Meuse a contesté devant le Bâtonnier de Lyon, dont la décision de rejet a fait l'objet d'un recours, deux factures qui lui avaient été adressées par la SELALR Alcyaconseil :

* la facture litigieuse du 28 février 2018, l'association contestant la validité des engagements pris par ses anciens représentants, néanmoins, le Premier Président a repris la motivation du Batonnier qui a retenu d'une part qu'il s'agissait d'un litige propre à l'association ne relevant pas de la contestation d'honoraire mais d'une action contre les anciens membres du bureau devant les juridictions de droit commun ; d'autre part que, du fait du paiement, il ne pouvait réduire l'honoraire dû à l'avocat dès lors que son principe et son montant avaient été acceptés par le client après service rendu et que le détail de la facture permettait de connaître les diligences réalisées ;

* une facture du 31 mars 2018 d'un montant de 1620 euros ttc sur lequel le premier président, après avoir relevé que le cabinet ne rapportait pas la preuve de l'accomplissement des diligences facturées, a infirmé la décision du bâtonnier et rejeté la demande de fixation d'honoraire. Cette facture, produite sous côte 9, facturait, au titre d'une assistance en droit social, des entretiens téléphoniques concernant le dossier de sanction contre les directeurs, certains salariés et la personne en charge de la communication, l'étude de document transmis, la rédaction d'un courrier en vue de la réunion du personnel et la rédaction d'un courrier en réponse aux salariés et d'un courriel de complément d'information sur la situation en cours au sein de l'association.

Il ressort de l'ordonnance du Premier Président du 10 mars 2020 non qu'il a relevé que les prestations facturées le 28 février 2018 avaient été accomplies, mais que le paiement réalisé par Monsieur [S] [J] au nom de l'association le privait de sa compétence en fixation d'honoraire. Dès lors, le paiement fait par celui-ci a privé l'association de la possibilité de contester ladite facture.

Il convient en conséquence d'examiner si, dans l'hypothèse le paiement n'aurait pas été effectué, l'association était susceptible d'obtenir gain de cause.

Il résulte de l'échange de mails d'avril 2018 entre le directeur de l'association et le cabinet d'avocat (annexé au procès-verbal 2018/00876/2, audition de Monsieur [V] [P] de la procédure du commissariat de police de [Localité 4] - pièce 8 appelante) que le premier a réclamé les justificatifs (bon de commande, lettre de mission, lettre d'engagement, convention d'honoraire ou tout autre document émanant de l'Udaf de la Meuse engageant et justifiant l'intervention), auquel l'interlocuteur a refusé de donner suite en demandant à être mis en contact avec le commissaire aux comptes, opposant un nouveau refus à la relance du directeur qui, sans refuser une mise en contact avec le commissaire aux comptes, rappelait que la communication des documents devait en premier lieu lui être adressée. Le signalement déjà cité du commissaire aux comptes de l'association adressé au Procureur de la République de Bar-le-Duc le 16 mai 2018 confirme qu'aucun justificatif ne lui a été non plus été adressé.

Le refus injustifié opposé par l'avocat du cabinet Alcyconseil ne peut s'expliquer que par le fait que le cabinet ne disposait d'aucun justificatif des prestations facturées, comme cela a été constaté par le Premier Président s'agissant des prestations facturées le 31 mars 2018, pour laquelle il a retenu qu'aucun honoraire n'était dû.

Au regard de la motivation de cette décision et de l'absence de communication par le cabinet d'avocats de justificatifs des diligences facturées le 28 février 2018, il est établi que l'Udaf de la Meuse aurait également obtenu devant le premier président le rejet de la demande de fixation d'honoraire de 5430 euros ttc si le montant réclamé n'avait pas été réglé par Monsieur [S] [J].

- S'agissant des 1154,58 euros (notification d'ordonnances sur requête), 4056,36 euros (frais pour deux constats d'huissier) et 384,09 euros (frais d'un constat d'huissier) de l'étude d'huissier SELARL Cappelaere et [Y]

La première des factures de l'étude d'huissiers de justice est relative à la signification de 21 ordonnances sur requête ; la seconde à la rédaction de quatre procès-verbaux de constat dans un dossier '[Y]' sous les références 98167 et la dernière se réfère à l'un de ces quatre procès-verbaux, à savoir celui en date du 25 janvier 2018, prestation qui a donc été facturée deux fois (384,09 euros sur chacune des factures).

Néanmoins, il sera observé que le total de ces trois factures s'élève à 5595,03 euros. Or il ressort des pièces versées que le virement à l'étude s'est monté à 4754,85 euros.

Il convient de préciser que le procès-verbal dressé par Maître [Y] le 25 janvier 2018 est versé par l'Udaf de la Meuse aux débats sous sa pièce 8 (annexée à un courrier adressé par Monsieur [S] [J] à Monsieur le Procureur de la République de Bar-le-Duc), lequel a assisté à un entretien préalable du directeur en vue de sanction et la retranscription de la situation constatée et des propos échangés en sa présence relatés sur 3 pages dactylographiées.

La production du constat justifie de la réalisation de la prestation, faite à la demande de Madame [N], alors présidente de l'Udaf de la Meuse. Il s'ensuit que l'huissier était valablement mandaté pour opérer ces constatations par le représentant légal de l'association et que l'Udaf de la Meuse était en conséquence tenue au règlement de cette prestation, de telle sorte que le règlement de la facture de 384,09 euros était dû.

Pour le reste, il est versé aux débats la copie d'un mail du 24 avril 2018 et d'une lettre recommandée avec accusé de réception du 31 mai 2018, tous deux émanant de l'Udaf de la Meuse et adressés à l'étude d'huissier, réclamant le détail complet des frais et honoraires et le justificatif des bons de commande, lettre de mission ou tout autre document émanant de l'Udaf de la Meuse et justifiant ses interventions, ayant tous deux été communiqués à la police dans le cadre de la procédure pénale diligentée.

- S'agissant de la facture de 576 euros au profit du cabinet d'avocat [D] & associés,

Il est justifié d'un mail du 24 avril 2018 du directeur de l'association au cabinet sollicitant les bons de commande, lettre de mission, lettre d'engagements, convention d'honoraires ou tout autre document émanant de l'Udaf de la Meuse et justifiant son intervention, ce mail a également été communiqué aux policiers dans le cadre de l'enquête qui leur a été confiée.

Le signalement du commissaire aux comptes adressé le 16 mai 2018 au Procureur de la République de Bar-le-Duc précise qu'aucun des trois bénéficiaires des paiements n'a donné suite aux demandes et précisé de manière suffisante sur les modalités de commande et la nature des prestations accomplies.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments - contestation avant la mise en paiement, refus de délivrer les justificatifs des prestations réalisées par les trois auxiliaires de justice confirmé par le commissaire aux comptes - qu'à l'exception de la facture du 31 janvier 2018 de l'étude d'huissier d'un montant de 384,09 euros correspondant au constat dressé le 25 janvier 2018, aucune des factures litigieuses n'était due par l'association.

Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, les agissements fautifs de Monsieur [S] [J] ont donc causé un préjudice à l'association lequel s'élève au montant des règlements intervenus de manière indue, soit en l'espèce :

- 5430 euros (règlement indû de la facture SELARL Alcyaconseil)

- 576 euros (règlement indû de la facture SELARL [D])

- 4370,76 euros (règlement indû de factures de la SELARL Cappelaere et [Y] à hauteur de 4754,85 - 384,09 euros).

Il convient en conséquence de condamner Monsieur [S] [J] à payer à l'Udaf de la Meuse la somme de 10376,76 euros.

L'article 1231-7 du code civil dispose que :

'En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement.

En cas de confirmation pure et simple par le juge d'appel d'une décision allouant une indemnité en réparation d'un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l'indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d'appel. Le juge d'appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa.'

Le calcul du préjudice de l'association est fait à la date des paiements, le 21 mars 2018, depuis laquelle elle n'a plus la disposition de l'argent indûment versé pour son compte.

Il est donc justifié de faire droit à la demande tendant à dire que les sommes allouées à titre de dommages-intérêts produiront intérêt à compter du 28 mars 2018, date de la réception par Monsieur [S] [J] de la mise en demeure de procéder au remboursement des paiements effectués.

** Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

L'Udaf de la Meuse étant reçue en ses demandes, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée aux dépens et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; statuant à nouveau, les dépens de première instance seront laissés à la charge de Monsieur [S] [J] qui sera débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Celui-ci sera pour les mêmes raisons condamné aux dépens d'appel.

Il sera en outre condamné à payer à l'Udaf de la Meuse une somme qu'il est équitable de fixer à 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et débouté de sa propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bar-le-Duc le 17 mars 2022 en toutes ses dispositions contestées,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne Monsieur [S] [J] à payer à l'Union départementale des associations familiales de la Meuse la somme de 10376,76 euros (DIX MILLE TROIS CENT SOIXANTE-SEIZE EUROS ET SOIXANTE-SEIZE CENTIMES) à titre de dommages-intérêts,

Dit que la somme allouée à titre de dommages-intérêts produira intérêt au taux légal à compter du 28 mars 2018,

Condamne Monsieur [S] [J] aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne Monsieur [S] [J] à payer à l'Union départementale des associations familiales de la Meuse la somme de 5000 euros (CINQ MILLE EUROS) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Le déboute de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur HENON, Président de chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN.- Signé : G.HENON.-

Minute en dix pages.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22/00894
Date de la décision : 09/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-09;22.00894 ?
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