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05/05/2023 | FRANCE | N°22/01668

France | France, Cour d'appel de Nancy, Première présidence, 05 mai 2023, 22/01668


COUR D'APPEL DE NANCY

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Requête en indemnisation à raison

d'une détention provisoire

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N° RG 22/01668 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FANO

du 05 Mai 2023



Minute : /2023



RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



A l'audience du 17 Mars 2023, présidée par M. JEAN-TALON, désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de NANCY en date du 9 décembre 2022, assisté de Madame RIVORY, greffier et st

atuant sur la requête, enregistrée au Secrétariat de la Première Présidence le 19 Juillet 2022 sous le numéro N° RG 22/01668 - N° Portalis...

COUR D'APPEL DE NANCY

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Requête en indemnisation à raison

d'une détention provisoire

--------------------------------------

N° RG 22/01668 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FANO

du 05 Mai 2023

Minute : /2023

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

A l'audience du 17 Mars 2023, présidée par M. JEAN-TALON, désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de NANCY en date du 9 décembre 2022, assisté de Madame RIVORY, greffier et statuant sur la requête, enregistrée au Secrétariat de la Première Présidence le 19 Juillet 2022 sous le numéro N° RG 22/01668 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FANO, conformément aux dispositions de l'article 149-2 du Code de Procédure Pénale et formée par :

Monsieur [U] [E] [X]

né le [Date naissance 2] 2001 à [Localité 4] (Guinée)

demeurant [Adresse 1]

ayant pour avocat Maître Grégoire NIANGO, SELARL NIANGO, avocat au barreau de Nancy.

L'Agent Judiciaire de l'Etat était représenté par Maître Virginie ROYER, SCP TERTIO AVOCATS, avocate au barreau de NANCY.

Le ministère public était représenté par M. RENZI, avocat général près la Cour d'Appel de Nancy.

***

Vu la requête déposée le 15 juillet 2022 par Maître [N] [J], SELARL [J], au nom de M. [U] [E] [X] et ses conclusions ultérieures notifiées par lettre recommandée avec avis de réception le 21 juillet 2022 ;

Vu les conclusions de l'agent judiciaire de l'État notifiées par lettre recommandée avec avis de réception le 15 septembre 2022 ;

Vu les conclusions du procureur général près la cour d'appel de Nancy notifiées par lettre recommandée avec avis de réception le 16 décembre 2022 ;

Vu l'avis de fixation à l'audience du 17 mars 2023 ;

Vu les articles 149 à 150, R. 26 à R. 40-22 du code de procédure pénale ;

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [U] [E] [X] a été mis en examen par le juge d'instruction du tribunal judiciaire de Nancy et placé en détention provisoire le 3 octobre 2019 pour avoir commis le crime de viol aggravé le 25 juin 2019 à Bar-le-Duc.

Il a été remis en liberté sous contrôle judiciaire le 25 mars 2020.

Par ordonnance du 18 février 2022, le juge d'instruction a prononcé le non-lieu à suivre.

M. [E] [X] a ainsi été placé en détention provisoire durant 175 jours.

*****

Suivant requête parvenue au secrétariat de la première présidence le 15 juillet 2022, M. [U] [E] [X] a sollicité l'indemnisation de sa détention provisoire à hauteur des sommes de :

- 1.500 euros au titre de son préjudice matériel, correspondant à la perte de chance de suivre une scolarité,

- 21.400 euros en réparation de son préjudice moral,

outre 2.500 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Aux termes de ses écritures, l'agent judiciaire de l'État n'a pas contesté la recevabilité de la requête de M. [U] [E] [X] mais a conclu à la réduction à 14.000 euros de l'indemnité au titre du préjudice moral, en l'absence de justificatif d'un choc psychologique amplifié ou de conditions de détention particulièrement difficiles, ainsi qu'au rejet de celle présentée au titre du préjudice matériel faute de preuve d'une perte de chance de suivre une scolarité. Il a sollicité la réduction à de plus justes proportions des demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le procureur général près cette cour a soutenu le caractère satisfactoire des sommes offertes par l'agent judiciaire de l'Etat au titre du préjudice moral et conclu au rejet de la demande présentée au titre du préjudice économique, ainsi qu'à la réduction à de plus justes proportions des demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Lors des débats, tenus à l'audience du 17 mars 2023, les parties ont comparu et maintenu, chacune, la position développée dans leurs écritures.

Le demandeur a eu la parole en dernier.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de la requête

En application de l'article 149 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention.

Le droit à réparation suppose toutefois que soient démontrées la réalité des préjudices invoqués et l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre la détention et ces préjudices.

En l'espèce, M. [U] [E] [X] a bénéficié d'une décision de non-lieu rendue le 18 février 2022 par le juge d'instruction du tribunal judiciaire de Nancy, dont il n'est pas contesté qu'elle est devenue définitive, a présenté sa requête dans le délai de six mois fixé par l'article 149-2 du code de procédure pénale et n'apparaît pas se trouver dans l'un des cas d'exclusion prévus par l'article 149 précité.

Sa requête est donc recevable.

Sur le bien-fondé de la requête

S'agissant du préjudice moral

Pour déterminer l'existence et l'étendue du préjudice moral, il doit être tenu compte de l'âge de la personne détenue, de sa situation familiale et des répercussions que la détention a pu avoir sur sa santé physique ou mentale.

En l'espèce, M. [E] [X] a nécessairement subi un préjudice moral résultant du choc carcéral ressenti par toute personne brutalement et injustement privée de liberté durant près de 6 mois.

Constituent des facteurs d'aggravation du préjudice le très jeune âge du requérant, âgé de moins de 18 ans lors de son incarcération, la durée substantielle de la détention et l'absence de toute visite du fait de l'éloignement de sa famille, restée en Guinée.

En définitive, l'allocation de la somme de 16.000 euros réparera intégralement le préjudice moral subi par le requérant du fait de la détention provisoire injustifiée dont il a fait l'objet.

S'agissant du préjudice matériel

M. [E] [X] fait valoir qu'il était scolarisé au moment où il a été placé en détention, qu'il disposait de son propre logement qui a été repris par le bailleur, qu'il a donc perdu ses affaires et qu'il a été contraint de redoubler.

Il résulte des pièces du dossier que le requérant était scolarisé au lycée [5] de [Localité 3] au moment de son incarcération, qu'il est sorti des effectifs en raison de son incarcération et qu'il y a été réinscrit l'année suivante avec pour objectif l'obtention du baccalauréat.

Dès lors que son incarcération lui a interdit de suivre les cours du 3 octobre 2019 au 25 mars 2020 et qu'il n'a pu reprendre la scolarité à cette dernière date du fait du confinement sanitaire, lequel s'est poursuivi jusqu'au mois de mai 2020, il est acquis que son année scolaire a été perdue.

Il s'agit là d'une perte de chance de suivre la scolarité et de progresser vers l'acquisition d'un diplôme professionnel qui, en l'absence de tout autre élément sur l'assiduité du requérant et l'évaluation scolaire, sera fixée à 20 % et indemnisée par l'allocation de la somme de 1.500 euros.

S'agissant des frais non compris dans les dépens

Il serait inéquitable que M. [U] [E] [X] conserve la charge intégrale des frais non compris dans les dépens qu'il a déboursés du fait de la présente instance. La somme de 1.800 euros lui sera en conséquence accordée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

Déclarons recevable en la forme la requête de M. [U] [E] [X] ;

Lui allouons, en indemnisation de la détention provisoire injustifiée dont il a fait l'objet, les sommes de :

1.500 euros (mille cinq cents euros), au titre de son préjudice matériel,

16.000 euros (seize mille euros), en réparation de son préjudice moral,

1.800 euros (mille huit cents euros), au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejetons le surplus de la demande ;

Rappelons qu'en application de l'article R. 40 du code de procédure pénale, la présente décision est assortie de plein droit de l'exécution provisoire.

Laissons les frais à la charge de l'État.

Ainsi fait, jugé et prononcé par M. JEAN-TALON, Premier Président, conformément aux dispositions de l'article 149-1 du Code de Procédure Pénale le 05 mai 2023, assisté de madame Laurène RIVORY, greffier

Le greffier Le premier président

Laurène RIVORY Marc JEAN-TALON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 22/01668
Date de la décision : 05/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-05;22.01668 ?
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