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04/05/2023 | FRANCE | N°22/01951

France | France, Cour d'appel de Nancy, 2ème chambre, 04 mai 2023, 22/01951


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D'APPEL DE NANCY

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT N° /23 DU 04 MAI 2023





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/01951 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FBA4



Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé du président du tribunal judiciaire de NANCY, R.G. n° 22/00331, en date du 12 août 2022,



APPELANTE :

La CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE GRAND EST EUROPE,<

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Société anonyme immatriculée au RCS de STRASBOURG sous le n° 775 618 622, ayant son siège social [Adresse 1]

Représentée par Me Patrice BUISSON de la SCP BUISSON BR...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

------------------------------------

COUR D'APPEL DE NANCY

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT N° /23 DU 04 MAI 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/01951 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FBA4

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé du président du tribunal judiciaire de NANCY, R.G. n° 22/00331, en date du 12 août 2022,

APPELANTE :

La CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE GRAND EST EUROPE,

Société anonyme immatriculée au RCS de STRASBOURG sous le n° 775 618 622, ayant son siège social [Adresse 1]

Représentée par Me Patrice BUISSON de la SCP BUISSON BRODIEZ, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉ :

Monsieur [W] [G]

né le [Date naissance 2] 1993 à [Localité 5], domicilié [Adresse 3]

Représenté par Me Hervé MERLINGE de la SCP JOUBERT, DEMAREST & MERLINGE, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 23 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Francis MARTIN, président et Madame Fabienne GIRARDOT, conseiller, chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Francis MARTIN, président de chambre,

Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère

Madame Marie HIRIBARREN, conseillère, désignée par ordonnance de Monsieur le premier président de la cour d'appel de NANCY en date du 02 février 2023, en remplacement de Madame Nathalie ABEL, conseillère, régulièrement empêchée

Greffier, lors des débats : Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET .

A l'issue des débats, le président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 04 Mai 2023, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 04 Mai 2023, par Mme Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre, et par Mme Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier ;

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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EXPOSE DU LITIGE

Suivant offre préalable acceptée par voie électronique le 31 mars 2022, la Caisse d'Epargne a consenti à M. [W] [G] un prêt d'un montant de 109 224,53 euros afin de financer l'acquisition d'un bien immobilier sis à [Localité 6], [Adresse 4], prévoyant une période de préfinancement d'une durée maximale de 36 mois, suivie d'une période d'amortissement de 300 mensualités.

Par courrier du 28 juin 2022, la Caisse d'Epargne a transmis à M. [W] [G] le tableau d'amortissement dudit prêt prévoyant l'amortissement du capital à compter de l'échéance du 5 août 2022.

Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception en date du 29 juin 2022, la Caisse d'Epargne a prononcé la déchéance du terme du crédit immobilier au motif tiré du constat ' que certains documents fournis à l'octroi du crédit référencé ci-dessus semblent erronés ' et l'a mis en demeure de s'acquitter de la somme exigible de 112 162,25 euros sous quinzaine, ajoutant que des informations le concernant étaient susceptibles d'être inscrites au FICP.

Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 11 juillet 2022, la Caisse d'Epargne a informé M. [W] [G] de l'absence de paiement des échéances de prêt devenues exigibles depuis le 5 juillet 2022.

Le 30 juillet 2022, M. [W] [G] a constaté le blocage de sa carte de paiement.

Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception en date du 15 juillet 2022, M. [W] [G] a mis la Caisse d'Epargne en demeure de reprendre les prélèvements des échéances contractuelles en respectant la durée de différé d'amortissement de 36 mois et d'annuler la déchéance du terme notifiée le 29 juin 2022, en contestant la fourniture de documents et d'informations erronés sur ses revenus et charges, et de rétablir le fonctionnement normal de sa carte de crédit à débit différé et de son compte courant.

Par acte d'huissier en date du 18 juillet 2022, la Caisse d'Epargne a fait assigner M. [W] [G] devant le tribunal judiciaire de Nancy afin de le voir condamné à lui payer les sommes exigibles au titre du contrat de prêt.

Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 19 juillet 2022, la Caisse d'Epargne a informé M. [W] [G] de la dénonciation de son autorisation de découvert de 1 000 euros, emportant résiliation de la convention de compte à l'expiration du délai de 60 jours.

Par courrier du 22 juillet 2022, la Caisse d'Epargne a informé M. [W] [G] qu'à défaut de paiement de la somme totale exigible de 104 985,73 euros dans un délai de 30 jours, elle procéderait à son inscription sur le fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP).

-o0o-

Par acte d'huissier en date du 5 août 2022, M. [W] [G] a fait assigner la Caisse d'Epargne devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Nancy afin de voir condamner le prêteur sous astreinte à reprendre l'exécution du contrat de prêt et à rétablir l'autorisation de découvert dénoncée, ainsi qu'à recréditer l'ensemble des sommes abusivement prélevées.

Il a fait valoir que la déchéance du terme n'avait été précédée d'aucune mise en demeure et que le motif invoqué était imprécis et reposait sur l'allégation injustifiée de la fourniture de documents prétendument erronés (le document dactylographié caractérisant la demande de prêt étant fourni par son préposé), de sorte que la décision de déchéance est nulle et de nul effet. Il a fait état de l'absence de prélèvement de l'échéance de prêt de juillet 2022 par la Caisse d'Epargne et du détournement à son profit de la somme de 728,52 euros le 23 juillet 2022. Il a conclu que la cessation unilatérale et injustifiée du contrat et la modification de l'échéancier intervenue le 28 juin 2022 l'avaient placé dans une situation de péril imminent, dans la mesure où il ne pouvait pas rembourser les sommes exigibles, et qu'il ne résultait aucune contestation sérieuse ressortant de la demande d'exécution du contrat.

La Caisse d'Epargne a conclu à l'irrecevabilité des demandes en l'absence d'urgence et au regard d'une contestation sérieuse au fond, et subsidiairement au débouté.

Elle a expliqué que la modification du contrat résultait du passage de la période de préfinancement à la période d'amortissement, et que la procédure se heurtait à l'existence d'une contestation sérieuse (au regard de l'existence d'une procédure en cours au fond) et à l'absence d'urgence, compte tenu du déblocage de la quasi totalité des sommes. Elle a indiqué que M. [W] [G] était conscient de la fraude à laquelle avait participé un des collaborateurs du prêteur, M. [E] [Y], et que la responsabilité de la banque ne pouvait être recherchée du fait de son préposé, ajoutant que la déchéance du terme avait été prononcée en raison de renseignements et documents erronés (faisant état de revenus supérieurs à ses revenus réels), et n'avait pas à être précédée d'une mise en demeure. Elle a ajouté qu'à défaut de régularisation des sommes dues, l'inscription de M. [W] [G] au FICP devait être prononcée.

Par ordonnance en date du 12 août 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nancy a :

- ordonné à la Caisse d'Epargne, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard passé un délai de huit jours après la signification de la présente ordonnance, et ce jusqu'à ce qu'un accord amiable soit trouvé entre les parties ou jusqu'à ce qu'une décision définitive intervienne dans le cadre de la procédure au fond pendante devant le tribunal judiciaire de Nancy, étant précisé que seul le respect de l'ensemble de ces obligations mettra un terme à l'astreinte :

* de reprendre et poursuivre intégralement la bonne et normale exécution des obligations lui incombant à l'égard de M. [W] [G] au titre du contrat de prêt,

* de respecter l'échéancier initialement convenu entre les parties,

* de rétablir l'autorisation de découvert abusivement dénoncée le 19 juillet 2022,

* de recréditer son compte de l'intégralité des sommes prélevées en application du courrier du 29 juin 2022,

- rejeté la demande de la Caisse d'Epargne fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Caisse d'Epargne à verser à M. [W] [G] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Caisse d'Epargne aux entiers dépens.

Le juge des référés a retenu que le prêteur avait l'obligation de vérifier la solvabilité des emprunteurs et qu'aucune preuve n'était rapportée concernant la connaissance par M. [W] [G] de la falsification des documents produits au prêteur ou la fourniture par M. [W] [G] desdits documents. Il a jugé qu'il existait un dommage imminent qu'il convenait de prévenir par application de l'article 835 du code de procédure civile au regard des conséquences à très court terme sur le plan économique et financier.

-o0o-

Le 23 août 2022, la Caisse d'Epargne a formé appel de l'ordonnance tendant à son infirmation en tous ses chefs critiqués.

Dans ses dernières conclusions transmises le 9 janvier 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la Caisse d'Epargne, appelante, demande à la cour sur le fondement des articles 484, 834 et 835 du code de procédure civile :

- de dire et juger son appel recevable et bien fondé,

En conséquence,

- d'infirmer l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal judiciaire de Nancy le 12 août 2022 dans toutes ses dispositions,

- de condamner M. [W] [G] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de débouter M. [W] [G] de ses demandes,

- de condamner M. [W] [G] aux entiers frais et dépens de la procédure.

Au soutien de ses demandes, la Caisse d'Epargne fait valoir en substance :

- que la saisine du président du tribunal judiciaire de Nancy concerne plusieurs clients, dont M. [W] [G], vivant à Nancy et ayant sollicité des prêts immobiliers auprès des agences de Blâmont et Lunéville, et plus particulièrement de M. [E] [Y], licencié pour faute pour avoir présenté des dossiers de crédit comportant de faux éléments afin de dissimuler leur véritable situation financière à sa hiérarchie ; que leur réalité financière a été sciemment falsifiée par les requérants avec l'aide de ce préposé afin de leur offrir une meilleure solvabilité ;

- qu'il n'y a aucune mauvaise foi, ni aucune modification unilatérale du contrat de prêt, résultant de ce que le montant des sommes prélevées par la banque durant la période de préfinancement soit différent du montant de l'échéance due conformément au tableau d'amortissement ; que durant la période de préfinancement, seuls les intérêts sur les sommes réellement débloquées et les primes d'assurance sont payés ; qu'après la période de préfinancement débute la période d'amortissement du prêt avec le paiement des échéances en capital et intérêts ; qu'elle a donc légitimement mis en amortissement le prêt, alors que l'intégralité des sommes était quasiment débloquée (4 400 euros restant à débloquer), et transmis par lettre du 28 juin 2022 le tableau d'amortissement ; que l'échéance du 5 juillet 2022 était celle du montant de la période de préfinancement et celle du 5 août 2022 correspondait à la première échéance d'amortissement du prêt ;

- que la déchéance du terme a été prononcée valablement conformément aux conditions générales du prêt prévoyant la possibilité pour l'établissement bancaire de la prononcer en présence de documents ou renseignements faux fournis par l'emprunteur ; que cette déchéance du terme n'avait pas à être précédée d'une mise en demeure préalable à défaut de possible régularisation et s'agissant de la méconnaissance de l'obligation de contracter de bonne foi au moment de la souscription du prêt ;

- que l'absence de bonne foi de M. [W] [G] dans la conclusion du contrat est avérée ; que M. [W] [G] a signé et paraphé les pages de la demande de crédit immobilier établie par M. [Y] mentionnant de faux éléments concernant ses revenus réels, sa profession, son épargne et ses revenus locatifs, ce qui avait pour but de se voir octroyer un crédit sur la base d'une situation de solvabilité fausse ; que ces documents ont permis la fraude ; que M. [Y] dans le cadre de sa délégation pouvait accorder seul le prêt ;

- que la présente procédure se heurte à l'existence d'une contestation sérieuse dans la mesure où la déchéance du terme a été valablement prononcée et qu'une procédure est en cours devant les juges du fond afin de voir condamner M. [W] [G] au paiement des sommes dues, ce qui ne constitue pas un dommage imminent ; qu'il n'y a aucune urgence à voir rétablir le contrat de prêt en ce que les sommes prévues à l'offre de prêt ont été quasiment intégralement débloquées et que M. [W] [G] a la jouissance du bien immobilier acquis ; que M. [W] [G] aurait dû être déclaré mal fondé à solliciter en référé ' de poursuivre la bonne et normale exécution des obligations contractuelles ', et que par voie de conséquence, l'information d'un fichage au FICP, la dénonciation du découvert bancaire et le blocage des sommes sur le compte étaient justifiés ; qu'elle a dénoncé le découvert autorisé et laissé conformément à la réglementation un délai de 60 jours à l'emprunteur pour régulariser la situation ; que la déchéance du terme a rendu les sommes exigibles et que toute somme créditée est affectée à la régularisation des sommes dues.

Dans ses dernières conclusions transmises le 8 février 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens,M. [W] [G], intimé, demande à la cour sur le fondement des articles 484, 834 et 835 du code de procédure civile, ainsi que des articles 1103, 1104, 1193 et 1242 du code civil :

- de juger l'appel de la Caisse d'Epargne recevable mais mal fondé,

- de débouter par conséquent la Caisse d'Epargne de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- de confirmer l'ordonnance de référé rendue le 12 août 2022 par le président du tribunal judiciaire de Nancy dans l'intégralité de ses dispositions,

- de condamner la Caisse d'Epargne à lui payer une indemnité de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel.

Au soutien de ses demandes, M. [W] [G] fait valoir en substance :

- qu'il a saisi le président du tribunal judiciaire de nancy afin qu'il ordonne les mesures provisoires nécessaires pour faire cesser le péril plus qu'imminent qui pesait sur lui ainsi que le trouble manifestement illicite provoqué par les agissements manifestement injustifiés et lourdement fautifs de la Caisse d'Epargne ;

- que la Caisse d'Epargne ne pouvait unilatéralement modifier les conditions d'exécution du contrat de prêt en mettant fin de façon anticipée et injustifiée à la période de préfinancement tandis que la totalité des fonds prêtés n'avait pas été débloquée ; que la Caisse d'Epargne a mis fin à la période de préfinancement avant le versement total des fonds (les travaux n'étant pas terminés et aucun loyer ne pouvait être tiré du bien, et le montant restant à débloquer étant de 4 400 euros), ce qui a eu pour effet d'augmenter la charge mensuelle totale de remboursement ; que le droit de la banque de mettre fin à la période de préfinancement est contractuellement subordonné au déblocage total des fonds ;

- que la Caisse d'Epargne n'a pas notifié de bonne foi la déchéance du terme du contrat de prêt qui est nulle et de nul effet ; que l'imprécision du motif allégué (' documents semblant erronés ') dans la notification équivaut à une absence de motif ; que la notification de la déchéance du terme sans mise en demeure préalable suppose la preuve de manquements irréparables reposant sur des faits précis et établis ressortant des conditions générales de prêt ; que toute justification a posteriori évoquant un autre motif est inopérante ; que la modification unilatérale des conditions de remboursement des prêts avait pour but de provoquer un impayé susceptible de constituer un autre motif de déchéance du terme ; que le prêteur n'a pas procédé au prélèvement de l'échéance du 5 juillet 2022 alors que le solde débiteur de son compte n'avait pas atteint le montant du découvert autorisé ; que le 23 juillet 2022, la Caisse d'Epargne a prélevé la somme de 728,52 euros sur son compte en utilisant la totalité du montant du découvert autorisé dénoncé le 19 juillet 2022 ;

- que la Caisse d'Epargne ne fait état d'aucune falsification ni d'aucune production par M. [W] [G] de documents falsifiés, de sorte que les conditions requises pour la notification de la déchéance du terme sans mise en demeure préalable ne sont pas réunies ; qu'il a fourni ses fiches de paie dont l'authenticité n'est pas discutée et que c'est le cadre de la Caisse d'Epargne qui a renseigné la demande de crédit en y reportant certains renseignements inexacts ; que la banque ne peut s'en prendre qu'à elle-même si elle a délégué l'octroi des prêts à son directeur, sans contrôle, et s'est privée de confronter les justificatifs produits par M. [W] [G] avec les informations erronées portées par son préposé sur le dossier de prêt ;

- que les faits évoqués sont constitutifs d'un trouble manifestement illicite et qu'en l'absence de tout impayé imputable, l'obligation ordonnée à la Caisse d'Epargne de poursuivre la bonne et normale exécution du contrat de prêt jusqu'à ce qu'une décision définitive intervienne dans la procédure initiée au fond devant le tribunal judiciaire de Nancy a permis de prévenir le dommage imminent qui le menaçait, à savoir son inscription au FICP et la perte du bénéfice du fonctionnement de son compte courant et de sa carte bancaire, ainsi que l'anéantissement de son investissement immobilier ; que les circonstances tirées de la totale imprécision et de l'inexactitude du motif de la sanction ne sont pas sérieusement contestées en l'absence de la moindre falsification des documents justificatifs qu'il a produits.

-o0o-

La clôture de l'instruction a été prononcée le 8 février 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes en référé

L'article 835 alinéa 1er du code de procédure civile dispose que le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

M. [W] [G] explique que les faits dénoncés sont constitutifs d'un trouble manifestement illicite et que les mesures ordonnées à titre provisoire et conservatoire en première instance ont permis de prévenir un dommage imminent.

Aussi, il en résulte que M. [W] [G] se prévaut des dispositions de l'article 835 alinéa 1er du code de procédure civile en vertu desquelles une contestation sérieuse sur le fond du droit n'interdit pas au juge des référés de prendre les mesures conservatoires qui s'imposent afin de prévenir un dommage immiment ou faire cesser un trouble manifestement illicite.

De même, aucune condition d'urgence n'est requise dans les cas prévus à l'article 835 alinéa 1er.

M. [W] [G] se prévaut à l'encontre de la Caisse d'Epargne de la cessation unilatérale et injustifiée du prêt consenti et de la modification unilatérale des conditions d'exécution du contrat de prêt en mettant fin de façon anticipée (avant le déblocage total des fonds) et injustifiée à la période de préfinancement.

Aussi, il appartient à M. [W] [G] de rapporter la preuve, dans le cadre de l'instance en référé, d'une violation évidente des règles conventionnelles par la Caisse d'Epargne.

En l'espèce, il ressort du paragraphe des conditions générales du prêt intitulé ' exigibilité anticipée-déchéance du terme ', que ' le prêt sera résilié et les sommes prêtées deviendront immédiatement exigibles par notification faite à l'emprunteur dans l'un ou l'autre des cas suivants : (...) -falsification des documents ou faux documents fournis ayant concouru à l'octroi du ou des prêts consentis '.

Aussi, il en résulte que dans le cas énoncé ci-dessus, le prêteur peut notifier à l'emprunteur la déchéance du terme du prêt consenti, et ce même en période de préfinancement, sans obligation d'une mise en demeure préalable, en cas de fourniture au prêteur d'un document comportant des mentions fausses.

En l'espèce, la Caisse d'Epargne a notifié à M. [W] [G] la déchéance du terme du prêt litigieux par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 29 juin 2022 en ces termes : 'après examen de votre dossier, nous constatons que certains documents fournis à l'octroi du crédit référencé ci-dessus semblent erronés. En conséquence, et conformément aux conditions contractuelles, nous vous informons prononcer la déchéance du terme dudit crédit rendant immédiatement exigible l'intégralité des sommes prêtées'.

Il convient au préalable de relever que M. [W] [G] ne se prévaut pas de l'illicéité de la clause contractuelle, mais de l'insuffisance de motif s'apparentant à une absence de motif, dans la mesure où il soutient que la notification de la déchéance du terme sans mise en demeure préalable doit impérativement énoncer de façon précise et exhaustive tous les faits et motifs censés la justifier, et que toute justification a postériori évoquant un autre motif est inopérante.

Pour autant, les termes employés au courrier de notification de déchéance du terme sont explicites en ce qu'ils font référence à la clause résolutoire figurant audit contrat de prêt concernant la production de faux documents, soit de documents comportant des mentions fausses ou semblant erronées, afin d'obtenir l'octroi du crédit.

Par ailleurs, la Caisse d'Epargne précise dans le cadre de l'instance que M. [W] [G] a commis des fraudes en partenariat avec son préposé, M. [Y], en faisant état de renseignements erronés pour l'obtention du prêt, ce qui caractérise le motif visé à la clause résolutoire.

Sur le fond, M. [W] [G] soutient qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir relevé l'inexactitude de certains renseignements retranscris par M. [Y] dans le document intitulé ' demande de crédit ', dès lors qu'il avait fourni des informations exactes et sincères sur sa situation personnelle et professionnelle.

Au préalable, il y a lieu de constater que la déchéance du terme du prêt n'a pas été prononcée au motif tiré de la falsification par M. [W] [G] des pièces justificatives produites.

En outre, il ressort de la comparaison des renseignements portés sur la demande de crédit signée électroniquement par M. [W] [G] le 10 mars 2022 avec les pièces justificatives communiquées par celui-ci (bulletins de salaire de juillet à septembre 2021 et de décembre 2021 à février 2022) qu'il a perçu un salaire net moyen imposable de 1 801 euros en 2021 (correspondant à la moyenne des deux premiers mois de 2022), en qualité d'agent de maîtrise à la Métropole du Grand [Localité 6], alors que la demande comporte la mention dactylographiée d'un salaire mensuel de 3 958 euros.

Or, s'il est établi que M. [W] [G] a fourni des documents de situation conformes à la réalité, en revanche, il a signé et transmis une demande de crédit dactylographiée reprenant des renseignements erronés concernant le salaire mensuel indiqué, et n'a pas contesté la transmission dudit document au prêteur.

Aussi, il est établi que M. [W] [G] a fourni au prêteur un document comportant des mentions fausses ayant concouru à l'octroi du prêt consenti, et qu'il ne peut opposer à la banque, qui en a été victime, le fait tiré de la participation éventuelle d'un préposé aux faits litigieux.

En effet, la signature électronique de la demande de crédit comportant des éléments inexacts sur sa situation ne saurait permettre à M. [W] [G] de se prévaloir d'une négligence de la banque dans l'examen des pièces produites.

Dans ces conditions, il en résulte que la déchéance du terme a été prononcée régulièrement par la Caisse d'Epargne en période de préfinancement du prêt le 29 juin 2022 au motif tiré de la fourniture par M. [W] [G] au prêteur d'une demande de crédit comportant des renseignements inexacts liés au montant de son salaire, de sorte que l'intimé ne peut se prévaloir d'un trouble manifestement illicite.

Pour le surplus, il convient de constater que la transmission par la Caisse d'Epargne le 28 juin 2022 du tableau d'amortissement dudit prêt prévoyant l'amortissement du capital à compter de l'échéance du 5 août 2022 est sans emport.

Dès lors, l'ordonnance déférée sera infirmée en ce qu'elle a ordonné la reprise de l'exécution du contrat selon l'échéancier convenu, ainsi que le rétablissement de l'autorisation de découvert dénoncée et le remboursement par le prêteur des sommes prélevées suite à la déchéance du terme.

Sur les demandes accessoires

L'ordonnance déférée sera infirmée en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

M. [W] [G] qui succombe à hauteur de cour sera condamné aux dépens de première instance et d'appel, et sera débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Eu égard à la situation respective des parties, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,

INFIRME l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,

CONSTATE que la déchéance du terme du prêt a été prononcée régulièrement par la Caisse d'Epargne le 29 juin 2022,

DEBOUTE M. [W] [G] de ses demandes,

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [W] [G] au paiement des dépens,

Y ajoutant,

DEBOUTE M. [W] [G] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [W] [G] aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par M. Francis MARTIN, président de chambre à la cour d'Appel de NANCY, et par Mme Christelle CLABAUX-DUWIQUET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Minute en huit pages.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22/01951
Date de la décision : 04/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-04;22.01951 ?
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