RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
------------------------------------
COUR D'APPEL DE NANCY
Première Chambre Civile
ARRÊT N° /2023 DU 17 AVRIL 2023
- STATUANT SUR REQUÊTE EN DÉFÉRÉ -
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/00204 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FDU5
Décision déférée à la Cour : ordonnance d'incident du conseiller de la mise en état - Cour d'appel de NANCY, R.G.n° 22/2090, en date du 11 janvier 2023,
DEMANDERESSE AU DÉFÉRÉ
S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE GRAND EST EUROPE, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 1]
Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY
DÉFENDERESSE AU DÉFÉRÉ
Madame [W] [P], née [O]
née le 28 février 1946 à [Localité 5] (54)
domiciliée [Adresse 3]
Représentée par Me Claude RICHARD, avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller, Président d'audience, chargé du rapport, et Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Guerric HENON, Président de Chambre,
Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,
Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,
selon ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 12 janvier 2023
A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 17 Avril 2023, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 17 Avril 2023, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Monsieur Guerric HENON, Président de Chambre, et par Madame PERRIN, Greffier ;
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 3 mars 2020, Madame [W] [O] épouse [P] a procédé au rachat total de l'assurance-vie contractée auprès de l'agence Caisse d'Épargne située [Adresse 2] à [Localité 4]. Elle a opté pour une intégration des intérêts à ses revenus, ce choix s'avérant être le plus pénalisant.
Par jugement du 18 juillet 2022, le tribunal judiciaire de Verdun, statuant par décision qualifiée 'en dernier ressort', a :
- débouté Madame [P] de sa demande de dommages et intérêts au titre d'un préjudice né du mauvais choix d'intégrer les intérêts à ses revenus,
- débouté Madame [P] de sa demande de dommages et intérêts au titre d'un préjudice moral lié aux difficultés et conséquences du changement d'établissement bancaire,
- condamné Madame [P] aux dépens et à payer à la SA Caisse d'Épargne et de Prévoyance Grand Est Europe [ci-dessous 'la Caisse d'Épargne'] la somme de 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 15 septembre 2022, Madame [P] a relevé appel de ce jugement.
Par ordonnance d'incident contradictoire du 11 janvier 2023, le conseiller de la mise en état a :
- rejeté l'irrecevabilité de l'appel soulevée par la Caisse d'Épargne à l'encontre de l'appel formé par Madame [P],
- rejeté les demandes de Madame [P] et de la Caisse d'Épargne fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé les dépens de la procédure d'incident à la charge de la Caisse d'Épargne.
Pour statuer ainsi, le conseiller de la mise en état a relevé que Madame [P] avait sollicité la condamnation de la Caisse d'Épargne au titre de son préjudice économique pour défaut de conseil de l'organisme financier lors du rachat de son contrat d'assurance-vie Nuances 3D et pour le préjudice moral subi du fait de la fermeture prématurée de son compte bancaire alors qu'elle indiquait vouloir changer d'établissement bancaire. Il en a conclu qu'il s'agissait de faits que l'on pouvait qualifier de 'connexes', le second découlant du premier et qu'en application des dispositions des articles 34 et 35 du code de procédure civile, le taux du ressort devait se calculer par le total des prétentions, lequel était supérieur au taux du ressort de 5000 euros. Le conseiller de la mise en état a ainsi considéré que le jugement était susceptible d'appel nonobstant la mention erronée que la décision était en 'dernier ressort'.
Par requête en déféré reçue au greffe, sous la forme électronique, le 26 janvier 2023, à laquelle il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la Caisse d'Épargne demande à la cour, au visa de l'article 35 du code de procédure civile, de :
- infirmer l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 11 janvier 2023,
Statuant à nouveau,
- déclarer irrecevable l'appel formé par Madame [P],
- condamner Madame [P] à 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés devant la cour ainsi qu'aux entiers dépens,
- débouter Madame [P] de toutes ses demandes.
Au soutien de son recours, la Caisse d'Épargne fait valoir que les demandes formées par Madame [P] devant le tribunal ne peuvent être considérées comme connexes dès lors qu'il s'agit de prétentions totalement distinctes, sans lien entre elles, ne reposant ni sur les mêmes faits ni sur le même contrat, l'une étant fondée sur un placement d'assurance vie, et l'autre sur une convention de tenue de compte bancaire. Elle ajoute que ces demandes ne sont pas connexes en ce sens qu'elles peuvent être dissociées et jugées séparément sans aucune difficulté, les demandes étant sans incidence l'une sur l'autre, qu'elles auraient pu être jugées séparément sans crainte de contrariété de décisions.
Elle en déduit que doit s'appliquer la règle posée par l'alinéa 1er de l'article 35 du code de procédure civile, à savoir que le taux du ressort est apprécié par la valeur de chacune des demandes prise isolément et que c'est donc de manière exacte que le tribunal a qualifié la décision rendue 'en dernier ressort' comme insusceptible d'appel.
Par ordonnance de fixation du 30 janvier 2023, l'affaire a été déférée devant la cour à l'audience du 20 février 2023.
Madame [O] n'a pas déposé de conclusions en réplique.
À l'audience du 20 février 2023, l'affaire a été mise en délibéré au 17 avril 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'appel
L'article 35 du code de procédure civile dispose : ' Lorsque plusieurs prétentions fondées sur des faits différents et non connexes sont émises par un demandeur contre le même adversaire et réunies en une même instance, la compétence et le taux du ressort sont déterminés par la nature et la valeur de chaque prétention considérée isolément.
Lorsque les prétentions réunies sont fondées sur les mêmes faits ou sont connexes, la compétence et le taux du ressort sont déterminés par la valeur totale de ces prétentions'.
En l'espèce, Madame [P] a sollicité la condamnation de la Caisse d'Épargne à lui verser la somme de 3915 euros au titre de son préjudice résultant selon elle d'un défaut de conseil de la Caisse d'Épargne lors du rachat de son contrat d'assurance-vie.
Elle a par ailleurs demandé la condamnation de la Caisse d'Épargne à lui verser 1500 euros en réparation du préjudice moral subi du fait de la fermeture prématurée de son compte bancaire alors qu'elle indiquait vouloir changer d'établissement bancaire.
En premier lieu, ces deux prétentions sont fondées sur des faits différents, le rachat d'un contrat d'assurance-vie pour l'une, la clôture d'un compte bancaire pour l'autre.
En second lieu, ces demandes ne sont pas connexes puisqu'elles auraient pu être jugées séparément sans risque de contrariété de décisions.
En conséquence, le taux du ressort est déterminé par la valeur de chaque prétention considérée isolément, soit 3915 euros et 1500 euros. Chaque prétention étant inférieure à 5000 euros, le jugement n'était pas susceptible d'appel et l'ordonnance déférée sera donc infirmée.
Statuant à nouveau, l'appel formé par Madame [P] sera déclaré irrecevable.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Compte tenu de ce qui précède, l'ordonnance déférée sera infirmée en ce qu'elle a laissé les dépens de la procédure d'incident à la charge de la Caisse d'Épargne et a rejeté la demande de cette dernière fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau, Madame [O] sera condamnée aux dépens et à payer à la Caisse d'Épargne la somme de 1200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe,
Infirme l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 11 janvier 2023 en ce qu'elle a :
- rejeté l'irrecevabilité de l'appel soulevée par la SA Caisse d'Épargne et de Prévoyance Grand Est Europe à l'encontre de l'appel formé par Madame [W] [O] épouse [P],
- rejeté la demande de la SA Caisse d'Épargne et de Prévoyance Grand Est Europe fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé les dépens de la procédure d'incident à la charge de la SA Caisse d'Épargne et de Prévoyance Grand Est Europe ;
Statuant à nouveau sur ces chefs de décision infirmés,
Déclare irrecevable l'appel formé le 15 septembre 2022 par Madame [W] [O] épouse [P] à l'encontre du jugement rendu le 18 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Verdun ;
Condamne Madame [W] [O] épouse [P] à payer à la SA Caisse d'Épargne et de Prévoyance Grand Est Europe la somme de 1200 euros (MILLE DEUX CENTS EUROS) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Madame [W] [O] épouse [P] aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur HENON, Président de chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Signé : C. PERRIN.- Signé : G. HENON.-
Minute en cinq pages.