RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D'APPEL DE NANCY
Première Chambre Civile
ARRÊT N° /2023 DU 17 AVRIL 2023
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02486 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FCGP
Décision déférée à la Cour : ordonnance du juge de la mise en état - tribunal judiciaire de VERDUN, R.G.n° 21/00804, en date du 14 octobre 2022,
APPELANTE :
Madame [L] [F]
née le 16 octobre 1955 à [Localité 4] (55)
domiciliée [Adresse 1]
Représentée par Me Valérie BACH-WASSERMANN, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉS :
Monsieur [S] [H]
né le 20 mars 1965 à [Localité 6] (55)
domicilié [Adresse 2]
Représenté par Me Fabrice HAGNIER, avocat au barreau de la MEUSE
S.A. MAAF ASSURANCES, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 3]
Représentée par Me Carole CANONICA de la SCP VILMIN CANONICA REMY ROLLET, avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Mélina BUQUANT, Conseiller, Présidente d'audience, chargée du rapport, et Madame Claude OLIVIER-VALLET, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Guerric HENON, Président de Chambre,
Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,
Madame Claude OLIVIER-VALLET, Magistrat honoraire,
selon ordonnance de Monsieur le Premier Président du 12 janvier 2023
A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 17 Avril 2023, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 17 Avril 2023, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Monsieur Guerric HENON, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;
EXPOSÉ DU LITIGE :
Madame [L] [F] est propriétaire d'une maison d'habitation sise à [Adresse 5].
Elle a confié à Monsieur [S] [H], assuré par la compagnie d'assurance MAAF, des travaux de rénovation (plomberie, électricité, isolation) de cette habitation.
La réception des travaux a été faite le 27 septembre 2018.
Suivant assignations des 3 et 5 mars 2020 délivrées à la diligence de Madame [L] [F], le juge des référés du tribunal judiciaire de Verdun a ordonné une expertise relative aux désordres dénoncés par celle-ci, laquelle a été confiée à Monsieur [Z] qui a déposé son rapport le 17 février 2021.
Par acte d'huissier en date du 10 novembre 2021, Monsieur [H] a assigné Madame [F] devant le tribunal judiciaire de Verdun sur le fondement des articles 1103 et 1342 à 1351-1 du code civil, aux fins de :
- voir condamner Madame [F] à lui payer les sommes suivantes :
* 8854,05 euros au titre du solde des travaux,
* 2000 euros au titre des dommages et intérêts pour résistance abusive,
* 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- voir condamner Madame [F] aux entiers dépens.
Par actes d'huissier en date du 6 janvier 2022 et du 24 décembre 2021, Madame [F] a fait assigner Monsieur [H] et la société anonyme (SA) MAAF Assurances devant le tribunal judiciaire de Verdun sur le fondement des articles 378 du code de procédure civile aux fins de prononcer la jonction avec la procédure en cours, et au visa des articles 1792 du code civil et de l'article L. 241-1 du code des assurances aux fins de :
- constater l'existence de désordres de nature décennale,
- condamner Monsieur [H] et la SA MAAF Assurances solidairement au paiement de la somme de 13341,80 euros au profit de Madame [F],
- condamner Monsieur [H] et la SA MAAF Assurances solidairement au paiement de la somme de 5400 euros au profit de Madame [F] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens en ce compris le coût de l'expertise.
Le juge de la mise en état a, par ordonnance en date du 11 février 2022, ordonné la jonction des deux affaires.
Par ordonnance contradictoire du 14 octobre 2022, assortie de l'exécution provisoire, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Verdun a :
- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de Monsieur [H] tendant à voir déclarer Madame [F] condamnée au paiement de deux factures n°630 du 19 septembre 2018 et n°667 du 30 janvier 2019 d'un montant respectif de 3326,55 euros et de 5527,50 euros,
- condamné Madame [F] au paiement de la somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et rejeté sa demande sur ce même fondement,
- condamné Madame [F] à régler les dépens de l'instance sur incident,
- renvoyé l'affaire à l'audience de la mise en état silencieuse du 9 décembre 2022 à 10h30 pour conclusions de Maître Vautrin, avocat de Madame [F].
Pour statuer ainsi, le juge de la mise en état a relevé que s'agissant d'une relation contractuelle entre un professionnel et un consommateur, Madame [F] ayant fait réaliser des travaux dans sa maison d'habitation, le délai de prescription applicable à l'action en paiement de Monsieur [H] à l'encontre de Madame [F] était celui de l'article L. 218-2 du code de la consommation, soit deux ans, exclusif du délai de droit commun de l'article 2224 du code civil.
S'il a jugé que le délai de prescription biennal de l'action en paiement de Monsieur [H] avait commencé à courir à compter du jour de la signature du procès-verbal de réception des travaux signé en date du 27 septembre 2018, le tribunal a également estimé que l'assignation en référé expertise délivrée par Madame [F] avait interrompu le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
Il a ainsi considéré que le délai de forclusion de Monsieur [H] de deux ans démarrant le 27 septembre 2020 avait été interrompu par l'assignation en référé expertise du 3 mars 2020, qui avait donné lieu à désignation d'un expert et au dépôt d'un rapport d'expertise du 17 février 2021 ; qu'un nouveau délai biennal de prescription avait donc commencé à courrir à compter du 17 février 2021 ; que dès lors, Monsieur [H] ayant assigné en paiement Madame [F] de la somme de 3326,55 euros le 10 novembre 2021, soit moins de deux ans après le dépôt du rapport d'expertise judiciaire, il y avait lieu de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action concernant le paiement du solde de la facture n°630 du 19 septembre 2018 d'un montant de 3326,55 euros.
S'agissant de la facture n°667 en date du 30 janvier 2019, le tribunal a indiqué que pour échapper au caractère interruptif de la prescription lié à l'assignation en référé expertise, il incombait à Madame [F], partie demanderesse, de produire tous éléments concernant les travaux réalisés et ayant donné lieu à cette facture, afin de caractériser que ces travaux facturés n'entraient pas dans la liste de ceux pour lesquels l'expert était missionné afin de définir s'ils avaient été exécutés dans les règles de l'art. En l'absence de facture produite et de tous renseignements sur la nature des travaux qui ont donné lieu à ladite facture, les premiers juges ont relevé qu'il ne pouvait être exclu que ces travaux, au demeurant expressément évoqués dans le cadre de l'expertise judiciaire, entraient dans le champ d'investigation de l'expertise judiciaire. Monsieur [H] ayant assigné en paiement Madame [F] de la somme de 5527,50 euros le 10 novembre 2021, soit moins de deux ans après le dépôt du rapport d'expertise judiciaire, le tribunal a considéré également que la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action devait être rejetée.
Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 27 octobre 2022, Madame [F] a relevé appel de cette ordonnance.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 17 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [F] demande à la cour, au visa de l'article 122 du code de procédure civile, de l'article 2241 du code civil et de l'article L. 218-2 du code de la consommation, de :
- la déclarer bien fondée en son appel et y faisant droit,
- réformer l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état de Verdun en date du 14 octobre 2022 en ce qu'il dit :
' Rejetons la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de Monsieur [H] tendant à voir déclarer Madame [F] condamnée au paiement de deux factures N°630 du 19 septembre 2018 et n°667 du 30 janvier 2019 d'un montant respectif de 3326,55 euros et de 5527,50 euros,
Condamnons Madame [F] au paiement de la somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et rejetons sa demande sur ce même fondement,
Condamnons Madame [F] à régler les dépens de l'instance sur incident,
Renvoyons la présente affaire à l'audience de la mise en état silensieuse du 9 décembre 2022 à 10h30 pour conclusions de Maître Vautrin, Avocat de Madame [F],
Rappelons que l'exécution provisoire de la présente ordonnance est de droit.'
Statuant à nouveau,
- déclarer irrecevable car prescrite la demande de condamnation à paiement de Monsieur [H] à l'encontre de Madame [F] sur les factures suivantes :
* facture n°630 du 19 septembre 2018 pour un montant de 3326,55 euros,
* facture n°667 du 30 janvier 2019 pour un montant de 5527,50 euros,
- condamner Monsieur [H] à payer à Madame [F] la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en réparation des honoraires de première instance et d'appel.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 9 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SA MAAF Assurances demande à la cour de :
- juger que, sans aucune reconnaissance et/ou approbation, et sous les plus expresses réserves, elle entend s'en rapporter quant à voir déclarer prescrites les demandes présentées par Monsieur [H] au titre du règlement de ses factures n°630 et n°667 respectivement en date des 19 septembre 2018 et 30 janvier 2019,
- débouter toutes parties de toutes demandes qui seraient formulées à son encontre,
- condamner Madame [F] au règlement d'une somme de 1200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la partie succombante aux entiers frais et dépens.
Monsieur [H] a constitué avocat mais n'a pas conclu.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 30 janvier 2023.
L'audience de plaidoirie a été fixée le 27 février 2023 et le délibéré au 17 avril 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Vu les dernières conclusions déposées par Madame [F] le 30 janvier 2023 et par la SA MAAF Assurances le 9 décembre 2022 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l'article 455 du code de procédure civile ;
Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 30 janvier 2023 ;
Vu les articles 2239 (déterminant l'effet suspensif de la décision ordonnant une mesure d'instruction sur le cours de la prescription) et 2241 du code civil (relatif à l'effet interruptif de prescription de la demande en justice),
La Cour de cassation a eu l'occasion de préciser que l'effet suspensif de prescription lié au déroulement d'une mesure d'instruction ordonnée judiciairement ne joue qu'au profit de la partie ayant sollicité cette mesure, qui tend à préserver ses droits (civ. 2, 31 janvier 2019, n°18-10.011) et que l'effet interruptif sur l'écoulement de la prescription ne profite qu'à celui qui a engagé la procédure (Civ. 3, 27 février 2008, Bull. civ. III n°34).
Or l'ordonnance de référé en date du 11 juin 2020 ordonnant la mesure d'expertise n'a été rendue qu'à la seule demande de Madame [L] [F].
Dès lors, Monsieur [S] [H] ne peut bénéficier ni de l'effet interruptif de l'article 2239 du code civil, ni de l'effet suspensif de l'article 2241 attachés à cette procédure et aux actes afférents à celle-ci.
Les travaux facturés le 19 septembre 2018 ont été réceptionnés le 27 septembre 2018. À défaut d'acte interruptif antérieur au 27 septembre 2020, le délai de prescrition de deux ans érigé à l'article L. 218-2 du code de la consommation et applicable à la demande en paiement était échu à la date de la délivrance de l'assignation le 10 novembre 2021.
S'agissant des travaux facturés le 30 janvier 2019, que la prescription de la demande en paiement a commencé à courir le 27 septembre 2018 ou le 30 janvier 2019, l'action était prescrite lors de la délivrance de l'assignation le 10 novembre 2021 à défaut d'acte interruptif antérieur.
Il convient en conséquence d'infirmer l'ordonnance contestée qui a écarté la fin de non-recevoir soulevée par Madame [L] [F] qu'il y a lieu d'accueillir.
Madame [L] [F] étant admise dans les moyens qu'elle a soulevés, il convient d'infirmer la décision de première instance en ce qu'elle l'a condamnée aux dépens de la procédure d'incident et à verser à Monsieur [S] [H] 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau, Monsieur [S] [H] sera condamné aux dépens de l'incident et débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance.
Pour les mêmes raisons, il sera condamné aux dépens d'appel et à verser à Madame [L] [F] la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.
L'équité commande de débouter la SA MAAF Assurances de sa propre demande sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,
Infirme l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Verdun le 14 octobre 2022 en ce qu'elle a écarté la fin de non-recevoir soulevée par Madame [L] [F] et l'a condamnée aux dépens et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare irrecevable comme prescrite la demande de Monsieur [S] [H] aux fins de condamnation de Madame [F] à lui payer les sommes suivantes :
* 3326,55 euros au titre de la facture n°630 du 19 septembre 2018,
* 5527,50 euros au titre de la facture n°667 du 30 janvier 2019 ;
Condamne Monsieur [S] [H] aux dépens de l'incident et aux dépens d'appel ;
Condamne Monsieur [S] [H] à payer à Madame [L] [F] 2500 euros (DEUX MILLE CINQ CENTS EUROS) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la SA MAAF Assurances de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur HENON, Président de chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Signé : C. PERRIN.- Signé : G. HENON.-
Minute en sept pages.