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11/04/2023 | FRANCE | N°22/00808

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 11 avril 2023, 22/00808


ARRÊT N° /2023

PH



DU 11 AVRIL 2023



N° RG 22/00808 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E6QE







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

20/00061

03 mars 2022











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2







APPELANT :



Monsieur [P] [K]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Rep

résenté par Me Florence ALEXIS de l'AARPI CABINITIO substituée par Me NAUDIN, avocates au barreau de NANCY





INTIMÉES :



SAS LOVEA représentée par son représentant légal, pour ce domicilié au siège social

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Barbara VASSEUR de la SCP VASSEUR PETIT, avocat au ba...

ARRÊT N° /2023

PH

DU 11 AVRIL 2023

N° RG 22/00808 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E6QE

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

20/00061

03 mars 2022

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANT :

Monsieur [P] [K]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Florence ALEXIS de l'AARPI CABINITIO substituée par Me NAUDIN, avocates au barreau de NANCY

INTIMÉES :

SAS LOVEA représentée par son représentant légal, pour ce domicilié au siège social

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Barbara VASSEUR de la SCP VASSEUR PETIT, avocat au barreau de NANCY substituée par Me GARCIAZ, avocat au barreau de PARIS

SAS LA PHOCEENNE DE COSMETIQUE prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 10]

[Adresse 10]

[Localité 1]

Représentée par Me Barbara VASSEUR de la SCP VASSEUR PETIT, avocat au barreau de NANCY substituée par Me GARCIAZ, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : STANEK Stéphane,

BRUNEAU Dominique,

Greffier lors des débats : RIVORY Laurène

DÉBATS :

En audience publique du 02 Février 2023 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 30 Mars 2023 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 06 avril 2023 puis au 11 avril 2023 ;

Le 11 Avril 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Monsieur [P] [K] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société HOME INSTITUT PARIS à compter du 08 avril 2003, en qualité de promoteur des ventes.

La convention collective nationale des industries chimiques est applicable au contrat de travail.

Son contrat de travail a été repris par la société LOVEA à compter du 01 janvier 2012, puis transféré à la société BIOCOS MARKETING DEVELOPPEMENT à compter du 31 décembre 2013, dont la société LOVEA était une société filiale.

Le 01er janvier 2018, la société LA PHOCEENNE DE COSMETIQUE a racheté la société BIOCOS MARKETING DEVELOPPEMENT passée sous la dénomination sociale LOVEA. Monsieur [P] [K] est resté salarié de la BIOCOS MARKETING DEVELOPPEMENT sous la dénomination LOVEA.

A compter du 17 février 2018, Monsieur [P] [K] a été placé en arrêt de travail pour maladie.

Par décision du 17 janvier 2019 du médecin du travail, dans le cadre d'une visite de reprise, Monsieur [P] [K] a été déclaré inapte à son poste de travail.

Par courrier du 07 février 2019, la société LOVEA a proposé une offre de reclassement au salarié pour un poste de préparateur de commandes sur le site d'[Localité 5], qu'il a refusé.

Par courrier du 08 février 2019, Monsieur [P] [K] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 15 février 2019.

Par courrier du 19 février 2019, Monsieur [P] [K] a été licencié pour inaptitude avec impossibilité de reclassement.

Par requête du 19 février 2020, Monsieur [P] [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy, aux fins :

- de dire et juger qu'il a fait l'objet d'un prêt de main d''uvre illicite de la part de la société LOVEA et de la société PHOCEENNE DE COSMETIQUE, et qu'il était donc lié par un contrat de travail à ces deux entreprises,

- de condamner solidairement la société LOVEA et la société PHOCEENNE DE COSMETIQUE à lui verser la somme de 15 534,22 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

*

A titre principal,

- de constater qu'il a été victime de harcèlement moral de la part de son employeur,

- de condamner solidairement les sociétés LOVEA et PHOCEENNE DE COSMETIQUE à la somme de 40 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- de dire et juger que son licenciement est nul,

- de condamner solidairement les sociétés LOVEA et PHOCEENNE DE COSMETIQUE à lui verser la somme de 33 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour nullité du licenciement,

*

A titre subsidiaire,

- de constater que la société LOVEA et PHOCEENNE DE COSMETIQUE ont manqué à leurs obligations de sécurité de résultat et de loyauté dans l'exécution du contrat de travail,

- de dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- de condamner solidairement les sociétés LOVEA et PHOCEENNE DE COSMETIQUE à lui verser la somme de 33 00,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*

En tout état de cause,

- de condamner solidairement les sociétés LOVEA et PHOCEENNE DE COSMETIQUE à lui verser la somme de 5 174,72 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 517,47 euros brut au titre des congés payés afférents,

*

A titre infiniment subsidiaire :

- de condamner la société LOVEA à lui verser les sommes suivantes :

- 33 000,00 euros en réparation de son préjudice pour licenciement nul, à titre principal, et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire,

- 5 174,72 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 517,47 euros brut au titre des congés payés afférents,

- de condamner la société LOVEA à lui verser la somme de 2 000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société PHOCEENNE DE COSMETIQUE à lui verser la somme de 2 000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir en application de l'article 515 du code de procédure civile,

- de condamner les parties défenderesses aux entiers frais et dépens.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 03 mars 2022, lequel a :

- dit le licenciement pour inaptitude de Monsieur [P] [K] fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- débouté Monsieur [P] [K] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société LOVEA et la société PHOCEENNE DE COSMETIQUE de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [P] [K] aux entiers dépens.

Vu l'appel formé par Monsieur [P] [K] le 04 avril 2022,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de Monsieur [P] [K] déposées sur le RPVA le 03 juillet 2022, et les conclusions communes des sociétés LOVEA et LA PHOCEENNE DE COSMETIQUE déposées sur le RPVA le 29 septembre 2022,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 11 janvier 2023,

Monsieur [P] [K] demande :

- d'infirmer le jugement rendu le 3 mars 2022 par le conseil de prud'hommes de Nancy en ce qu'il a dit le licenciement pour inaptitude de Monsieur [P] [K] fondé sur une cause réelle et sérieuse, débouté Monsieur [P] [K] de l'ensemble de ses demandes, et condamné Monsieur [P] [K] aux entiers dépens,

*

Statuant à nouveau :

- de dire et juger que Monsieur [P] [K] a fait l'objet d'un prêt de main d''uvre illicite de la part de la société LOVEA et de la société PHOCEENNE DE COSMETIQUE, et que Monsieur [P] [K] était donc lié par un contrat de travail à ces deux entreprises,

- de condamner solidairement la société LOVEA et la société PHOCEENNE DE COSMETIQUE à verser à Monsieur [P] [K] la somme de 15 534,22 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

**

A titre principal :

- de constater que Monsieur [P] [K] a été victime de harcèlement moral de la part de son employeur,

- de condamner solidairement les sociétés LOVEA et PHOCEENNE DE COSMETIQUE à la somme de 40 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- de dire et juger que le licenciement de Monsieur [P] [K] est nul,

- de condamner solidairement les sociétés LOVEA et PHOCEENNE DE COSMETIQUE à verser à Monsieur [P] [K] la somme de 33 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour nullité du licenciement,

**

A titre subsidiaire,

- de constater que la société LOVEA et PHOCEENNE DE COSMETIQUE ont manqué à leurs obligations de sécurité de résultat et de loyauté dans l'exécution du contrat de travail,

- de dire et juger que le licenciement de Monsieur [P] [K] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- de condamner solidairement les sociétés LOVEA et PHOCEENNE DE COSMETIQUE à verser à Monsieur [P] [K] la somme de 33 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- en tout état de cause, de condamner solidairement les sociétés LOVEA et PHOCEENNE DE COSMETIQUE à verser à Monsieur [K] la somme de 5 174,72 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 517,47 euros brut au titre des congés payés afférents,

**

A titre infiniment subsidiaire :

- de condamner la société LOVEA à verser à Monsieur [P] [K] les sommes suivantes:

- 33 000,00 euros en réparation de son préjudice pour licenciement nul, à titre principal, et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire,

- 5 174,72 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 517,47 euros brut au titre des congés payés afférents,

- de condamner la société LOVEA à verser à Monsieur [P] [K] la somme de 3 000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société PHOCEENNE DE COSMETIQUE à verser à Monsieur [P] [K] la somme de 2 000,00 euros la somme de 3 000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir en application de l'article 515 du code de procédure civile,

- de condamner les parties défenderesses aux entiers frais et dépens.

Les sociétés LOVEA et LA PHOCEENNE DE COSMETIQUE demandent :

- de confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 3 mars 2022 par le conseil de prud'hommes de Nancy,

- de débouter Monsieur [P] [K] de l'ensemble de ses demandes et prétentions,

- de condamner Monsieur [P] [K] à payer à la société LOVEA la somme de 1 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Monsieur [P] [K] à payer à la société PHOCEENNE DE COSMETIQUE la somme de 1 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Monsieur [P] [K] aux entiers dépens.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières conclusions de Monsieur [P] [K] déposées sur le RPVA le 03 juillet 2022, et des conclusions communes des sociétés LOVEA et LA PHOCEENNE DE COSMETIQUE déposées sur le RPVA le 29 septembre 2022.

Sur la demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé :

Monsieur [P] [K] indique être salarié de la société BIOCOS MARKETING DEVELOPPEMENT, qui a succédé à la société LOVEA et en a gardé la dénomination.

La société PHOCEENNE DE COSMETIQUE, qui développe et vend des produits cosmétiques sous la marque LE PETIT OLIVIER, a acquis la société LOVEA, la seconde devenant la filiale de la première.

Monsieur [P] [K] produit des articles de journaux selon lesquels l'ensemble des salariés du site LOVEA, situé à [Localité 9], aurait été repris par la PHOCEENNE DE COSMETIQUE, ce qui n'avait pourtant pas été son cas (pièces n° 13 et 14 de l'appelant).

Il fait valoir qu'étant toujours salarié de LOVEA, il a été en fait sous la subordination de la société PHOCEENNE DE COSMETIQUE, avec laquelle il n'avait aucun contrat de travail et à laquelle il n'avait pas été mis à disposition par un avenant à son contrat.

Monsieur [P] [K] indique que son véritable supérieur hiérarchique n'était pas Monsieur [U] [C], Directeur commercial France de la société LOVEA, mais Madame [H].

Monsieur [P] [K] produit à cet égard des SMS échangés avec Madame [H], directrice commerciale de la PHOCEENNE DE COSMETIQUE, dont le contenu montre qu'il recevait des instructions de cette dernière, qui lui demandait également de rendre des comptes sur son activité (pièce n° 15 de l'appelant).

Il produit aussi un courrier de Monsieur [L] [G], directeur de la PHOCEENNE DE COSMETIQUE, répondant au courrier qu'il lui avait adressé pour se plaindre du comportement de Madame [H] à son égard, dont il ressort qu'il était bien le subordonné de cette dernière (pièce n° 5 de l'appelant).

Monsieur [P] [K] produit également un courrier circulaire émanant du directeur commercial de LA PHOCEENNE DE COSMETIQUE, adressé à des magasins AUCHAN, indiquant que Monsieur [P] [K] se présentera dans leurs magasins pour y effectuer diverses prestations et des prises de commandes, qu'il pourra être accompagné de Madame [H] et de Monsieur [G] et que tous trois « font partie du personnel de notre entreprise » (pièce n° 26 de l'appelant).

Il produit également ses plans de travail 2018 démontrant qu'il travaillait pour la commercialisation de la marque LE PETIT OLIVIER, produite par la PHOCEENNE DE COSMETIQUE (pièce n° 16), ainsi que des bons de commandes qu'il a signé avec des distributeurs, pour la PHOCEENNE DE COSMETIQUE et le plan d'action commercial, dont il a été destinataire, pour les mois de février à avril 2018 de la PHOCEENNE DE COSMETIQUE comportant les opérations promotionnelles des produits LE PETIT OLIVIER.

Il précise en outre avoir changé d'adresse courriel, de [Courriel 8] à [Courriel 7].

Monsieur [P] [K] fait valoir que ces éléments démontrent qu'il « a fait l'objet d'un prêt de main d''uvre illicite entre la société LOVEA et la société PHOCEENNE DE COSMETIQUE » au sens des articles L. 8241-2 et L. 8241-1 du code du travail et que cette dernière était de fait son employeur avec la société LOVEA.

Il fait également valoir que la société PHOCEENNE DE COSMETIQUE ne l'ayant pas déclaré préalablement à l'embauche, alors qu'il était sous sa subordination, a commis aussi le délit de travail dissimulé et demande « la condamnation solidaire des sociétés LOVEA et PHOCEENNE DE COSMETIQUE à lui verser la somme de 15 534.22 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé ».

Les intimées indiquent que la société PHOCEENNE DE COSMETIQUE a racheté, le 4 janvier 2018, la société BIOCOS MARKETING DEVELOPPEMENT ; qu'à la suite de ce rachat, la société BIOCOS MARKETING DEVELOPPEMENT a modifié son nom commercial au profit du nom commercial « LOVEA » ; qu'ainsi la société LOVEA est une filiale de la société PHOCEENNE DE COSMETIQUE.

Ils font valoir que seule la société LOVEA était l'employeur de Monsieur [K], comme il en ressort de son contrat de travail et de ses bulletins de paie (pièces n° 1,2 et 11 de l'appelant).

Ils indiquent qu'en outre, la lettre de licenciement, le certificat de travail, le reçu pour solde de tout compte et l'attestation d'employeur destinés à Pôle emploi, émanent de la société LOVEA (pièce n° 6 à 9 des intimées).

Les intimées font valoir que Monsieur [P] [K] ne démontre pas l'existence d'un lien de subordination avec la société PHOCEENNE DE COSMETIQUE, qu'il résulte de ses propres pièces que Monsieur [C] était son supérieur hiérarchique, tel qu'indiqué dans son contrat de travail.

Elles citent ainsi un SMS du 26 janvier 2018 duquel il ressort que les instructions reçues ce jour-là par Monsieur [P] [K] émanaient bien de Monsieur [C], et avaient été « répercutées » par Madame [H] (pièce n° 18 de l'appelant).

Les intimées indiquent qu'il ressort d'autres SMS produits par Monsieur [P] [K], que Madame [H] avait un rôle de « transmission d'informations ou encore le relai d'un suivi », cette dernière définissant, dans une attestation, sa fonction comme étant celui de « suivi et de la formation » (pièce n° 11 des intimées).

Elles précisent que Monsieur [P] [K] a toujours utilisé l'adresse courriel [Courriel 6] et jamais celle de [Courriel 7].

S'agissant du courrier circulaire adressé à des magasins AUCHAN, les intimées précisent que le papier à en-tête avec le logo LOVEA n'était pas encore disponible 11 jours seulement après le rachat de BMD et que ce courrier n'avait « qu'une simple vocation commerciale », les magasins AUCHAN ne connaissant pas encore LOVEA.

Les intimées font également valoir que Monsieur [L] [G] est le directeur général des deux sociétés, qu'il est donc « le représentant légal de l'employeur de Monsieur [K] » ; que dès lors il s'est adressé à Monsieur [P] [K] en tant que directeur de LOVEA dans le courrier du 28 avril 2018 qu'il lui a adressé en réponse à sa plainte contre Madame [H], la présence des deux logos « LE PETIT OLIVIER et LOVEA » étant cohérente en raison de sa situation de dirigeant des deux sociétés (pièce n° de l'appelant).

Les intimées concluent à l'absence de prêt de main-d''uvre et aussi de travail dissimulé, en l'absence de lien de subordination entre Monsieur [P] [K] et la société PHOCEENNE DE COSMETIQUE et en l'absence de démonstration d'une intention frauduleuse de cette dernière.

Elles font enfin valoir qu'en tout état de cause le prêt illicite de main-d''uvre n'ouvre pas droit à l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L 8223-1 du Code du travail en cas de travail dissimulé

Motivation :

Il résulte des SMS produits par Monsieur [P] [K], que Madame [H] agissait comme sa supérieure hiérarchique, lui donnant des instructions portant notamment sur les magasins à visiter ou à contacter et lui demandant des compte-rendu sur ses ventes et ses projections de vente.

En outre, dans un courrier adressé à Monsieur [P] [K] par Monsieur [G], directeur général des sociétés LOVEA et PHOCENNE DE COSMETIQUE, ce dernier a écrit que Madame [H] était « votre directrice régionale » alors qu'il n'est pas contesté que cette dernière était salariée de la PHOCEENNE DE COSMETIQUE et non de LOVEA.

Enfin, les courriers adressés aux magasins AUCHAN produits par le salarié présentent ce dernier comme étant le représentant de la PHOCENNE DE COSMETIQUE.

Cependant, le prêt illicite de main-d''uvre suppose une opération à but lucratif pour le prêteur, or, en l'espèce Monsieur [P] [K] ne démontre pas que la société LOVEA l'ait mis à disposition de la société PHOCEENNE DE COSMETIQUE contre rémunération.

En tout état de cause, ni le prêt illicite de main d''uvre, ni le marchandage, n'ouvrent droit à l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé de l'article L. 8223-1 du code du travail.

Il résulte en fait des éléments indiqués ci-dessus que ces deux sociétés étaient coemployeurs de Monsieur [P] [K].

La PHOCEENNE DE COSMETIQUE et LOVEA étant ses coemployeurs, dès lors qu'il n'est pas contesté que LOVEA n'a pas dissimulé le travail de Monsieur [P] [K], la PHOCENNE DE COSMETIQUE ne peut se voir reconnaître elle-même coupable de travail dissimulé.

Monsieur [P] [K] sera donc débouté de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

Sur la nullité du licenciement :

Monsieur [P] [K] fait valoir que son inaptitude est due au harcèlement qu'il a subi de la part de Madame [H] et que « la confusion opérée entre les deux structures a énormément contribué au stress engendré auprès de Monsieur [K] ».

Il produit le courrier qu'il a adressé le 11 mars 2018 à Monsieur [G], indiquant que Madame [H] s'était montrée « irascible, désagréable et méprisante » à son égard au cour d'une tournée commune les 15 et 16 février 2018 et que lorsqu'il lui en a fait la remarque elle l'a menacé d'une rupture conventionnelle (pièce n° 3 de l'appelant).

Dans un second courrier, il ajoute que Madame [H] lui a dit « si dans ta tête, c'est aussi bordélique que dans ta mallette, ça craint » (pièce n° 5 de l'appelant).

Monsieur [P] [K] indique également que Monsieur [G] n'a pas pris en compte son alerte, s'en remettant aux dénégations de Madame [H] (pièce n° 4 de l'appelant).

Il produit l'attestation de Monsieur [Y] dans laquelle ce dernier écrit « avoir avec [P] [K] des nombreux coups de téléphone et SMS qu'il recevait de sa Directrice de région, qui ont été de nature à provoquer une dépression nerveuse. Ainsi que du manque de professionnalisme de l'équipe de management de la PHOCEENNE DE COSMETIQUE qui a entraîné le départ ou le licenciement de plus de 90% des anciens effectifs LOVEA » ; Il indique également avoir été lui-même licencié de façon abusive (pièce n° 22 de l'appelant).

Monsieur [P] [K] produit deux certificats médicaux de médecins psychiatres indiquant son état dépressif et la nécessité d'un traitement médicamenteux, mais n'établissant pas de lien avec ses conditions de travail (pièces n° 19 et 31 de l'appelant).

Il produit également un « Examen psychiatrique » réalisé par un psychiatre expert, qui rapporte ses doléances contre sa hiérarchie, confirme un état dépressif et indique, en utilisant le conditionnel, que si cet état est en relation avec son travail, il pourrait bénéficier d'une IPP et qu'il serait contre-indiqué qu'il occupât un autre poste dans l'entreprise (pièce n° 33 de l'appelant).

Les intimées nient tout fait de harcèlement.

Motivation :

Aux termes des articles L1152-1 et L1154-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments présentés par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, les pièces produites par Monsieur [P] [K] ne démontrent pas l'existence des propos et attitudes de Madame [H] qu'il dénonce, en ce qu'elles émanent de lui-même et en ce que l'attestation qu'il produit n'apporte aucune précision sur le contenu des SMS ou des appels téléphoniques reçus de la part de Madame [H].

Il y a lieu à cet égard de relever que les SMS produits par Monsieur [P] [K] ne contiennent aucun propos dénigrant, agressif ou inapproprié de la part de Madame [H].

S'il est vrai Monsieur [P] [K] pouvait avoir une incertitude sur l'identité de son employeur, ce seul fait, outre les certificats médicaux versés par le salarié, ne permet pas de laisser supposer une situation de harcèlement moral.

Dès lors, son licenciement ne peut être déclaré nul, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

A titre subsidiaire, sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Monsieur [P] [K] fait valoir qu'en tout état de cause son inaptitude est consécutive au manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat et à l'exécution déloyale du contrat de travail.

Il indique que son employeur avait connaissance de l'altération de son état de santé et de ses difficultés au travail dues au harcèlement subi de la part de Madame [H], mais qu'il n'a pris aucune mesure pour remédier à cette situation, manquant ainsi à son obligation de sécurité.

Il indique également que les sociétés LOVEA et PHOCEENNE DE COSMETIQUE ont entretenu une totale confusion sur la réorganisation de leurs structures.

Les intimées font valoir que Monsieur [P] [K] n'apporte pas la preuve d'un manquement à l'obligation de sécurité.

Elles font également valoir qu'il n'y a pas eu exécution déloyale du contrat de travail et qu'en tout état de cause elle ne pourrait rendre le licenciement pour inaptitude sans cause réelle et sérieuse.

Motivation :

En l'absence de harcèlement moral établi et les pièces médicales produites ne faisant pas état d'un lien entre son état de santé et ses conditions de travail, le salarié ne démontre pas que les intimées soient à l'origine de son inaptitude.

En conséquence, il sera débouté de sa demande, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens :

Monsieur [P] [K] et les sociétés LOVEA et LA PHOCEENNE DE COSMETIQUE seront déboutés de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.

Monsieur [P] [K] sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant contradictoirement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy du 3 mars 2022 en ses dispositions soumises à la cour ;

Y AJOUTANT

Déboute les parties de leurs demandes au titre de 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [P] [K] aux dépens.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en onze pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 22/00808
Date de la décision : 11/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-11;22.00808 ?
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