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07/04/2023 | FRANCE | N°21/01895

France | France, Cour d'appel de Nancy, 3ème chambre - section 1, 07 avril 2023, 21/01895


ARRET N°

DU 07 AVRIL 2023



N° RG 21/01895 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E2CU





LA COUR D'APPEL DE NANCY, troisième chambre civile section 1, a rendu l'arrêt suivant :



Saisie d'un appel d'une décision rendue le 31 mai 2021 par le tribunal judiciaire de NANCY (18/00387)





APPELANTE :

Madame [E] [C]

née le 05 Avril 1991 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Alexandra BOUTONNET, avocat au barreau de NANCY

(bénéficie d'une aide juridictionnelle tota

le numéro 2021/006974 du 23/06/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NANCY)





INTIMES :

Monsieur [V] [P]

né le 21 Décembre 1991 à [Localité ...

ARRET N°

DU 07 AVRIL 2023

N° RG 21/01895 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E2CU

LA COUR D'APPEL DE NANCY, troisième chambre civile section 1, a rendu l'arrêt suivant :

Saisie d'un appel d'une décision rendue le 31 mai 2021 par le tribunal judiciaire de NANCY (18/00387)

APPELANTE :

Madame [E] [C]

née le 05 Avril 1991 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Alexandra BOUTONNET, avocat au barreau de NANCY

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/006974 du 23/06/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NANCY)

INTIMES :

Monsieur [V] [P]

né le 21 Décembre 1991 à [Localité 3] (CONGO)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Sabrina GRANDHAYE de la SELARL GRANDHAYE, avocat au barreau de NANCY

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/010146 du 27/08/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NANCY)

Monsieur LE BATONNIER DE L'ORDRE DES AVOCATS DE NANCY ès qualité d'administrateur ad hoc de l'enfant mineur [S] [P] [C], née le 10/05/2015 à [Localité 4] sis

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représenté par Me Sandrine BOUDET, avocat au barreau de NANCY

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/001808 du 25/02/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NANCY)

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des conseils des parties, en application de l'article 805 du Code de Procédure Civile,

Madame BOUC, Présidente de Chambre, siégeant en rapporteur,

Madame FOURNIER, greffière, en présence de Madame BARBERI, greffière stagiaire,

Lors du délibéré :

Présidente de Chambre : Madame BOUC, qui a rendu compte à la Cour, conformément à l'article 805 du Code de Procédure Civile,

Conseillères : Madame LEFEBVRE,

Madame WELTER ;

DEBATS :

Hors la présence du public à l'audience du 20 Février 2023 ;

La procédure ayant été préalablement communiquée pour avis au Ministère Public ;

Conformément à l'article 804 du Code de Procédure Civile, un rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience de ce jour ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être mis publiquement à disposition au greffe le 07 Avril 2023 ;

Le 07 Avril 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

Copie exécutoire le

Copie le

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 10 mai 2015 à [Localité 4], Madame [E] [C] a donné naissance à une enfant : [S].

Par déclaration anté-natale en date du 31 octobre 2014, Monsieur [V] [P] a reconnu cette enfant.

Par acte d'huissier en date du 17 janvier 2018, Madame [C] a fait assigner Monsieur [P] à comparaître devant le Tribunal judiciaire de Nancy, afin de contester sa paternité.

Par ordonnance en date du 15 mai 2018, le juge de la mise en état a désigné Monsieur le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Nancy en qualité d'administrateur ad hoc pour représenter la mineure [S] dans le cadre de l'instance.

Par jugement avant dire-droit en date du 1er février 2019, le tribunal de grande instance de Nancy a déclaré recevable l'action de Madame [C] et ordonné une expertise d'empreintes génétiques.

Cette expertise a fait l'objet d'un rapport de carence en date du 3 août 2020, le prélèvement de Monsieur [P] n'ayant jamais été réceptionné par le laboratoire.

Par jugement contradictoire en date du 31 mai 2021, le tribunal judiciaire de Nancy a :

- débouté Madame [C] de sa demande en contestation de paternité de l'enfant [S],

- condamné Madame [C] aux dépens de l'instance.

Par déclaration au greffe en date du 22 juillet 2021, Madame [C] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa contestation de paternité et en ce qu'il l'a condamnée aux dépens.

Par arrêt avant dire droit en date du 20 mai 2022, la cour d'appel de Nancy a ordonné une nouvelle expertise génétique.

Un rapport de carence a été établi le 7 novembre 2022, Monsieur [P] n'ayant pas répondu aux convocations.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 4 février 2022, Madame [C] demande à la cour de :

- infirmer la décision rendue par le tribunal judiciaire le 31 mai 2021,

Et, statuant à nouveau,

- dire et juger que Monsieur [P] ne peut être le père biologique de l'enfant [S] née le 10 mai 2015 à [Localité 4],

En conséquence,

- annuler la reconnaissance de paternité effectuée par Monsieur [P] le 31 octobre 2014 sur l'enfant [S] avec toutes les conséquences de droit,

- dire qu'il en sera fait mention en marge de l'acte de naissance de l'enfant à la diligence de Monsieur le procureur de la République,

À titre subsidiaire, si la cour d'appel ne s'estimait pas convaincue,

- ordonner un examen comparé des sangs de Monsieur [P] et de l'enfant [S],

- débouter les intimés de leurs demandes, fins et conclusions,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

- condamner Monsieur [P] aux entiers frais et dépens tant de première instance que d'appel et notamment aux frais d'expertise, outre une somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions transmises le 21 février 2022, Monsieur [P] demande à la cour de :

- déclarer l'appel de Madame [C] recevable mais mal fondé,

En conséquence,

- débouter Madame [C] de sa demande en contestation de paternité,

Subsidiairement si son appel devait être accueilli,

- accorder à Monsieur [P] un droit de visite qui s'exercera chez Madame [C] durant les trois premiers mois suivant la décision :

- le premier dimanche de chaque mois de 14 heures à 18 heures,

- à compter du 4ème mois, un droit de visite qui s'exercera le premier dimanche de chaque mois de 10 heures à 18 heures,

- durant les vacances estivales : un droit de visite et d'hébergement durant les vacances estivales, la première semaine du mois de juillet les années paires et la première semaine du mois d'août les années impaires avec un partage des frais de transport par moitié s'agissant des vacances,

- condamner Madame [C] à rembourser à Monsieur [P] la somme de 10.000 euros correspondant aux dépenses engagées par Monsieur pour [S] depuis sa naissance,

En tout cas,

- condamner Madame [C] à la somme de 2.000 euros au titre des frais et dépens de l'instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [C] et Monsieur [P] n'ont pas fait reconclure suite au dépôt du rapport de carence du laboratoire.

Aux termes de ses dernières conclusions du 3 janvier 2023, Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Nancy en qualité d'administrateur ad hoc de l'enfant mineure [S] demande à la cour de :

- déclarer recevable et non fondé l'appel formé par Madame [C],

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- condamner Madame [C] et Monsieur [P] à payer chacun à Monsieur le bâtonnier de l'ordre des avocats en qualité d'administrateur ad hoc de l'enfant mineure [S] la somme de 1.000,00 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner Madame [C] et Monsieur [P] aux entiers dépens d'appel.

Monsieur le Bâtonnier soutient que :

- Madame [C] n'a pas établi le caractère mensonger de la reconnaissance de Monsieur [P],

- Madame [C] ne verse au débat aucune pièce susceptible d'établir l'invraisemblance de la paternité de Monsieur [P] ou la vraisemblance de la paternité d'un autre homme,

- Madame [C] ne démontre ni le partage de sa vie avec son compagnon actuel depuis 2014, ni le lien de ce dernier avec l'enfant,

- Madame [C] n'a pas agi en même temps en reconnaissance de paternité à l'encontre de son compagnon actuel qui se déclare être le père biologique de l'enfant,

- Si Monsieur [P] avait simplement rendu service à Madame [C] en reconnaissant l'enfant [S] pour qu'elle puisse récupérer [O] de la pouponnière, Monsieur [P] n'aurait pas contribué pendant tant d'année à l'entretien et à l'éducation de l'enfant.

L'ordonnance de clôture est en date du 12 janvier 2023.

Par avis en date du 16 février 2023, Monsieur le procureur général près la cour d'appel de Nancy a requis la confirmation du jugement qui déboute Madame [C] de sa requête en contestation de paternité, faute d'éléments probants.

MOTIFS DE LA DÉCISION

M. [P] invoque l'existence d'un titre (sa reconnaissance de paternité du 31 octobre 2014, antérieure à la naissance de l'enfant) et la possession d'état de père pour s'opposer à l'action en contestation de paternité engagée par Mme [C].

Selon l'article 333 du code civil, l'action en contestation de paternité est irrecevable à l'initiative de quiconque, à l'exception du parquet, lorsque la possession d'état conforme au titre a duré au moins 5 ans depuis la naissance de l'enfant ou depuis la reconnaissance si elle a été faite ultérieurement.

Avant l'écoulement de ce délai, l'action en contestation de paternité est possible même en présence d'une possession d'état conforme au titre.

Il s'agit d'un moyen d'irrecevabilité et non de fond.

Dans le jugement mixte rendu par le tribunal de grande instance de Nancy le 1er février 2019, Mme [C] a été déclarée recevable au regard de ce texte.

M. [P] n'a pas contesté cette décision.

Dès lors, elle est définitive.

Enfin, l'enfant n'était âgée que de 3 ans quand Mme [C] a engagé la procédure. Le délai de 5 ans n'était donc pas écoulé.

Il sera déclaré irrecevable en son exception d'irrecevabilité.

Selon l'article 310-3 du code civil, la filiation se prouve et se conteste par tous moyens.

En l'espèce, M. [P] a reconnu l'enfant avant sa naissance. Mme [C] et lui ont fait le choix que l'enfant porte leurs 2 noms.

Il ressort des photographies produites que les liens entre M. [P] et l'enfant sont ceux d'un père avec sa fille : gestes de tendresse, jeux, biberons.

M. [P] a ouvert un compte au nom de sa fille sur lequel il a versé régulièrement de l'argent. Il justifie aussi de versements au profit de Mme [C].

Il résulte d'un courrier de Mme [C] adressé à la CAF qu'elle ne sollicite pas des aides, M. [P] lui versant régulièrement de l'argent.

M. [X], dans son attestation, déclare partager sa vie avec Mme [C] depuis avril 2014. S'il indique qu'il n'aurait pas pu reconnaître l'enfant, M [P] l'ayant devancé, il n'affirme pas pour autant être le père de l'enfant. Il ne demande pas à ce que sa paternité soit reconnue. Ses explications ne sont pas cohérentes : Mme [C] aurait accepté la reconnaissance par M. [P] de l'enfant car elle souhaitait récupérer la garde d'une autre enfant issue d'une précédente union, qui avait été placée en pouponnière par le juge des enfants. Cette reconnaissance lui aurait donné une image d'une stabilité retrouvée. Or, il en aurait été de même si M. [X] avait reconnu sa paternité et s'il vivait avec elle.

Par ailleurs, les dires de M. [P] selon lesquels il aurait pu voir l'enfant jusqu'à l'arrivée de M. [X] dans la vie de Mme [C], sont corroborés par les photographies produites où l'on voit l'enfant bébé puis petite-fille.

Dans ces conditions, le fait que M. [P] ne se soit pas rendu au laboratoire pour l'expertise ne saurait suffire à détruire son lien de filiation.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Au regard du comportement des 2 parents, Mme [C] en agissant avec légèreté dans le cadre de cette procédure et M. [P] en ne se présentant pas pour la deuxième fois aux rendez-vous fixés par l'expert, ils seront condamnés à payer une somme de 500 euros chacun à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral de l'enfant.

Partie perdante, Mme [C] sera condamnée aux dépens d'appel, y compris les frais d'expertise et la décision des premiers juges sera confirmée quant aux dépens de première instance.

Dès lors, elle sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Eu égard à l'équité, M. [P] sera débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, par arrêt contradictoire, publiquement après débats en chambre du conseil, par mise à disposition au greffe,

Déclare M. [V] [P] irrecevable en son exception de fin de non-recevoir,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 31 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Nancy,

Y ajoutant,

Condamne Mme [E] [C] et M. [V] [P] à payer à Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Nancy en qualité d'administrateur ad hoc de l'enfant mineure [S] [P] [C] une somme de 500 euros chacun à titre de dommages et intérêts,

Condamne Mme [E] [C] aux dépens d'appel, y compris les frais d'expertise,

Déboute Mme [E] [C] et M. [V] [P] de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au Greffe de la Cour le sept Avril deux mille vingt trois, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Et Madame la Présidente a signé le présent arrêt ainsi que le Greffier.

Signé : C.PERRIN.- Signé : C. BOUC.-

Minute en sept pages.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - section 1
Numéro d'arrêt : 21/01895
Date de la décision : 07/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-07;21.01895 ?
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